Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, cette proposition de loi procède d’une triple intention : faire en sorte que la taille des entreprises éligibles soit plus importante ; plafonner les prélèvements ; accélérer les investissements. Vous y avez ajouté, à la dernière minute, l’extension de la mesure aux fonds anciens ordinaires, FCPI et FCPR, qui n’étaient pas éligibles au dispositif.
Tout le monde partage évidemment votre ambition, monsieur Arthuis. Qui s’opposerait à la limitation des prélèvements ? Qui désapprouverait l’idée selon laquelle il est préférable d’investir plus rapidement ? Le problème réside dans l’application du texte ; je vais essayer de le démontrer.
S’agissant de la taille des entreprises éligibles, tous les effets de seuil sont nuisibles. On se plaint de ne pas avoir d’entreprises de taille importante, mais on ne cesse de bloquer leur développement, par exemple avec le seuil de 10 salariés. Vous y avez remédié en partie, madame la ministre, en proposant que ces entreprises ne soient pas soumises, pendant les trois prochaines années, à toutes les charges. Demeurent tout de même les seuils de 20, 50 et 250 salariés. Je crois que nous aurions pu être nombreux à nous accorder sur ce sujet ; mais vous avez dit, madame la ministre, que nous y reviendrions.
Tout le monde peut également approuver le plafonnement des prélèvements, même si, çà et là, peut se poser la question du respect de la concurrence, notamment pour les fonds qui ne sont pas éligibles au dispositif.
Accélérer les investissements est une idée louable, mais nous risquons d’aboutir au contraire de ce que nous souhaitons. Investir en fonds propres dans une entreprise suppose de la connaître, de l’évaluer, d’apprécier son projet de développement, d’étudier les différentes phases d’investissement nécessaires, de faire un pacte d’actionnaires… Cela demande donc du temps. Accélérer les investissements, c’est inciter à investir là où il n’y a aucun risque, où le succès de l’investissement est garanti, éventuellement à l’étranger. C’est exactement ce qui va se passer ! Mise en œuvre en l’état, cette proposition de loi aurait pour effet de précipiter les investissements non plus vers les entreprises technologiques qui en ont besoin, vers les entreprises de croissance ou les entreprises qui ont des projets de développement, mais vers les entreprises les moins risquées, les plus banales.
Par ailleurs, c’est ignorer que le point de départ de la période de trente mois était la constitution du fonds. Or un fonds est constitué lorsqu’il a recueilli l’agrément de l’autorité des marchés financiers, l’AMF, et qu’il a levé 400 000 euros. Obliger les entreprises à investir dès lors qu’elles ont levé 400 000 euros, alors même qu’elles ignorent le montant des sommes finalement perçues – les levées de fonds de cette année n’ont rien à voir avec celles de l’an dernier –, signifie que l’on demande aux fonds de procéder à des placements sans savoir combien ils lèveront. Certains fonds ont levé 30 millions d’euros l’an dernier, contre 10 millions d’euros seulement cette année. Si les entreprises prenaient des engagements très rapidement sans être en mesure de lever les fonds, elles seraient incapables de les tenir !
En outre, il ne faut pas oublier la nécessité, pour un fonds, de suivre les investissements. J’attire votre attention, madame la ministre, sur ce point, car je m’étonne que vous ayez donné votre accord à ce sujet. On ne peut suivre le développement d’une entreprise si plusieurs fonds interviennent successivement. Un même fonds doit suivre le développement de l’entreprise. Du reste, l’AMF interdit l’arrivée d’un nouveau fonds.
J’attire donc votre attention, monsieur le président de la commission : si le texte est appliqué en l’état, vous tuez la capacité de suivre le développement des entreprises.