Le débat peut donc se dérouler tranquillement en attendant le projet de loi du Gouvernement qui, comme le note le rapport de M. Poniatowski, doit notamment modifier les principes de construction des tarifs réglementés.
Au Sénat pour les petits consommateurs, à l’Assemblée nationale pour les entreprises, on se concentre sur la réversibilité des tarifs sans évoquer l’envolée des factures de gaz, d’électricité ou de fioul, sans aborder la question du pouvoir d’achat, sans oser faire le bilan des effets pervers de la concurrence sur l’activité économique de nos entreprises, sans s’interroger sur l’avenir des tarifs réglementés. Quels tarifs le Gouvernement pourra-t-il garantir dans les mois et les années à venir ?
Lors des débats en 2006, nous avions dénoncé les hausses – jusqu’à 70 % pour le gaz – des factures énergétiques des entreprises. Conséquences directes de la politique énergétique gouvernementale, des sites ont fermé, en particulier dans le secteur papetier qui est grand consommateur d’énergie, et des emplois ont été supprimés. Aujourd’hui, la Commission de régulation de l’énergie doit se prononcer sur une augmentation de 9, 5 % du prix du gaz au 1er avril !
Cet hiver, la période de très grand froid a été particulièrement longue. Nos concitoyens ont dû y faire face. Les ménages les plus modestes, ceux qui vivent dans des logements vétustes ou mal isolés faute de moyens, ont parfois renoncé à se chauffer correctement tant la note était lourde !
Face à ces circonstances climatiques difficiles, nous avons déposé un amendement tendant à rétablir la prime à la cuve pour les ménages se chauffant au fioul. Cet amendement a été déclaré irrecevable par la commission des finances. Mais cela ne vous empêche en rien, monsieur le ministre d’État, de reconduire cette prime dès aujourd’hui. Vous en avez le pouvoir et les Français en ont besoin !
Cette absence de débats sur le prix de l’énergie s’accompagne naturellement de celle de la maîtrise publique nécessaire du secteur énergétique. La réversibilité des tarifs réglementés suppose leur maintien. Or, me semble-t-il, la pérennité des tarifs réglementés n’est pas une affaire de date. Elle repose sur la maîtrise publique du secteur énergétique.
La déréglementation de ce secteur, orchestrée par le Gouvernement, entraîne inévitablement l’augmentation des tarifs du gaz et de l’électricité. Elle sert l’objectif premier de rentabilité à court terme et de rémunération des actionnaires. Tout cela se fait au détriment des investissements et des consommateurs.
Ces logiques marchandes délétères pour le service public de l’énergie, portées par le Gouvernement, contaminent même l’opérateur historique, EDF.
En outre, on ne peut ignorer le contenu de l’avant-projet de loi relatif à la nouvelle organisation du marché de l’électricité. En effet, devançant les demandes de Bruxelles, le Premier ministre a confirmé qu’il allait offrir une part substantielle de la production électronucléaire française aux opérateurs privés qui en feront la demande.
Cette mesure, qui constitue une véritable aide publique en faveur du secteur privé, violant les règles de la concurrence libre et non faussée, est inacceptable ! Elle permettra au marché privé d’accroître ses marges, d’augmenter les tarifs, sans devoir supporter le coût des investissements nécessaires à l’entretien des outils de production, à leur démantèlement ou au traitement des déchets produits.
Les usagers vont être doublement pénalisés. Ils ont financé le parc de production électrique français et vont être totalement dépossédés du retour sur investissement. De plus, ils subiront de plein fouet les hausses des tarifs.
Enfin, sans revenir sur l’absence totale de transparence de la formule qui permet de fixer les tarifs réglementés, nous sommes très inquiets du contenu de l’avant-projet de loi sur cette question.
En effet, le texte tendrait à prévoir que « la structure et le niveau des tarifs réglementés de vente d’électricité hors taxes [soient] fixés afin d’inciter les clients à limiter leur consommation aux périodes où la consommation de l’ensemble des consommateurs est la plus élevée ». Autrement dit, du chauffage pour ceux qui ont les moyens de le payer, les autres se passeront de ce luxe !
Je voudrais dire un dernier mot à ceux qui penseraient que la solution se trouve dans la privatisation du nucléaire civil. Une telle direction, qui n’est pas exclue par le Président de la République, présenterait de graves dangers en termes de sécurité des installations, d’entretien des réseaux, d’indépendance énergétique.
Cette question ne peut faire l’objet d’aucun compromis. Une forte maîtrise publique est seule capable de permettre la transparence nécessaire sur les objectifs industriels et de recherche, ainsi que sur le niveau de sécurité des installations nucléaires.
Dans ce contexte, la proposition de loi que nous examinons perd terriblement de son intérêt. Il est important de protéger le consommateur qui a quitté les tarifs réglementés dans l’espoir de voir baisser sa facture et qui se retrouve pris en otage, sur les bons conseils de la majorité, par le jeu de la concurrence.
Mais jusqu’à quel point le protégeons-nous en adoptant simplement ce texte ? Il est surtout urgent de se mobiliser en faveur d’une maîtrise publique forte du secteur énergétique et d’arrêter ce gâchis. L’énergie est un bien essentiel qui doit être exclu des règles du marché !