Intervention de Charles Guené

Réunion du 10 juin 2009 à 14h30
Réforme de la taxe professionnelle — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Charles GuenéCharles Guené :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’état, mes chers collègues, la réforme de la taxe professionnelle n’est sans doute pas, dans le contexte actuel, un choix facile, mais elle a, entre autres, l’avantage de nous inviter à dresser l’état des lieux. On ne peut, en effet, réformer sans évaluer la marge de manœuvre. Aussi, je vous propose de visiter la maison « fiscalité locale », pour examiner ensuite l’état de la réflexion et les alternatives.

Nous voyons aujourd'hui la conjonction de trois phénomènes qui nous appellent à l’action et qui constituent à n’en point douter une occasion historique.

Oui, la taxe professionnelle est devenue un impôt obsolète et nocif.

Si, dans les années soixante-dix, un tel impôt sur les moyens de production a pu être valablement retenu comme financement localisable pour les collectivités, force est de constater que, malgré la suppression de la part salaires en 1999, il est devenu un impôt anti-économique : son assiette est trop étroite et elle est limitée par les exonérations ; son poids est inégal selon les secteurs d’activité et selon la localisation géographique ; il est sans rapport avec la capacité contributive des entreprises ; la taxe professionnelle constitue un frein à l’investissement ; pis, de nos jours, elle est aussi devenue un obstacle à l’implantation nouvelle, voire un facteur de délocalisation, car l’investissement est infiniment plus volatil que le personnel.

Il convenait donc de songer à réformer profondément cet impôt emblématique, tant sur le plan de ses effets réels que quant à la manière dont il est ressenti par les entreprises nationales ainsi que par les investisseurs internationaux.

À cet instant, je crois utile d’évoquer l’état actuel de la fiscalité locale.

Par le biais des dégrèvements fiscaux et des compensations, l’État prend en charge environ 35 % du produit fiscal dû aux collectivités. Au seul titre de la taxe professionnelle, en 2008, sur un produit perçu de l’ordre de 30 milliards d’euros, l’État a versé près de 13 milliards d’euros, sans compter les compensations de la part salaires, qui sont intégrées dans la dotation globale de fonctionnement et qui se montent à 10 milliards d’euros.

Le système a perdu toute lisibilité, à tel point que l’on ne sait plus qui paie quoi. Dans certaines villes, dont je tairai le nom, l’État contribue en quasi-totalité au paiement de certains impôts locaux.

Sur le plan des dotations, nous sommes désormais soumis à une enveloppe à géométrie variable, dont l’État s’évertue à estomper les contours. L’inclusion du FCTVA n’est qu’un épisode, et je crains que, demain, nous ne devions affronter une nouvelle proposition alambiquée, tant les contraintes budgétaires se resserrent, sans compter que la modification de la taxe professionnelle aura des conséquences sur le potentiel fiscal et sur l’ensemble des dotations qui en dépendent.

Par ailleurs, le vaste mouvement de décentralisation que nous venons de vivre a fait supporter à l’assiette d’impôts qui n’étaient pas conçus pour cela une forte pression, pour les porter à des rendements anormaux. La part de la dépense des collectivités locales dans le PIB s’est, en effet, accrue de 35 % en vingt-cinq ans, sans pour autant que de nouvelles assiettes d’impôt fussent proposées à due concurrence.

Nous devons, à cet égard, renouer avec la clarté, mais aussi avec la responsabilité dans la prise en charge de décisions, en matière de dégrèvement et d’exonération. Il est patent que le système fiscal des collectivités locales est à bout de souffle et que nous devons le refonder, sans oublier de réfléchir à sa gouvernance.

Il devient urgent d’examiner de plus près la manière dont les pays qui nous entourent ont établi un pacte de stabilité interne entre l’État et les collectivités locales.

Je n’entrerai pas ici plus en avant dans ce sujet, mais je vous demanderai de convenir avec moi que la réforme de la taxe professionnelle nous conduit inéluctablement à la réforme complète de la fiscalité locale.

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