Intervention de Odette Terrade

Réunion du 29 juin 2009 à 16h00
Restitution par la france des têtes maories — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Odette TerradeOdette Terrade :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est au nom de mon collègue Ivan Renar, avec lequel j’ai cosigné la proposition de loi de Mme Catherine Morin-Desailly, que j’interviens aujourd’hui.

J’ai pu constater que, dans le cadre des débats relatifs aux lois de bioéthique, par exemple, les citoyens se montrent particulièrement sensibles au respect de la dignité de la personne humaine et rétifs à tout ce qui s’apparente à sa marchandisation. On ne peut valablement s’interroger sur la vie sans réfléchir également au rapport des vivants à la mort. C’est pourquoi notre assemblée s’honore en permettant la restitution à la Nouvelle-Zélande, qui les réclame, des têtes maories conservées par les musées de France, d’autant que, comme certains de nos collègues l’ont rappelé, ces têtes sont parvenues dans notre pays dans un contexte colonialiste et raciste où les peuples non occidentaux étaient considérés comme inférieurs, justifiant ainsi massacres et trafics sordides.

Ces têtes pourront ainsi être inhumées dignement et dans le respect des rites funéraires du peuple maori. On ne peut ignorer que le respect des dépouilles mortelles, dans la diversité des coutumes ancestrales, a profondément contribué à humaniser les sociétés mais aussi à civiliser les hommes. La mythologie grecque, par exemple, évoque les croyances et les lois parfois non écrites qu’il est essentiel de ne pas transgresser. Ainsi d’Antigone qui décide, au péril de sa vie, de rendre les honneurs funèbres à son frère malgré l’interdiction du roi Créon. Antigone n’est-elle pas un beau symbole de la nécessité ontologique d’offrir une sépulture digne aux défunts ?

Le fait que la décision prise par le conseil municipal de Rouen de restituer une tête maorie ait suscité un tel débat, à la fois éthique et juridique, témoigne des lacunes et du retard de notre réflexion sur ces questions. Aussi, notre groupe sera particulièrement vigilant quant à la « réactivation » indispensable de la procédure de déclassement de biens appartenant aux collections publiques, introduite dans la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France, mais malheureusement demeurée virtuelle ! Nous avons perdu beaucoup de temps : il est essentiel, tout en confortant la portée du principe d’inaliénabilité, auquel nous sommes très attachés, de disposer de critères clairs en la matière.

Nous partageons également la préoccupation de ne pas limiter la composition de la commission spécifique chargée du déclassement aux seuls professionnels de la conservation. On ne peut réduire les restes humains à de simples objets de collection et l’approche éthique dépasse les seules considérations patrimoniales ou scientifiques. C’est pourquoi il est tout à fait pertinent d’ouvrir cette commission à des personnalités qualifiées en particulier, tout comme aux représentants de l’État et des collectivités territoriales ainsi qu’à un parlementaire de chacune des assemblées.

Notre groupe sera donc particulièrement attentif à l’application de l’article 4 de la proposition de loi, qui donne en quelque sorte rendez-vous au Parlement dans un an, afin de s’assurer de l’avancée concrète des travaux de la Commission scientifique nationale des collections en matière de déclassement ou de cession. Alors que de nombreux musées américains, australiens et européens ont déjà donné leur feu vert à cette demande des plus légitimes de la Nouvelle-Zélande, il est urgent que notre pays clarifie sa position sur le statut des biens issus des corps humains. Après le précédent de la « Vénus hottentote » il y a sept ans, le débat sur les têtes maories aujourd’hui, il est important que les musées français puissent, à l’avenir, répondre sereinement aux nouvelles demandes de restitution, sans qu’il soit nécessaire de légiférer si de nouvelles situations équivalentes se présentent.

Permettre que les morts reposent en paix n’est-il pas une condition pour que les vivants eux-mêmes vivent en paix ? Cette question est d’autant plus universelle que, si nous remontons aux origines de l’humanité, nous avons tous les mêmes ancêtres !

Si nous avons cosignés seuls, Ivan Renar et moi-même, cette proposition de loi, l’ensemble du groupe CRC-SPG est bien sûr favorable à la restitution des têtes maories, d’autant plus que cette restitution participe pleinement du dialogue et des échanges interculturels que nous avons toujours encouragés. Je me réjouis donc pour le peuple maori, qui pourra ainsi donner enfin à ses ancêtres une sépulture conforme à sa culture et à ses traditions.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, mon groupe votera avec conviction cette proposition de loi, qui nous donne des responsabilités nouvelles à l’égard des morts comme des vivants.

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