Intervention de Jean-René Lecerf

Réunion du 27 novembre 2009 à 9h45
Loi de finances pour 2010 — Justice

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le programme « Administration pénitentiaire » représente 39 % de la mission « Justice », soit une dotation en crédits de paiement de 2, 7 milliards d’euros, en augmentation très significative, puisqu’elle s’accroît de 9, 8 % par rapport à l’an passé.

La progression des effectifs se poursuit, le plafond d’autorisations d’emplois au titre du projet de loi de finances pour 2010 s’élevant à 33 860 équivalents temps plein travaillés, contre 33 020 en 2009.

En outre, compte tenu de la réactivation de plusieurs équivalents temps plein non utilisés, du fait de l’insuffisance de la masse salariale, les créations effectives devraient être portées à 1 113 emplois.

Ces seules données chiffrées amènent la commission des lois à donner un avis favorable à l’adoption des crédits du programme « Administration pénitentiaire » de la mission « Justice » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2010.

Toutefois, je souhaiterais utiliser le temps dont je dispose, si court soit-il, pour vous exprimer, monsieur le secrétaire d'État, les préoccupations, mais surtout l’ambition, de la commission des lois et, je crois, du Sénat tout entier, en ce qui concerne les prisons de notre République.

L’année 2009 n’a pas été une année ordinaire. Elle a vu l’adoption par le Parlement, au terme de débats fructueux, de la loi pénitentiaire si longtemps attendue et sa promulgation toute récente par le Chef de l’État.

L’enjeu des prochaines années sera la mise en œuvre effective de l’ensemble des dispositions de ce texte, dans le respect de l’esprit des travaux parlementaires. Or, force est de constater que, par un effet d’inertie bien compréhensible, le projet de loi de finances pour 2010 est encore déterminé, pour une large part, par la mise en service progressive des nouveaux établissements pénitentiaires, dans le cadre du « programme 13 200 places », engagé par la loi d’orientation et de programmation pour la justice de 2002.

Ainsi, toutes les implications de la loi pénitentiaire n’ont pu être encore vraiment prises en compte. À l’évidence, l’application de la loi ne saurait être appréciée à la seule aune de l’effort financier dégagé en faveur de l’administration pénitentiaire. Néanmoins, comme le souligne d’ailleurs l’étude d’impact qui accompagnait le projet de loi, toute politique de prise en charge ambitieuse des détenus est nécessairement coûteuse.

Permettez-moi de donner quelques exemples sur lesquels notre attention sera particulièrement soutenue dans les années à venir.

La réussite des aménagements de peine et des alternatives à l’incarcération impose un rééquilibrage au sein des recrutements des personnels pénitentiaires en faveur des services pénitentiaires d’insertion et de probation.

L’étude d’impact estimait à 1 000 les créations de postes de conseillers d’insertion et de probation nécessaires. À l’époque, monsieur le secrétaire d'État, vous avez écouté avec attention et, semble-t-il, bienveillance les souhaits de la commission des lois de voir un programme pluriannuel de création d’emplois soumis au Parlement à l’occasion du prochain projet de loi de finances. Pourriez-vous nous préciser ce qu’il en est ?

La réussite du nouveau régime des fouilles, qui fait partie intégrante du respect de la dignité des personnes détenues ainsi que des personnels et qui devrait désormais faire des fouilles par palpation la règle, impose la mise en place de moyens de détection électroniques, à l’image de ceux qui sont par exemple utilisés dans les aéroports. Peut-on espérer voir se développer dans un délai raisonnable les expérimentations menées dans les maisons centrales de Saint-Maur et de Lannemezan ?

La réussite de l’obligation d’activité passe par une redéfinition de certains indicateurs de performance, pour lesquels la cible fixée semble bien en deçà de nos objectifs. Tel est le cas pour le taux de détenus bénéficiant d’une activité rémunérée, qui ne prévoit aucune progression d’ici à deux ans par rapport à la situation actuelle. L’objectif est même en baisse, passant, pour l’année 2011, de 41, 5 % dans le projet de loi de finances pour 2009 à 37 % dans le projet de loi de finances pour 2010.

J’ai visité hier les établissements pénitentiaires de la Plaine de l’Orbe, près de Lausanne, avec Jean-Pierre Michel, de la commission des lois, Christiane Demontès et Gilbert Barbier, de la commission des affaires sociales, dans le cadre de la mission sur la responsabilité pénale des malades mentaux. En Suisse, les personnes détenues sont soumises à une obligation de travail, mais, dans ces établissements tout au moins, 100 % d’entre elles se voyaient proposer un travail carcéral rémunéré.

Nous avons des progrès à accomplir. Mais je suis convaincu qu’ils sont à notre portée.

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