Intervention de Samia Ghali

Réunion du 11 février 2009 à 21h00
Création d'une première année commune aux études de santé — Article 1er

Photo de Samia GhaliSamia Ghali :

Madame la ministre, monsieur le président, mes chers collègues, permettez-moi, à l’occasion de l’examen de ce texte, d’aborder un des éléments du sujet qui, à lui tout seul, justifierait le renvoi à la commission, je veux parler de la démocratisation des études de médecine. J’en conviens, les principes posés par ce texte pourraient y participer, je dis bien « pourraient » ! Encore faut-il ouvrir le débat, ce que ce texte ne permet pas. C’est sur ce point que je souhaite vous interpeller, madame la ministre.

D’un côté, il y a une réalité statistique, celle de la démocratisation de l’école et de l’enseignement supérieur ; il y a aussi un discours présidentiel sur l’ouverture nécessaire des grandes écoles, et j’en suis heureuse.

Mais, de l’autre, il y a la réalité ! D’abord, cette démocratisation de l’enseignement supérieur concerne essentiellement les cycles courts. Ensuite, les inégalités ont changé de forme et renvoient désormais plutôt à la nature même des études. Je veux dire par là qu’il existe à l’Université des filières dites « d’excellence », qui ont totalement échappé au mouvement de démocratisation. La première d’entre elles, la plus sélective, madame la ministre, c’est malheureusement la médecine.

Je n’ai pas le temps de décrire le tableau des origines sociales des étudiants reçus. Mais, vous le savez, il est édifiant, et ce n’est pas un hasard.

Aujourd’hui, pour obtenir le concours, le passage par une officine privée est quasi obligatoire. Dans ces officines, d’ailleurs, vous trouvez tout ce dont vous avez besoin : des équipes pédagogiques expérimentées, des enseignants, des spécialistes des cursus universitaires et même des professeurs agrégés. Tout ce monde s’y croise.

Vous trouvez ensuite des formations adaptées : du soutien intensif toute l’année, des stages de prérentrée et même une année préparatoire à l’année de préparation aux concours.

Vous trouvez enfin des moyens : des effectifs réduits à vingt-cinq par classe, des cours à quelques minutes à pied des facultés pour ne pas perdre de temps, bien sûr, un emploi modulable créé sur mesure en concertation avec les étudiants et une distribution de tous les supports – annales classées et corrigées, tableaux récapitulatifs, fiches de cours, résumés. Bref, tout y est. De quoi faire rêver les étudiants de nos facultés !

J’ai oublié deux détails essentiels.

D’abord, le coût de ces officines. Pour une année en classe préparatoire, par exemple, il faut compter jusqu’à 8 590 euros. Je dis bien 8 590 euros, pour s’inscrire à l’année préparatoire à l’année préparatoire au concours !

Enfin, je disais tout à l’heure que tout le monde semblait s’y croiser. Mais pas tout à fait... Vous ne croiserez pas beaucoup d’enfants d’ouvriers ou d’employés. Ceux-là, vous les trouvez sur les bancs de la fac, quand il reste de la place, à suivre des cours à des heures improbables, en train de courir derrière les polys et les livres à bas prix, ou derrière des étudiants admis qui voudront bien leur accorder quelques conseils ou aides. Pour ceux-là, sans moyens financiers, sans soutien particulier, les statistiques sont cruelles.

Voilà, madame la ministre, ce que je vois tous les jours à Marseille et quel est l’état de la situation des études de médecine un peu partout en France. Certains d’entre vous pensent peut-être que je grossis le trait. Malheureusement, non. Le mal est très profond.

Il faut revoir le cursus pour que la première année ne soit pas celle de l’échec de 80 % des étudiants inscrits. Une première année commune à l’ensemble des études de santé, sans doute ; des passerelles, des équivalences, des possibilités de réorientation, certainement !

Les étudiants qui ne peuvent se permettre de perdre une année tenteront peut-être leur chance. Mais, pour les rassurer réellement, beaucoup reste à préciser et à améliorer très concrètement : la question des moyens, de toute évidence, la question du numerus clausus, le principe même du concours. Autant de réponses qui pèseront dans les choix des futurs étudiants.

Aujourd’hui, la démocratisation de la médecine a échoué et a reculé. Le concours s’est financiarisé et de facto privatisé. Votre devoir, madame la ministre, est d’en prendre toute la mesure, de donner aux étudiants les mêmes chances et aux facultés de médecine les moyens d’assurer leur mission de service public.

Enseignants, parents, étudiants méritent une réponse urgente. La réforme est nécessaire, mais elle ne peut se faire sans concertation fouillée et surtout sans partir de principes bien posés. Or c’est tout ce qui manque à ce texte et à cet article !

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