Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 9 novembre 2006 à 22h15
Participation et actionnariat salarié — Vote sur l'ensemble

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

... qui ne correspond en rien à notre conception de ce que doivent être les relations du travail.

Tout au long de ce débat, nous avons répété à plusieurs reprises que nous n'étions pas hostiles à la participation et à l'épargne salariale, mais que nous nous opposions aux déviations dont elle est l'objet.

Conçue originellement comme un élément de cohésion du monde du travail, à la fois par le partage des bénéfices et par le développement du dialogue social, la participation est devenue, d'une part, un substitut au salaire exonéré de cotisations sociales patronales et un mode de distribution aléatoire de suppléments de pouvoir d'achat et, d'autre part, le principal dispositif d'alimentation de l'épargne retraite.

Au fur et à mesure que les cotisations sociales sont allégées, l'encours des instruments d'épargne retraite augmente. C'est devenu un siphonage organisé de la retraite par répartition, une destruction programmée de la solidarité nationale. Nous ne pouvons pas souscrire à cette transformation d'une idée, peut-être discutable - je parle de la participation -, mais qui était au moins bien intentionnée et généreuse au départ, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui.

Nous reviendrons d'ailleurs sur les contributions sociales dès la semaine prochaine, à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Par ailleurs, et nous l'avons souligné, ce texte est devenu un projet de loi portant diverses mesures d'ordre social, ou DMOS, de fin de session. C'est une sorte de « panier de la ménagère », rempli avec le MEDEF, dans lequel vous avez regroupé toutes les dispositions que vous voulez faire adopter avant la période électorale des prochains mois. Il faut le souligner, aucune de ces mesures n'améliorera d'une quelconque manière la situation des salariés.

Plusieurs dispositions sont clairement en contradiction avec la volonté de dialogue social exprimée par le Président de la République. Il est vrai que l'expression « dialogue social » peut être employée comme un effet d'annonce au niveau national sans que l'on améliore pour autant le dialogue au sein des entreprises.

Sur le plan juridique, on assiste à une démolition des éléments fondamentaux de la relation salariale. Comme il n'est pas possible de supprimer le CDI, on le vide de sa substance en faisant progressivement disparaître des procédures de licenciement et même leur motivation. Dans le même temps, les formules d'emploi précaire et de recours à la prestation de services et à la sous-traitance sont multipliées et encouragées.

Tout ce qui met le travailleur en situation d'isolement et d'insécurité, que ce soit dans la relation professionnelle ou face aux aléas de la vie tels que la maladie ou la vieillesse, est sciemment mis en oeuvre sous l'alibi de la compétition économique mondiale.

Au final, l'idée qui structure, involontairement sans doute, l'ensemble de ce projet de loi et qui transparaît dans sa rédaction est que les intérêts respectifs des actionnaires et des salariés sont devenus progressivement incompatibles.

Je dis bien « sont devenus », parce que cela n'a pas toujours été le cas, notamment lorsque le capitalisme avait des objectifs industriels. Il pouvait alors exister des convergences ; c'est d'ailleurs ce qu'exprimait l'idée de participation voulue par le général de Gaulle. Mais, nous le voyons bien, cela est désormais exclu dans le capitalisme financier que vous laissez nous dominer.

Pas plus que les autres lois que vous avez adoptées, surtout depuis l'année 2004, ce texte n'est anodin. Il est un élément supplémentaire de la déconstruction du social et d'une mutation dans le fonctionnement de la société. La dérégulation des rapports sociaux ne fait que suivre la dérégulation économique, avec les résultats « prometteurs » que l'on observe déjà s'agissant de nos concitoyens les plus modestes.

Dans ces conditions, le dialogue social que vous invoquez ne pourra être qu'un mot sans substance, un paravent insuffisant pour dissimuler le recul et l'éclatement de la condition salariée. Pourtant, il faudra le remettre au centre de notre société et lui redonner les moyens d'une nouvelle énergie.

Madame la ministre, monsieur le ministre, c'est une lourde tâche que vous imposez à ceux qui devront reconstruire ce que vous avez défait.

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