Intervention de Jacques Pelletier

Réunion du 11 octobre 2005 à 16h00
Prorogation du mandat des sénateurs des conseillers municipaux et généraux renouvelables en 2007 — Adoption d'un projet de loi organique et d'un projet de loi

Photo de Jacques PelletierJacques Pelletier :

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, avant d'être un enjeu partisan entre des forces politiques qui s'affrontent, les élections sont d'abord un enjeu démocratique.

Tout d'abord, à travers les taux toujours très commentés de la participation et de l'abstention, les élections nous renseignent sur l'état de santé global de notre démocratie.

Ensuite - c'est la traduction moderne de ce que le penseur italien Ferrero a appelé « les génies invisibles de la Cité » -, les élections fondent l'indispensable légitimité des élus. Elles sont la seule mesure de la représentativité durant toute la durée des mandats. Il me semble utile de faire ce rappel à une époque où les sondeurs voudraient quelquefois remplacer les électeurs.

Autrement dit, plus les électeurs assument leurs responsabilités, plus les élus et le régime sont confortés dans leur légitimité.

Dans un système qui repose sur le principe du gouvernement représentatif, les élections sont un moment capital sur lequel est fondé l'édifice démocratique.

Dès lors, la question du calendrier électoral est fondamentale : elle influe nécessairement, selon de multiples effets de conjoncture, sur la participation des électeurs et sur le résultat des élections. Aussi la préservation et le renforcement de notre démocratie impliquent-ils de ne pas surcharger ce calendrier.

L'observation attentive des scrutins électoraux nous permet d'affirmer que « trop d'élections tue l'élection » en affaiblissant la participation électorale. Or, en l'absence de toute modification, c'est bien ce risque majeur qui menacerait les différents rendez-vous électoraux de l'année 2007 : cinq élections en moins de six mois !

Je tiens à souligner que nous ne rencontrerions pas ces difficultés si nous avions maintenu, comme un certain nombre de mes collègues et moi-même le souhaitaient, le septennat pour le mandat de Président de la République.

De plus, au-delà du risque d'abstention élevée, ce calendrier ne va pas sans poser des difficultés pratiques et institutionnelles : surcharge de travail pour les services municipaux organisant les bureaux de vote ; recherche de scrutateurs et d'assesseurs disponibles, ce qui n'est pas toujours facile ; impossibilité de recueillir les présentations faites par les maires pour les candidats à la présidence de la République alors que les conseils municipaux seraient en cours de renouvellement au mois de mars.

Au regard de ces difficultés, la modification du calendrier électoral de 2007 semble s'imposer. C'est ainsi que, dans un premier temps, le Gouvernement a envisagé de reporter en 2008 les seules élections municipales et cantonales, 2007 étant l'année des scrutins à enjeu national et 2008 celle des scrutins à enjeu local.

Cette proposition a fait surgir une nouvelle difficulté : est-il conforme à l'esprit de nos institutions de faire élire des sénateurs par une majorité d'élus locaux dont le mandat en cours a été prolongé et, qui plus est, pendant la durée de cette prolongation ?

Dans ses observations du 7 juillet 2005, le Conseil constitutionnel a apporté une réponse à cette interrogation et a mis un terme à ce débat. Il a indiqué que le report des élections locales « pose nécessairement la question du report des élections sénatoriales ». Cette observation rejoint l'avis du Conseil d'Etat du 12 janvier 2005.

Dans ces conditions, les différentes contraintes institutionnelles et de calendrier ne laissent pas une grande marge de manoeuvre au législateur. Aussi, comme l'écrit notre éminent rapporteur, M. Jean-Jacques Hyest, « parmi les modifications possibles, le présent projet de loi retient l'option la plus satisfaisante au regard du respect de nos institutions et de la clarté du débat démocratique ».

Dès lors, le Gouvernement a opté pour le seul maintien des élections législatives et de l'élection présidentielle en 2007, ce qui implique tout de même quatre dimanches électoraux en deux mois, et pour le report en mars et en septembre 2008 des élections municipales, cantonales et sénatoriales. Le Gouvernement tient ainsi compte tout à la fois de la nécessité de modifier le calendrier électoral surchargé de 2007, des avis et des observations du Conseil d'Etat et de l'esprit des institutions de la Ve République. De plus, il satisfait l'intérêt général : les dispositions proposées distinguent clairement les campagnes des différents scrutins prévus en 2007 et en 2008. Celles-ci ne se chevaucheront pas et se suivront à un rythme raisonnable.

De ce fait, le nouveau calendrier proposé supprime le risque de confusion susceptible de favoriser l'abstention électorale. Les projets de loi organisent au mieux le nouveau calendrier électoral pour 2007 et 2008. Le groupe du RDSE leur apportera son soutien. Cependant, il entend participer à leur amélioration.

Techniquement, le nouveau calendrier proposé par le Gouvernement repose sur la prolongation pour un an des mandats de conseillers municipaux, de conseillers généraux et de sénateurs.

De plus, pour tenir compte de la réforme des élections sénatoriales adoptée en 2003, qui vise à renouveler le Sénat par moitié tous les trois ans, le texte du Gouvernement prévoit de ramener de six ans à cinq ans la durée du mandat des nouveaux sénateurs de la série A élus en septembre 2008. Cette modification peut apparaître comme nécessaire pour que ce renouvellement coïncide avec celui des sénateurs de la série C. Ceux de la série A ne formeront qu'une seule et même série, la série 2.

Toutefois, un autre dispositif, proposé par la commission des lois, permettrait également de favoriser un retour rapide au calendrier des renouvellements sans perturber le rythme triennal des renouvellements du Sénat. Ce dispositif, auquel adhère le groupe du RDSE, consisterait à décaler d'un an les renouvellements sénatoriaux de 2010 et de 2013, qui auraient alors respectivement lieu en 2011 et en 2014.

Cette solution présente l'avantage d'être en conformité avec le choix opéré par notre assemblée en 2003 d'harmoniser à six ans la durée du mandat de ses membres avec celle des élus locaux afin de favoriser en son sein une représentation plus fidèle des collectivités territoriales. De plus, elle permet d'éviter que les mandats des sénateurs élus pour cinq ans en 2008, comme le prévoit le projet de loi dans sa rédaction actuelle, ne soient renouvelés en 2013 par un collège électoral en fin de mandat. Les amendements déposés par la commission des lois visent à permettre que le mandat de ces sénateurs soit renouvelé en septembre 2014, et non en septembre 2013.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe du RDSE considère qu'il est indispensable de modifier le calendrier électoral tel qu'il est actuellement prévu pour l'année 2007. L'organisation de ce calendrier proposée par le Gouvernement nous semble la plus satisfaisante possible, une fois prises en compte les différentes contraintes matérielles et institutionnelles qui ont guidé sa rédaction.

En revanche, concernant les renouvellements des mandats de sénateurs au-delà de 2008, les propositions faites par la commission des lois nous semblent plus judicieuses et plus pertinentes que celles qui sont prévues par le dispositif du projet de loi organique. C'est pourquoi nous voterons les amendements déposés par M. le rapporteur.

Ainsi modifié et une fois adopté, ce texte offrira, pour les années à venir, un calendrier électoral équilibré, susceptible, nous l'espérons, de permettre à nos concitoyens de s'intéresser de façon régulière aux débats les plus essentiels de notre vie démocratique.

Toutefois, une remise à plat du calendrier électoral ne saurait suffire pour réconcilier durablement les Français avec la politique et leurs représentants. Reste à chacun des acteurs de la vie politique, praticiens comme observateurs, à assumer ses responsabilités, à défendre ses seules convictions au service de l'intérêt général et à ne pas s'éloigner du langage de la vérité.

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