Intervention de Gérard Le Cam

Réunion du 10 juin 2009 à 14h30
Réforme de la taxe professionnelle — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Gérard Le CamGérard Le Cam :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remplace mon ami Bernard Vera, empêché au dernier moment de participer à ce débat. Aussi, je vous prie de bien vouloir l’excuser.

La promesse faite au MEDEF par Nicolas Sarkozy de supprimer la taxe professionnelle paraît avoir quelques difficultés à être mise en œuvre. Dans le discours présidentiel comme dans celui des parlementaires de la majorité, le terme « suppression » semble d’ailleurs avoir été « supprimé ». C’est donc une « modification », même pas une réforme, qui semble devoir être appliquée à la taxe professionnelle.

Chacun connaît les données du problème : pour que l’État se retrouve avec 8 milliards d’euros de taxe professionnelle à prendre en charge pour le bénéfice des entreprises, ce qui représente moins d’un demi-point de PIB, lequel est en récession, il faut jouer sur des masses financières de 22 milliards à 26 milliards d’euros.

Passons rapidement sur l’usine à gaz que constitue l’opération. Entre la suppression de l’allégement transitoire, l’impact sur le plafonnement de la valeur ajoutée, les effets indirects sur le produit théorique de l’impôt sur les sociétés et la réaffectation du produit de la cotisation minimale, il est difficile de s’y retrouver. C’est d’autant plus difficile que, d’une collectivité territoriale à l’autre, en fonction des composantes mêmes de la taxe professionnelle, ces différentes mesures n’auront évidemment pas les mêmes effets.

Pensez simplement, mes chers collègues, aux communes de banlieue bénéficiaires de la dotation de solidarité urbaine, où les entreprises assujetties à la taxe professionnelle ne paient que la cotisation minimale et ne versent donc rien, ou presque, en tout cas directement, aux communes concernées.

La « modification » de la taxe professionnelle impose donc, pour le coup, que l’on envisage tous les cas de figure et que l’on se garde de traduire en bloc ses effets, sans tenir compte de simulations précises et diverses du fait même de l’hétérogénéité des situations. Car, qui dit modification de la taxe professionnelle dit aussi, par effet de système, interrogation sur la péréquation, qui demeure pour l’heure un vœu pieux, et modification des critères de répartition de certaines dotations budgétaires dont l’attribution dépend de la réalité des capacités fiscales.

L’autre versant des problèmes posés par l’inconsciente et idéologique promesse sarkozyenne est celui de la fiscalité de « substitution » qui risque d’être mise en œuvre. En effet, il semble bien qu’il faille renoncer, avant longtemps, à tout allégement des prélèvements obligatoires ! Alors, en ce moment, ça cogite, ça carbure et, si nous en étions à rire, je dirai ça carbone…

La commission des finances de l’Assemblée nationale parle de relever aux alentours de 40 % le taux de l’impôt sur les sociétés, au moins de manière provisoire, pour compenser la « modification », en attendant, par exemple, que la taxe carbone, destinée à déplacer encore un peu plus la fiscalité de l’entreprise vers le consommateur final, c’est-à-dire vers la grande masse anonyme des contribuables « obligés », fasse consensus.

Quelle belle idée que de vouloir contenter, en modifiant la taxe professionnelle et en instaurant la taxe carbone, à la fois le MEDEF, toujours peu enclin à demander aux entreprises d’être citoyennes, et les écologistes, dont un certain nombre sont partisans de la culpabilisation générale des individus au regard de la pollution.

Pour ce qui nous concerne, nous sommes extrêmement réservés sur la taxe carbone et nous sommes partisans d’une autre réforme de la taxe professionnelle. Cela étant, je ne vais pas vous parler très longtemps de la taxe carbone. Pour nous, elle peut être vue comme une légitimation du droit à polluer, sous couvert d’une taxe qui, entrant dans le prix de vente final des produits, sera in fine payée par le consommateur tout aussi final. Mais le débat reste ouvert, bien entendu !

Sur la modification de la taxe professionnelle, nous pensons que la réforme doit se fixer un double objectif : renforcer l’égalité de traitement entre les assujettis, c’est-à-dire les entreprises – nous sommes loin du compte de ce point de vue – et renforcer les outils de péréquation.

La taxation des actifs financiers serait, à notre avis, un moyen d’y parvenir. Ma collègue Marie-France Beaufils a rappelé dans son intervention liminaire comment le développement de ces actifs avait été priorisé par les grands groupes depuis vingt ans.

Comme cette taxation ne peut être localisée ailleurs que dans le bilan des entreprises, elle doit devenir l’outil de financement de la péréquation, y compris, en tant que de besoin, de l’allégement ultérieur de l’imposition des autres éléments d’assiette de la taxe.

Enfin, notons que nous sommes également, comme l’Association des maires de France, très attachés au lien entre taxe professionnelle et territoire. Même si la taxe professionnelle constitue l’instrument fiscal privilégié de la coopération intercommunale, elle ne saurait, comme d’aucuns le proposent, devenir la recette fiscale dédiée de tel ou tel échelon de collectivité. Aussi rejetons-nous par avance toute réforme faisant disparaître la taxe professionnelle des ressources des départements, comme cela semble avoir été envisagé un temps, au motif que la compétence sociale primordiale des départements pouvait être prise en compte par partage de recettes fiscales de l’État.

Tels sont les points que je comptais évoquer dans cette intervention.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion