Même si Mme Christine Lagarde et M. Gérard Larcher se sont défendu de présenter ce projet de loi en réponse au problème de perte de pouvoir d'achat des Français, l'exposé des motifs laissait pourtant entendre le contraire.
Or, selon nous, c'est très clair, la participation salariale ou les dispositifs d'intéressement ne sont en rien une réponse satisfaisante au problème du pouvoir d'achat.
La participation et l'intéressement individualisent un peu plus encore les rémunérations, au détriment des salariés. Le plus souvent, cela se substitue tout bonnement aux augmentations de salaires.
Quant à l'actionnariat salarié, n'oublions pas qu'il ne touche qu'une infime minorité de salariés, souvent des cadres dirigeants, qui négocient de la sorte leurs rémunérations. Pour les autres, l'actionnariat salarié se résume souvent à de l'épargne forcée.
Les entreprises, en faisant miroiter à leurs employés des gains mirobolants, leur font accepter de se serrer la ceinture en matière de salaire ou de revenir sur certains de leurs acquis.
Si l'actionnariat salarié transforme le monde du travail en monde de petits boursicoteurs, au final, ce seront toujours les grandes entreprises qui s'y retrouveront.
En puisant de la sorte dans l'épargne de leurs salariés, ces entreprises se constituent des sources de financement fiables et peu exigeantes en matière de rentabilité financière.
Vous l'avez compris, pour nous, ce texte ne fera très probablement pas gagner un euro de plus aux salariés mais, de surcroît, il aboutira à déconstruire encore un peu plus les relations de travail et les négociations collectives, en particulier en matière de salaire.
Par ailleurs, ce texte est d'autant moins acceptable qu'il a surtout servi de véhicule législatif à un certain nombre de dispositions relatives au code du travail que le Gouvernement voulait probablement faire adopter rapidement avant la fin de la législature.
Un certain nombre de dispositions sans aucun rapport avec le texte - dans environ la moitié des articles - ont été introduites soit dans le texte lui-même, soit par voie d'amendement.
Et, malgré le « petit arrangement » avec l'Assemblée nationale, qui s'est en apparence, mais en apparence seulement, refusée à prendre part au jeu des « cavaliers », nous nous retrouvons finalement avec la quasi-totalité des dispositions initialement prévues, plus quelques-unes encore, comme si cela ne suffisait pas !
Ainsi, ont été votés le congé de mobilité, qui prive le salarié de la sécurité de son contrat de travail, le prêt de main-d'oeuvre, qui contrevient à toute la jurisprudence sur ce sujet, ou encore la non-prise en compte des salariés sous-traitants dans le décompte des effectifs des entreprises, qui réduit les droits en matière de vote et de représentation syndicale. Il en est de même pour les dérogations au temps de travail applicable dans les transports et pour l'abaissement du niveau de sanction pour les entreprises ne respectant pas l'obligation de proposer un contrat de transition professionnelle, qui passe de l'équivalent de deux mois de salaire du travailleur concerné à un seul.
Mais ce n'est pas tout : je pourrais également mentionner la suppression de la contribution Delalande, qui était réclamée de longue date par le MEDEF. Même l'indemnisation des conseillers prud'homaux, qui était pourtant décriée de toute part, a été adoptée ce soir.
En outre, je souhaite évoquer les articles 14 bis et suivants, qui ont été introduits à l'Assemblée nationale comme cavaliers, puis confirmés au Sénat. De même que les articles précédents, ces dispositifs participent de votre volonté acharnée de démanteler les droits des travailleurs.
Mine de rien, avec ces articles, vous réduisez les obligations des entreprises en matière d'information de leur personnel.
Décidément, les entreprises pourront vous remercier du travail que vous avez effectué et des centaines de millions d'euros de cadeaux fiscaux et d'exonérations de charges sociales que vous leur accordez.
Au final, le présent projet de loi est devenu un texte supplémentaire visant à mettre en pièces le code du travail, que vous aurez au moins réussi à sacrément endommager en cinq années de législature.
Vous l'avez compris, nous voterons donc sans hésiter contre ce projet de loi.