Mes chers collègues, je constate que je suis le seul à avoir déposé des amendements sur ce texte. Certes, nous sommes en deuxième lecture et le vote de l’Assemblée nationale ne nous laisse plus grand-chose à discuter : c’est le jeu de la navette parlementaire ! Toutefois, un point essentiel de cette proposition de loi reste à trancher, celui du niveau de la prime majoritaire attribuée à la liste arrivée en tête aux élections territoriales.
Dans l’état actuel des choses, cette prime est de trois sièges sur les cinquante et un sièges que comprend l’Assemblée de Corse. En première lecture, sur la proposition de notre collègue Nicolas Alfonsi, le Sénat avait relevé cette prime à six sièges, dans le souci, avait-on expliqué, de renforcer la « stabilité » de l’Assemblée de Corse. Vingt-huit mois plus tard, la commission des lois de l’Assemblée nationale, sur proposition de son rapporteur, M. Guy Geoffroy, a encore relevé cette prime en la portant de six à neuf sièges.
Si la prime de six sièges était censée garantir la stabilité, comment appeler ce que garantirait la prime de neuf sièges ? La « consolidation » ? L’« enracinement » ? Le « rivetage » ?
Le présent amendement vise à rétablir le mode de répartition actuel des sièges, et ce pour deux raisons.
J’ai déjà évoqué la première dans la discussion générale : nous sommes à moins d’un an de la prochaine échéance électorale et il n’est donc plus temps de modifier la règle du jeu démocratique. En effet, selon un principe constant de la pratique républicaine, on ne modifie pas un mode de scrutin dans l’année qui précède une élection.
La seconde raison est plus politique.
Depuis sa création, en 1992, l’Assemblée de Corse n’a jamais connu de crise institutionnelle. Certes, il n’y a pas de majorité clairement définie en son sein, mais c’est justement le jeu démocratique qui oblige au débat avec les groupes minoritaires et à la recherche d’un consensus sur toutes les questions politiques importantes. L’augmentation de la prime majoritaire aboutira donc à exclure de la représentation démocratique la diversité des courants d’opinion qui traversent la société corse.
À ce titre, je citerai à nouveau l’exemple du plan d’aménagement et de développement durable de la Corse. Ce projet est loin de faire l’unanimité en Corse. L’ensemble des associations de défense de l’environnement, mais aussi des syndicats et de nombreuses formations politiques se sont opposés à ce plan, qui défigurerait le littoral corse. Sans l’expression de ces divers courants d’opinion au sein de l’Assemblée de Corse, la prise de conscience de la menace que fait peser ce projet sur l’environnement n’aurait pas eu lieu.
Aussi, afin de respecter les principes républicains les plus élémentaires et dans le souci de préserver la légitimité démocratique de l’Assemblée de Corse, nous proposons de maintenir la prime majoritaire à trois sièges.