Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 26 janvier 2011 à 21h30
Patrimoine monumental de l'état — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

Un certain nombre de principes fondent le texte dont nous débattons aujourd’hui.

Il offre trois niveaux de garanties à une possible dévolution du patrimoine monumental étatique.

Tout d’abord, il crée un Haut Conseil du patrimoine, dont je ne rappellerai pas la mission, mes collègues l’ayant fait avant moi.

Ensuite, en établissant des transferts encadrés par plusieurs conditions – l’avis favorable du Haut Conseil du patrimoine, le suivi de l’information et le transfert des personnels –, le texte pose les garanties d’un traitement du patrimoine dans son plus grand respect, de telle sorte qu’il ne puisse être bradé ou cédé sans aucun contrôle sur son devenir.

Enfin, en définissant une procédure à titre gratuit pour des transferts accompagnés d’un projet culturel, cette proposition de loi encourage l’ouverture et le renouveau des monuments. Certains bâtiments, parfois abandonnés, mal entretenus, trop peu visités, pourraient, grâce à ces projets, connaître un nouveau souffle.

Comme le soulignait à très juste titre M. Jean-Jacques Aillagon, « il y a, dans une politique du patrimoine, l’expression d’une politique de démocratisation de la culture et, tout simplement, une politique du partage civique. »

On le voit, l’ambition assumée de ce texte est d’encadrer la passation par trois grands principes : la précaution en intervenant tout au long de la procédure, le respect de l’esprit culturel et historique du lieu et la garantie que le patrimoine reste un lieu de vie accessible au public.

Je me réjouis que ce soit notre assemblée, de surcroît par l’intermédiaire d’une collègue centriste, qui porte cette avancée législative. Les propositions qui sont faites posent les principes d’une éthique dans la gestion de notre patrimoine national.

Je regrette, par exemple – mais, à l’avenir, cela ne se reproduira plus si nous votons cette proposition de loi –, qu’à Rouen, dans ma ville, le couvent des Gravelines, qui date du début du 17e siècle et dont l’État, via la direction régionale des affaires culturelles, ou DRAC, de Haute-Normandie, s’est dessaisi, ait, immédiatement après sa vente, été démantelé pour qu’une partie du verger alentour soit revendue à un promoteur.

Le cas de l’hôtel de la Marine a été un révélateur, comme l’a dit Françoise Férat. Il est aujourd’hui une référence mais, on le voit à travers l’exemple que j’ai cité, il existe malheureusement bien d’autres cas.

L’objectif de ce texte est d’éviter le dépeçage des monuments historiques.

Je formule le souhait, à cette tribune, qu’il puisse d’ailleurs inspirer les collectivités locales qui pourraient être elles-mêmes tentées, à leur niveau, de vendre de manière hâtive et non inspirée leur patrimoine, en allongeant, comme elles le font parfois, la longue liste de lieux remarquables cédés au privé et définitivement non accessibles au public.

Avant de conclure, je voudrais insister sur deux points.

Premièrement, monsieur le ministre, j’insisterai sur le rôle essentiel que doit continuer à jouer le ministère de la culture en matière de protection du patrimoine et de veille, par le biais du classement.

Je m’appuie encore une fois sur mon expérience personnelle d’élue locale – certains de nos collègues, dont notre ami Yves Dauge, verront à quoi je fais référence –, pour souligner l’efficacité avec laquelle les services de l’architecture et du patrimoine étaient intervenus, il y a deux ans, lorsque je les ai saisis pour éviter la destruction d’un ensemble remarquable et identifié de l’architecte urbaniste Marcel Lods, que l’actuel maire de Rouen avait malheureusement fait voter. L’État peut et doit garantir une politique patrimoniale exemplaire.

Deuxièmement, il nous faut réaliser aujourd’hui que la mondialisation bouscule le monde du patrimoine. L’approche et la coopération internationales sont, de ce fait, rendues nécessaires en matière de protection des biens culturels, y compris en cas de catastrophes naturelles ou encore de conflits armés mais aussi de trafics illicites.

Cela m’amène à remercier notre collègue Amboise Dupont d’avoir proposé que soit insérée la notion de « patrimoine mondial » dans le code du patrimoine. Les documents d’urbanisme devront désormais tenir compte des exigences qui découlent de ce classement par l’UNESCO.

La massification du tourisme, l’envol du marché de l’art mondial, y compris le développement rapide des nouvelles technologies, ne sont pas non plus sans poser de question. Sur ces sujets, c’est aussi au niveau européen qu’il nous faut agir.

Seul un projet comme Europeana pourra prétendre rivaliser avec la gigantesque bibliothèque mondiale ambitionnée par Google en préemptant notre patrimoine littéraire.

Les centristes que nous sommes pensent que l’Europe, ce doit d’être aussi l’Europe de la culture et qu’il y a un patrimoine spécifique porteur de notre héritage à identifier et à protéger.

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