Intervention de Nathalie Goulet

Réunion du 22 octobre 2009 à 9h30
Action du fonds stratégique d'investissement — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Nathalie GouletNathalie Goulet :

En effet, et c’est tant mieux !

Vous comprendrez, monsieur le secrétaire d’État, que, dans ces conditions, puissent naître quelques interrogations.

Examinons brièvement certaines des dix-sept interventions du Fonds stratégique d’investissement depuis sa création. Parmi elles, on trouve les noms de Carbone Lorraine, Open Portal, Technip, sans oublier le plan de reprise de Mecachrome au Canada, Frey nouvelles énergies, Nexans, Gemalto, Photonics, Farinia, Daher et Valeo.

Arrêtons-nous sur ce dernier groupe. Valeo, sous-traitant automobile bien connu, a reçu de la part du Fonds stratégique d’investissement 24 millions d’euros. Cette prise de participation visait à accompagner, dans une période d’évolutions importantes du secteur, un acteur majeur de l’industrie européenne et mondiale de l’équipement automobile.

Nous avons tous ici le souvenir de la crise qu’a connue le secteur automobile et il semble tout à fait normal que les sous-traitants de ce secteur aient été soutenus, mais, dans la foulée de cette aide de 24 millions d’euros, le président-directeur général sortant a reçu une indemnité de départ de 3, 2 millions d’euros !

Il y eut un concert d’indignation, mais aucune possibilité de récupérer cette somme versée au dirigeant.

En fait, tout ne va pas si mal maintenant pour Valeo : son chiffre d’affaires est en hausse de 3, 5 % et l’équipementier enregistre une amélioration de sa marge brute de 310 millions d’euros.

Autrement dit, le Fonds stratégique d’investissement n’a pu éviter ni les licenciements dans l’entreprise, ni le versement d’un parachute doré de 3, 2 millions d’euros au dirigeant congédié.

J’en viens à l’investissement dans Farinia, groupe de fonderie néerlandais, qui a reçu récemment 20 millions d’euros. Là non plus, les licenciements n’ont pas été évités et la société continue à racheter des entreprises prêtes à être mises à la casse, sans se soucier de l’emploi.

On pourrait au moins imaginer que, grâce à l’aide du Fonds stratégique d’investissement, cette société rapatrie son siège social en France. Ne serait-ce pas là une excellente idée ?

Gemalto, dont le nombre de salariés n’est pas mentionné, a aussi reçu une participation.

Nexans a reçu 58 millions d’euros par le biais du FSI, qui a acquis 5 % du fabriquant de câbles. Mon collègue Antoine Lefèvre vous en parlera sans doute mieux que moi.

En septembre, le groupe a annoncé des licenciements, notamment dans les Ardennes. Or, on trouve au conseil d’administration de Nexans un directeur de la Caisse des dépôts et consignations, qui est aussi censeur d’OSEO ! Je m’interroge donc sur l’existence d’une certaine consanguinité dans ce dossier.

Plus récemment, le FSI a investi 5 % dans la société Technip, bien connue dans le domaine pétrolier et qui n’a vraiment pas besoin de soutien financier !

Ce matin, à la lecture du Figaro, nous apprenons que le Fonds stratégique d’investissement va investir 7, 5 millions d’euros dans Dailymotion. C’est intéressant pour Nadine Morano, si elle gagne son procès !

Rappelons-nous les objectifs annoncés lors de la création du Fonds, qui devait être un outil stratégique. Il s’agissait d’aider les entreprises à faire face à la crise économique et sociale, sur fond de patriotisme économique.

Ne croyez-vous pas qu’il faudrait instaurer des procédures posant des garde-fous et, à tout le moins, comme cela se fait dans d’autres pays, un comité d’éthique qui déterminerait les secteurs dans lesquels le Fonds ne pourrait pas investir et les créneaux prioritaires ?

Nous venons d’essuyer la plus grave crise économique de ces trente dernières années. Lors de tous les sommets internationaux, les institutions et les gouvernements ont compris –du moins en apparence – que cette crise était en partie due à un laxisme en matière de contrôle, de gouvernance et surtout de transparence. De l’affaire Kerviel à la faillite de Lehman Brothers, nous avons tous compris que la devise « too big to fail » a vécu.

Il faut une règle du jeu, c’est indispensable lorsque l’on manie des fonds publics. Il faut également une transparence des procédures, une traçabilité et une conditionnalité des investissements en fonction d’objectifs préétablis et un contrôle extérieur.

Comment les fonds d’investissement fonctionnent-ils à l’étranger ? Prenons l’exemple de la Caisse des dépôts du Québec. Sur les quinze membres de son conseil d’administration, dix sont considérés comme indépendants et viennent du privé. Leur assiduité est soigneusement contrôlée, ainsi que leur rémunération. La transparence de la Caisse est totale : ses comptes sont contrôlés et approuvés par le vérificateur général du Québec, qui dépend exclusivement de l’Assemblée nationale.

Le fonds stratégique norvégien fait, quant à lui, figure de modèle. Doté d’un comité d’éthique, il intervient et contrôle les investissements, avec un pouvoir de contrainte. Il possède de plus un contrôle que nous pourrions qualifier de « grenello-compatible ».

Ainsi, le 9 septembre 2008, le ministère des finances norvégien a décidé d’exclure du fonds d’investissement Rio Tinto, en raison de graves risques que cette entreprise faisait peser sur l’environnement. Le conseil d’éthique a conclu que Rio Tinto était directement impliquée dans de graves dommages écologiques causés par cette exploitation minière.

La ministre des finances a affirmé que le fonds ne pouvait détenir des participations dans une telle société, parce que la poursuite des investissements dans cette entreprise conduisait à prendre un risque inacceptable.

Dans une lettre du 28 avril dernier, elle a donc demandé au fonds de céder dans les deux mois les participations qui avaient été prises. Comme vous le voyez, pouvoir de contrainte et capacité d’analyse se combinent dans cet exemple.

Mais il existe également en Norvège un contrôle politique. Vous me pardonnerez d’ailleurs, puisque je suis vice-présidente du groupe d’information internationale France-Territoires palestiniens – dont la présidente, Monique Cerisier-ben Guiga, est elle aussi présente – de m’attarder sur une décision rendue par la Norvège le 3 septembre 2009.

Je suis certaine que vous aurez à cœur, monsieur le secrétaire d’État, de comparer cette position à celle qui a été adoptée officiellement par la France en ce qui concerne un contrat conclu par Alstom dans une affaire connue sous le nom de « tramway de la honte » à Jérusalem.

Le ministère des finances norvégien a exclu de son fonds la société israélienne Elbit Systems Limited, parce qu’elle fournit aux autorités israéliennes un système de surveillance qui constitue l’une des principales composantes de la barrière de séparation entre Jérusalem et la Cisjordanie et de son régime de contrôle.

Le système de surveillance a été spécialement conçu en étroite collaboration avec les autorités israéliennes et n’a pas d’autre application. En outre, Elbit est clairement informée de la destination de son produit.

La Cour internationale de justice a rappelé les obligations pesant sur tous les États parties à la quatrième convention de Genève. Il s’agit de prévenir d’éventuelles violations du texte telles que la construction de ce mur de séparation.

Aux dires de la ministre norvégienne des finances, les autorités de son pays agissent conformément à ces prescriptions. Affirmant que la décision d’exclure Elbit Systems Limited n’était pas liée à la nationalité de cette entreprise, elle a déclaré : « Nous ne voulons pas financer les entreprises qui contribuent ainsi directement aux violations du droit humanitaire international. »

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