Pour nous aussi, mes chers collègues, c’est le problème du caractère inaliénable des biens qui est décisif dans notre détermination à voter contre cette proposition de loi. Il justifie notamment notre demande de recourir à un scrutin public sur notre amendement n° 1.
Il y a là, effectivement, une pierre d’achoppement qui marquera ce dossier dans un mauvais sens, qui abîmera même les quelques avancées contenues dans la proposition de loi, avancées que l’on ne peut pas nier. Je pense notamment à la création du Haut conseil du patrimoine – une façon un peu nouvelle, en tout cas pertinente et valorisante, de parler du Centre des monuments nationaux –, aux modifications apportées à l’article 1er ou encore aux dispositions de l’article 10 qui impliquent autant l’État que les collectivités locales.
En définitive, le texte sur lequel nous allons maintenant nous prononcer reste un peu « à mi-côte », et c’est dramatique, compte tenu de la gravité du contexte.
Par exemple, Mme Lepage a tout à l’heure dressé une liste, dont M. le ministre a dit qu’elle le faisait rêver. C’était également mon cas, car il s’agissait effectivement d’une belle promenade, d’une invitation au voyage ! Mais Mme Lepage proposait justement de remettre en cause la vente de tous ces bâtiments prestigieux. Eh bien, la majorité, elle, a dit non ! En d’autres termes, France Domaine devient un État dans l’État. On vend ! On vend ! On vend !
On ne peut pas tolérer cette démarche quand il s’agit de notre histoire. Et ce n’est pas une question d’idolâtrie à l’égard du passé ! Comme le disait Louis Aragon, il faut « se souvenir de l’avenir ». Car il n’y a pas d’avenir quand on oublie !
Le vote qui a eu lieu sur l’amendement défendu par Mme Claudine Lepage est donc significatif. Je rappelle d’ailleurs à certains de nos collègues que, lors de l’examen de l’article 52 du projet de loi de finances pour 2010, ils s’étaient allègrement prononcés pour qu’aucune condition ne soit posée.
J’évoque ici le travail parlementaire et l’action gouvernementale. Mais je voudrais tout de même aborder le dossier de l’hôtel de la Marine sous un aspect particulier, dont je n’ai pas parlé jusqu’à présent, par manque de temps et souci de ne pas allonger les débats.
Même si je n’ai pu m’y rendre cette année, pour des raisons de santé, je fréquente assidûment la conférence internationale sur la culture qui se déroule tous les ans en Avignon. J’y étais donc l’année dernière. Dans une belle salle, qui ressemble à la Chambre des Communes, il y avait une tribune et, sur cette tribune, parmi d’autres participants, se trouvait M. Alexandre Allard, l’acheteur qui voudrait s’emparer de l’hôtel de la Marine et qui – la conférence de presse de M. Sarkozy l’a prouvé – est en bonne voie d’obtenir un bail emphytéotique.
J’étais assis sur un des côtés et j’écoutais. Je tiens à vous rapporter les propos de M. Allard, mes chers collègues, car il faut prendre toute la mesure du danger. Voici à peu près ce qu’il disait : « Toutes ces questions de financement me paraissent complexes. Moi, j’ai une idée toute simple. Il existe des subventions ? Remettons tout à plat, en tenant compte du fait que la finalité d’une subvention est de faire du profit. Si l’on en fait, cela ira. Si l’on n’en fait pas, on supprimera… » Je suis certain que M. le ministre, qui avait d’ailleurs prononcé de très beaux discours à l’occasion de cette conférence, s’en souvient.
Je suis immédiatement intervenu pour dire à quel point de tels propos me laissaient pantois !
Dans la salle, il y avait aussi le président de Gaumont, M. Nicolas Seydoux. Celui-ci a pris la parole avec l’autorité que lui donne son expérience de professionnel du cinéma, et il s’agit d’un milieu où l’on sait ce que c’est qu’une subvention : c’est même grâce à cela que le cinéma français perdure sous la forme que la Libération a su lui donner ! Eh bien sa réplique a été d’une grande véhémence.
Je ne veux pas insister davantage, mais permettez-moi simplement, monsieur le président, d’évoquer encore un petit souvenir.