Intervention de Daniel Soulage

Réunion du 4 février 2009 à 21h30
Mise en œuvre du grenelle de l'environnement — Article 28

Photo de Daniel SoulageDaniel Soulage :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les récents événements climatiques qui ont touché l’ensemble du Sud-Ouest ont eu des conséquences néfastes non seulement pour nos concitoyens, mais aussi pour l’ensemble de l’économie locale, et notamment pour notre agriculture.

Ce secteur géographique est régulièrement pénalisé par de nombreuses catastrophes naturelles. Mon intervention concerne donc ce dernier point, qui est en lien à la fois avec l’article 28, relatif à l’agriculture, et avec l’article 39, relatif à la prévention des risques majeurs.

Je souhaiterais que l’on s’attarde quelques instants sur le financement de la politique de prévention, et notamment sur la question spécifique du Fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit « fonds Barnier ».

Comme vous le savez, le régime d’assurance dit « de catastrophe naturelle », institué par la loi du 13 juillet 1982, a fait de l’assurance contre les catastrophes naturelles une extension obligatoire des contrats « dommages aux biens et pertes d’exploitation ». Il s’agit d’un système mixte qui implique l’État et les assureurs.

Le régime CATNAT d’indemnisation des catastrophes naturelles est alimenté par une prime ou cotisation additionnelle appliquée au montant de la prime ou de la cotisation principale des contrats « dommages aux biens et pertes d’exploitation ». Cette tarification solidaire, fixée par arrêté, est égale à 12 % du montant des cotisations de base des contrats.

Depuis 1995, date de création du fonds Barnier, une partie des sommes allouées au régime CATNAT sert au financement du Fonds de prévention des risques naturels majeurs. Le taux de prélèvement servant au financement du fonds Barnier est imputé sur les cotisations additionnelles CATNAT. Initialement de 2 %, ce taux de prélèvement alimentant le fonds Barnier a été revu régulièrement à la hausse, passant en trois ans de 2 % à 4 %, puis à 8 %, et enfin à 12 %.

En effet, l’article 154 du projet de loi de finances pour 2009, adopté le 17 décembre dernier, prévoit de porter le taux de prélèvement exercé sur le régime d’assurances des catastrophes naturelles alimentant le fonds Barnier de 8 % à 12 %. Ainsi, le financement de ce fonds vient dorénavant grever le régime des CATNAT de l’ordre de 12 %, contre 2 % à l’origine, ce qui constitue à terme des sommes conséquentes.

Il convient, dès lors, de s’interroger sur cette augmentation qui, en définitive, ne fait que refléter les dérives de ce fonds, ainsi que sur les raisons structurelles de ces dérives.

En effet, les missions du fonds, depuis la création de ce dernier, n’ont cessé de s’étendre. Initialement, le fonds Barnier devait permettre l’indemnisation des personnes faisant l’objet d’une expropriation de leurs biens exposés aux risques naturels prévisibles. Depuis lors, divers textes législatifs et réglementaires n’ont eu de cesse de lui attribuer de nouvelles missions telles que l’information des citoyens sur les risques naturels, les études et travaux relatifs aux plans de prévention des risques, les PPR, ou encore les opérations de reconnaissance des cavités souterraines ou marnières.

Par conséquent, comme l’indique un récent rapport de la Direction générale de l’environnement, force est de constater que, au gré d’un élargissement continu de ses missions, dépassant sa vocation première de renforcement de l’action de l’État en matière de prévention, ce fonds « intervient de plus en plus en substitution des crédits budgétaires » alloués à la politique publique de prévention des risques naturels.

L’analyse de l’évolution des moyens budgétaires consacrés par l’État à la prévention des risques naturels montre que le développement de ces cofinancements correspond à une débudgétisation d’une partie non négligeable de la politique de prévention des risques naturels et non, comme initialement prévu, à un renforcement de l’action de l’État en ce domaine.

Dès lors, la dérive, observée et avérée, des missions du fonds conduit inéluctablement à l’épuisement rapide de ses réserves et à l’inadéquation entre recettes et dépenses. Par conséquent, procéder à une augmentation corrélative de ses ressources, et donc du taux de prélèvement, ne constitue qu’une solution d’appoint, reflétant une politique au fil de l’eau. Preuve en est, l’article 154 du projet de loi de finances pour 2009 prévoit une augmentation des dépenses du fonds de 74 millions d’euros par an alors que les ressources annuelles de ce dernier augmentent de l’ordre de 53 millions d’euros par an.

Si l’objectif visé en termes de prévention est louable, il s’avère néanmoins que le dispositif actuel implique, comme nous venons de le voir, un choix arbitraire entre prévention et indemnisation. En effet, le système de prélèvement prévu actuellement par le code de l’environnement est un prélèvement « interne » sur les primes additionnelles relatives à la garantie contre le risque de catastrophe naturelle. Il en résulte que les sommes affectées au « fonds Barnier » diminuent d’autant les ressources destinées à indemniser les victimes de catastrophes naturelles.

À l’heure du changement climatique, comme en témoignent les récents événements qui ont marqué le Sud-Ouest, ne convient-il pas de s’interroger sur cette concurrence, voire cette dissonance, entre prévention et indemnisation ?

En définitive, la contribution de plus en plus significative du « fonds Barnier » à la politique publique de prévention impose une nécessaire réforme structurelle de ce fonds afin d’en retracer les contours et de lui rendre une réelle lisibilité politique et technique. C’est pourquoi je vous demande, madame la secrétaire d’État, de nous éclairer sur le mode de financement futur de ce fonds et sur les missions qui lui seront conférées.

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