Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de commencer mon intervention par un commentaire : « Je pense simplement que cette mesure n’est pas prioritaire. Elle pourrait laisser penser que doubler le plafond reviendrait à doubler les fonds qui arrivent dans les PME, alors que l’augmentation serait en fait assez marginale, compte tenu du faible nombre de contribuables concernés. »
Ce commentaire, pour le moins critique, de la proposition tendant à doubler le plafond de versement autorisé pour le dispositif « ISF-PME » mis en place dans le cadre de la loi TEPA n’a pas été prononcé par quelque parlementaire de l’opposition, contrairement à ce que l’on pourrait croire. Non, ce commentaire, que je place en exergue de mon intervention, a été prononcé par le Premier ministre lui-même, François Fillon, et ce devant le congrès de la CGPME, c’est-à-dire ailleurs que devant un parterre d’opposants à la politique gouvernementale.
Ce que nous dit, en fait, le Premier ministre, c’est que le dispositif créé par l’article 14 de la loi TEPA n’a aucunement rencontré le succès que ses auteurs – dont le Premier ministre lui-même, faut-il le rappeler ? – attendaient.
N’en déplaise au Président de la République, dont le discours versaillais de lundi dernier tenait lieu de feuille de route et de déclaration de politique générale du gouvernement Fillon IV, il faut croire que les contribuables assujettis à l’ISF sont peu intéressés par le développement des PME puisque le montant des sommes levées au titre de ce dispositif est de 1, 1 milliard d’euros pour 2008 et que le nombre précis des contribuables concernés demeurait inconnu dans l’évaluation des voies et moyens associée à la loi de finances.
Toutefois, le rapport de notre collègue Albéric de Montgolfier nous apporte quelques éclaircissements. Selon les données ministérielles les plus récentes, 73 200 contribuables auraient fait jouer le dispositif, ce qui signifie que, pour plus de 85 % des contribuables assujettis à l’ISF, l’affaire n’avait et n’a toujours aucun intérêt. Rapprochons donc les données et faisons les moyennes.
Ces 73 200 contribuables ont déclaré, en moyenne, 15 000 euros de dépenses éligibles et ont bénéficié d’une remise moyenne d’ISF de 9 000 euros, c’est-à-dire que l’engagement de chacun de ces contribuables s’élève à environ 1 % du patrimoine moyen des redevables de l’ISF, tandis que la remise d’impôt représente, elle, l’équivalent – et même un peu plus – de la cotisation moyenne d’ISF.
Soyons clairs et cessons de louer un dispositif dont doute même le chef du Gouvernement que vous soutenez, mes chers collègues de la majorité : le dispositif « ISF-PME » n’a pas modifié les données du problème s’agissant de l’alimentation en fonds propres de nos petites entreprises et il n’a servi, pour quelques contribuables intéressés, qu’à trouver les voies et moyens pour se libérer du paiement de l’impôt.
Il s’est sans doute trouvé, parmi les 73 200 contribuables concernés – deux millièmes seulement des contribuables de notre pays ! –, quelques personnes suffisamment bien conseillées pour ne consacrer au dispositif « ISF-PME » que la somme exactement utile, à l’euro près, pour solder le montant de la cotisation découlant de l’application du tarif de l’impôt en vigueur.
C’est donc bel et bien une niche fiscale qui a été ouverte, qui ne rencontre d’autre succès qu’auprès de ceux que cela intéresse et dont la pertinence semble d’ailleurs remise en cause dernièrement, puisque le volume des versements effectués au titre de ce dispositif est annoncé à la baisse pour l’année 2009.
Je vais vous donner l’une des raisons qui conduisent à ce regrettable constat : la baisse de la valeur des titres boursiers comme des biens immobiliers a conduit, naturellement, à celle des patrimoines imposables et donc du niveau des cotisations.
Comme la logique mise en œuvre n’est que celle de la niche fiscale, les versements se sont adaptés aux besoins des contribuables, et non à ceux des prétendus destinataires de l’effort d’investissement. Car lorsqu’on recherche la mesure fiscale qui, à l’euro près, permet de ne plus payer l’ISF, on ne va pas dépenser inconsidérément
Ce que nous dit la proposition de loi est finalement instructif.
Après quelques ratés à l’allumage – huit mois de décalage entre la promulgation de la loi TEPA et la publication de l’instruction fiscale d’application, par exemple –, le dispositif « ISF-PME » se trouve servir de base à la constitution de trésoreries de fonds communs de placements divers – qu’il s’agisse de FCPR ou de FIP importe peu – sans que les sommes collectées soient rapidement affectées aux PME. Double gâchis de fonds publics, donc, puisque la condition d’affectation ne figurait aucunement dans le texte de la loi TEPA et que le recours aux fonds dédiés suffisait à obtenir la réduction d’impôt.
Par conséquent, au moment où nous débattons de cette proposition de loi, nous avons des redevables de l’ISF peu intéressés, des sommes peu contrôlées et des PME peu soutenues, puisque les fonds collectés trouvent, dans un premier temps, à s’investir ailleurs que là où on les attendait.
Et il faudrait continuer ? Quitte à le faire en rendant plus « efficace » un dispositif manifestement coûteux pour les finances publiques et inopérant quant aux objectifs annoncés ? Les parlementaires du groupe CRC-SPG ne le pensent pas et ne pourront, dans le cadre de ce débat, que rappeler leur position de principe et proposer la suppression pure et simple de l’un des éléments les plus scandaleux et les plus coûteux du « paquet fiscal » de l’été 2007.