Intervention de Jean-Patrick Courtois

Réunion du 28 juin 2010 à 21h45
Réforme des collectivités territoriales — Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture

Photo de Jean-Patrick CourtoisJean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le Sénat est appelé, en ce début d’été, à réexaminer le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, après son adoption par l’Assemblée nationale en première lecture, le 8 juin. Celle-ci a apporté des modifications nombreuses et parfois substantielles au texte issu des délibérations du Sénat.

Sur le seul plan de la statistique, j’observe que le texte transmis à la Haute Assemblée en deuxième lecture compte 97 articles, contre 40 dans le projet de loi initial, et 67 dans le texte soumis à l’Assemblée nationale en première lecture ; les députés ont adopté 30 articles additionnels, supprimé 6 articles et adopté conforme 15 articles. Ce faisant, même si elle a tenu compte des travaux du Sénat, dont elle a conservé l’esprit dans de nombreux domaines, l’Assemblée nationale a opéré plusieurs innovations d’importance.

En première lecture, le Sénat a globalement respecté la logique du texte qui lui était proposé, tout en introduisant de nombreuses modifications afin de préserver davantage les libertés locales et d’accroître la capacité des collectivités à exercer leurs compétences pour renforcer la qualité du service public.

La Haute Assemblée a, tout à la fois, approuvé sans ambiguïté la création des conseillers territoriaux et encadré le mode de scrutin applicable à leur élection.

Soutenant sans réserve l’objectif affiché d’achèvement et de rationalisation de la carte de l’intercommunalité, notre assemblée a voulu en conforter le succès par une plus grande prise en compte de la cellule de base de notre démocratie locale. À cette fin, elle a dégagé des solutions pragmatiques et consensuelles en vue d’adapter la composition des organes délibérants des EPCI à fiscalité propre à la mise en place, à partir de mars 2014, d’une élection des délégués des communes membres au suffrage universel direct.

Elle a encadré les pouvoirs conférés au préfet pour modifier la carte intercommunale, tout d’abord dans les procédures d’achèvement et de rationalisation de la carte. Puis, pour simplifier la procédure de fusion des EPCI dont l’un au moins est à fiscalité propre, elle a exigé le respect, par le préfet, du schéma départemental pour rattacher une commune à un établissement.

Le Sénat a encadré le dispositif de suppression des communes isolées, des enclaves et des discontinuités territoriales, qui entrera en vigueur au terme du processus d’achèvement et de rationalisation de la carte de l’intercommunalité.

Il a facilité la recomposition des structures syndicales.

Il a adapté la recomposition de la commission départementale de la coopération intercommunale au paysage local.

Il a rétabli la majorité qualifiée et les conditions démographiques en vigueur pour les transferts de compétences après la création d’un EPCI, ainsi que pour la détermination de l’intérêt communautaire.

Il a validé, dans le respect de l’autonomie communale, le principe d’un EPCI plus intégré pour favoriser sa capacité à rayonner au niveau européen : la métropole.

Il a approuvé le dispositif proposé des pôles métropolitains, tout en précisant leur régime juridique.

Il a consenti, par réalisme plus que par optimisme raisonné, à l’introduction d’un nouveau dispositif de fusion des communes.

Il a apporté de nouvelles garanties aux procédures de regroupement des départements et des régions.

Enfin, il a modifié les principes devant encadrer la répartition des compétences entre les collectivités territoriales.

Lors de l’examen du projet de réforme des collectivités territoriales, l’Assemblée nationale a respecté l’économie générale du texte adopté par le Sénat, qu’elle a cependant assoupli sur plusieurs points et complété de façon substantielle dans ses volets « conseillers territoriaux » et « compétences ».

Elle a fixé, en détail, le mode d’élection des futurs conseillers territoriaux.

Tout d’abord, par analogie avec le mode de scrutin applicable à l’élection des actuels conseillers généraux, l’Assemblée nationale a prévu la mise en place d’un scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour l’élection des conseillers territoriaux, avec un seuil de passage au second tour fixé à 12, 5 % des inscrits.

Ensuite, les députés ont fixé la répartition des conseillers territoriaux par département et par région.

Conscients que le mode de scrutin retenu pourrait avoir des effets pervers sur la présence des femmes dans les conseils généraux et régionaux, les députés ont adopté deux dispositifs visant à favoriser la parité : d’une part, le remplacement par une personne de sexe opposé des conseillers territoriaux dont le siège serait vacant « pour quelque cause que ce soit » ; d’autre part, la mise en place de pénalités financières à l’encontre des partis politiques présentant un nombre insuffisant de femmes à l’élection des conseillers territoriaux.

L’Assemblée nationale a, par ailleurs, approfondi les orientations données par le Sénat en matière d’intercommunalité. Les principes dégagés par la Haute Assemblée à cet égard ont été, dans l’ensemble, conservés par l’Assemblée nationale.

Celle-ci a adopté le système sénatorial pour la composition des conseils communautaires. Il conviendra toutefois de définir, dans le projet de loi n° 61, une méthode adaptée de désignation des conseillers communautaires, en s’inspirant tout à la fois de la loi électorale municipale et de la composition des groupes d’élus municipaux pour assurer la représentation des oppositions municipales.

Elle a amélioré les outils d’élaboration de la carte intercommunale.

Elle a adopté le dispositif retenu par le Sénat pour fixer le processus temporaire d’achèvement et de rationalisation des intercommunalités, en l’amendant toutefois sur plusieurs points.

Les députés ont successivement limité le droit de veto accordé en 2012 à la commune la plus peuplée, à la condition que sa population représente au moins un tiers de la population totale concernée, supprimé la faculté accordée à la commune la plus peuplée de s’opposer aux fusions en 2013 et anticipé de six mois la date d’achèvement du processus, la ramenant du 31 décembre au 30 juin 2013.

Les députés ont attribué un rôle actif, lors de fusion d’intercommunalités, à la commission départementale de coopération intercommunale, la CDCI, pour modifier le projet de périmètre à la majorité des deux tiers de ses membres. Ils ont aussi abaissé la condition de majorité « hyperqualifiée » requise pour décider de la fusion, à la majorité du tiers, des conseils municipaux regroupés dans chacun des établissements à fusionner.

L’Assemblée nationale a dispensé la communauté urbaine résultant d’une fusion de plusieurs EPCI parmi lesquels figure déjà une communauté urbaine du respect du seuil démographique en vigueur au moment de la fusion.

Elle a complété le dispositif des pôles métropolitains, en prévoyant une dérogation démographique pour les pôles frontaliers, et adopté une série de modifications ponctuelles.

L’Assemblée nationale a voté des modifications plus consistantes aux régimes des métropoles et des communes nouvelles.

D’une part, le volet des compétences métropolitaines a été essentiellement renforcé dans ses composantes départementale et régionale. D’autre part, l’Assemblée nationale a prévu un régime financier plus intégré par le transfert automatique à la métropole de la taxe sur les propriétés foncières bâties des communes membres. Par ailleurs, elle a facilité le transfert de la dotation générale de fonctionnement, la DGF, en ne requérant que la majorité qualifiée des communes membres pour l’approuver.

Elle a également apporté quelques modifications au régime financier des communes nouvelles et allégé la procédure de leur création par la condition d’un accord unanime des communes. Par coordination, elle a supprimé la consultation de la population.

Les députés ont marqué leur accord avec les modifications apportées par le Sénat sur les procédures de regroupement des départements et des régions en harmonisant ces procédures.

La perspective d’un nouveau projet de loi de clarification des compétences apparaissant de plus en plus incertaine, l’Assemblée nationale a complètement réécrit l’article 35, qui fixe les principes de répartition des compétences entre les trois niveaux de collectivités. Ce faisant, elle a conservé la possibilité de compétences partagées et de délégations de compétences. En outre, la rédaction de l’Assemblée nationale préserve la capacité d’initiative des collectivités territoriales lorsque la loi est muette. Enfin, elle valide l’intervention des trois niveaux de collectivités en matière de culture, de tourisme et de sport.

Par ailleurs, en matière de financements croisés, l’Assemblée nationale a soumis la part de financement apportée par la collectivité maître d’ouvrage à un « plancher », fixé à un niveau variable en fonction de l’importance de la population. De plus, elle a prévu des règles de limitation des cumuls de financements, qui ne s’appliqueront plus, toutefois, au-delà de 2015 si la région et ses départements adoptent ensemble un schéma d’organisation de leurs compétences.

Sur ma proposition, notre commission des lois a tenu compte des convergences recherchées par l’Assemblée nationale. Aussi, elle en a retenu les dispositions inscrites dans l’esprit qui l’a guidée lors de la première lecture. En revanche, elle a modifié celles qui s’en écartaient, ainsi que certains des compléments apportés au projet de réforme par les députés.

Notre commission a, dans un premier temps, supprimé les articles 1er A, 1er bis, 1er ter, 1er quater et 1er quinquies et, par coordination, les articles 36 B et 36 C.

Toutefois, lors de l’examen des amendements extérieurs, notre commission est revenue sur cette position : elle a donné un avis favorable sur trois amendements du Gouvernement visant à rétablir un mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour l’élection des conseillers territoriaux. Elle a également donné un avis favorable, puis adopté comme l’un de ses amendements, un amendement que j’ai déposé afin de fixer la répartition des conseillers territoriaux par département et par région.

La commission des lois a noté avec satisfaction l’économie générale des dispositions prévues pour parachever le paysage intercommunal, qu’il s’agisse de mettre en place de nouvelles règles pour adapter la composition des conseils communautaires à la démocratisation des EPCI à fiscalité propre, de proposer de nouvelles formes de coopération – métropoles, pôles métropolitains –, d’en développer et d’en simplifier les processus ou d’achever et de rationaliser la carte.

Sur de nombreux points, je le rappelle, l’Assemblée nationale a adopté le dispositif voté par le Sénat.

C’est pourquoi, sous réserve de certaines modifications, coordinations et rectifications techniques, la commission des lois a retenu le texte de l’Assemblée nationale.

Elle a réintroduit, dans le régime de droit commun de création ou de transformation d’un EPCI, l’attribution d’un droit de veto aux communes les plus peuplées, mais en fixant, cette fois, le seuil de population au quart de la population concernée.

S’agissant de la création des métropoles, la commission, a étendu aux discontinuités territoriales la dérogation temporaire au principe de continuité territoriale instituée au profit des enclaves. Elle a repris la condition de majorité des deux tiers pour la définition de l’intérêt métropolitain, comme le Sénat l’avait décidé en première lecture.

Par ailleurs, notre commission, fidèle aux principes qui avaient guidé ses travaux en première lecture, a supprimé le transfert automatique de la taxe foncière sur les propriétés bâties des communes à ce nouvel EPCI. Elle a prévu que toute décision d’unification des taxes ou de transfert de la DGF devrait être adoptée à l’unanimité des conseils municipaux.

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