Nous avons adopté, lors de l’examen de l’article 1er, un amendement n° 30, présenté par nos collègues du groupe RDSE, qui octroie un droit de regard au Haut conseil du patrimoine sur les ventes des biens du domaine public de l’État français présentant une grande valeur patrimoniale et situés hors de notre territoire. Il s’agit d’une mission de « veille », qui est importante pour la préservation de ce patrimoine, mais qui reste d’ordre très général, je l’ai dit tout à l'heure, et n’est pas de nature à assurer une protection efficace du patrimoine français à l’étranger, en particulier au moment où l’État a de plus en plus tendance à le brader.
L’amendement que je vais défendre ne se trouve donc absolument pas « satisfait » par l’adoption de cet amendement n° 30.
Je rappelle le cadre particulier applicable aux biens de grande valeur patrimoniale appartenant à l’État français, mais situés en sol étranger : il s’agit de biens relevant du domaine public de l’État français, mais qui ne peuvent être ni classés ni inscrits à l’inventaire des monuments historiques, quelle que soit leur valeur, car ils sont situés hors du territoire national. En France, ils le seraient vraisemblablement, compte tenu de leur valeur ; dans certains États, certains d’entre eux bénéficient d’une protection équivalant au classement, tel le palais Thott, à Copenhague.
Ce patrimoine est malheureusement en train d’être bradé par l’État français, les produits des cessions constituant l’essentiel du financement du patrimoine à l’étranger depuis la mise en œuvre du contrat de modernisation du ministère des affaires étrangères.
Il est ainsi envisagé de vendre les biens suivants : la résidence de l’ambassadeur de France à Buenos Aires, pour 8 millions d’euros ; la villa de fonction du consul général de France à Sydney, pour 3, 7 millions d’euros ; le consulat général à Anvers, pour 3 millions d’euros ; la villa de fonction du consul général de France à Hong Kong, pour plus de 40 millions d’euros ; la Villa andalouse, à Madrid, résidence du « numéro 2 » de l’ambassade, pour 14, 5 millions d’euros ; l’immeuble des services culturels à New York, pour 23 millions d’euros ; l’Hospice wallon à Amsterdam, pour 4 millions d’euros ; le palais Lenzi, siège de l’Institut français à Florence, dont le cas a déjà été évoqué et qui constitue une source d’inquiétude particulière, pour 12 millions d’euros.
Certes, tous ces biens ne correspondent pas à des monuments historiques au sens de la législation française, mais plusieurs d’entre eux ont indiscutablement une haute valeur artistique et historique, comme l’hôtel particulier abritant le consulat général à Anvers ou, surtout, le palais Lenzi, joyau de la Renaissance florentine.
Nous souhaitons donc, puisque les ventes de tels trésors par l’État apparaissent inévitables, les encadrer au mieux et proposons une procédure calquée sur celle qui est prévue par la proposition de loi pour les cessions de l’État aux collectivités territoriales.
J’ajoute que le champ de notre amendement est plus large que celui des simples ventes d’éléments de patrimoine situés à l’étranger ; il concerne aussi les ventes par l’État de ses monuments historiques situés en France, que ce soit au profit de personnes privées ou de personnes publiques autres que les collectivités territoriales, qui voient les transferts réalisés à leur profit traités par la proposition de loi dont nous débattons.
Cet amendement constitue, en quelque sorte, une position de repli par rapport à notre absolu refus de tout déclassement de bien déclaré inaliénable, mais nous préférons faire preuve de pragmatisme, compte tenu de la dilapidation par l’État du patrimoine public monumental, aussi bien sur le territoire national qu’à l’étranger. Compte tenu de cette position de sagesse de notre part, nous espérons que le Sénat adoptera cette même attitude et votera notre amendement.