Intervention de Marie-Christine Blandin

Réunion du 29 juin 2009 à 16h00
Restitution par la france des têtes maories — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Marie-Christine BlandinMarie-Christine Blandin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est aujourd'hui soumise sur la restitution des têtes maories repose sur un élan éthique partagé, qui honore la ville en ayant pris l’initiative et l’auteur du texte, et qui invite à l’approbation.

Ce débat s’inscrit dans un double héritage : la loi du 6 mars 2002 sur la restitution à l’Afrique du Sud de la dépouille de Saartjie Baartman et la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France.

Concernant le texte de 2002, un débat préalable avait à la fois mis en avant l’inaliénabilité des collections des musées prévue à l’article L. 52 du code du domaine de l’État et le respect dû au corps humain posé par la loi bioéthique de 1994 qui dispose que « le corps humain [...] ne peut faire l’objet d’un droit patrimonial ».

Malgré ce dernier point, ni le ministère ni les musées n’avaient donné suite aux demandes de l’Afrique du Sud, et nous avons dû légiférer. Dans cet hémicycle, le ministre de la recherche de l’époque plaidait que l’on « rende justice à cette femme, qui a été l’objet, durant et après sa vie, comme Africaine et comme femme, de tant d’offenses procédant du colonialisme, du sexisme et du racisme, qui ont longtemps prévalu ».

Il n’est pas inutile de rappeler ici que, dans le rapport qu’il présenta à l’Académie de médecine, Cuvier concluait que « les races à crâne déprimé et comprimé sont condamnées à une éternelle infériorité », et que ce n’est qu’en janvier 2008 que j’ai enfin pu faire éradiquer, avec le soutien de la commission des affaires culturelles, le mot « race » d’un texte de loi sur l’audiovisuel, le Sénat se montrant en avance sur les conceptions de l’autre chambre. Nous avons échoué à éradiquer le mot « race » de la Constitution, mais nous y reviendrons.

Au cours du débat de 2002, le risque du « précédent » d’aliénabilité, qui menacerait les collections, avait été soulevé.

Dans la loi sur les musées, on avait senti vaciller l’inaliénabilité, par l’installation dans le paysage de la notion de déclassement et par l’arrivée inédite aussi d’un amendement de l’Assemblée nationale préconisant un délai de trente ans avant classement.

D’autres événements, dans un contexte de tension du marché et de rareté des subventions publiques, ont laissé se développer la notion de rentabilité des institutions culturelles, au travers de la vente de leur « marque » à l’international, et avec le prêt d’œuvres, aux limites du « leasing », promesse de vente après versements réguliers.

C’est dans ce contexte qu’il faut interpréter la légitimité de certaines réticences, qui nous invitent tous à la vigilance sur l’inaliénabilité.

C’est dans ce contexte que notre commission n’a pas souhaité étendre les possibilités de déclassement de la Commission scientifique nationale des collections et nous en remercions M. le rapporteur.

Mais pour ce qui est des têtes maories, comme de tout reste humain faisant sens pour un peuple le revendiquant au nom de ses mœurs et de sa culture, et particulièrement au nom du respect dû aux ancêtres, les sénateurs Verts sont résolument favorables à ce que notre pays et ses musées rendent avec dignité ce que l’histoire, l’emprise d’un peuple sur un autre, ou les goûts douteux de collectionneurs ont enlevé à leur pays d’origine.

Les mœurs de tatouage du visage des chefs maoris, le moko, étaient pour ceux-ci une fierté et une épreuve : les entailles au couteau en os, puis l’application de suie de l’arbre à gomme, ou de chenilles carbonisées, n’étaient pas une partie de plaisir ; il fallait tout le rite et la cérémonie, les chants et les cataplasmes de feuilles pour que le jeune homme y résiste. La souffrance était telle que l’on nourrissait ensuite le jeune guerrier avec un entonnoir en bois durant des semaines.

Les esclaves que l’on tatoua en simulacre de chef pour vendre leur tête n’eurent, eux, que la souffrance, sans les honneurs.

Les Maoris sont vivants, reconnus et actifs en Nouvelle-Zélande et dans l’ensemble polynésien. Ils siègent dans les instances officielles.

Le 20 avril 2009, ils ont accompagné à l’Assemblée générale des Nations unies Helen Clark, nommée administrateur du programme des Nations unies pour le développement, le PNUD, par une cérémonie de chants et de danses rituels, le powhiri.

Helen Clark a été Premier ministre de Nouvelle-Zélande de 1999 à 2008. Travailliste, dans le cadre de ses fonctions, elle avait donné priorité à l’accès au logement, à la protection de la biodiversité, à la santé publique, à l’égalité des sexes et aux liens entre les Maoris et les Pakehas, c’est-à-dire les Néo-Zélandais d’origine anglo-saxonne ou européenne.

C’est dans cet esprit de liens et de respect que nous sont demandées les têtes maories, et c’est pour nous un devoir moral et historique que de construire rapidement les conditions de leur retour. C’est pourquoi nous soutiendrons ce texte, parce qu’il est resté dans son épure éthique initiale.

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