Intervention de Charles Gautier

Réunion du 18 mai 2011 à 14h30
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Article 7

Photo de Charles GautierCharles Gautier :

La question de la motivation des arrêts d’assises présente de nombreuses difficultés.

En effet, en vertu de l’article 353 du code de procédure pénale, il est uniquement demandé aux jurés populaires de se prononcer selon leur intime conviction. La Cour de cassation a jugé de manière constante que notre procédure satisfaisait aux exigences légales et conventionnelles. Elle l’a encore rappelé dans un arrêt du 10 novembre 2010.

Or la Cour européenne des droits de l’homme, dans son arrêt Taxquet c/Belgique du 16 novembre 2010, a récemment condamné la Belgique pour la non-motivation de ses arrêts d’assises. Cependant, le 1er avril 2011, le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, a déclaré notre procédure actuelle conforme à la Constitution en considérant que « l’absence de motivation en la forme ne peut trouver de justification qu’à la condition que soient instituées par la loi des garanties propres à exclure l’arbitraire ». Il a rappelé, enfin, que notre procédure actuelle présentait de telles garanties.

Nous nous trouvons donc face à deux décisions qui semblent antagonistes. Mais il ne faut pas oublier que les procédures belges et françaises ne sont pas identiques ; n’interprétons pas trop hâtivement les conséquences d’un arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme rendu sur la procédure d’un autre État.

Au-delà de ces différentes positions jurisprudentielles, il faut aussi comprendre que l’exigence de motivation va engendrer des complications sérieuses et parfois même inextricables. En effet, le magistrat sera contraint de matérialiser les éléments que les jurés auront pris en compte, chacun pour sa part, afin de prendre une décision en leur intime conviction.

L’hétérogénéité d’un tel groupe de personnes, de par leurs origines et leur sensibilité, est par essence contraire à l’exigence de motivation. Celle-ci alourdira considérablement la charge de travail des magistrats qui devront effectuer un numéro de funambule pour parvenir à une synthèse des différentes convictions.

Même s’ils réussissent, l’exigence de motivation va, dans un second temps, bouleverser l’équilibre entre magistrats et citoyens dans la prise de décision.

En effet, les jurés sont appelés à prendre une décision en leur intime conviction. Avec l’exigence d’une motivation, le magistrat influencera sans aucun doute les jurés en les orientant afin, je le répète, de parvenir à une synthèse.

Vouloir résumer en quelques paragraphes l’opinion d’un jury, par essence hétéroclite, reviendra naturellement à priver cet organe de ses objectifs fondamentaux : la représentation citoyenne dans toute sa diversité ainsi que la libre prise de décision des jurés en leur intime conviction.

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