Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, grâce à notre collègue M. Ladislas Poniatowski, auteur de cette proposition de loi, ainsi qu’au soutien de la commission de l’économie, représentée par Pierre Hérisson, nous sommes de nouveau engagés dans un débat déterminant sur le devenir de nos tarifs réglementés. Je m’en réjouis, car ces tarifs demeurent plus que jamais des éléments essentiels de l’équilibre économique, social et politique de nos systèmes énergétiques.
Le Parlement a eu la grande sagesse de valider, dans le cadre de la loi du 21 janvier 2008, la réversibilité de l’exercice de l’éligibilité, c'est-à-dire la possibilité de revenir aux tarifs réglementés lorsque l’on a choisi de venir acheter son énergie sur le marché ou que l’on y a été entraîné sans le vouloir.
La réversibilité réconcilie en effet la sécurité personnelle du consommateur avec la logique d’ouverture à la concurrence de la fourniture d’électricité et de gaz. C’est parce qu’il a l’assurance de bénéficier de cette sécurité que constitue le retour aux tarifs réglementés que le consommateur, notamment le consommateur domestique, peut tenter sans appréhension l’aventure du marché.
En raison de leur effet positif sur l’ouverture à la concurrence, les tarifs réglementés constituent des outils vertueux de régulation de nos systèmes énergétiques. Même les instances de l’Union européenne semblent désormais le reconnaître. Pour ce qui concerne les petits consommateurs, monsieur le ministre d’État, nous ne pouvons que nous en réjouir.
Dans le domaine de l’électricité, les tarifs réglementés sont attractifs et indispensables, parce qu’ils mettent le consommateur à l’abri de la volatilité des prix du marché, comme l’ont rappelé MM. Courteau, Mézard et Merceron – l’électricité est un bien vital, même si elle est aussi un bien comme les autres, qui irrigue tout le territoire national – et parce qu’ils sont basés sur les coûts de l’électricité nucléaire dont notre pays a su se doter ; ils permettent d’assurer la redistribution au consommateur des avantages de cette énergie non émissive de gaz à effet de serre, qui restera durablement plus compétitive que les énergies fossiles importées.
Certes, nous ne pouvons ignorer la nécessité de pratiquer la transparence tarifaire et de garantir le financement, par le prix de l’électricité, du renouvellement et du développement de notre parc électronucléaire. Cela va impliquer que nous nous engagions dans une logique de relèvement des tarifs réglementés. Toutefois, malgré ce relèvement, les tarifs réglementés continueront d’assurer, du fait de leur stabilité à court terme, une sécurité très précieuse dans un monde de l’énergie incertain.
De surcroît, le fait que la fourniture d’électricité ou de gaz à des tarifs réglementés de vente constitue, je le rappelle, un service public local relevant de la compétence des collectivités territoriales ou, le plus souvent, de leurs groupements, renforce encore l’intérêt de ce dispositif pour le consommateur. Celui-ci bénéficie en effet du contrôle, par cette autorité organisatrice, de la bonne exécution de la mission de service public dont est investi le fournisseur d’électricité ou de gaz.
Compte tenu des avantages qu’offrent les tarifs réglementés de vente, il était nécessaire d’organiser leur pérennité au-delà du 1er juillet 2010. Je remercie donc Ladislas Poniatowski d’avoir pris l’initiative de déposer cette proposition de loi, qui tend à organiser une solution tout à la fois protectrice pour les consommateurs d’énergie et respectueuse du cadre européen dans lequel elle s’inscrit.
Tel qu’il est actuellement rédigé, ce texte permettra, me semble-t-il, d’atteindre ces objectifs. Il importera toutefois de bien clarifier notre position sur le sort que nous entendons réserver aux nouveaux sites des consommateurs professionnels raccordés pour une puissance souscrite supérieure à 36 kilovoltampères. Cela concerne non seulement les entreprises privées, mais également, je le rappelle, les collectivités publiques, c’est-à-dire l’État, les collectivités locales et leurs groupements, les hôpitaux et les établissements publics.
Il me semble avoir compris du texte qui nous est soumis qu’un consommateur professionnel souscrivant pour un site une puissance électrique supérieure à 36 kilovoltampères ne pourra plus bénéficier des tarifs réglementés de vente d’électricité après le 1er juillet 2010, alors que cette possibilité est ouverte jusqu’à cette date.
Mes chers collègues, il me semble particulièrement opportun de ne pas agir précipitamment. Il faut choisir une autre voie et aligner les règles applicables aux nouveaux sites de consommation d’électricité de plus de 36 kilovoltampères de puissance souscrite sur celles qui sont prévues dans l’avant-projet gouvernemental, la loi relative à la nouvelle organisation du marché de l’électricité, la loi NOME. En effet, ce texte prévoit le maintien des tarifs réglementés d’électricité pour tous les consommateurs professionnels jusqu’au 31 décembre 2015, tant qu’ils ne décident pas de faire usage de leur éligibilité.
D’ailleurs, ne parle-t-on pas de proroger le TaRTAM, le tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché, au-delà du 1er juillet 2010 ? Ce signal clair serait accueilli avec soulagement par les acteurs économiques de notre pays, affaiblis par la crise. Ce serait également une bonne chose pour nos finances publiques, dont l’état difficile n’est plus à démontrer. J’ai déposé un amendement pour défendre cette mesure, que je crois juste et euro-compatible.
Dans le contexte de cette délicate transition, la mise en place des nouvelles mesures d’organisation du marché de l’électricité que vous êtes en train d’élaborer, monsieur le ministre, sur la base d’un large consensus, est plus qu’urgente.
En attendant, la proposition de loi déposée par notre collègue Ladislas Poniatowski, soutenue par la commission des affaires économiques, constitue, même si elle ne suffit pas à régler l’ensemble des difficultés qui sont devant nous, une étape bienvenue et nécessaire dans la poursuite du processus d’adaptation de nos systèmes électriques et gaziers.