Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le constat fait dans cet article 28, relatif à l’agriculture, correspond à la réalité, et nous en sommes heureux. Il est tout à fait important de reconnaître dans la loi que les processus intensifs comportent des risques.
Le cap proposé mérite également la plus grande attention. L’objectif fixé dans cet article, à savoir « produire suffisamment », est bien différent de l’objectif « produire le plus possible », en vigueur à une certaine époque. Il est également inscrit que l’agriculture participe à la constitution de la trame verte et bleue, au maintien de la biodiversité, et qu’elle est invitée à un mouvement de transformation. Nous partageons tout à fait ces idées.
Les difficultés concernent plutôt le degré de précision du cap qui nous est indiqué. Le principe de l’adoption d’une agriculture durable est désormais inscrit dans la loi. Or la dimension sociale et socio-territoriale est absente de ce texte, alors même qu’elle fait partie intégrante de l’agriculture durable.
Permettez-moi, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, de citer ce document du ministère de l’agriculture §diffusé dans tous les lycées agricoles de France et de Navarre, à savoir La méthode IDEA, qui expose les « indicateurs de durabilité des exploitations agricoles » : « L’agriculture durable doit être une agriculture économiquement viable, écologiquement saine et socialement équitable. [...] Une agriculture socialement équitable préfère l’installation des jeunes à l’agrandissement. Elle essaie de participer au maintien de l’emploi sur son territoire. La course à l’agrandissement élimine de nombreux producteurs et dévitalise ces territoires. Aussi, la contribution à l’emploi d’un système agricole doit être appréciée de manière précise ».
Cette dimension est absente du projet de loi, et il conviendra de l’y inscrire. En effet, la priorité va non pas seulement à la protection de l’environnement, mais aussi au ménagement et à l’aménagement du territoire, auxquels doit contribuer l’agriculture.
Par ailleurs, en tant qu’agronome, j’estime que le principe de transformation affiché n’est pas suffisamment précisé dans cet article. Jusqu’à présent, l’agriculture, avec les dérives que l’on a connues, reposait sur la mécanisation et la « chimisation », deux piliers qui ont permis d’améliorer son efficacité.
Si nous voulons que l’agriculture opère un tournant, nous devons inscrire clairement dans la loi que la biodiversité et les écosystèmes ne sont pas des contraintes avec lesquelles il faut se débrouiller, mais qu’ils doivent constituer des facteurs de production. D’un point de vue scientifique, cela porte un nom : l’agriculture intégrée, dont la définition est très précise. Il s’agit non pas d’une agriculture biologique à 100 %, mais d’une agriculture reposant sur la valorisation des écosystèmes, la rotation des cultures, etc.
L’autre difficulté pour traduire dans les faits la nécessaire transformation de l’agriculture concerne les moyens financiers.
Je le dis clairement, il faut cesser de traiter les agriculteurs en boucs émissaires, car ils travaillent exactement selon ce que leur ont prescrit les politiques agricoles. Si nous reconnaissons aujourd’hui qu’il existe des problèmes, et si nous voulons les résoudre, nous devons infléchir ces politiques.
Nous n’avons pas les moyens, au sein de cette assemblée, de changer la politique agricole européenne, mais nous pouvons au moins faire en sorte que la déclinaison française de cette politique commune respecte autant que possible les objectifs du texte.
J’en viens à une autre difficulté technique : la certification. Aujourd’hui, les consommateurs sont noyés sous les certifications et les divers labels : label rouge, label bio, etc.
Pour renforcer la qualité de l’agriculture, nous n’avons pas besoin de créer de nouvelles certifications. Il nous suffit de nous appuyer sur les outils qui existent. J’y insiste, le document du ministère de l’agriculture que je viens de citer fournit tous les éléments permettant d’évaluer la durabilité des systèmes de production agricole. Je propose que nous nous référions à ces indicateurs pour infléchir la répartition « à la française » des aides distribuées aux agriculteurs.