Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Mme le rapporteur a dit qu’il fallait protéger les droits des enfants. Je suis d’accord avec elle : il est temps en effet de consolider le statut des enfants adoptés par des couples non mariés, nombreux en France, en légalisant l’adoption par les couples pacsés. Nous ne tirons pas les mêmes conclusions des mêmes prémisses !
En effet, le pacte civil de solidarité est désormais une forme d’union bien ancrée dans la société. Contrairement à ce qui a été dit, il ne s’agit pas seulement d’une évolution numérique. Je n’y reviens pas, mes collègues ont déjà évoqué cette question.
On compte actuellement un peu plus d’un pacte civil de solidarité conclu pour deux mariages célébrés.
Le succès du PACS ne se limite pas à la possibilité de contractualisation pour les seuls couples homosexuels : ce type d’union est devenu la forme de famille dans laquelle naît et est éduquée une forte proportion des enfants aujourd’hui en France.
En effet, c’est maintenant l’enfant qui fait famille, comme l’écrit Irène Théry : on se pacse ou on se marie après avoir eu des enfants. Mariage et PACS ne sont plus l’acte de création de la famille mais sont devenus une formalisation de celle-ci.
Les partenaires qui choisissent de conclure un PACS plutôt que de se marier manifestent ainsi leur préférence pour une forme d’union qui concilie un certain degré de protection avec un moindre formalisme juridique.
De mon point de vue – mais je ne suis pas de leur génération –, ils se font des illusions. Leurs enfants et eux n’échapperont pas plus au déchirement de la rupture que les couples mariés et leur progéniture, couples dont les règlements de compte sordides submergent les tribunaux tous les jours. Ils se le figurent néanmoins ; laissons-leur cette illusion.
Il apparaît également que le choix du mariage ou du pacte civil de solidarité n’a pas d’incidence sur la stabilité de l’engagement, contrairement à ce qui est écrit dans le rapport de la commission des lois, et qui contredit le rapport de notre collègue Mme Catherine Troendle. Celle-ci précise dans ce dernier document que le taux de séparation est plus élevé pour le PACS les deux premières années d’union, puis devient très proche du taux de divorce dès la troisième année, avant d’y être inférieur de la quatrième à la sixième année de vie commune. Il faut également prendre en compte le fait qu’un quart des ruptures de PACS débouche sur un mariage.
L’argument qui fait du couple marié un couple plus stable, garantissant à l’enfant adopté un meilleur accueil que le couple pacsé, ne correspond donc pas à la réalité d’aujourd’hui. En effet, les couples qui souhaitent adopter sont unis de longue date, à une période de la vie où les pacsés se séparent moins que les mariés, c’est-à-dire après six ans d’union. En général, on ne demande pas une adoption après deux ans de mariage mais bien plus tard dans la vie du couple.
Si les couples pacsés ne sont pas assez stables pour assurer le bonheur des enfants, il faudrait alors également leur interdire d’avoir des enfants biologiques ! Toutes ces objections – le problème du nom de l’enfant, l’autorité parentale – concernent les enfants biologiques des couples non mariés ou pacsés tout autant que les enfants adoptés.
Madame le rapporteur, l’argument de la stabilité cache un aspect qui n’est pas développé dans le rapport, à savoir la crainte de voir des enfants adoptés par des familles homoparentales et la persistance de la discrimination à leur encontre, laquelle est condamnée par la Cour de justice européenne.
L’adoption de la proposition de loi en discussion mettrait fin à une telle discrimination. Il est grand temps que nous regardions la réalité en face et que nous cessions de rester prisonniers de conceptions dépassées. Si nous pouvions défendre celles-ci quand nous avions vingt ou trente ans, ce n’est plus cas aujourd’hui lorsque nous considérons le mode de vie de nos enfants et de nos petits-enfants.