Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, madame le ministre, mes chers collègues, je supplée bien volontiers notre excellent collègue M. de Richemont, empêché, qui a beaucoup travaillé sur ce texte.
Comme vous l'avez souligné, madame le ministre, il s'agit d'un texte d'initiative sénatoriale, élaboré par la commission des lois à partir de deux propositions de loi, la première déposée par M. Roland Courteau et plusieurs des membres du groupe socialiste, la seconde présentée par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen. Je rappelle que ce texte a été adopté par notre assemblée en première lecture le 29 mars 2005. Bien entendu, je ne saurais oublier que nombre de nos collègues ont apporté leur concours à l'élaboration de ce texte, je pense notamment à la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
S'agissant d'une proposition de loi, il est à noter une relative célérité dans le déroulement de la procédure, certains ayant même voulu aller très vite. Un consensus s'est dégagé tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, ce qui montre bien la volonté du législateur de faire aboutir le plus rapidement possible ce texte.
Je rappelle aussi l'accord intervenu en commission mixte paritaire sur la proposition de loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales. L'Assemblée nationale avait cru bon d'adopter un certain nombre de dispositions relatives à l'éloignement du conjoint violent qui figuraient déjà dans le texte d'initiative sénatoriale. Mes chers collègues, vous vous souvenez sans doute que nous avions accepté de voter lesdites dispositions à condition que l'Assemblée nationale se saisisse de la proposition de loi émanant du Sénat. L'engagement pris en la matière par le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale a été respecté puisque ce texte a été examiné par l'Assemblée nationale au cours de ses séances des 13 et 15 décembre dernier.
Au fil de la procédure parlementaire, et même si le Sénat souhaitait mettre davantage l'accent sur le thème des violences conjugales, la portée du texte a été progressivement étendue.
D'abord, et vous l'avez souligné, madame le ministre, le Sénat a adopté en première lecture, par voie d'amendement, sur l'initiative notamment de Mme Garriaud-Maylam et de M. Courteau, un article additionnel portant de quinze à dix-huit ans l'âge légal du mariage des femmes.
Pour leur part, les députés ont introduit des dispositions renforçant, d'une part, la lutte contre les mariages forcés et, d'autre part, la répression contre les violences faites aux mineurs, qui, bien qu'utiles, étaient un peu hors sujet, mais je ne proposerai pas pour autant de les supprimer. C'est pourquoi l'intitulé de la proposition de loi a été modifié et vise non plus seulement les violences au sein du couple mais également celles qui sont commises à l'encontre des mineurs.
Comme je l'ai rappelé, les lectures successives au sein des deux assemblées se sont traduites par une constante, à savoir le consensus de la représentation nationale. En effet, la proposition de loi a été adoptée à l'unanimité tant par le Sénat que par l'Assemblée nationale. C'est le signe le plus évident de la volonté de dénoncer l'extrême gravité de ces formes de violences, que vous avez rappelée, madame la ministre, et de mettre en place l'arsenal juridique le plus efficace pour les prévenir et les réprimer.
Tel est l'esprit général dans lequel la commission vous propose, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre déléguée, mes chers collègues, de poursuivre l'examen de ce texte, en confortant encore le dispositif issu des travaux de l'Assemblée nationale, dont je me permets de rappeler la teneur.
Si les députés ont adopté sans modification le relèvement de l'âge du mariage des femmes, ils ont inséré plusieurs dispositions nouvelles destinées à renforcer la lutte contre les mariages forcés, dispositions qui nous paraissent fort bonnes.
Ces mesures visent, tout d'abord, à préciser que l'audition des futurs époux pour s'assurer de leur consentement et la saisine du procureur de la République, en cas de doute, s'appliquent non seulement aux mariages de complaisance, mais aussi aux mariages forcés.
Par ailleurs, ils ont cherché à faciliter l'annulation des mariages forcés en permettant au ministère public d'engager une action en nullité et en portant le délai de recevabilité de cette action en nullité, qu'elle soit engagée par les époux ou par le procureur de la République, à deux ans, au lieu de six mois antérieurement, lorsque les époux cohabitent.
Enfin, les députés ont précisé que l'article 1114 du code civil - « La seule crainte révérencielle envers le père, la mère, ou autre ascendant, sans qu'il y ait eu de violence exercée, ne suffit point pour annuler le contrat » - ne peut faire obstacle à l'annulation d'un mariage pour vice du consentement.
En matière pénale, les députés ont confirmé, pour l'essentiel, le dispositif adopté par le Sénat.
Ils ont ainsi adopté dans les mêmes termes les dispositions permettant l'application des circonstances aggravantes, d'une part, aux faits commis par la personne liée à la victime par un PACS, d'autre part, au meurtre perpétré au sein du couple.
Ils l'ont également précisé en prévoyant que l'application de la circonstance aggravante aux « ex » ne pourrait être retenue que si « l'infraction est commise en raison des relations ayant existé entre l'auteur des faits et la victime ».
Les députés ont proposé une nouvelle rédaction pour deux dispositions, que vous avez évoquées l'un et l'autre, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre déléguée.
Ils ont, tout d'abord, s'agissant du délit de privation de pièces d'identité au sein du couple, prévu que les dispositions de l'article 311-12 du code pénal, selon lesquelles le vol ne peut donner lieu à des poursuites pénales quand il est commis au préjudice du conjoint, ne seraient pas applicables lorsque le vol porte sur des objets ou documents indispensables à la vie quotidienne de la victime.
Ensuite, alors que le Sénat avait prévu, à l'article 4, que la qualité de conjoint ne saurait être, en matière de viol, une cause d'irresponsabilité ou d'atténuation de la responsabilité, les députés ont fait de la qualité de conjoint une circonstance aggravante du viol et des agressions sexuelles commises au sein du couple.
En outre, ils ont modifié l'article 5, prévoyant l'éloignement du domicile du couple de l'auteur des violences.
En effet, je le rappelle, ces dispositions ont été adoptées par le Parlement, sous une forme encore plus complète, dans la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales ; elles n'ont donc pas été retenues dans la présente proposition de loi par l'Assemblée nationale, ce qui est dans la suite logique de nos travaux.
Enfin, les députés ont souhaité compléter le dispositif pénal sur cinq points.
Ils ont décidé d'interdire au procureur de la République de proposer une seconde médiation en cas de violences conjugales si la première médiation a été sans effet, d'étendre aux couples non mariés ayant un enfant commun mineur le dispositif civil d'éviction du conjoint violent du domicile conjugal, et d'étendre la répression de l'excision et des autres mutilations sexuelles à celles qui sont commises à l'étranger à l'encontre d'une victime mineure résidant habituellement en France.
Ils ont profité de l'occasion pour transposer la décision-cadre du Conseil de l'Union européenne relative à la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie.
Ils ont, enfin, voulu renforcer la lutte contre le tourisme sexuel.
J'en viens maintenant aux propositions de la commission des lois du Sénat.
En ce qui concerne le volet civil, la commission partage bien entendu le souci de l'Assemblée nationale de mieux lutter contre les mariages forcés et propose, à ce titre, deux mesures principales.
Madame la ministre déléguée, vous vous en réjouissiez à l'avance