Intervention de Monique Cerisier-ben Guiga

Réunion du 7 décembre 2005 à 15h00
Loi de finances pour 2006 — Action extérieure de l'état

Photo de Monique Cerisier-ben GuigaMonique Cerisier-ben Guiga :

Madame la présidente, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, une fois de plus - la septième selon mes comptes - un ministre des affaires étrangères accepte avec stoïcisme les amputations de crédits qui lui sont imposées.

Lors de l'examen de l'exécution de la loi de finances pour 2004, le ministre se félicitait de la fermeture de nombreux consulats et de la perte de 11 % des effectifs de son ministère en dix ans, et tel de mes collègues exultait presque - ce qui, je pense, n'aurait pas été le cas s'il s'était agi de la Bretagne - en évoquant les 0, 8 % de pertes enregistrées sur la totalité des crédits de ce programme.

Une telle attitude évoque tristement pour moi ces malades qui, atteints d'une grave maladie, se réjouissent d'avoir enfin retrouvé la ligne !

Faute de temps, je ne pourrai pas évoquer les effets de cette perte de substance des services sur notre diplomatie : ils sont insidieux et, s'ils génèrent peu d'incidents, c'est grâce à la mobilisation de tous.

Dans les cinq minutes qui me sont imparties je ne traiterai donc que deux conséquences de la disette budgétaire, qui sont particulièrement préjudiciables aux Français établis hors de France, que je représente.

Concernant l'aide sociale aux Français en détresse, je pourrais me contenter de répéter le propos de mon collègue sénateur Jean- Pierre Cantegrit, qui n'appartient pourtant pas à l'opposition. En effet, comme lui, je m'inquiète de voir les crédits de l'action sociale stagner, quand ils ne sont pas revus à la baisse. Je m'inquiète que, six ans après sa parution, on continue à se référer un peu partout au rapport que j'avais rendu en 1999 sur ce sujet et qui soulignait un fait qui reste d'actualité, à savoir que rien ne peut vraiment bouger sur le front de la lutte contre la pauvreté dans les communautés françaises à l'étranger.

Localement, les dispositifs de lutte vont en se désagrégeant. Le montant des crédits d'aide sociale est facile à mémoriser puisqu'il est inchangé depuis 2002 : quelque 17 millions d'euros.

Pourtant, dans de pareilles conditions, l'aide ponctuelle au relogement ou par des soins médicaux, octroyée dans le cadre de l'action sociale visant à la réinsertion, tend à disparaître. Les allocations à durée déterminée et les secours occasionnels qui étaient utilisés à cette fin dans les postes où un service social et un comité consulaire dynamique s'épaulaient mutuellement, deviennent exceptionnels.

Heureusement, la formation professionnelle est épargnée ! L'exemple de la formation sur des chantiers au Mali montre à quel point de tels crédits, pourtant très faibles, favorisent l'insertion de jeunes.

Pour autant, je souhaiterais que les crédits d'aide sociale, dans leur globalité, soient réellement alloués à leurs destinataires, au lieu de revenir au ministère.

Certes, la fongibilité a permis d'utiliser ces fonds pour assurer le repli des Français de Côte d'Ivoire en 2004. Il ne faudrait cependant pas les affecter, notamment sous la pression des médias, au sauvetage coûteux d'alpinistes imprudents, perdus au bout du monde : que les touristes souscrivent des assurances et prennent leur responsabilité ! Il y a beaucoup de disproportion à dépenser quelque 40 000 euros pour de telles opérations de sauvetage contre seulement quelques centaines d'euros pour les personnes âgées de Dakar.

Force est de reconnaître que, dans le cadre de ce budget dont les crédits baissent en euros constants depuis 2002, la direction des Français à l'étranger et des étrangers en France, la DFAE, a su éviter le pire. Elle a, en particulier mis en place un aide spécifique à l'enfance démunie, ce dont je la remercie.

Il n'en reste pas moins que les arbitrages internes ont leurs limites et que, dans ce domaine, on a dépassé les bornes.

S'agissant de l'enseignement, et sans reposer la question de l'avenir de l'AEFE sur lequel nous aurons l'occasion de revenir, je voudrais obtenir, enfin, une réponse, mes courriers restant lettre morte, sur les établissements menacés de fermeture pour cause d'insécurité. À Madrid, à Vienne, quand réparera-t-on ? Avant ou après le sinistre ? Et qui assumera la responsabilité judiciaire ? J'attends une réponse !

Je rappellerai, en outre, la grande injustice que réserve la République aux enfants français scolarisés à l'étranger.

Il y a dix ans, le financement de la scolarité d'un enfant dans le réseau de l'AEFE était assumé moitié par l'État, moitié par les familles ce qui n'était déjà pas rien pour elles...

Aujourd'hui, les familles supportent 60 % de la charge. Il en résulte une inégalité croissante entre les enfants scolarisés dans le réseau français à l'étranger et les enfants scolarisés en France.

En France, un élève coûte en moyenne à l'État 5 971 euros par an, hors enseignement technique ; s'il est scolarisé dans le réseau de l'AEFE, il coûte 2 382 euros. La différence représente pour l'État français une économie de 3 409 euros par tête d'enfant français et de 234 millions d'euros pour 70 000 élèves scolarisés dans ce réseau.

La comparaison avec les 323 millions d'euros de la subvention allouée à l'AEFE se passe de commentaire...

Il me reste à poser une dernière question : à combien s'élève la contribution du programme « Action extérieure » au plan d'urgence en faveur des banlieues ? Le budget que nous étudions est déjà amputé : à combien s'élève ce prélèvement et sur quelles actions est-il opéré ?

En conclusion, madame la ministre déléguée, au nom de mon groupe, je vous demanderai moins de bonnes paroles, plus de détermination dans l'action et plus de sincérité budgétaire.

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