Intervention de Nathalie Goulet

Réunion du 22 octobre 2009 à 9h30
Action du fonds stratégique d'investissement — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Nathalie GouletNathalie Goulet :

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le fonctionnement de cette autorité de contrôle qu’est le comité d’éthique norvégien est très intéressant : il peut soit s’en tenir à vérifier ce que l’on pourrait appeler le caractère « grenello-compatible » des investissements effectués, soit s’attacher à des considérations beaucoup plus politiques.

Ses décisions sont d’ailleurs réversibles. C’est ainsi que la société Thales, exclue de la sphère d’investissement du fonds en 2005 au motif que l’une de ses filiales était impliquée dans la fabrication de bombes à fragmentation, a été réintégrée après la cessation de cette activité. Et c’est justement parce que le fonds norvégien considère EADS et Safran comme des fabricants de bombes ou d’armes qu’il se refuse à contribuer à leur financement.

En l’espèce, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, reconnaissons-le, nous sommes tout de même assez loin de la gouvernance du fonds français ! À cet égard, j’aurai trois idées à vous soumettre.

La première, sans doute la plus simple à mettre en place, réside dans l’élaboration d’un code d’éthique. Le contrôle de sa bonne application serait confié à un organisme extérieur, qui disposerait d’un pouvoir de contrainte en cas de violation des règles fixées. Cette nécessité absolue d’un régulateur financier indépendant a d’ailleurs été soulevée par le Fonds monétaire international lui-même.

La deuxième idée consiste à poser un certain nombre de conditions.

Monsieur le secrétaire d’État, nous sommes nombreux à souhaiter que l’on remette la question de l’emploi, totalement absente des préoccupations du FSI – du moins dans les motivations annoncées –, au cœur de l’activité du fonds. Il n’est pas concevable qu’une entreprise ayant reçu des fonds publics procède à des licenciements. L’affaire Nexans est, de ce point de vue, exemplaire !

Dans la mesure où les entreprises concernées ont perçu des fonds publics, il importe de définir les conditions de rémunération des dirigeants, s’agissant, notamment, des bonus et des retraites chapeau.

Lors du dernier sommet sur la régulation financière, le Président de la République, usant de toute son influence, a affirmé devant le monde entier qu’il fallait moraliser le capitalisme. Qu’il commence donc par imposer quelques règles de conduite au FSI, à ce fonds, qui, finalement, est « sa » création !

La troisième idée est d’instaurer une obligation de contrôle externe dans les dossiers complexes.

Il faudrait sans doute effectuer de façon plus claire et plus lisible une distinction entre, d’une part, les participations à visée purement spéculative ou prospective, qui ne sont d’ailleurs ni contestables ni même critiquables, et, d’autre part, les actions de soutien aux entreprises stratégiques. L’investissement de 7, 5 millions d’euros dans Dailymotion, annoncé ce matin, relève manifestement du premier cas, tout comme les prises de participation dans les entreprises du secteur de la biotechnologie ou de la biodiversité.

À mon sens, il s’agit de deux démarches bien distinctes, qui ne peuvent pas se voir appliquer les mêmes règles de fonctionnement. Le directeur général du FSI l’a dit, le fonds n’est pas un « pompier » : il lui revient de nous indiquer clairement quelle est sa ligne d’action !

L’analyse des dossiers complexes – je pense en particulier aux difficultés rencontrées par un armateur de Marseille – doit faire l’objet d’un examen contradictoire effectué par un organisme externe et pas seulement par les services de Bercy. Les salariés des entreprises concernées doivent y être associés. L’objectif est de contrôler en détail les comptes et l’activité des filiales, quand elles existent, afin que le principe de précaution trouve sa pleine application dans le domaine de la gestion de l’argent public.

Auditionné par la commission des finances du Sénat, M. Augustin de Romanet a d’ailleurs déclaré que la Caisse des dépôts et consignations devra être « plus sélective dans ses investissements ». Ces propos ont été largement repris dans la presse, notamment par Les Échos.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, réglementation des procédures, contrôles extérieurs, principes de gestion prudentielle et code éthique, tels sont les éléments qui doivent servir de base au FSI pour qu’il trouve sa place dans notre économie, qui a bien besoin d’un tel outil.

Quant aux participations des fonds d’Abou Dabi ou des fonds souverains chinois, il faudrait, là encore, que les conventions soient visées par une autorité extérieure et que leur utilisation soit fléchée, afin de disposer d’une certaine traçabilité en la matière. Que n’a-t-on entendu voilà quelques mois sur l’opacité de ces fonds étrangers, à qui l’on vient aujourd’hui demander de l’aide !

Si le Fonds stratégique d’investissement entend défendre l’industrie française à l’étranger et la compétitivité de nos entreprises, il doit aussi être attentif à sa notation. Les fonds sont en effet notés en fonction de critères objectifs de gouvernance.

Ensemble, nous devons rendre plus pertinent cet outil, sans hésiter à proposer des solutions innovantes pour accroître la transparence en la matière et assurer une gouvernance efficace.

Nous avons en France des entreprises stratégiques. Je pense notamment aux Chantiers de l’Atlantique, société pour laquelle M. le secrétaire d’État sait que j’ai les yeux de Chimène ! Au mois de juillet dernier, l’État, par le biais du FSI, y a apporté sa participation, et c’est très bien ainsi. L’entreprise sera ainsi en mesure de renforcer sa stratégie de développement et de maintien d’un savoir-faire véritable et exceptionnel.

Mais il faut aussi tenir compte de ces milliers de PME et de PMI qui maillent notre territoire : elles aussi ont besoin du soutien du Fonds stratégique d’investissement ! Et que dire de l’agriculture et de la filière laitière : voilà un autre secteur stratégique ! Nous pourrions nous inspirer de ce qui est prévu pour la filière bois, laquelle va bénéficier d’un fonds de soutien spécifique de 20 millions d’euros. Mon collègue Claude Biwer évoquera sans doute ce sujet tout à l’heure.

Monsieur le secrétaire d’État, en cette période de disette budgétaire, tout le monde reste sur sa faim ! Nos entreprises sont inquiètes. Comprenez ma démarche : il faut veiller à ce que l’argent du contribuable soit bien employé. Nous avons tous à y gagner, et la compétitivité de notre pays en sortira renforcée !

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