Aussi, pendant les débats, nous avons d’abord rappelé le non-sens économique que constitue ce texte, qui ne créera pas de croissance et qui détruira des dizaines de milliers d’emplois dans le commerce de proximité.
Nous avons également tenté de démontrer que de telles extensions du travail dominical généraliseront de fait, et à court terme, ce dernier. Et pas n’importe quel travail dominical : dans la majeure partie des cas, il s’agira d’un travail du dimanche obligatoire, sans bonus de salaire et sans repos compensateur.
Manifestement, la première victime de ce texte sera « la France qui se lève tôt », pourtant si chère au Président de la République. La France des travailleurs devra dorénavant se lever tôt le dimanche aussi, et pour pas cher, si elle ne veut pas aller grossir les rangs des chômeurs !
En outre, nous avons essayé de vous dire la gravité d’un tel changement sur la vie de nos concitoyens. Des familles auront encore plus de difficultés à être réunies. Des mères seules devront laisser leurs enfants en garde non seulement pendant la semaine, mais également le dimanche. Des pères et des mères divorcés devront reporter le week-end sur deux où ils voient leurs enfants, car ils travailleront ce week-end et peut-être également les autres week-ends... Et que dire du temps disponible pour soi, pourtant nécessaire pour des projets personnels ou des activités associatives ou spirituelles ?
Travailler et consommer, consommer et travailler, est-ce là tout ce que vous avez à proposer comme projet de civilisation ?
Certains de nos plus bruyants collègues de la majorité nous ont répété avec arrogance que nous ne comprenions rien à la réalité du commerce et aux nécessités de l’économie. Au risque de les décevoir, je leur répète une dernière fois que nous en comprenons très bien les tenants et les aboutissants ! Et c’est bien parce que nous les comprenons que nous décidons sciemment que la priorité n’est pas là. Vous nous parlez du commerce ; nous vous parlons d’hommes et de femmes. Vous nous parlez de chiffre d’affaires ; nous vous parlons des Français.
Faire passer les gens avant les centres commerciaux est notre devoir de responsables politiques et notre engagement de socialistes.
Maintenant, les choses sont claires : ce texte sera sans pitié non seulement pour des millions de travailleurs, mais également pour la société dans son ensemble.
Comment ne pas voir que les individus ont besoin d’un temps de repos commun pour vivre véritablement ensemble, et non pas juste à côté les uns des autres ? C’est parce que le temps de repos est commun au plus grand nombre qu’il devient le temps du lien social, du partage et du rassemblement. D’un simple point de vue anthropologique, le repos commun, en l’occurrence le dimanche, est tout simplement une condition sine qua none pour constituer une société humaine.
Malgré vos dénégations et toutes vos tentatives pour réduire ce texte à sa seule dimension technique, vous ne me ferez pas croire que vous n’en voyez pas les enjeux sociétaux. Avec ce texte, le Gouvernement s’est livré en toute conscience à un abus de rhétorique pseudo-sociale.
D’ailleurs, voici une dernière preuve que ce texte est bien un texte politique et idéologique, et non un texte technique ou de régularisation, comme vous nous le répétez inlassablement. Le Président Nicolas Sarkozy lui-même a dit de ce texte qu’il était la marque de l’UMP. Nous avons pu le vérifier en considérant les conditions dans lesquelles le débat s’est déroulé. Ce fut un déni absolu de démocratie qui a abîmé l’image du Sénat ; cela a déjà été dit.
L’opposition a déposé 121 amendements ; aucun n’a été retenu, pas plus en séance qu’en commission. La consigne du vote conforme, rapide et sans bruit a été donnée en haut lieu.
Du côté de la majorité, de l’UMP en particulier, il n’y a eu ni intervention, ni amendement, ni débat, à l’exception de deux ou trois collègues un peu plus courageux, qui ne se couchent pas forcément quand l’Élysée crie : « Au pied ! »
Notre collègue Yves Daudigny nous a rappelé ce matin la règle qui devrait présider à toutes nos actions de parlementaires : « Tu te soumettras à la règle que tu as créée ! » Êtes-vous sûrs, mes chers collègues, de vouloir pour vos petits-enfants l’avenir que vous êtes en train d’écrire ligne par ligne ?
Parce que nous nous inscrivons dans l’héritage de ceux qui se sont battus pour améliorer sans cesse la condition humaine, parce que la modernité, c’est de protéger l’humain, et non de l’abîmer, le groupe socialiste votera résolument contre cette proposition de loi !