Intervention de Patricia Schillinger

Réunion du 22 juillet 2009 à 9h45
Repos dominical — Article 2

Photo de Patricia SchillingerPatricia Schillinger :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article a pour objectif de permettre des dérogations au principe du repos dominical dans les communes, zones touristiques, thermales et grandes agglomérations. C’est donc l’article principal du texte, car il met en place l’ensemble du dispositif et reflète un manque de clarté sur l’étendue réelle des dérogations accordées aux zones touristiques dans lesquelles l’ouverture le dimanche serait autorisée.

Alors que l’ouverture des commerces le dimanche n’était autorisée que pendant les périodes touristiques, cette proposition de loi la généralise sur un grand nombre de communes. Près de 6 000 communes touristiques sont concernées, et non 500, sans contrepartie pour les salariés : ni salaire double, ni repos compensateur, ni volontariat.

Quand vous parlez de doublement de salaire, de volontariat et de repos compensateur, c’est seulement pour les nouveaux salariés des périmètres d’usage de consommation exceptionnel, les PUCE, et des agglomérations de Paris, Lille et Marseille. Seuls les nouveaux salariés travaillant le dimanche bénéficieront du doublement de salaire, et non pas ceux qui étaient déjà concernés.

Nous ne sommes pas dupes. Progressivement, vous démantelez le droit du travail. C’est ainsi que cette proposition de loi s’attaque à un droit fondamental : le droit au repos dominical.

Vous divisez les Français entre ceux qui doivent travailler le dimanche et ceux qui ne travaillent pas le dimanche, entre ceux qui auront le loisir de profiter de leur temps libre et de leurs enfants et ceux qui n’auront pas d’autre choix, pour nourrir ces enfants, que de renoncer à passer du temps avec eux. Vous divisez les salariés, entre ceux qui travaillent le dimanche avec un doublement de salaire et ceux qui n’auront pas ce doublement de salaire.

Cependant, les Français ne sont pas dupes. Selon un sondage IPSOS, 84 % des Français souhaitent que le dimanche reste le jour de repos commun. Ils sont 65 % à refuser l’argument commercial selon lequel il serait plus facile de faire ses courses ce jour-là. Selon le CREDOC, 81 % de nos concitoyens déclarent que cela n’augmenterait en rien leur budget destiné à la consommation. En bref, les Français sont attachés au repos dominical.

On peut donc se poser la question : pourquoi ce texte et pourquoi maintenant ? Répond-il à une demande ? Non ! Les associations de commerçants y sont opposées. La conception de la vie que propose le Gouvernement est une véritable menace pour la sphère familiale, amicale, culturelle, spirituelle et associative. C’est aussi une grave erreur économique que de penser que c’est le temps qui manque aux Français pour remplir leurs caddies.

Cette mesure, qui n’est absolument pas de nature à relancer la consommation, ne peut qu’aboutir à fragiliser les petits commerces de proximité au profit des grandes surfaces. C’est donc ce modèle de société que la droite nous propose aujourd’hui, mais les Français n’en veulent pas ! Or le Gouvernement n’entend pas ou ne veut pas entendre !

Le secteur de l’ameublement, qui bénéficie légalement d’une dérogation à la règle du repos dominical depuis le mois de janvier 2008, nous fournit un exemple parfait, qui montre que le travail dominical n’apporte aucun gain pour la croissance et l’emploi. L’ouverture des magasins le dimanche n’a pas engendré de consommation supplémentaire. La société Conforama a ainsi annoncé, il y a à peine trois mois, qu’elle allait licencier 800 personnes en raison d’une perte de chiffre d’affaires record de 50 millions d’euros.

Ce texte ajoute des difficultés à la vie des familles. Elles devront chercher des moyens supplémentaires pour faire garder leurs enfants. Faudra-t-il ouvrir les crèches sept jours sur sept ? Les communes devront-elles ouvrir des garderies le dimanche ? Les transports en commun seront-ils adaptés à ces nouveaux horaires ? De plus, ce sont les salariés précaires et à temps partiel, en particulier les femmes, qui devront sacrifier un peu plus de leur liberté au nom du volontariat. Or nous savons très bien que le volontariat pour travailler le dimanche deviendra vite un devoir et permettra de considérer le dimanche un jour comme les autres.

Nous ne voulons pas de cette société que vous proposez. Le dimanche est un élément de cohésion sociale permettant aux populations d’avoir des loisirs, de se cultiver, de décompresser après le rythme du travail. Le caractère mercantile de certains et l’individualisme d’autres vont imposer à la société entière un modèle dont nous ne voulons pas. Pour les intérêts mercantiles de quelques grandes surfaces, nous allons remettre en cause un principe fondamental.

Ce texte aura de lourdes conséquences sur la vie des citoyens. Il va créer des inégalités et engendrer à terme des dérives de nature à rendre le travail du dimanche obligatoire. II va créer une société que personne ne souhaite et qui ne résoudra absolument pas les difficultés économiques et sociales auxquelles notre pays est confronté. Et la droite et le Gouvernement s’obstinent encore à présenter ce texte !

On remarque que, pour la majorité et pour le Président de la République, le travail devient une obsession. Après le slogan « travailler plus pour gagner plus », puis « travailler plus longtemps » – « travailler jusqu’à 70 ans » – aujourd’hui, on entend le slogan « travailler le dimanche ». Je crois qu’on n’est jamais tombé aussi bas ! Quelle honte !

Ainsi sommes-nous opposés à cet article 2, qui met à mal les salariés et démantèle le droit du travail. Notre amendement tend à le supprimer, car son application ne créera ni emploi ni richesse.

Je suis heureuse que ce texte n’affecte pas l’Alsace et la Moselle protégées par le droit local. On ne peut d’ailleurs pas prétendre soutenir le droit local – n’est-ce pas, mes chers collègues ? – et voter pour ce texte.

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