Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré les apparences - des crédits affichés en hausse et l'engagements du Premier ministre de faire passer le taux de chômage sous la barre des 9 % en 2005 - ce projet de budget ne reflète pas une véritable volonté de mobilisation en faveur d'un plein emploi de qualité. Il est, au contraire, marqué par la « patte » ultralibérale de M. Sarkozy.
Comment prétendre sans rougir vouloir favoriser le pouvoir d'achat des Français et, dans le même temps, augmenter les prélèvements sociaux, en raison, notamment, des contre-réformes des retraites et de la sécurité sociale, tout en développant des solutions de contournement des 35 heures, via le compte épargne-temps ?
Ce dernier a en effet pour objet, non de permettre à ceux qui le désirent de pouvoir travailler plus pour gagner plus, mais d'officialiser, au sein de l'entreprise, l'accomplissement d'heures supplémentaires non majorées et non rémunérées, comme le souhaite le MEDEF.
Aux cadeaux fiscaux déjà prévus en faveur des entreprises ou des familles les plus aisées, le Gouvernement ajoute de nouveaux cadeaux, dont la réduction de l'impôt de solidarité sur la fortune.
En revanche, lorsqu'il s'agit de répondre aux besoins immédiats, quasiment vitaux, des chômeurs, des personnes en situation précaire, des bénéficiaires de minima sociaux, les réactions sont lentes et moins sécurisantes.
L'exemple de la « prime de Noël », d'un montant dérisoire quasiment inchangé depuis 1997, qui n'est accordée qu'aux bénéficiaires de l'ASS, du RMI et de l'allocation de parent isolé, l'API, et qui doit être reconduite chaque année, au bon vouloir des gouvernements, est révélateur.
Monsieur le ministre, les 32 milliards d'euros qu'affiche votre projet de budget ne peuvent nous convaincre que l'emploi a été épargné par la rigueur budgétaire et qu'un infléchissement, un « cap nouveau » sont donnés à la politique de l'emploi.
Comme l'an passé, je remarque que la principale masse de dépenses est constituée par des compensations d'allégements de cotisations sociales, soit 17, 6 milliards d'euros ou 54, 6 % des crédits.
Si je me réfère au rapport de la commission des finances, après les retraitements opérés, les exonérations de cotisations sociales s'élèveraient, cette année, à 60, 6 % des moyens dévolus au travail. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner les raisons d'une telle situation ?
J'attends également que vous m'expliquiez pourquoi le Gouvernement a décidé de dispenser l'Etat de respecter l'obligation de compensation intégrale à la sécurité sociale des exonérations consenties au titre de dispositifs nouveaux, en l'occurrence, le contrat d'accompagnement dans l'emploi.
Des précisions quant aux sommes en jeu seraient, elles aussi, les bienvenues.
Votre politique de l'emploi reste centrée sur un seul axe : l'abaissement du coût du travail, dont le bilan est pourtant catastrophique, et qui est responsable, aujourd'hui, du développement de l'emploi faiblement qualifié, sous-rémunéré et complètement précarisé.
Le Premier ministre s'est ému du récent rapport du Secours catholique, soulignant que le travail n'était plus un rempart contre la pauvreté. Il aurait dû lire également celui de Médecins du monde !
Qu'à cela ne tienne ! Vous restez, mes chers collègues de la majorité, dogmatiquement attachés à la baisse du coût du travail, à laquelle vous ajoutez le panel de mesures fiscales dont bénéficieront les entreprises au titre de ce projet de loi de finances ou de la loi de cohésion sociale, mesures qui représentent 1, 15 milliard d'euros d'allégements supplémentaires.
Bien décidés à évacuer toute réforme des cotisations sociales pour ne pas toucher à la répartition actuelle des richesses, avec les ultra-libéraux, vous avez relancé le débat sur l'instauration d'une TVA sociale, destinée à remplacer une partie des cotisations patronales, pour, une fois de plus, alléger les « contraintes » pesant sur les entreprises, en vue prétendument de libérer l'emploi.
Si vous rivalisez d'imagination en remettant en scène des contrats aidés, c'est avant tout pour servir la flexibilité du marché du travail, déréguler les normes « classiques » d'emploi, dégonfler les chiffres du chômage et diminuer, par là même, les dépenses sociales d'indemnisation.
J'évoquerai, à titre d'illustration, le nouveau contrat initiative-emploi, qui devrait permettre de réduire d'un quart à un tiers le coût du travail par rapport au droit commun, représenté par le SMIC avec « allègement Fillon ».
J'en viens à la seconde raison de fond motivant notre rejet du présent projet de budget.
En traduisant financièrement le plan de cohésion sociale, les crédits de votre ministère, monsieur le ministre, confortent un concept dangereux, celui de la « flex-sécurité », d'inspiration danoise, reposant sur un compromis bancal entre les exigences de fluidité, de souplesse, et une pseudo-sécurité économique des individus.
M. Dassault, rapporteur spécial, s'en félicite, appelant de ses voeux d'autres réformes structurelles visant, dans la logique des rapports Cahuc-Kramanz, Camdessus ou Marimbert, à expliquer « le décrochage français par les rigidités du droit du travail ».
Nous nous inquiétons, quant à nous, des mesures coercitives en passe d'être mises en oeuvre à l'encontre, notamment, des chômeurs, et de celles qui sont à l'étude concernant l'instauration d'un contrat de travail unique.
Nous ne pouvons pas non plus passer sous silence les articles inclus dans la loi de cohésion sociale dont l'objet est d'accélérer les licenciements tout en déchargeant les employeurs de leurs responsabilités.
Le constat sans appel d'une croissance en berne et d'un chômage en hausse, frisant les 10 %, justifiait d'autres choix économiquement plus efficaces, socialement plus justes, et moins dévastateurs.
Pourtant, vous persévérez à agir dans le même sens, entretenant le cercle infernal de l'exclusion.
Voilà un an, votre prédécesseur lançait la réforme de l'ASS. Je ne reviens pas sur les développements judiciaires. Je rappellerai simplement que, lors de la manifestation de samedi dernier, les associations de chômeurs et de personnes en situation précaire ont déploré l'absence de parole ou le double langage du Gouvernement.
Nonobstant l'annulation du décret visant à limiter dans le temps le versement de l'ASS aux personnes de moins de cinquante-cinq ans ou à revoir les conditions de ressources, le plafond aurait été abaissé et la majoration de 40 % versée sous certaines conditions aux chômeurs de plus de cinquante-cinq ans aurait été bel et bien supprimée. Monsieur le ministre, qu'en est il exactement ?
Allez-vous enfin mettre un terme à ces injustices et décider d'agir en faveur d'une renégociation positive de la convention d'assurance chômage ?