Intervention de Gilbert Barbier

Réunion du 11 février 2009 à 21h00
Création d'une première année commune aux études de santé — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Gilbert BarbierGilbert Barbier :

Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui met en place une réforme des études médicales. Une de plus, serais-je tenté d’ajouter. Peut-être s’agira-t-il de la bonne ?

Depuis longtemps déjà, les études de médecine sont exigeantes et sélectives, focalisant les critiques et nourrissant une abondante littérature, comme en attestent les rapports Bach et Debouzie, qui ont été souvent évoqués.

Moins d’un étudiant sur cinq réussit à passer en deuxième année de médecine et un sur quatre en pharmacie. Et ce, au terme d’une compétition aussi impitoyable qu’injuste. Les amphithéâtres sont bondés et des élèves sont recalés tout en ayant la moyenne, en raison du numerus clausus. Pire, la plupart des étudiants peinent à se recycler, en dépit de leur bon niveau scolaire.

Pour répondre à ces critiques, le texte adopté le 16 décembre dernier par l’Assemblée nationale et examiné aujourd'hui par le Sénat crée une première année commune aux filières de médecine, sage-femme, odontologie et pharmacie. Il prévoit également une réorientation des étudiants les plus à la peine vers d’autres filières scientifiques, dès la fin du premier semestre et au terme de la première année. Enfin, ce texte crée des « passerelles entrantes » pour des étudiants titulaires de certains masters ou diplômes, afin de diversifier les profils.

L’idée de cette réforme agitait depuis longtemps le milieu médical. Elle procède sans doute de bonnes intentions.

La mutualisation des cours permettra notamment de donner une culture commune aux futurs médecins, sages-femmes, dentistes et pharmaciens.

Mais, et la question a souvent été posée, pourquoi avoir laissé de côté les autres professions de santé ? Sans aller jusqu’aux quatorze professions évoquées par M. Autain, le problème des kinésithérapeutes et des infirmières peut effectivement se poser. Nous le savons, parmi les premiers, beaucoup ont d’abord été tentés par des études médicales.

Quant au dispositif de réorientation des étudiants en difficulté, il devrait contribuer à diminuer le taux d’échec.

En effet, comme le montrent les études statistiques qui ont été menées, un étudiant ayant obtenu, au bout d’un semestre, une note moyenne inférieure à six n’a pratiquement aucune chance de réussir le concours en fin d’année. Le réorienter tout de suite vers un autre cursus scientifique lui évite la perte d’une année complète et lui donne un complément de formation utile pour retenter la première année des études de santé.

Néanmoins, en l’absence d’éléments précis, de nombreuses interrogations se posent et ont déjà été évoquées par les différents orateurs qui se sont succédé. Fixera-t-on une note minimale aux partiels en deçà de laquelle on estime que l’étudiant ne peut à l’évidence réussir aux concours ou conservera-t-on un nombre d’étudiants correspondant à un coefficient multiplicateur du numerus clausus ? S’agira-t-il d’un simple conseil à l’étudiant ou d’une obligation ? Aura-t-il la possibilité de s’inscrire dans un cursus qui ne soit pas scientifique ?

Le texte prévoit en outre une procédure de réorientation en fin de première année. J’imagine que seront concernés les étudiants les moins bien classés aux concours. Il semble qu’ils devront avoir validé, comme les précédents, une deuxième année de licence dans un autre cursus universitaire scientifique pour réintégrer la première année.

Certes, ce délai de « rattrapage » permet d’optimiser les chances de réussite aux concours, mais il constitue tout de même un « long détour » et s’apparente un peu à une « pénitence ». Finalement, ce qui se faisait souvent en deux ans se fera désormais en quatre !

Peut-être eût-il mieux valu organiser une sélection immédiate dès l’entrée en première année. Je sais que cette idée est certainement très incorrecte politiquement, mais elle pose la question de l’orientation des lycéens. Celle-ci doit être active, précoce et diversifiée, les lycéens ne mesurant pas toujours la difficulté et la longueur des études, en particulier celles de santé...

Quoi qu’il en soit, le dispositif de réorientation proposé suscite des inquiétudes légitimes chez les étudiants, notamment ceux qui sont actuellement inscrits en première année et ceux qui, en province, doivent souvent déménager pour poursuivre leurs études.

Je crois, madame la ministre, qu’il faut leur apporter des précisions et des engagements sur ce point, comme sur l’organisation matérielle de la première année et le niveau du numerus clausus.

Vous le savez, les étudiants en pharmacie craignent que le contenu de l’enseignement en première année ne soit pas adapté à leur spécialité et perde en qualité, alors qu’ils bénéficient aujourd’hui d’enseignements par groupes de trente ou trente-cinq élèves. Que pouvez-vous leur dire ?

Il est clair que la réforme pose des problèmes de logistique et de structures. Va-t-on adapter les locaux pour accueillir l’ensemble des étudiants de « L 1 santé » ou diviser les élèves sur deux sites avec l’installation de systèmes de visioconférence ? Plus généralement, quels seront les moyens consacrés à cette réforme ?

Toutes ces questions, madame la ministre, montrent combien ce texte reste imprécis. Certes, il s’agit d’une proposition de loi et la plupart des points relevés sont d’ordre réglementaire. Cependant, il est bien difficile de se prononcer ainsi dans le brouillard, sans connaître les décrets d’application. La brièveté des échéances envisagées laisse entendre qu’ils sont déjà bien avancés. Vous avez même précisé qu’ils étaient en préparation depuis plusieurs semaines.

Cela étant dit, je suis favorable, comme le groupe du RDSE que je représente, à la réforme proposée. Néanmoins, son application dès la rentrée 2009 me paraît précipitée. Un tel calendrier semble difficilement tenable pour certaines facultés et crée une réelle inquiétude, qui pourrait se transformer en agitation.

C’est pourquoi mon collègue Jean Milhau présentera, à l’article 2, au nom du groupe du RDSE, un amendement prévoyant un report d’un an. Nous espérons vous convaincre, madame la ministre, ou à tout le moins vous voir étudier cette possibilité.

Enfin, permettez-moi d’ajouter un mot sur le numerus clausus. En 2008, 7 300 places ont été ouvertes en médecine, chiffre en hausse. Mais le Conseil de l’ordre des médecins estime qu’il devrait être porté à 8 000 si l’on veut maintenir une couverture médicale satisfaisante de notre territoire. Quelles sont vos intentions à ce sujet, madame la ministre ?

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