Intervention de Christiane Demontès

Réunion du 11 février 2009 à 21h00
Création d'une première année commune aux études de santé — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Christiane DemontèsChristiane Demontès :

Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, vouloir réformer la première année d’études médicales est une nécessité, nul ne saurait le contester. L’objectif premier de cette proposition de loi est donc louable. Vouloir mettre fin à ce que certains qualifient de « gâchis humain », offrir plus de chances aux étudiants, reconsidérer cette première année afin que les professionnels de santé disposent d’un savoir commun qui ne soit pas uniquement fondé sur une stricte culture scientifique, est pertinent. Plus qu’un toilettage, c’est bien d’une refonte dont nous avons besoin.

Je commencerai par deux considérations d’ordre méthodologique sur ce texte.

La première tient au fait que cette réforme fait partie intégrante d’un ensemble complexe, qui repositionne la médecine et son exercice dans une société que nous savons changeante et qui se doit de faire face à des défis sanitaires renouvelés.

Cette situation nécessite une lecture et une appréhension globales.

Et je m’étonne de nous voir examiner ce soir cette proposition de loi, alors que nos collègues députés discutent en ce moment même d’un projet de loi plus large portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires – ce texte viendra d’ailleurs bientôt au Sénat –, qui comporte un volet formation.

Le Gouvernement aurait dû soumettre à concertation les propositions du rapport Bach dont est issue cette proposition de loi. Vous vous y étiez engagés. Mais, une fois de plus, c’est la précipitation qui l’emporte.

Seconde considération méthodologique, ce texte est constitué de deux articles qui renvoient à une multitude d’arrêtés ministériels.

Aussi ne pouvons-nous avoir qu’une vision très partielle des incidences qui pourraient découler de cette proposition de loi. Cela est fortement dommageable.

Venons-en brièvement au fond. En 2008, plus de 60 000 étudiants ont présenté l’un des concours de médecine, d’odontologie, de sage-femme ou de pharmacie. Du fait de l’application du numerus clausus, 20 % d’entre eux ont accédé à l’une des quatre filières. Pour la grande majorité des autres, peu d’alternatives se sont offertes. Cela n’est pas acceptable, au regard tant des besoins de notre pays que des perspectives de démographie médicale.

Certes, madame la ministre, le 16 décembre dernier, vous annonciez que le numerus clausus allait augmenter de manière progressive pour répondre aux besoins de santé sur des bases locales, mais nous n’avons pas entendu le même son de cloche de la part de votre collègue ministre de la santé. Dès lors, quel sera le suivi de cette annonce ?

Face à l’échec massif, il nous est donc proposé d’instaurer deux types de réponses. La première consiste à instaurer un tronc commun entre les quatre sections.

Si l’objectif fixé consistait réellement à former des professionnels de santé disposant d’un socle commun de connaissances, autres que purement scientifiques, alors pourquoi ne pas avoir introduit l’enseignement de la philosophie, de la psychologie, des sciences humaines, par exemple ?

La quasi-totalité de l’enseignement dispensé durant le premier semestre de « L 1 santé » sera constituée de sciences dites « dures ». On perçoit donc mal en quoi réside le changement, si ce n’est que les étudiants qui n’auront pas été réorientés précocement pourront passer les quatre concours.

La seconde réponse met en place une préorientation dès le premier semestre. Dans les faits, les étudiants qui ne seraient pas parvenus à un certain niveau au terme de ce laps de temps seraient contraints de se réorienter vers une autre faculté, notamment de sciences. Après avoir validé deux années de licence, ils pourraient de nouveau se présenter au concours.

Madame la ministre, si vous estimez contre-productif de maintenir ces étudiants dans un cursus où ils ne pourront pas réussir, vous ne vous attaquez pas aux causes de cet échec massif. Nous le savons tous, il est lié à la sélection sociale, qui se généralise de plus en plus, notamment dans les études de médecine. Je pense aux officines privées qui offrent du tutorat à ceux qui peuvent payer.

En outre, des conséquences découlent directement de la réorientation précoce. Êtes-vous bien certaine que les facultés de sciences, et les autres, auront la capacité d’accepter ces étudiants en cours d’année ? Y aura-t-il un programme spécifique pour eux ? Au-delà, comptez-vous accompagner ces étudiants lorsqu’ils seront contraints de déménager, alors que le niveau de vie moyen étudiant est faible ?

J’en viens aux considérations financières. Pas une ligne n’y est consacrée. Les financements seraient, nous dit-on, issus des crédits affectés au plan « Réussite en licence ». Or ces crédits n’ont pas été votés à cette fin.

En procédant de la sorte, vous déshabillez Pierre pour habiller Paul, ce qui n’est pas sérieux ! Ne serait-il donc pas plus sage d’attendre la prochaine loi de finances, après que les universités auront pu présenter un dossier de demande de financement spécifique, pour inscrire les sommes nécessaires à la réalisation de cette réforme ? Pour notre part, nous le pensons.

Certains voudraient nous prêter l’ambition de ne rien faire. Bien au contraire, tout comme les étudiants et les doyens, nous sommes favorables à cette refonte. Pour autant, nous considérons que la précipitation qui a présidé à l’examen de ce texte nuit à sa crédibilité.

En lieu et place d’un texte issu d’une large et nécessaire concertation, qui pourrait fonder une nouvelle ère pour les études médicales, cette proposition de loi ne permet pas de répondre aux difficultés actuelles. Elle suscite nombre d’incompréhensions et d’inquiétudes.

Je ne peux m’empêcher de penser aux élèves des classes de terminale qui, dans certaines académies, se sont déjà préinscrits en faculté de médecine et qui ne savent même pas qu’une réforme se prépare.

Madame la ministre, nous serons très attentifs aux réponses que vous nous apporterez ce soir, en particulier sur nos amendements, et en fonction de celles-ci nous déciderons de notre position.

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