Intervention de Jacques Muller

Réunion du 20 mai 2010 à 15h00
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Article 1er suite

Photo de Jacques MullerJacques Muller :

L’article 1er marque une grande avancée puisque, pour la première fois, est introduite dans notre législation la notion de « politique publique de l’alimentation ». Il était temps ! En témoignent les dérives de notre modèle alimentaire, qui subit l’invasion du modèle américain.

Cette notion figure dans la première partie de la loi de modernisation de l’agriculture : c’est une excellente chose. Ainsi, nous affichons publiquement que, grâce à l’agriculture, nous nourrissons d’abord les hommes.

D’excellentes dispositions ont été adoptées, notamment la dernière que nous venons de voter ; c’est également le cas dans le domaine de l’éducation ou de la formation. La jeunesse est la cible numéro 1 des politiques menées en ces matières, pour garantir une solide politique de l’alimentation.

Cela étant, je déplore profondément le refus d’articuler politique alimentaire et politique agricole nationale. Lorsque je dis « déplore », je vais au-delà du simple regret, car le concept de souveraineté alimentaire méritait un vrai débat, qui n’a pas eu lieu. Malgré certains échanges, aucune confrontation d’argumentation digne de ce nom n’est intervenue.

J’irai même un peu plus loin. Pour éviter que l’expression « souveraineté alimentaire » n’apparaisse dans la loi, on a eu recours au vote par scrutin public, qui consiste à faire voter les absents, procédure qui, selon moi, ne fait guère honneur à la démocratie. Ce procédé, parfaitement légal, inscrit dans le règlement du Sénat, n’en est pas pour autant légitime. Pour moi, légitimité ne vaut pas légalité. En réalité, cette volonté de verrouiller le vote traduit une certaine inquiétude.

Un problème de fond se pose : on ne peut pas juxtaposer politique alimentaire et politique agricole. Elles doivent être articulées et orienter nos choix en matière d’agriculture.

Je ne reviendrai pas sur l’argumentation que j’ai développée hier sur le caractère stratégique, je dis bien « stratégique », d’une politique agricole permettant d’améliorer l’autonomie de la France par rapport à ses concurrents étrangers. Notre indépendance politique exige une vraie indépendance en matière de production de nourriture.

Cette souveraineté alimentaire indispensable aurait permis de tracer un cap. Un pays ne conquiert pas son autonomie alimentaire facilement ni rapidement. Pour ce faire, les systèmes de production agricole doivent évoluer en profondeur. Cela prend du temps. C’est pourquoi j’ai estimé indispensable de tracer le cap d’une vraie modernisation agricole, qui ne se paie pas de mots.

Le refus d’articuler politique agricole et politique alimentaire constitue, selon moi, une erreur. Le refus d’inscrire la souveraineté alimentaire dans le projet de loi, comme pierre angulaire d’une politique publique de l’alimentation, est une faute.

Mes chers collègues, quitte à surprendre certains d’entre vous, je vais paraphraser le général de Gaulle : la souveraineté alimentaire relève d’une « ardente obligation », qui a été bloquée par un vote par scrutin public. Ce sujet méritait mieux !

Lors du vote du premier article du présent projet de loi, j’aurais aimé pouvoir m’abstenir, voire donner un signal positif. Étant donné ce qui s’est passé, je refuse de prendre part au vote.

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