Intervention de Jean-Pierre Leleux

Réunion du 11 février 2009 à 21h00
Création d'une première année commune aux études de santé — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Jean-Pierre LeleuxJean-Pierre Leleux :

Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, chaque année, presque 60 000 bacheliers s’engouffrent dans les facultés de médecine et de pharmacie avec l’espoir, plus ou moins motivé, de s’engager de façon durable dans une formation médicale universitaire.

Parmi eux, seuls 13 % seront reçus au concours en fin de première année – soit un taux d’échec de 87 % – et 14 % ne réussiront qu’au terme d’une année de redoublement.

Tous les autres, soit près de 75 %, découragés ou épuisés par une ou deux années d’un cursus qui s’apparente plus à un parcours du combattant hypersélectif, notamment dans les matières scientifiques, qu’à une véritable acquisition d’un savoir fondamental, doivent repartir à zéro dans leurs études supérieures, quand ils ne sont pas totalement découragés de le faire.

Ce contexte crée, les précédents orateurs l’ont souligné, de multiples effets pervers : concurrence exacerbée entre étudiants, émergence d’une hiérarchisation qualitative des filières consécutive aux choix de celles-ci en fonction du classement au concours commun, primat du scientifique dans les chances de succès, prolifération d’écoles et de cours privés et coûteux de « bachotage » pour préparer au concours, voire, pire, renoncement par peur de l’échec de certains bons étudiants à choisir une profession de santé.

C’est pour mettre un terme à cette situation, plus connotée d’échec que de réussite, que la présente proposition de loi est soumise aujourd’hui à notre examen.

L’article 1er de ce texte tend, tout d’abord, à instituer une première année commune aux études médicales, pharmaceutiques, odontologiques et de sage-femme, avec des procédures de réorientation en cours et en fin de première année.

L’article 1er tend, ensuite, à créer des passerelles, entrantes et sortantes, entre les différentes filières médicales, d’une part, et d’autres cursus de formation, d’autre part.

Comme le texte donne une large latitude au ministre de l’enseignement supérieur et au ministre de la santé dans la rédaction des décrets d’application, il me paraît utile, pour toutes les parties concernées, que le débat parlementaire soulève quelques questions afin d’éclairer avec davantage de précision les modalités concrètes d’application de la future loi.

Premièrement, concernant la création d’une année commune et l’organisation, en fin d’année, de quatre concours différents, il semble qu’un large consensus se soit établi pour considérer que cette mesure est de nature à ouvrir plus de débouchés aux étudiants, à créer une culture commune à des professionnels destinés à travailler ensemble au service des patients.

Elle permettra, également, de briser la notion de hiérarchisation qualitative entre des professions qui font plus l’objet d’un choix par défaut, en fonction de la sélection, que d’un véritable choix professionnel par les étudiants.

Toutefois, la détermination des numerus clausus, par site universitaire, devra être décidée par les ministres, non seulement en fonction de la capacité de ces sites à former, mais également en fonction des besoins territoriaux en matière d’offre de soins, sujet dont nous reparlerons prochainement ici même lors du débat sur le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.

Deuxièmement, s’agissant des principes de réorientation, en cours et en fin de première année, l’important est de maintenir allumée, dans l’esprit de l’étudiant, la flamme de l’espérance d’un débouché. Dans cette optique, il me semble utile d’avoir l’avis du Gouvernement sur un certain nombre de points.

Il serait d’abord nécessaire de recueillir son avis sur la réorientation à l’issue du premier semestre.

Il est prévu un tronc commun de formation entre tous les étudiants, pendant le premier semestre, et un contrôle des connaissances à la mi-année. Il est déjà statistiquement démontré que, à ce stade, il est possible d’identifier les étudiants qui ne conservent qu’une infime chance de franchir l’obstacle du concours en fin d’année.

D’où mes questions qui relayent celles que se posent encore nombre d’étudiants.

L’abandon des études médicales à ce stade, c'est-à-dire au bout de six mois, serait-il obligatoire ou facultatif en fonction des résultats des examens de la mi-année ? L’étudiant pourrait-il, en mars, rejoindre une filière en L 1, par exemple en sciences, pour tenter de réussir malgré tout sa première année universitaire ? Selon quelles modalités pourra-t-il le faire ? Les universités sont-elles prêtes à organiser cette réorientation ?

Il serait également utile de connaître l’avis du Gouvernement sur la possibilité offerte, ou pas, de redoubler cette première année. Il est en effet prévu d’interdire le redoublement à certains étudiants.

À partir de quel multiplicateur du numerus clausus – on a parlé de trois ou de quatre – pensez-vous scinder le collège des « recalés » et celui des « reçus-collés » ?

S’il est probable que les « recalés » reprendront réellement leurs études supérieures dans une autre filière, vous paraît-il possible de proposer une équivalence aux « reçus-collés » dans une autre discipline universitaire ?

Dans quelle mesure l’étudiant « reçu-collé » qui redouble sa première année et qui échoue encore au terme de la deuxième année pourra-t-il, en fonction de son résultat, bénéficier d’une équivalence dans une autre discipline universitaire afin de ne pas perdre ses deux années de formation ?

Troisièmement, quant aux passerelles, entrantes et sortantes, prévues, en second lieu, par l’article 1er, elles sont de nature à enrichir le profil des professionnels de santé.

Au-delà des questions déjà posées par M. le rapporteur, j’insiste sur le fait que l’accès aux professions de santé devrait être beaucoup plus ouvert aux étudiants sensibles aux disciplines de sciences humaines.

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