Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réforme de la visite médicale à l’hôpital est mal perçue par les intéressés.
Vous le savez, monsieur le ministre, les visiteurs médicaux et les représentants de l’industrie pharmaceutique s’estiment collectivement et injustement désignés comme les responsables des méfaits du Mediator. D'ailleurs, les déclarations d’organisations syndicales proches des salariés qui nous ont été adressées traduisent bien ce malaise.
Il est de bon aloi de mieux encadrer la promotion de produits dont l’objectif est de soigner les patients mais qui, mal utilisés, peuvent provoquer de graves dommages. Telle est votre intention, monsieur le ministre, quand vous proposez d’expérimenter une nouvelle formule de la visite médicale hospitalière collective.
Mes chers collègues, vous me permettrez, fort de mon expérience de nombreuses années passées dans un laboratoire pharmaceutique – je ne le cacherai pas ! – et de mes contacts fréquents et réguliers avec les personnels de santé à l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille, en tant que président délégué du conseil de surveillance de cet établissement, de vous faire part de quelques interrogations.
Tout d'abord, la profession des visiteurs médicaux est mieux encadrée depuis quelques années : elle l’est par un diplôme d’État, des formations continues, une charte éthique et l’obligation d’une carte professionnelle, entre autres. Comme le soulignaient d'ailleurs les responsables de l’HAS dans leur guide aux établissements de santé de septembre 2011, « l’information véhiculée par les représentants de l’industrie au sein des établissements de santé est le plus souvent reconnue comme utile par les professionnels de santé ».
Pourquoi ne pas approfondir la charte de qualité de la visite médicale, pour donner un cadre plus sécurisé à la profession des visiteurs médicaux, au lieu de réformer la visite hospitalière elle-même, au détriment, peut-être, des emplois ? En effet, il faut le rappeler, l’industrie pharmaceutique et la visite médicale représentent 18 000 visiteurs médicaux en France, dont 4 000 à l’hôpital.
Ces dispositions s’inspirent-elles de l’expérience de la communauté médicale et pharmaceutique des grands hôpitaux, dans certaines structures desquels se trouve déjà réalisée une visite médicale collective – par pôles, par services ou par unités fonctionnelles ?
Ces rencontres collectives avec les industriels des produits de santé peuvent donc être organisées.
Toutefois, le strict formalisme de certaines recommandations de la HAS ne va-t-il pas encore alourdir la charge administrative des unités médicales, surtout dans les petites structures ? Par exemple, il est prévu la signature d’une convention entre chaque entreprise et chaque établissement de santé. En raison du nombre de fournisseurs de produits de santé et d’établissements sanitaires, la mise en œuvre de telles obligations sera très complexe. Ainsi, environ cinq cents fournisseurs ont des contrats commerciaux avec le seul secteur pharmaceutique d’Assistance Publique-Hôpitaux de Marseille ! Imaginez ce que représenterait pour cet établissement la signature d’une convention avec chacun de ces cinq cents fournisseurs !
Ne faudrait-il pas développer le rôle des commissions du médicament et des dispositifs médicaux stériles, ou COMEDIMS ? La taille des établissements, l’importance des disciplines médicales en leur sein seront-elles prises en compte ?
Les points que je viens de soulever sommairement ne mériteraient-ils pas d’être étudiés par un groupe de travail multidisciplinaire, avant la rédaction des arrêtés prévus ? C’est en tout cas une idée dont nous avons débattue au sein de la commission des affaires sociales.
Au-delà de ces interrogations, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous faire part de quelques convictions.
En effet, je considère que certains produits doivent se situer hors du champ de l’article 19. Ce sont les fameux médicaments soumis à prescription restreinte, c'est-à-dire les médicaments réservés à l’usage hospitalier et les médicaments à prescription hospitalière ou à prescription initiale hospitalière.
C’est à ces médicaments que je me réfère dans l’amendement n° 20 rectifié que j’ai déposé en vue de réintroduire la disposition les exemptant de la réforme, disposition adoptée par l’Assemblée nationale sur proposition de notre collègue député Guy Lefrand, mais malheureusement supprimée par notre commission des affaires sociales.
Les médicaments hospitaliers à prescription restreinte – anticancéreux, immunosuppresseurs, antirétroviraux, etc. – sont utilisés pour des pathologies extrêmement sensibles et dans le traitement de maladies très rares. Ils sont d’un maniement complexe et nécessitent donc un accompagnement régulier de chaque prescripteur par le délégué hospitalier. Il s’agit, fréquemment, de produits innovants à prescription très spécialisée.
Les données scientifiques sur ces produits évoluent constamment et peuvent faire l’objet de plusieurs modifications d’autorisation de mise sur le marché, ou AMM, dans une même année, ce qui rend alors nécessaire une information rapide des professionnels de santé.
L’administration de ces médicaments requiert une surveillance particulière, en raison du risque de choc anaphylactique, d’interactions médicamenteuses, etc. Ces produits font souvent l’objet d’un plan de gestion des risques fixé par l’AMM. Ce plan est d'ailleurs obligatoire pour toutes les AMM européennes depuis 2005, notamment pour prévenir et pour gérer les effets secondaires dans les plus brefs délais.
Enfin, en raison de leurs caractéristiques, ces médicaments excluent tout abus de prescription.
C'est pourquoi, s’agissant de ces produits, mettre fin aux face-à-face personnalisés et réguliers entre les praticiens hospitaliers et les représentants d’une entreprise du médicament risque de provoquer de graves préjudices chez les patients qu’ils sont censés soigner.
L’exclusion de ces médicaments à prescription restreinte de la réforme de la visite médicale hospitalière n’est pas seulement une précaution, c’est également une nécessité impérative de santé publique.