Monsieur le président, monsieur le ministre d'État, mes chers collègues, permettez-moi de rappeler quelques éléments du contexte général dans lequel intervient l’examen de l’excellente proposition de loi de notre collègue Ladislas Poniatowski.
La Commission européenne a rendu public le 11 mars 2010 un rapport sur les progrès réalisés dans le développement du marché intérieur de l’électricité et du gaz au cours de l’année 2009. Selon ce rapport, la législation européenne sur l’électricité et le gaz n’est toujours pas « correctement et complètement » transposée dans tous les États membres.
Pour assurer l’ouverture totale du marché intérieur du gaz et de l’électricité, la Commission avait proposé de compléter la législation par un troisième paquet de mesures de libéralisation du marché intérieur de l’énergie, adopté en avril 2009.
Comme cela est précisé dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, « selon un rapport du groupe des régulateurs européens pour l’électricité et le gaz, l’ERGEG, au 1er juillet 2008, la réversibilité totale était en vigueur dans presque tous les États membres de l’Union européenne où coexistent des tarifs réglementés et des prix de marché en électricité et en gaz pour les clients résidentiels. Jusqu’en janvier 2008, la France constituait une exception en Europe en n’appliquant pas le principe de réversibilité pour les clients résidentiels, ni en électricité ni en gaz. La loi du 21 janvier 2008 a permis de remédier en partie à cette situation. »
Selon le dernier sondage publié sur le site de la Commission de régulation de l’énergie, la CRE, les foyers français sont majoritairement favorables à l’ouverture à la concurrence. Entre 2008 et 2009, la part des foyers estimant que l’ouverture à la concurrence est une bonne chose a ainsi progressé de deux points, passant de 59 % à 61 %. Cependant, dans le même temps, la part des foyers estimant que l’ouverture à la concurrence est une mauvaise chose a progressé de cinq points, passant de 13 % à 18 %. En conséquence, même si les Français sont a priori favorables à l’ouverture des marchés de l’énergie, il est tout de même important de noter la progression des opinions négatives. §
Au 31 décembre 2008, bien que les tarifs réglementés de vente concernaient encore 96 % des consommateurs en électricité, contre 98 % un an auparavant, la part de marché des fournisseurs alternatifs avait progressé au cours de l’année : 1 046 000 sites étaient clients d’un fournisseur alternatif, contre 364 000 sites au 31 décembre 2007.
Sur le segment des sites résidentiels, au cours de l’année 2008, l’ouverture à la concurrence s’est poursuivie à un rythme soutenu : les fournisseurs alternatifs ont gagné en moyenne 58 000 clients par mois.
Sur le segment des sites non résidentiels, l’ouverture à la concurrence du marché s’est stabilisée en 2008. Les fournisseurs alternatifs ont gagné 1 250 professionnels par mois.
Il apparaît évident que le caractère irréversible de la décision de quitter les tarifs réglementés, accentué par la décision du Conseil constitutionnel, n’a pas incité le consommateur à se lancer dans une démarche qu’il peut légitimement juger risquée, et ce malgré la nature attractive des offres des fournisseurs alternatifs, qui proposent des prix inférieurs d’environ 10 % à ceux des formules tarifaires, assorties d’une garantie de stabilité des prix pendant les premières années. Cette irréversibilité du choix avait au demeurant été mise en avant par les pouvoirs publics français afin d’inviter les consommateurs à bien mesurer les conséquences de leur passage à la concurrence avant de prendre toute décision de sortie définitive des tarifs réglementés de vente.
En outre, les ménages peuvent se montrer sceptiques sur les avantages qu’ils peuvent tirer de cette concurrence à la lumière de l’expérience vécue par les consommateurs professionnels. En effet si, dans un premier temps, après la libéralisation, leur facture d’électricité a baissé, dans un second temps, à partir des années 2003 et 2004, les prix ont véritablement explosé.
Tous ces éléments avaient conduit au vote de la loi du 21 janvier 2008.
Aujourd’hui, le texte qui nous est proposé par notre collègue Ladislas Poniatowski vise à étendre les dispositions applicables aux clients résidentiels aux entreprises employant moins de cinquante salariés et dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 10 millions d’euros, soit l’ensemble des petits consommateurs d’électricité. De fait, ces entreprises sont dans la même situation d’appréhension du marché que les consommateurs résidentiels.
En tant que sénateur et président du syndicat intercommunal d’électricité du département de la Loire, il me semble que cette mesure est très réaliste. Elle permet de faire des expériences et des allers-retours entre les tarifs réglementés et ceux du marché. Ces possibilités sont indispensables tant que coexistent les deux tarifs. Enfin, cette mesure donne la possibilité aux différents fournisseurs d’ajuster leur offre de service aux besoins de ces consommateurs.
Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, je voterai cette proposition de loi.