Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 4 novembre 2004 à 15h00
Cohésion sociale — Articles additionnels avant l'article 59, amendements 458 459

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Le moins que l'on puisse dire est que le présent texte de loi a, au moins pour ce qui concerne une de ses dispositions, éveillé l'attention.

L'article 59 du projet de loi vise en effet, par le biais d'une forme de discrimination positive, à modifier l'économie générale de la répartition de la dotation de solidarité urbaine, la DSU.

Cette mesure devra, lors de la discussion portant sur cet article, être exactement analysée et que les objectifs qu'elle recouvre soient explicités.

Pour autant, cet article 59 met au jour une série de problèmes sur lesquels nous ne pouvons que revenir.

Le premier d'entre eux a trait à la situation sociale de nombreux quartiers, de nombreuses villes de notre pays qui, c'est un fait, nécessite des dispositions spécifiques. .

Il faut doter certaines collectivités locales, souvent dépourvues de moyens financiers et humains à la hauteur de leurs besoins, des outils leur permettant de faire face aux défis qu'elles ont à relever.

La DSU comme la DSR, la dotation de solidarité rurale, sont précisément des instruments pour atteindre cet objectif.

Aujourd'hui, toutefois, comme chacun le sait, la DSU ne représente que l'un des éléments, et non le plus important, du financement de l'action menée dans les quartiers sensibles de nos villes, et singulièrement de nos villes de banlieue.

On peut même considérer qu'elle ne peut être utilisée, comme cela semble être le cas, comme l'instrument d'une péréquation qui consisterait, pour l'essentiel, à demander aux moins pauvres de se sacrifier quelque peu pour les plus pauvres.

Au-delà même de la DSU, c'est l'ensemble de l'architecture des concours de l'Etat aux collectivités locales qui est en effet remis en cause par les dispositions dont nous débattons.

La dotation de solidarité urbaine, à notre sens, doit être un outil financier permettant aux collectivités locales, en l'occurrence les communes, confrontées à des situations sociales difficiles d'y faire face. Avant toute autre considération, elle est un correctif des excédents de charges dont souffrent certaines villes, ce qui est bien.

En ce sens, les amendements n° s458 et 459 visent à modifier les éléments de constitution de l'indice synthétique de la dotation, aujourd'hui largement marqué par la prise en compte du potentiel fiscal et, hélas, bien moins par les autres éléments, singulièrement ceux qui participent de la prise en compte de la situation sociale réelle des habitants.

Cette notion est d'autant plus importante que la dotation globale de fonctionnement dans son ensemble est également modifiée par la loi de finances, et que la notion de potentiel fiscal s'efface derrière celle de potentiel financier.

Il est vrai que depuis la réforme de la DGF de 1993, le développement de l'intercommunalité a conduit au transfert de l'essentiel de la taxe professionnelle des communes vers les groupements, modifiant les données du problème de manière significative quand il s'agit de mesurer le potentiel fiscal.

Nous proposons donc que la composante « potentiel fiscal » de l'indice soit réduite au profit, si l'on peut dire, des autres, notamment de la prise en compte de la situation du parc locatif ou de celle du revenu des ménages.

S'agissant de ces éléments, je ferai plusieurs observations.

Le nombre de logements sociaux dans le parc total de logements de la commune doit bien entendu être pris en compte, de même que celui des allocataires des aides personnelles au logement, qui permet de prendre en compte la situation des locataires du parc privé « conventionné » et celle des accédants à la propriété d'origine modeste.

Toutefois, se pose clairement le problème des familles d'origine modeste logées dans des conditions indignes, occupant un parc locatif privé dégradé, source de difficultés sociales réelles.

On notera d'ailleurs que cet habitat est présent dans un certain nombre de zones urbaines sensibles telles qu'elles sont définies par le pacte de relance pour la ville, notamment dans certains centres villes anciens ou des communes proches de Paris.

Comment le prendre en compte, ces logements étant naturellement exclus du champ d'application des aides personnelles au logement ? Nous proposons donc que ce critère soit retenu à hauteur de 5% dans l'indice synthétique de la DSU.

J'en viens à l'amendement n° 460.

Les zones urbaines sensibles sont définies à partir d'un certain nombre de critères, qui ne sont d'ailleurs pas tout à fait comparables avec ceux de la dotation de solidarité urbaine, ce qui ne peut manquer de susciter des interrogations au moment même où l'article 59 du présent projet de loi tend à faire bénéficier des communes comprenant de tels quartiers d'une meilleure progression de leur dotation de solidarité urbaine.

On notera également que la DSU est, de par son indice synthétique - dont l'économie, comme nous venons de le souligner, mérite d'être revue - fixée par des règles claires, résultant de la stricte application de la loi.

S'agissant des zones urbaines sensibles, si tant est que la loi d'orientation sur l'aménagement du territoire et le pacte de relance pour la ville ont constitué les étapes de leur définition, la liste des quartiers éligibles demeure aujourd'hui fixée par décret et n'a d'ailleurs pas connu d'évolution sensible depuis 1996.

Nous sommes donc en présence d'une situation où les zones urbaines sensibles sont définies sur la base du recensement de la population de 1990, et sans qu'il soit fait d'analyse concrète de la portée de l'existence de ces zones en termes de développement social, de créations d'emploi ou encore de réduction des difficultés d'insertion des jeunes ; tous sujets dont nous discutons souvent avec le préfet, qui a en charge la politique de la ville dans nos départements.

Dans le même temps, dans certaines villes ne comptant aucune zone urbaine sensible classée, les situations sociales sont parfois au moins aussi complexes, sinon plus difficiles, que celles des communes en comptant au moins une ou plusieurs.

Je dispose de quelques exemples, illustrant l'analyse des éléments qui nous ont été transmis dans le cadre du rapport pour avis.

Dans mon département, quatre communes d'importance équivalente - il s'agit de villes de banlieue de 10 000 à 30 000 habitants - se trouvent classées de manière relativement différente au sein de l'indice synthétique. Deux de ces communes n'ont pas de zone urbaine sensible et sont les mieux classées - si l'on peut dire - dans l'indice DSU. Les deux autres ont des zones urbaines sensibles. Or, parce que la question d'une analyse objective de la situation n'est pas encore résolue, ce sont ces deux communes qui vont bénéficier, en application des dispositions de l'article 59, de la plus sensible progression de la dotation de solidarité urbaine.

Il importe donc que l'on prenne deux mesures essentielles.

Premièrement, il faut améliorer l'indice de définition des zones urbaines sensibles. Il doit se rapprocher plus étroitement de celui de la DSU, et l'on ne peut comprendre, par exemple, que la composante « revenu des ménages » soit exclue de l'indice.

Deuxièmement, le décret fixant le périmètre des zones urbaines sensibles, comme des zones de redynamisation, doit être actualisé, en tenant compte des paramètres que nous venons de mentionner et en examinant les conséquences de la mise en oeuvre des politiques urbaines censées aux besoins des populations.

S'il faut classer certains quartiers, aujourd'hui hors de la liste, en zone urbaine sensible, que cela soit fait ! Un tel principe doit donc être inscrit dans la loi, et c'est aussi le sens de l'amendement que nous présentons.

Parce que nous ne pouvons que nous placer dans une démarche dynamique en termes de politique de la ville, parce qu'il convient de traiter équitablement toutes les communes concernées, et donc d'accorder à la situation de leurs habitants toute l'attention requise, nous ne pouvons que vous inviter à adopter cet amendement modifiant l'article 42 de la loi d'orientation et d'aménagement du territoire.

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