Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, cette proposition de loi a été qualifiée de palliatif, mais il est des palliatifs utiles, et nous considérons que cette proposition en fait partie. C’est pourquoi notre groupe la votera unanimement.
Conformément à la réglementation européenne, notre pays, depuis dix ans, a procédé par étapes à l’ouverture à la concurrence des marchés de l’électricité et du gaz naturel. Limitée dans les premiers temps aux plus gros consommateurs, cette libéralisation a conduit à adapter notre cadre législatif, afin de clarifier les conditions dans lesquelles les clients éligibles, c’est-à-dire autorisés à faire le choix de la concurrence, pouvaient conserver le bénéfice des tarifs réglementés.
Pour l’électricité, la totalité du marché français est ouvert à la concurrence depuis le 1er juillet 2007. Or une réforme de l’organisation de ce marché est en cours de réflexion, à la suite de la remise du rapport de la commission présidée par M. Champsaur, en avril 2009. Elle a pour objectif de préserver, pour les consommateurs français, le bénéfice du parc électronucléaire et d’inciter à de nouveaux investissements. Nous sommes de ceux qui croient au nucléaire et à la nécessité d’avoir, avec EDF, un instrument de service public, et non pas une filiale de Veolia – mais ceci est un autre débat…
Dans ce cadre, près de trois ans après la libéralisation complète du marché, on constate que la plupart des consommateurs domestiques ont choisi de rester aux tarifs réglementés ; de même, la répartition des ventes entre les tarifs réglementés et le marché évolue très lentement.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes, puisque 94 % des utilisateurs domestiques sont encore aux tarifs réglementés, 1 % sont en offre de marché chez un fournisseur historique et 5 % seulement chez un fournisseur alternatif. Ce sont surtout les grands sites industriels qui ont su faire jouer la concurrence pour passer en majorité en offre de marché.
Cette prédominance des tarifs réglementés a trois causes principales : la notoriété d’EDF, le caractère modéré des tarifications et la crainte de subir des hausses de tarif non maîtrisées.
Il convient par ce texte d’autoriser les petits consommateurs d’électricité et de gaz naturel à accéder ou à retourner au tarif réglementé, sans condition de date butoir. En effet, au regard de l’expérience – pas toujours positive, il faut bien le dire – vécue par les consommateurs professionnels, il semblait essentiel de maintenir de larges possibilités d’accès aux tarifs réglementés pour nos concitoyens, dans un souci de préservation de leur pouvoir d’achat.
De plus en plus d’acteurs du système électrique et gazier considèrent que la voie du bon sens devrait conduire à autoriser une vraie réversibilité de l’exercice des droits relatifs à l’éligibilité, c’est-à-dire la possibilité pour un consommateur final d’obtenir, sans condition de date, le retour au tarif réglementé de vente d’électricité et de gaz pour un site, alors même qu’il se serait antérieurement approvisionné sur le marché pendant un certain temps.
Du point de vue strictement économique, la réversibilité sans date butoir rassurera les consommateurs. De ce fait, elle élargira les possibilités de choix qui leur sont ouvertes et favorisera l’émergence de nouvelles offres plus inventives en termes d’efficacité énergétique et de valorisation des sources renouvelables.
Selon les principaux opérateurs énergétiques européens, notre pays est le seul, parmi ceux où coexistent des tarifs réglementés et des prix de marché, à ne pas autoriser la réversibilité aux ménages et aux petits professionnels de façon plus souple et moins contraignante. Au Danemark, en Italie, en Allemagne, par exemple, la réversibilité totale est admise sans aucun problème et sans limite de temps.
Pour notre part, nous considérons que l’électricité et le gaz sont non pas des produits comme les autres mais des produits de première nécessité. À ce titre, ils devraient bénéficier d’une réglementation comparable à celle qui peut être applicable à l’eau et relever davantage du service public. Dès lors, tant que nous n’établirons pas la réversibilité totale pour les petits consommateurs en mettant en cohérence notre tradition énergétique et nos obligations européennes, le marché de l’électricité et du gaz demeurera assez factice, avec le risque d’avoir un marché énergétique à deux vitesses.
Cette proposition de loi est un signe clair envoyé au Gouvernement pour l’alerter sur les conséquences néfastes de la libéralisation du marché de l’énergie lorsqu’il s’agit de la fourniture d’un bien de consommation essentiel.