S’agissant des personnels des établissements publics de santé, auxquels la Cour avait consacré un rapport public thématique en 2006, si nos recommandations ont été en partie entendues, il reste de nombreux progrès à faire ; je ne doute pas que nos travaux successifs pourront vous servir lors du débat sur le projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.
Sur l’intercommunalité, nous continuons à appeler de nos vœux une rationalisation du paysage.
Cette rationalisation nous semble passer par des fusions entre intercommunalités et par la suppression, chaque fois que c’est possible, des syndicats intercommunaux à vocation unique ou multiple, les SIVU et les SIVOM, comme j’ai eu l’occasion de le rappeler il y a peu devant le comité présidé par M. Édouard Balladur.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l’article 47-2 de la Constitution dispose désormais – vous le rappeliez, monsieur le président – que nous vous assistons dans le contrôle de l’action du Gouvernement, dans celui de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale, mais aussi dans l’évaluation des politiques publiques, en d’autres termes de l’ensemble des politiques publiques.
Or, je dois vous le dire, nous ne sommes pas encore en situation de remplir cette mission...
Rares sont celles des politiques publiques, vous le savez bien, qui ne sont pas partagées entre le niveau national et les différents niveaux locaux. Le principe des blocs de compétences qui a pu prévaloir et justifier l’organisation actuelle des juridictions financières s’est atténué au fil du temps.
Nous avons pourtant probablement trop longtemps différé la réorganisation à prévoir en conséquence, et nous avons dû ainsi décliner un certain nombre de vos demandes, comme celles qui concernaient le travail, de M. Claude Belot, les fonds européens ou encore la continuité territoriale.
Vous-mêmes êtes privés d’un accès direct aux chambres régionales des comptes, que leur statut de juridictions autonomes priverait de toute façon de la possibilité de vous faire, dans les délais légaux, une réponse commune.
Par bien des aspects, la situation actuelle n’est pas loin d’être absurde : les rapporteurs de la Cour n’ont pas accès aux comptes des collectivités territoriales. Comment, dans ces conditions, contrôler globalement et utilement des politiques comme la formation professionnelle ou la politique de lutte contre l’exclusion, exemples parmi cent autres ?
À l’inverse, il arrive qu’une chambre régionale des comptes se situe à moins de cent mètres d’une préfecture de région. Elle n’y a pourtant aucun pouvoir d’investigation...
Résultat, les services déconcentrés de l’État échappent très largement à notre contrôle, alors même qu’une grande part du coût induit de la décentralisation est imputable aux choix qui ont prévalu les concernant.
Alors, nous avons bien imaginé et monté des « usines à gaz » pour faire travailler ensemble Cour et chambres régionales - comité de liaison, formations de délibéré communes, et j’en passe - mais toutes ces formules ingénieuses trouvent leurs limites dans le fait que nous demeurons des juridictions distinctes.
Chaque enquête commune est une véritable course à handicap qui peut conduire, vous le savez bien, un même élu à répondre à trois ou quatre reprises aux mêmes questions. Surtout, il faut bien compter, au final, deux à trois ans minimum pour aboutir à un résultat.
Tout cela fait de notre adaptation une ardente obligation.
Les avant-projets actuellement soumis à la concertation interministérielle ne suppriment évidemment pas le réseau constitué par les chambres régionales ; on y cherche seulement à supprimer les obstacles au travail commun, même si, parallèlement, le contrôle à l’échelon local peut et doit continuer à évoluer.
Les collectivités territoriales ont accompli en quelques années des progrès tout à fait significatifs en matière de gestion.
Par ailleurs, les sujets traités sont désormais éminemment complexes et les enjeux financiers sans commune mesure avec ce qu’ils étaient il y a vingt-cinq ans.
L’objectif que nous cherchons à prévaloir pour notre part est donc triple.
Il est de pouvoir vous apporter, dans des délais raisonnables et avec toute l’expertise nécessaire, la contribution à l’évaluation des politiques publiques que vous attendez de nous.
Il est aussi de garantir aux élus locaux une plus grande homogénéité dans les contrôles, en d’autres termes une plus grande équité de traitement. Je crois me souvenir que c’était l’une des attentes formulées à l’occasion du débat sur la loi de 2001.
Il est enfin d’apporter un service utile aux collectivités contrôlées. Je le répète régulièrement, nous ne sommes pas là à titre principal pour épingler, pour clouer au pilori ou pour stigmatiser. Nous avons, certes, à rappeler les règles et parfois à sanctionner les manquements les plus graves à notre appareil législatif et réglementaire, mais nous souhaitons d’abord apporter un concours utile à nos interlocuteurs.
Cette dimension de notre action, nous souhaitons la renforcer. Loin de nous le désir d’abandonner le contrôle organique, mais les contrôles seront programmés au terme d’une analyse de risques mieux étayée et ils seront plus ciblés.
Surtout, nous pourrions demain concevoir des campagnes de contrôles conduites sur le même thème, selon les mêmes méthodes, sur un vaste échantillon de collectivités, l’objectif étant non pas de dresser un tableau de chasse, mais de repérer les bonnes pratiques et d’en faire profiter le plus grand nombre, de repérer les risques et d’aider chacun à les prévenir.
Il y a là, je vous l’accorde, un véritable changement dans l’approche du contrôle. Il est à notre sens indispensable. Tous les jours, les collectivités territoriales doivent faire des choix, passer des marchés, négocier des financements face, souvent, à des entreprises privées puissantes qui, tout naturellement, cherchent à gagner des parts de marché et à en tirer le maximum de profit. Il faut bien reconnaître que les rapports de force tournent souvent en la faveur de ces dernières.
Les juridictions financières ont donc un rôle majeur à jouer pour mettre les collectivités territoriales en situation de défendre les intérêts des citoyens de leur ressort.
Nous aurons également à traduire pour les collectivités territoriales le principe posé par la Constitution, à la demande instante du Sénat, sur la sincérité des comptes publics. Nous sommes évidemment disposés en la matière à répondre utilement aux besoins qui seront exprimés par nos interlocuteurs.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, notre ambition n’est autre que de vous fournir l’expertise que vous êtes en droit d’attendre de nous et de fournir un service utile à nos interlocuteurs. J’espère que mon propos, appuyé par ce rapport public annuel, qui est, cette année encore, d’une grande richesse, vous en aura convaincus.