La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
Le Sénat va examiner les crédits relatifs à la mission « Justice ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la mission « Justice » est dotée, dans le projet de loi de finances pour 2010, de 6, 859 milliards d’euros de crédits de paiement, soit une augmentation de 3, 4 %.
Dans un contexte budgétaire globalement tendu, cette progression des crédits illustre l’importance attachée à la justice et la priorité accordée aux moyens de celle-ci, depuis plusieurs années.
Le programme « Justice judiciaire » compte 2, 838 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une légère hausse de 0, 6 %.
Son plafond d’emplois progresse de 358 unités et se fixe à 29 653 équivalents temps plein travaillés, ou ETPT. Cet accroissement profite largement aux effectifs des magistrats, qui augmentent de 386 ETPT.
Il convient de se féliciter de ces moyens humains supplémentaires, qui visent à mieux répondre aux besoins de justice exprimés par nos concitoyens. Toutefois, cette progression n’a de sens que si elle s’accompagne d’un effort encore plus important en faveur des greffiers, afin de ramener le ratio entre le nombre des fonctionnaires et celui des magistrats – actuellement égal à 2, 46 – à un niveau plus satisfaisant.
En 2010, l’un des principaux enjeux du programme « Justice judiciaire » renverra à la poursuite de la mise en œuvre de la réforme de la carte judiciaire. Une enveloppe de 104, 8 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 53, 5 millions d’euros en crédits de paiement est prévue pour la financer. À ces crédits s’ajoutera une mobilisation du compte d’affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l’État », à hauteur de 15 millions d’euros en crédits de paiement. Au total, le coût de cette réforme est estimé à 427 millions d’euros sur cinq ans.
Une remarque importante s’impose : ces montants s’entendent hors transfert du tribunal de grande instance de Paris, dont l’implantation définitive se fera sur le site des Batignolles, dans le XVIIe arrondissement de la capitale, et dont le coût est estimé actuellement entre 800 millions d’euros et un milliard d’euros.
Par ailleurs, le budget du programme « Justice judiciaire » anticipe sur le projet de loi portant fusion des professions d’avocat et d’avoué près les cours d’appel, en permettant de recruter, au bénéfice des greffes des juridictions, quelque 380 personnes, qui seraient choisies en majorité parmi les salariés des offices d’avoués.
En dépit de cette appréciation globalement positive sur le programme « Justice judiciaire », un point noir doit toutefois être souligné. Il s’agit du redémarrage inquiétant des frais de justice. Au rythme actuel de leur consommation, l’autorisation initiale de crédits pourrait être dépassée de 31 millions d’euros à la fin de l’année 2009.
Or, monsieur le secrétaire d'État, pour 2010, l’enveloppe allouée à ces frais s’élève à 395 millions d’euros, soit un niveau inférieur à celui de 2009, qui était déjà probablement insuffisant.
Ce montant amène donc à s’interroger sur la sincérité du budget proposé pour le programme « Justice judiciaire ». C’est la raison pour laquelle la commission des finances, à l'unanimité, a décidé de proposer au Sénat un amendement sur les crédits de cette mission.
Le programme « Administration pénitentiaire » comporte 2, 699 milliards d’euros de crédits de paiement, soit une progression importante de 9, 7 %.
En 2010, ses effectifs enregistrent un nouvel accroissement de 840 équivalents temps plein. Cette augmentation permettra, notamment, de répondre aux besoins liés à l’ouverture de nouveaux établissements pénitentiaires.
À cet égard, la préoccupation majeure en matière de surpopulation carcérale réside dans les onze établissements ou quartiers d’établissements dont la densité reste supérieure à 200 %. Pour mémoire, ces prisons accueillent actuellement 2 060 détenus.
À l’issue du programme dit « 13 200 » de construction et de rénovation, le nombre des places de détention s’élèvera à 64 000. Cette augmentation doit être mise dans la perspective du scénario moyen d’évolution de la population pénale, évaluée à 75 000 personnes en 2012.
D’ores et déjà, un nouveau plan de création de 11 000 places est projeté, le Président de la République ayant par ailleurs annoncé 5 000 places nouvelles.
Cette politique de construction et de rénovation d’établissements répond à une volonté depuis longtemps exprimée par le Sénat. Toutefois, je souhaite attirer votre attention, monsieur le secrétaire d'État, sur les deux conditions qui sont nécessaires à sa pleine réussite.
Premièrement, l’ouverture de nouveaux établissements doit s’accompagner d’un redimensionnement correspondant des moyens en policiers et en gendarmes sur les territoires où sont implantés ces nouveaux établissements. Si tel n’est pas le cas, une charge excessive risque de peser sur les forces de sécurité, qui doivent, notamment, assurer les transfèrements de détenus.
Deuxièmement, le calcul de la dotation globale de fonctionnement des communes doit tenir compte, sans décalage dans le temps, de l’accroissement mécanique de la population lié à l’implantation d’un nouvel établissement pénitentiaire. Or tel n’est pas le cas actuellement, du fait d’une base de calcul qui s’appuie sur un recensement quinquennal, et non pas annuel, de la population des communes.
L’amélioration du taux d’occupation des établissements tient autant au programme pénitentiaire immobilier qu’à l’accent mis sur le développement des aménagements de peines et des alternatives à l’incarcération. Le budget pour 2010 prévoit ainsi, notamment, le financement de 7 000 bracelets électroniques.
Alors que ce bracelet peut également se révéler très efficace dans la lutte contre la récidive des délinquants sexuels, on peut d’ailleurs s’étonner que seuls une trentaine de placements sous surveillance électronique mobile, les PSEM, soient actuellement ordonnés.
S’agissant du programme « Administration pénitentiaire », je veux enfin souligner la pénurie de psychiatres intervenant en milieu carcéral, …
… qui est d’autant plus préjudiciable qu’environ 20 % à 25 % des détenus souffrent de troubles psychiatriques. Ce problème doit trouver des solutions dans les années à venir. Il est impérativement nécessaire de le régler – j’attire votre attention sur ce point, monsieur le secrétaire d'État – dans les nouveaux établissements que nous ouvrons actuellement.
Je vous l’accorde, mon cher collègue.
Le programme « Protection judiciaire de la jeunesse » s’appuie sur une enveloppe de 776, 8 millions d’euros en crédits de paiement, en légère baisse de 0, 9 %.
Depuis 2009, il est marqué par un recentrage sur la prise en charge des mineurs délinquants, qui représente 71 % de ses crédits de paiement. Ses effectifs s’élèvent à 8 618 équivalents temps plein, en baisse de 333 par rapport à 2009.
Au total, l’action de la protection judiciaire de la jeunesse débouche sur un résultat encourageant : 64 % des jeunes pris en charge au pénal n’ont ni récidivé, ni réitéré, ni fait l’objet de nouvelles poursuites dans l’année qui a suivi la clôture de la mesure.
Les moyens du programme « Accès au droit et à la justice » diminuent de 7, 2 % en crédits de paiement, passant de 317, 9 millions d’euros à 295 millions d’euros.
En particulier, l’aide juridictionnelle voit sa dotation baisser de 7, 6 %. Cette diminution doit toutefois être relativisée, dans la mesure où elle se fonde sur un rétablissement de crédits à hauteur de 24 millions d’euros au titre du recouvrement de l’aide juridictionnelle.
Ce taux de recouvrement reste toutefois faible, avec un objectif cible de 11 % pour 2010. Par ailleurs, le nombre des admissions à l’aide continue de progresser et celle-ci devrait bénéficier, en 2010, à 935 000 personnes. Dans un tel contexte, la réforme de l’aide juridictionnelle ne peut plus guère être différée.
Le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice » comporte 244, 1 millions d’euros de crédits de paiement, en progression de 3 % par rapport à 2009.
Son principal enjeu réside dans la poursuite des efforts en faveur du développement des applications informatiques de la justice. Le budget de cette action est ainsi doté de 86, 2 millions d’euros en crédits de paiement.
À cet égard, il faut se féliciter de l’aboutissement, prévu pour 2010, du déploiement de l’application CASSIOPÉE, qui procède à la dématérialisation de la chaîne pénale.
En revanche, on ne peut que le déplorer, les indicateurs de retard et de coût pour les opérations immobilières conduites par le ministère n’enregistrent aucune amélioration significative. En la matière, des progrès sont nécessaires.
De taille très réduite, le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice, hors Chorus » n’appelle, pour sa part, aucun commentaire particulier.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, en conclusion, et sous la réserve du vote de l’amendement que je vous présenterai, la commission des finances propose au Sénat l’adoption des crédits de la mission « Justice » et de chacun de ses programmes.
Merci, mon cher collègue, d’avoir strictement respecté votre temps de parole, car nous avons devant nous une journée très chargée !
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le programme « Administration pénitentiaire » représente 39 % de la mission « Justice », soit une dotation en crédits de paiement de 2, 7 milliards d’euros, en augmentation très significative, puisqu’elle s’accroît de 9, 8 % par rapport à l’an passé.
La progression des effectifs se poursuit, le plafond d’autorisations d’emplois au titre du projet de loi de finances pour 2010 s’élevant à 33 860 équivalents temps plein travaillés, contre 33 020 en 2009.
En outre, compte tenu de la réactivation de plusieurs équivalents temps plein non utilisés, du fait de l’insuffisance de la masse salariale, les créations effectives devraient être portées à 1 113 emplois.
Ces seules données chiffrées amènent la commission des lois à donner un avis favorable à l’adoption des crédits du programme « Administration pénitentiaire » de la mission « Justice » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2010.
Toutefois, je souhaiterais utiliser le temps dont je dispose, si court soit-il, pour vous exprimer, monsieur le secrétaire d'État, les préoccupations, mais surtout l’ambition, de la commission des lois et, je crois, du Sénat tout entier, en ce qui concerne les prisons de notre République.
L’année 2009 n’a pas été une année ordinaire. Elle a vu l’adoption par le Parlement, au terme de débats fructueux, de la loi pénitentiaire si longtemps attendue et sa promulgation toute récente par le Chef de l’État.
L’enjeu des prochaines années sera la mise en œuvre effective de l’ensemble des dispositions de ce texte, dans le respect de l’esprit des travaux parlementaires. Or, force est de constater que, par un effet d’inertie bien compréhensible, le projet de loi de finances pour 2010 est encore déterminé, pour une large part, par la mise en service progressive des nouveaux établissements pénitentiaires, dans le cadre du « programme 13 200 places », engagé par la loi d’orientation et de programmation pour la justice de 2002.
Ainsi, toutes les implications de la loi pénitentiaire n’ont pu être encore vraiment prises en compte. À l’évidence, l’application de la loi ne saurait être appréciée à la seule aune de l’effort financier dégagé en faveur de l’administration pénitentiaire. Néanmoins, comme le souligne d’ailleurs l’étude d’impact qui accompagnait le projet de loi, toute politique de prise en charge ambitieuse des détenus est nécessairement coûteuse.
Permettez-moi de donner quelques exemples sur lesquels notre attention sera particulièrement soutenue dans les années à venir.
La réussite des aménagements de peine et des alternatives à l’incarcération impose un rééquilibrage au sein des recrutements des personnels pénitentiaires en faveur des services pénitentiaires d’insertion et de probation.
L’étude d’impact estimait à 1 000 les créations de postes de conseillers d’insertion et de probation nécessaires. À l’époque, monsieur le secrétaire d'État, vous avez écouté avec attention et, semble-t-il, bienveillance les souhaits de la commission des lois de voir un programme pluriannuel de création d’emplois soumis au Parlement à l’occasion du prochain projet de loi de finances. Pourriez-vous nous préciser ce qu’il en est ?
La réussite du nouveau régime des fouilles, qui fait partie intégrante du respect de la dignité des personnes détenues ainsi que des personnels et qui devrait désormais faire des fouilles par palpation la règle, impose la mise en place de moyens de détection électroniques, à l’image de ceux qui sont par exemple utilisés dans les aéroports. Peut-on espérer voir se développer dans un délai raisonnable les expérimentations menées dans les maisons centrales de Saint-Maur et de Lannemezan ?
La réussite de l’obligation d’activité passe par une redéfinition de certains indicateurs de performance, pour lesquels la cible fixée semble bien en deçà de nos objectifs. Tel est le cas pour le taux de détenus bénéficiant d’une activité rémunérée, qui ne prévoit aucune progression d’ici à deux ans par rapport à la situation actuelle. L’objectif est même en baisse, passant, pour l’année 2011, de 41, 5 % dans le projet de loi de finances pour 2009 à 37 % dans le projet de loi de finances pour 2010.
J’ai visité hier les établissements pénitentiaires de la Plaine de l’Orbe, près de Lausanne, avec Jean-Pierre Michel, de la commission des lois, Christiane Demontès et Gilbert Barbier, de la commission des affaires sociales, dans le cadre de la mission sur la responsabilité pénale des malades mentaux. En Suisse, les personnes détenues sont soumises à une obligation de travail, mais, dans ces établissements tout au moins, 100 % d’entre elles se voyaient proposer un travail carcéral rémunéré.
Nous avons des progrès à accomplir. Mais je suis convaincu qu’ils sont à notre portée.
Tous les indicateurs ne sont pas au rouge. La loi pénitentiaire a été adoptée. Le nombre de personnes écrouées au 1er octobre 2009 s’élevait à 61 781, en baisse de 2, 2 % sur une année.
Avec les 4 146 places supplémentaires mises en service en 2009, le taux d’occupation des prisons s’élève à 114, 9 %, contre 124 % voilà un an. Le nombre de détenus en surnombre a diminué de 20 % par rapport à l’an passé.
Nous avons l’opportunité exceptionnelle de réintégrer les prisons de notre République, dans le respect scrupuleux de l’État de droit et de la dignité des personnes. Ce serait une formidable avancée. Ne la laissons pas s’échapper.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le programme 182 « Protection judiciaire de la jeunesse » représente environ 10 % des crédits de la mission « Justice ».
Pour la deuxième année consécutive, les crédits alloués à la protection judiciaire de la jeunesse, PJJ, diminuent : 1 % en moyenne cette année, après une baisse de 2 % l’an dernier. La PJJ disposera en 2010 de 777, 8 millions d’euros en crédits de paiement. Ses effectifs réels diminueront de 140 personnes.
Dans ce contexte de restrictions budgétaires, la PJJ a engagé un effort de modernisation sous trois formes.
Premièrement, l’organisation des services déconcentrés de la PJJ est adaptée à des territoires d’intervention pertinents. Je pense à la mise en place des directions interrégionales et, bientôt, à celle de cinquante-cinq directions territoriales qui remplaceront les actuelles directions départementales.
Deuxièmement, une équipe permanente d’une centaine d’auditeurs est en cours de constitution et permettra de renforcer le contrôle et l’évaluation au sein de la PJJ.
Troisièmement, les pratiques professionnelles sont adaptées afin de renforcer la prise en charge éducative des mineurs délinquants.
Ces efforts doivent être salués et encouragés, même si on peut regretter que la carte des directions interrégionales de la PJJ ne coïncide pas avec les ressorts des cours d’appel.
Ces évolutions suscitent des inquiétudes parmi les personnels de la PJJ, qui exercent souvent leurs fonctions dans des conditions difficiles ; la presse s’en est récemment fait l’écho.
Lors de son audition par la commission des lois, Mme le garde des sceaux nous a donné des assurances sur les mesures de dialogue social qu’elle entendait mettre en œuvre au sein de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse pour répondre à ces inquiétudes.
La réduction globale des crédits alloués à la PJJ en 2010 recouvre cependant un important redéploiement des crédits en faveur de la seule prise en charge des mineurs délinquants. Ainsi, en 2010, les crédits alloués à la prise en charge de ces mineurs augmentent de 13 %, tandis que ceux qui sont alloués à la prise en charge des mineurs en danger et des jeunes majeurs diminuent de 50 %. Sur la période 2008-2010, les crédits alloués à la prise en charge des mineurs délinquants augmentent de 32 %, tandis que ceux qui sont alloués à la prise en charge des mineurs en danger et des jeunes majeurs diminuent de 70 %.
À terme, l’État ne financera plus, au civil, que les mesures d’investigation.
Par ailleurs, le Gouvernement a annoncé que le décret du 18 février 1975 fixant les modalités de mise en œuvre d’une action de protection judiciaire en faveur de jeunes majeurs serait abrogé au cours de l’année 2010.
Ce recentrage de l’action de la PJJ sur la seule prise en charge des mineurs délinquants a été formalisé dans le cadre du troisième conseil de modernisation des politiques publiques du 11 juin 2008. Il n’en suscite pas moins des interrogations, dans son principe comme dans ses modalités.
Dans son principe, on constate qu’un quart à un tiers des mineurs suivis par la PJJ étaient des mineurs en danger avant de devenir des mineurs délinquants. Dans leur cas, la question de la continuité du suivi et de la prise en charge nous semble essentielle.
Dans ses modalités, le recentrage de la PJJ sur les seuls mineurs délinquants a nécessairement des conséquences financières pour les conseils généraux.
Certes, juridiquement, il n’y a pas à proprement parler de transfert de compétences, car les départements sont compétents en matière de protection de l’enfance depuis les lois de décentralisation de 1982-1983. Il n’en demeure pas moins que les conseils généraux seront désormais amenés à financer des mesures de protection qui étaient jusqu’à présent prises en charge par l’État.
Or, comme l’a relevé la Cour des Comptes dans son récent rapport consacré à la protection de l’enfance, les conséquences financières de cette évolution sur les budgets des départements n’ont pas été évaluées.
En outre, le Gouvernement a fait savoir cette année qu’il n’avait pas l’intention de créer le Fonds national de financement de la protection de l’enfance, prévu à l’article 27 de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance. Ce fonds aurait dû être doté de 30 millions d’euros par an pour accompagner financièrement les départements dans la mise en œuvre de leurs compétences en matière de protection de l’enfance en danger.
L’Assemblée des départements de France, qui vient de saisir le Conseil d’État d’un recours contre cette décision du Premier ministre, m’a fait part de ses plus vives inquiétudes quant aux incidences financières du recentrage pénal de la PJJ pour les finances des départements, déjà mises à mal par la crise économique.
En outre, il apparaît que les modalités selon lesquelles les départements mettent en œuvre les mesures judiciaires de protection sont très variables d’un département à un autre. Dans certains départements par exemple, les placements en foyer sont exécutés jusqu’à six mois après la décision judiciaire.
La Cour des Comptes a insisté sur le fait que l’État devait être plus attentif aux conditions dans lesquelles les décisions des juges des enfants sont exécutées.
C'est la raison pour laquelle la commission des lois souhaite attirer votre attention sur deux points.
D’une part, il faut faire en sorte de mieux évaluer les conséquences pour les conseils généraux du recentrage au pénal de la PJJ. Le cas échéant, monsieur le secrétaire d'État, quelles mesures l’État entend-il adopter pour accompagner financièrement les départements dans l’exécution des mesures judiciaires de protection ?
D’autre part, quelles dispositions l’État peut-il mettre en œuvre afin d’assurer que les jeunes en danger, comme les jeunes majeurs, bénéficient d’un même niveau de protection sur l’ensemble du territoire national, au nom du principe d’égalité ?
Je terminerai par une observation personnelle sur le budget de la PJJ. Il importe selon moi de mettre les choses en perspective. Quand on examine la situation d’un point de vue assez large, les détails et les saillies s’évanouissent. Depuis l’adoption de la loi d’orientation et de programmation pour la justice en 2002, les programmes ont été réalisés ; alors que 1 500 mineurs se trouvaient en détention voilà quelques années, ils ne sont que 755 cette année.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a émis un avis favorable à l’adoption des crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse ».
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’évolution des crédits de la mission « Justice » en 2010 vous a été présentée. Je n’y reviens donc pas.
J’évoquerai en revanche la mesure de la performance au sein du programme « Justice judiciaire ». On peut en effet regretter que les indicateurs de performance soient établis selon une approche uniquement quantitative.
Ainsi, l’indicateur relatif au délai de traitement moyen des procédures pénales ne fait pas le départ entre les différents modes de poursuite, comparution immédiate ou information judiciaire par exemple.
De même, en matière civile, l’amalgame des données a pour conséquence que le tribunal de grande instance de Bobigny connaît un délai moyen de jugement de 4, 6 mois, alors que la valeur cible nationale est de 6, 5 mois, car cette juridiction reçoit la masse du contentieux lié à la zone d’attente de Roissy, qui est traité dans des délais très courts. Les résultats de l’indicateur s’en trouvent faussés.
Aussi paraît-il souhaitable que le ministère de la justice mette à profit la définition de nouveaux outils informatiques pour définir des indicateurs de performance plus fins, qui intègrent des éléments qualitatifs.
La mise en place de l’application PHAROS, dédiée à la gestion et à la mesure de la performance, qui sera très utile, rend d’ailleurs plus nécessaire que jamais l’amélioration des indicateurs de performance, afin de ne pas imposer aux juridictions des contraintes de productivité fondées sur une appréciation essentiellement quantitative.
J’en viens aux moyens alloués à la justice. Des efforts importants ont été réalisés depuis plusieurs années pour augmenter le nombre de magistrats. Nous ne pouvons que nous en féliciter.
Toutefois, vous le savez, un magistrat ne travaille pas seul.
Or le ratio entre le nombre de greffiers et le nombre de magistrats, qui s’établit en 2009 à 2, 46 greffiers pour un magistrat, ne cesse de se dégrader depuis 2005.
Cette situation semble d’autant plus difficile à supporter pour les fonctionnaires qu’ils sont soumis à des contraintes de productivité et à des amplitudes horaires souvent élevées.
J’ai d’ailleurs pu ressentir, lors de mes auditions et de mes déplacements dans les juridictions, un malaise grandissant chez les fonctionnaires de la justice. Il semble donc indispensable que le ministère renoue le dialogue avec les fonctionnaires des greffes.
Toujours en matière de moyens, la mise en œuvre de la réforme de la carte judiciaire doit se traduire par plus de 400 opérations immobilières. Il s’agit, dans la plupart des cas, de « densifier » les locaux de la juridiction d’accueil ou de recourir à des locaux provisoires. Or ces opérations conduisent souvent à quitter des locaux appartenant à des collectivités locales et entretenus par leur soin, ce qui ne coûte pas grand-chose à la justice.
Pouvez-vous nous assurer, monsieur le secrétaire d'État, que les solutions choisies par le ministère pour la mise en œuvre de cette réforme de la carte judiciaire dans son volet immobilier n’aboutiront pas à un renchérissement du coût d’hébergement des juridictions ?
En outre, la réforme de la carte judiciaire rend particulièrement indispensable le développement des dispositifs d’accès au droit.
À cet égard, les maisons de la justice et du droit de nouvelle génération – cinq devraient voir le jour en 2010 – seront équipées de bornes interactives. Pourtant, il n’est pas certain que ces bornes constituent l’outil le plus adéquat pour assurer l’accès des plus modestes au droit et à la justice.
Permettez-moi d’insister sur la nécessité de mettre en place, parallèlement à la réorganisation de la carte judiciaire, des dispositifs d’accès au droit, dans les aires géographiques touchées par la suppression d’une juridiction et de les rendre aisément utilisables, ce qui nécessite souvent une présence humaine attentive.
Monsieur le secrétaire d’État, les deux processus seront-ils concomitants : suppression de juridictions, d’un côté, mais développement des dispositifs d’accès au droit, de l’autre ?
Le projet de loi de finances pour 2010 prévoit une baisse de 27, 65 millions d’euros des crédits alloués à l’aide juridictionnelle.
Cette réduction paraît surprenante dans une période de crise, qui pourrait conduire à une augmentation du nombre de personnes éligibles à l’aide juridictionnelle.
Par ailleurs, dans le cadre de la réforme de la procédure pénale, le rôle de l’avocat pourrait être renforcé, pour lui permettre de prendre en charge la défense des parties mises en cause au cours de l’instruction.
Dès lors, il convient d’assurer une montée en puissance de cette aide juridictionnelle. Le ministère a lancé une mission de réflexion sur la réforme de son financement. Le rapport de la commission Darrois énonce également un ensemble de préconisations relatives à l’amélioration de la gestion des demandes d’aide juridictionnelle.
Monsieur le secrétaire d’État, à quelle échéance la réforme de l’aide juridictionnelle pourra-t-elle être mise en œuvre et sur quelles bases ?
Je souhaite également évoquer l’usage des nouvelles technologies dans l’activité judiciaire.
Le ministère de la justice s’efforce de favoriser le recours à la visioconférence. Celle-ci est diversement reçue dans les juridictions, mais les magistrats que j’ai rencontrés à Bordeaux, où la cour d’appel est pionnière dans ce domaine, évoquent plusieurs avantages à l’utilisation de cette nouvelle technologie. Installés dans une salle de la maison d’arrêt ou du centre pénitentiaire, dépourvue du décorum impressionnant du palais de justice, et sans public, les détenus seraient plus calmes et les interrogatoires s’en trouveraient facilités.
Ce procédé devrait, à l’avenir, connaître un développement important si les magistrats, qui restent libres d’y recourir, en découvrent les avantages pratiques. Il convient de veiller à ce que la visioconférence reste un moyen. Son utilisation devra donc être évaluée non seulement au regard des aspects quantitatifs, mais surtout au regard de son impact qualitatif sur le fonctionnement des juridictions.
Je voudrais enfin traiter de la gestion des projets d’équipement informatique du ministère de la justice.
Le schéma directeur pour l’informatique et les télécommunications, adopté par le ministère de la justice pour la période 2009-2013, recense un grand nombre de chantiers à poursuivre ou à entreprendre pour moderniser le système d’information du ministère de la justice.
Je m’arrêterai seulement sur le projet CASSIOPÉE, qui a vocation à remplacer l’ensemble des applications pénales existantes, afin de supprimer les saisies multiples et, par là, de limiter les sources d’erreurs.
Or, paradoxalement, la mise en place de cette application a amené certaines juridictions à devoir saisir plusieurs fois le même dossier et a rendu impossible la correction de certaines erreurs. Son installation a d’ailleurs dû être suspendue pendant six semaines, pour permettre à ces juridictions de retrouver un fonctionnement normal.
À l’issue de mes nombreux déplacements dans les juridictions, il m’apparaît que la définition de CASSIOPÉE ne s’est pas suffisamment appuyée sur les enseignements des applications existantes.
Ainsi, pour une affaire de vol avec dégradation, l’utilisation de CASSIOPÉE a porté à onze heures le temps nécessaire pour enregistrer la procédure, alors qu’avec les anciennes applications cet enregistrement pouvait être réalisé en une heure ! Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres que l’on m’a cités !
Le ministère de la justice devrait accorder davantage d’attention à la conception des nouvelles applications et les soumettre à des tests avant de les implanter dans les juridictions, où les défauts de conception se traduisent rapidement par une désorganisation de l’activité et une charge de travail encore plus lourde pour des greffiers qui devraient normalement voir leur travail simplifié avec la mise en œuvre de ces applications.
Comme vous le voyez, monsieur le secrétaire d’État, cette année encore, la commission des lois a porté un regard exigeant sur le budget du ministère de la justice, exigence qu’il faut interpréter comme un hommage rendu par la commission à la noblesse de cette mission, qui est essentielle à l’équilibre de notre pays.
M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis. Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a donné un avis favorable à l’adoption des crédits consacrés aux services judiciaires et à l’accès au droit.
Applaudissementssur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Je rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle qu’en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la France est le pays d’Europe qui dépense le moins, par habitant, pour sa justice. Le budget de cette année n’y changera pas grand-chose, malgré son augmentation de 3, 42 % !
Ce budget est d’ailleurs empreint de la réforme de l’État et de son corollaire, la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Sommée de participer à la diminution des dépenses publiques, la justice est touchée par la conception managériale actuelle.
On lui demande tout à la fois d’être économe, rentable, efficace. Mais que signifie la mesure de l’efficacité d’une décision judiciaire à l’aune de la dépense publique ? Est-ce la rapidité, quand on connaît les atteintes aux droits causées par la multiplication des comparutions immédiates ?
Notre commission des lois a regretté une approche essentiellement quantitative.
Quand on parle de justice, on parle de situations humaines, individuelles, souvent complexes. L’efficacité n’est-elle pas précisément dans la prise en compte individualisée de ces situations ? Sur ce point, avec ce budget, le bât blesse !
L’augmentation de 2, 2 % des crédits relatifs aux dépenses de personnel du programme « Justice judiciaire » est, pour une part, destinée à financer vos réformes, le recrutement de 380 salariés venant des études d’avoués et des mesures d’accompagnement de la réforme de la carte judiciaire.
Concernant le nombre de magistrats, la commission des lois a confirmé le risque de dégradation rapide due aux départs en retraite dans les années à venir. Pourtant, les places ouvertes aux concours d’entrée à l’École nationale de magistrature, l’ENM, diminuent chaque année.
De plus, on constate une volonté de recentrer le juge sur sa mission, qui est de dire le droit, et on oublie ainsi son rôle de régulateur social.
Les greffiers, quant à eux, ne peuvent attendre de ce budget les renforts nécessaires. L’embauche de 380 personnes venant des études d’avoués est loin du compte.
Les crédits du programme « Accès au droit et à la justice » connaissent une diminution de 27, 65 millions d’euros pour l’aide juridictionnelle, alors qu’avec la crise le nombre des justiciables qui en ont besoin s’accroît.
Dans le même temps, la réforme de la carte judiciaire – qui, je le souligne, coûtera cher – éloignera les citoyens de leur justice. Je ne suis pas, bien évidemment, opposée au développement de techniques modernes, donc à la dématérialisation d’un certain nombre d’actes, mais on ne remplace pas un tribunal d’instance et la présence de juges par des bornes interactives ou par la visioconférence !
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais obtenir quelques précisions. J’ai appris que l’État rendait à la Ville de Paris des locaux actuellement utilisés pour accueillir les tribunaux d’instance dans les mairies d’arrondissement.
J’ai interrogé M. du Luart à ce sujet, mais sa réponse a été assez contradictoire. Monsieur le secrétaire d’État, l’objectif est-il ou non de supprimer ces tribunaux pour, le cas échéant, les concentrer au sein de la future cité judiciaire qui accueillera aux Batignolles le tribunal de grande instance de Paris ?
Les crédits du programme « Administration pénitentiaire » augmentent, quant à eux, de 9, 58 %. Mme la garde des sceaux, lors de son audition par la commission des lois, a indiqué que la mise en œuvre de la loi pénitentiaire était une priorité de son ministère.
Le Gouvernement nous a fait débattre de ce projet de loi en urgence, l’hiver dernier, mais il ne l’a mis à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale que cet automne ! On peut donc s’interroger sur sa priorité, surtout au vu de son contenu, puisque ce texte est bien en deçà de la grande loi pénitentiaire attendue par les professionnels et les associations.
Ce manque d’ambition est perceptible dans le budget qui nous est proposé, les crédits allant principalement à la construction des nouvelles places de prison déjà prévues.
Les crédits accordés ne permettront pas l’amélioration des droits des détenus en prison, au regard du travail, par exemple, comme l’a dit le rapporteur.
Seulement 17, 3 % des crédits seront consacrés à l’action « Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice », autrement dit à la maintenance et à l’entretien des bâtiments pénitentiaires, à l’accès aux soins, au maintien des liens familiaux ou encore aux activités de réinsertion, c’est-à-dire à tout ce qui fait l’objet de la loi pénitentiaire !
Il est également symptomatique que l’effort budgétaire consacré aux services pénitentiaires d’insertion et de probation, les SPIP, soit bien en deçà des besoins avec260 emplois, comme Mme la garde des sceaux l’a dit lors de son audition.
Ce programme bénéficie, certes, de créations de postes, mais il en faudrait 1 200 pour les seuls nouveaux établissements qui, on le voit notamment avec la maison d’arrêt de Lyon-Corbas ouverte en mai dernier, posent de sérieux problèmes. Or, seulement 1 113 postes sont créés, il n’en restera donc pas pour d’autres établissements !
Si les nouvelles prisons offrent, bien sûr, un cadre décent, elles sont en revanche déshumanisées tant pour les personnels que pour les détenus, avec de nouvelles technologies se substituant à l’intervention des surveillants. Ainsi, de plus en plus de détenus demandent à retourner dans leur ancienne prison et, à Corbas, où la violence se développe, 25 % des surveillants étaient récemment en arrêt maladie ! La réforme prend pour modèle la prison américaine.
Le recours systématique aux partenariats public-privé pour la construction et la maintenance des lieux laisse une large latitude aux entreprises propriétaires des prisons pour réduire leurs coûts et augmenter leurs marges, ce qui augure peut-être des économies sur les conditions de travail des personnels et sur les conditions de détention !
Les effets escomptés de l’affichage d’une loi pénitentiaire seulement destinée à nous conformer aux préconisations européennes ne sont pas à l’ordre du jour.
Quant au programme « Protection judiciaire de la jeunesse », ou PJJ, après une diminution de 2 % en 2009, ses crédits baissent encore en 2010 de 1 % !
La PJJ fait l’objet d’une réorganisation administrative visant à diminuer les emplois et à transformer les missions éducatives.
On nous dit qu’il devient difficile de recruter, ce qui expliquerait la présence d’un grand nombre de contractuels au sein de la PJJ. Les évolutions en cours ne sont pas particulièrement attrayantes !
Alors que la PJJ s’est construite depuis 1945 sur la double compétence civile et pénale, en se consacrant aux enfants en danger et aux enfants délinquants, l’orientation est à la spécialisation des missions des éducateurs vers les mineurs délinquants. Le budget de la PJJ donne ainsi priorité aux mesures judiciaires en direction de ces derniers, leur accordant 71, 35 % de sa totalité, soit une augmentation de 13 %, contre seulement 9, 26 %, soit une baisse de 50 %, pour l’enfance en danger ou les jeunes majeurs.
Cette séparation totalement artificielle entre enfants en danger et enfants délinquants a aussi des conséquences financières directes sur les départements.
Quid du Fonds national de financement de la protection de l’enfance créé par la loi du 5 mars 2007 sur la protection de l’enfance pour compenser l’accroissement des responsabilités des départements en matière de protection sociale et d’aide sociale à l’enfance ?
Non seulement ce fonds n’est toujours pas doté, mais le décret d’application de la loi n’est pas paru, ce qui représente rien que pour cela, sur trois ans, 90 millions d’euros au détriment des conseils généraux !
L’État abandonne ses responsabilités, ce sont les départements qui en ont la charge. Nous avions dénoncé cette situation. Un rapport de la précédente défenseure des enfants, Mme Claire Brisset, l’a confirmé. Il y a rupture de l’égalité devant la loi. Quand il n’existera plus de défenseur des enfants, cela ne se verra plus !
De plus, certains départements supportent des sujétions particulières en raison de la présence sur leur territoire d’aéroports et/ou de ports. Je pense au département de Seine-Saint-Denis avec Roissy, aux Bouches-du-Rhône avec Marseille et j’y ajoute Paris, où sont concentrés des jeunes en grande souffrance.
En réalité, les orientations de ce budget sont conformes à celles du Gouvernement en matière de justice des mineurs : la sanction doit désormais primer sur l’éducation et la prévention.
Plutôt que de décider l’affichage d’un couvre-feu pour les mineurs, le Gouvernement ferait mieux de se préoccuper d’un nombre suffisant de places en foyer pour les enfants en danger !
Le jour même où une responsable de la PJJ parisienne commettait un acte très grave – elle s’était jetée par la fenêtre – 43 enfants restaient en errance à Paris, sans foyer d’hébergement pour le soir même !
Avec ce budget, les juridictions vont continuer à manquer de moyens humains et matériels ; les détenus attendront pour le respect de leurs droits ; et les mesures d’éducation et de protection ordonnées par les juges des enfants attendront encore de longs mois leur exécution.
Vous comprendrez que nous nous prononcions contre ce budget.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le secrétaire d’État, même si je connais depuis longtemps votre art de la dialectique, je me demande comment vous allez pouvoir défendre ce budget.
Pour ma part, je ferai sept observations en m’efforçant, monsieur le président, de respecter le temps qui m’est imparti.
Merci, monsieur le président.
Premier point : les magistrats.
Vous allez nous dire que les effectifs sont inchangés.
Hélas, cela ne va pas durer !
Il est acquis que 205 magistrats prendront leur retraite en 2011, suivis de 198 autres en 2012. Or, le nombre d’auditeurs de justice qui sortiront de l’École nationale de la magistrature, l’ENM, ces mêmes années est, lui aussi, connu. Ils sont 160 cette année, ce qui correspond au nombre de postes ouverts au concours de 2007 ; mais ce nombre va beaucoup baisser en 2010 et en 2011, puisque vous n’avez offert que 60 places aux concours 2008 et 2009.
Ces deux prochaines années, il y aura donc 120 arrivées et 403 départs à la retraite de magistrats, ce qui montre bien que l’on s’oriente vers une réduction de leur nombre. Si j’ai tort, monsieur le secrétaire d’État, je vous saurais gré d’apporter les précisions nécessaires.
De plus, vous avez fait un véritable tour de passe-passe – ce qui n’est pas du meilleur effet pour le ministère de la justice – en nous laissant penser qu’il y aurait une augmentation du nombre de magistrats de 486 équivalents temps plein. Or, il n’a pas échappé à nos rapporteurs que vous avez réintégré dans votre propre budget 419 équivalents temps plein d’auditeurs de justice, qui relevaient auparavant du budget de l’ENM.
Vous comprendrez donc bien que nous ne soyons pas convaincus.
Deuxième point : les greffiers.
Comme M. Détraigne l’a rappelé avec éloquence, leur nombre insuffisant conduit, malgré le dévouement des personnels, à une « asphyxie progressive de l’institution », pour reprendre les termes de l’Union syndicale des magistrats. À ce sujet, l’USM cite les statistiques établies par la commission européenne pour l’efficacité de la justice, la CEPEJ. Selon ses calculs, il n’y a en moyenne que deux greffiers par magistrat en France – 2, 4, a dit M. Détraigne – contre cinq en Espagne. En la matière, il faut s’inspirer des bons exemples européens !
Pour ce qui est des greffiers, vous ne manquerez pas de nous rappeler que 116 personnels de catégorie C sont reclassés en catégorie B. Dans le même temps, ce sont 36 postes d’encadrement et 394 postes de catégorie C qui disparaissent. Malgré toute votre dialectique, vous aurez du mal à nous démontrer que la situation va s’améliorer.
Troisième point : la carte judiciaire.
Mme Goulet sent que les choses vont se gâter, et elle a raison !
En 2007, Mme Dati déclarait ici même – nous nous en souvenons – …
… que, pour financer la carte judiciaire, il faudrait 900 millions d’euros.
Certes, M. le secrétaire général du ministère a revu le chiffre à la baisse quelque temps plus tard. J’ai la faiblesse d’accorder plus de crédit aux propos de Mme la ministre qu’à ceux de M. le secrétaire général. C’est ma conception républicaine de l’État.
Pour justifier la modération des crédits prévus en 2008 ou 2009, Mme Rachida Dati nous avait aussi dit que l’essentiel de l’effort serait réalisé en 2010. Le budget pour 2010 prévoit au titre de la réforme de la carte judiciaire, cela ne vous aura pas échappé, monsieur le secrétaire d’État, 100 millions d’euros en autorisations d’engagement et 30 millions d’euros seulement en crédits de paiement.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous fais crédit du fait que ces 100 millions en autorisations d’engagement ne seront pas réduits au cours de l’année. Comme vous le constatez, je suis coopératif ! Et, si j’ajoute ce qui a été affecté au titre des deux dernières lois de finances, j’arrive à 190 millions d’euros.
Or, comme Mme Rachida Dati nous disait que les 900 millions d’euros du financement de la réforme de la carte judiciaire seraient répartis sur quatre exercices budgétaires, et que nous en sommes, s’il n’y a aucune réfaction cette année, à 190 millions d’euros affectés en trois ans, j’en conclus que les 710 millions d’euros de crédits restants figureront dans la loi de finances de l’année prochaine…
Peut-être pourriez-vous vous engager sur ce montant ? A condition, bien sûr, que ce ne soit pas un engagement sans valeur !
Quatrième point : l’aide juridictionnelle.
Les discours sont très positifs à ce sujet ; mais les crédits, eux, sont négatifs. Je vous rappelle que le budget voté en 2009 pour l’aide juridictionnelle était de 320 millions d’euros. En 2010, il n’est plus que de 295 millions d’euros. Cela représente 25 millions d’euros en moins, soit 8 % de baisse.
L’USM, citant toujours le rapport du CEPEJ, rappelle que le Royaume-Uni consacre à l’aide juridictionnelle un budget annuel de deux milliards de livres sterling.
Cet effort est sans comparaison avec celui de notre pays. Or, monsieur le secrétaire d’État, votre administration dénombre régulièrement les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle. Ceux-ci étaient 831 000 en 2004 et 908 000 en 2009 ; ils seront, d’après vos prévisions, 935 000 en 2010.
Beaucoup de nos concitoyens étant victimes de la crise, du chômage, des difficultés de la vie, il est prévisible que la demande augmente encore. Comment pourrez-vous y faire face avec des crédits qui diminuent ? Vous le voyez bien, monsieur le ministre, le bilan est loin d’être positif.
Cinquième point : l’aide aux victimes.
À ce sujet, les discours sont particulièrement remarquables. Le Gouvernement nous dit : « Vous ne vous occupez pas des victimes. Nous, nous le faisons ! » Mais s’il en a vraiment l’intention, qu’il mette ses crédits en rapport avec ses déclarations !
Le budget de l’aide aux victimes est passé de 18 millions d’euros l’an dernier à 4 millions d’euros cette année. Apparemment, cette baisse serait liée à la prochaine mise en place, encore expérimentale, d’un juge délégué aux victimes, ainsi qu’à la nouvelle carte judiciaire. Vous aurez du mal à nous expliquer que cela justifie une division des crédits par 4, 5.
Sixième point : l’accès au droit.
Là encore, les crédits de fonctionnement diminuent, passant de 2, 2 millions d’euros à 0, 8 million d’euros cette année.
Vous citez l’exemple du Loiret. Je tiens à dire que la directrice de la maison de la justice et du droit d’Orléans fait un travail remarquable, notamment en utilisant la vidéo pour permettre à des personnes situées à plusieurs dizaines de kilomètres de s’informer sans se déplacer. Selon vous, l’utilisation de la vidéo permet de réduire les dépenses de fonctionnement ; mais le malheur, monsieur le secrétaire d’État, c’est que l’inverse est vrai. Avec la vidéo, il y a beaucoup plus de consultations, ce qui donne aux agents un surcroît de travail. La baisse des crédits n’est donc pas justifiée.
Septième et dernier point : la protection judiciaire de la jeunesse.
Je remarque que les crédits de paiement que vous y consacrez baissent de 14 %, ce que vous aurez du mal à présenter comme une évolution « positive » !
Pour conclure, je souhaiterais attirer votre attention sur un fait étrange : les crédits du secrétariat général de votre ministère, qui s’élevaient à 11 millions d’euros en 2009, passeront à 244 millions d’euros en 2010. De surcroît, les crédits prévus pour le programme « Conduite et pilotage » du ministère de la justice augmenteront de 16 millions d’euros.
Alors qu’il y a tant de besoins, alors que tant de crédits finançant des missions essentielles sur l’ensemble du territoire sont en baisse, alors que vous demandez au personnel du ministère de la justice de faire plus avec moins de moyens, comment pouvez-vous justifier cette augmentation du budget de l’administration centrale ?
Voilà les raisons qui motivent notre vote contre votre budget.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dire que notre justice connait un certain malaise est une lapalissade !
Cette réalité constitue sans doute un symptôme des maux qui frappent notre société : remise en cause de l’autorité, radicalisation d’une frange désocialisée de la jeunesse, dégradation de la fonction de transmission de l’éducation nationale, désacralisation des institutions, perte du sens civique.
Or, il ne peut y avoir de démocratie sans justice, car celle-ci permet le règlement pacifique des différends tout en canalisant les pulsions naturelles de l’homme. Hélas, nos compatriotes semblent perdre de plus en plus confiance en leur justice, comme l’a montré une enquête d’opinion parue il y a quelques semaines, qui faisait état que près d’un Français sur deux doute de son indépendance. Cette défiance porte atteinte à la légitimité du travail des magistrats, auxquels je tiens d’ailleurs à rendre ici un hommage appuyé.
L’activisme législatif et l’instabilité chronique des normes de droit remettent incontestablement en cause la qualité de la justice. Notre Haute Assemblée vient de voter son quinzième texte de droit pénal en sept ans, et s’apprête à se saisir du seizième, le projet de loi sur la récidive. Nous débattrons au printemps de la suppression du juge d’instruction, sur laquelle il y aurait beaucoup à redire.
Notre droit de la garde à vue est aujourd’hui sérieusement remis en cause par la Cour européenne des droits de l’homme ; mon collègue Jacques Mézard avait d’ailleurs déposé une question orale avec débat sur ce sujet. L’état de nos prisons demeure « une honte pour la République », ainsi que le qualifiaient en 2000 le président Jean-Jacques Hyest et l’ancien président du RDSE Guy-Pierre Cabanel, malgré le vote de la loi pénitentiaire qui ne met pas de frein à la surpopulation carcérale.
C’est dans ce contexte difficile que nous est soumis le budget pour 2010 de la justice. Il nous est aussi agréable qu’à vous, monsieur le secrétaire d’État, de constater que ce budget progresse de 3, 42 %, surtout dans le contexte financier actuel. S’agissant de son exécution, je remarque toutefois que le rythme de la régulation budgétaire – annulations et reports de crédits – ne faiblit pas, en dépit des recommandations générales de la Cour des comptes.
Cette hausse globale des crédits n’est également pas suffisante pour combler le retard qui est le nôtre sur le plan européen, tandis que le budget de la justice en Allemagne ou en Espagne est trois fois supérieur au nôtre à périmètre comparable. Le Conseil de l’Europe n’a pas manqué de stigmatiser cet écart, qui ne cesse de se creuser avec nos partenaires.
Il y a une certaine incohérence à vouloir, d’un côté, renforcer la sévérité de la justice en durcissant les peines et en aggravant les incriminations, alors que, de l’autre, nos prisons sont incapables d’accueillir dignement les détenus, ou encore à chercher à développer des mesures alternatives à l’enfermement sans y allouer les moyens nécessaires. Or la justice reste l’un des parents pauvres de la puissance publique malgré toute la bonne volonté de notre garde des sceaux.
Pour illustrer mon propos, je prendrai deux exemples.
D'une part, le rapport Warsmann-Blanc sur les moyens de la justice et le suivi socio-judiciaire a montré que, onze ans après la création des médecins coordinateurs, près de 40 TGI, dans 17 départements, attendaient toujours l’affectation d’un seul de ces médecins. Or le projet de loi sur la récidive prévoit d’ores et déjà d’étendre un tel dispositif, mais sans y affecter les moyens corrélés. Comment comptez-vous remédier à une telle situation ?
D'autre part, l’ancien garde des sceaux expliquait que le Gouvernement tiendrait son ambitieux programme de réhabilitation et de construction d’établissements pénitentiaires, afin de parvenir à 62 000 places en 2012. Je conviens, comme beaucoup d’ailleurs, que la réalisation de ce programme constituerait une réponse positive au problème de surpopulation carcérale, dont le taux atteint aujourd'hui 120 %. Mais, compte tenu du rythme actuel des flux d’entrées, il faudrait plutôt 80 000 places en 2012.
Ces deux exemples illustrent les conditions très difficiles dans lesquelles les magistrats et tous les fonctionnaires de l’administration de la justice doivent travailler. Ce n’est donc faire preuve ni de démagogie ni de gabegie que de déplorer l’insuffisance des moyens en personnels. Certes, l’essentiel de la hausse des crédits constatée dans le budget 2010 sera absorbée par la création de 1 100 EPTP, dont 80 % seront affectés à l’administration pénitentiaire, qui en a bien besoin. Mais alors que 1 100 postes de conseillers en probation seraient nécessaires, seuls 262 sont créés !
Mon collègue Jean-Pierre Sueur l’a souligné tout à l’heure, le flux des sorties d’élèves de l’École nationale de la magistrature ne compensera plus les flux des départs à la retraite dès 2011.
La création de 386 nouveaux postes de magistrat est largement obérée par la réintégration, dans le programme « Justice judiciaire », de 419 postes d’auditeur de justice auparavant affectés à l’École nationale de la magistrature.
Par ailleurs, le nombre des personnels de greffe atteint un plancher record. Tout cela pose sérieusement la question de la qualité de notre justice.
Le ratio entre le nombre des greffiers et celui des magistrats subit dans notre pays une dégradation continue depuis 1975, tandis qu’il est par exemple cinq fois plus élevé en Espagne.
La qualité de la justice, tant dans son accès que dans l’égalité des armes, devient de plus en plus préoccupante. La baisse de 25 millions d’euros des crédits affectés à l’aide juridictionnelle, alors que le nombre de bénéficiaires ne cesse d’augmenter, va complètement à contre-courant de la réalité. La situation perdure depuis 1991. Songeons que nous y affectons 320 millions d’euros, et le Royaume-Uni 2 milliards de livres ! La dégradation de la qualité de notre justice commence d’ailleurs à faire l’objet d’un examen attentif de la Cour européenne des droits de l’homme.
Je ne reviendrai pas sur le financement insuffisant de la réforme de la carte judiciaire, évoqué tout à l’heure par M. le rapporteur spécial, mais je ne saurais passer sous silence l’état des deux établissements pénitentiaires de Guadeloupe, Basse-Terre et Baie-Mahault, que j’ai eu l’occasion de visiter voilà quinze jours. J’ai ainsi pu constater que la vétusté des locaux, le manque de places et l’insalubrité étaient le quotidien des détenus et des personnels de l’administration pénitentiaire. Cette situation est non seulement inacceptable, mais surtout indigne de notre pays et de l’image qu’elle renvoie sur le plan international.
Le centre pénitentiaire de Baie-Mahault, construit en 1996, a été ab initio sous-dimensionné en termes de capacité d’accueil. Aujourd’hui, 640 détenus s’entassent dans un établissement prévu pour 400 personnes, capacité à peine portée à 500 avec des aménagements de bric et de broc. Bien évidemment, par manque de moyens, il n’est pas question d’y différencier les longues et les courtes peines, les détenus en détention provisoire et les condamnés, voire les hommes et les femmes, et ce en violation flagrante du code de procédure pénale. Une telle promiscuité ne peut manquer de créer de graves problèmes de sécurité pour les détenus.
L’établissement de Basse-Terre est situé, quant à lui, dans un ancien couvent construit en 1664 qui n’a jamais bénéficié de travaux d’envergure. J’ai pu constater que des cellules de 10 mètres carrés accueillaient six à huit détenus, certains dormant à même le sol, alors que les normes européennes prévoient plutôt une cellule de 9 mètres carrés par personne. En l’espèce, chaque détenu dispose, en moyenne, d’un espace vital de 3, 35 mètres carrés. De plus, le suivi sanitaire et médical s’avère très dégradé dans la mesure où – j’insiste sur ce point –les structures ad hoc dépendent du CHU de Pointe-à-Pitre, lequel n’engage pas les moyens matériels et humains nécessaires.
Les directeurs d’établissement se retrouvent ainsi contraints de délivrer des autorisations de sortie pour soins – 371 en 2008, soit 2 par jour ouvré – sans pouvoir garantir des conditions de sécurité optimales.
À ces conditions de détention contraires à la dignité humaine s’ajoute le manque criant de préparation à la sortie de prison. L’exemple probant du système carcéral canadien démontre que la sortie doit être préparée dès l’entrée du détenu, afin de donner toute sa dimension à la peine de privation de liberté. Malgré une proportion de 70 % de mineurs, aucun de ces deux établissements n’a prévu de programme d’insertion et de réinsertion.
Monsieur le secrétaire d'État, je sais que des projets de réhabilitation ont été annoncés. Je souhaiterais donc que vous puissiez nous assurer qu’ils seront bien adaptés à la situation que je viens de décrire.
Au moment où le Président de la République souhaite faire entrer Albert Camus au Panthéon, je rappellerai cette citation extraite de ses Carnets : « Si l’homme échoue à concilier la justice et la liberté, alors il échoue à tout. » Monsieur le secrétaire d'État, j’écouterai vos réponses avec un grand intérêt !
Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et de l ’ Union centriste.
Monsieur le secrétaire d'État, le projet de budget que vous nous présentez est à la hauteur des objectifs que Mme le garde des sceaux et vous-même vous êtes fixés depuis votre arrivée place Vendôme, afin de promouvoir une justice plus moderne, réactive, efficace, transparente et à l’écoute des citoyens.
Les crédits consacrés à la justice sont non seulement préservés, mais progressent encore de près de 3, 5 % par rapport à 2009, ce qui mérite évidemment d’être souligné dans un contexte budgétaire que nous savons particulièrement contraint.
La constance de l’effort budgétaire depuis 2008 et la mise en œuvre de réformes d’envergure démontrent que la justice est bien une priorité absolue du Gouvernement. Le groupe UMP s’en félicite, s’agissant de notre premier ministère régalien.
Il est à noter que la mission « Justice » est pour la première fois dotée des quatre objectifs principaux suivants, considérés comme les plus fondamentaux : rendre des décisions de qualité dans des délais raisonnables en matière civile ; amplifier la généralisation de la réponse pénale, la diversifier et améliorer l’exécution des peines ; développer les aménagements de peine ; enfin, optimiser la prise en charge des mineurs délinquants.
Le groupe UMP se réjouit d’un tel choix, car ces objectifs traduisent les améliorations fondamentales à apporter à notre système judiciaire pour rendre le meilleur service aux justiciables et assurer la sécurité de nos concitoyens.
Cette vision d’une justice « ambitieuse » et « efficace » s’appuie, en outre, sur une politique d’emploi cohérente.
Alors que 34 000 emplois doivent être supprimés dans la fonction publique de l’État l’année prochaine, la mission « Justice » bénéficiera de la création de 1 030 emplois. C’est l’un des seuls budgets dans ce cas, et cette exception mérite, à l’évidence, d’être saluée tant elle illustre la détermination continue du Gouvernement à renforcer les moyens en personnel du ministère de la justice et des libertés.
Permettez-moi, à ce stade du débat, de rendre hommage, au nom de mes collègues de l’UMP, au travail de l’ensemble des fonctionnaires de la justice, qui, par leur investissement et leur dévouement, participent, au quotidien, aux côtés des magistrats, à l’amélioration du fonctionnement de notre justice.
Monsieur le secrétaire d'État, ce budget est volontaire et particulièrement cohérent avec les priorités actuelles du ministère que sont la mise en œuvre de la loi pénitentiaire, la réforme de la carte judiciaire et la prise en charge des mineurs délinquants.
L’année 2010 sera importante, et ce à plus d’un titre.
Tout d’abord, ce sera la première année d’application de la loi pénitentiaire, véritable texte fondateur, tant attendu et maintes fois repoussé.
Plusieurs des dispositions prévues ont des implications significatives sur le plan immobilier, compte tenu notamment du droit des personnes détenues au respect de leur dignité, du principe de l’encellulement individuel et de l’adaptation de la taille des cellules. Elles rendent nécessaires la fermeture des établissements les plus vétustes et la construction de nouveaux appelés à les remplacer.
Il nous faut en effet poursuivre les efforts engagés afin de rendre les prisons françaises plus dignes et de les mettre en conformité avec les règles pénitentiaires européennes.
Monsieur le secrétaire d'État, le programme « 13 200 » étant en voie d’achèvement, pouvez-vous nous donner les premiers éléments concernant le futur programme immobilier envisagé, en termes d’ouverture de places nouvelles, de fermetures de places anciennes et de calendrier ?
Je prendrai plus particulièrement l’exemple du centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis, situé dans mon département, centre qui, comme chacun le sait, est la plus grande prison de France et d’Europe. Les lieux souffrent d’une dégradation si importante que des étages complets ont dû être fermés. Pendant trente ans, l’entretien et la modernisation de cette prison ont été honteusement négligés, avec pour conséquence un coût élevé de rénovation : on parle de 112 000 euros par cellule, soit un montant supérieur à celui du coût de construction, estimé à environ 100 000 euros. Pouvez-vous donc nous indiquer l’état d’avancement du programme d’extension et de réaménagement de Fleury-Mérogis, qui a débuté en janvier 2006 ?
Par ailleurs, nous le savons, les aménagements de peine constituent une alternative à la construction des prisons et figurent depuis longtemps au rang des priorités du Sénat. Ils ont triplé depuis 2007 et concernent désormais 14 % des condamnés. L’objectif de 18 % qui a été fixé sera-t-il atteint en 2011 ? L’un des objectifs prioritaires de la loi pénitentiaire est en effet de développer de tels aménagements en vue de mieux anticiper la sortie et de réduire la récidive.
Ensuite, 2010 sera également une année importante puisqu’elle marquera l’entrée dans sa phase opérationnelle de la nouvelle carte judiciaire.
Engagement du Président de la République, la réforme de l’organisation judiciaire, maintes fois reportée depuis bientôt soixante ans, suit son cours. Le Gouvernement mène avec courage, détermination et responsabilité cette réforme de bon sens, qui va dans l’intérêt même du justiciable.
Ce faisant, la justice gagnera en qualité, en efficacité et en crédibilité, tout en restant proche des citoyens. Je me félicite à cet égard de la publication du décret prévu pour spécialiser un certain nombre de juridictions, notamment dans le domaine de la lutte contre la contrefaçon.
Des décisions ont même été prises de façon anticipée dans certaines juridictions. Dans la mesure où la fermeture de tribunaux s’est déroulée dans des conditions meilleures que celles qui étaient annoncées, où en est le regroupement prévu des 178 tribunaux d’instance et comment se dessine celui des 23 tribunaux de grande instance programmé pour 2011 ?
Monsieur le secrétaire d'État, l’enveloppe globale de 375 millions d’euros prévue pour l’ensemble de la réforme sera-t-elle maintenue ? Pouvez-vous également nous indiquer comment se déroule l’accompagnement social de la réforme, notamment pour les personnels les plus touchés que sont les greffiers et les autres fonctionnaires de justice, souvent en poste depuis longtemps ?
Par ailleurs, 2010 sera une année importante pour la prise en charge des mineurs délinquants, autre chantier du ministère et désormais mission centrale de la protection judiciaire de la jeunesse.
Force est de constater que, pour les mineurs, la semi-liberté est très peu prononcée. Or cette formule peut être parfaitement adaptée pour les jeunes incarcérés en établissement pénitentiaire pour mineurs dans la mesure où elle permet de suivre une formation à l’extérieur et de reprendre ainsi contact avec la société, tout en continuant à bénéficier de l’encadrement éducatif renforcé propre à de telles structures.
Un autre axe important de la réforme de la justice concerne la nécessaire modernisation des procédures.
À l’heure du numérique et des nouvelles technologies, la justice doit être capable de dématérialiser, de fluidifier la transmission des pièces et des écritures. L’informatisation des juridictions a longtemps été lacunaire et mise en œuvre dans des conditions pour le moins discutables ; nous n’y reviendrons pas.
Nous saluons par conséquent l’effort actuellement poursuivi pour rendre les juridictions plus efficaces encore, par le renforcement de l’utilisation des nouvelles technologies telles que la numérisation, la dématérialisation des procédures et la visioconférence.
Je souhaiterais donc que vous puissiez nous indiquer le calendrier de mise en service des principaux projets informatiques de la Chancellerie et nous préciser ce qu’ils apporteront en termes d’amélioration du fonctionnement de la justice, en particulier au regard de la fusion annoncée des professions d’avocat et d’avoué à la cour.
Mes chers collègues, 2010 sera une année importante pour notre justice, qui, dotée d’un budget significatif, verra la mise en œuvre de réformes essentielles dans les domaines de la récidive, de l’instruction ou encore de la délinquance des mineurs, avec la révision de l’ordonnance de 1945 et de l’aide aux victimes.
Monsieur le secrétaire d'État, ce budget porte la marque de la détermination pleine et entière de Mme le garde des sceaux et de la vôtre pour œuvrer en faveur d’une justice ferme, humaine, ouverte à tous et modernisée. Le groupe UMP le votera avec conviction !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, mon intervention portera non sur des questions budgétaires – je ne parle pas d’argent ! –, mais sur un aspect particulier de la mission de justice : je veux parler de la médiation.
Avant d’en venir à cet aspect, je tiens à apporter un témoignage modeste, celui d’un sénateur tout juste sorti –c’était hier ! – de ce qu’il est convenu d’appeler une « journée d’immersion » dans un parquet général, celui de Rouen. De cette expérience, j’ai retiré un sentiment très positif et extrêmement encourageant : j’ai perçu tout à la fois l’intensité et le caractère réaliste de l’action du parquet général. J’ai apprécié la qualité des méthodes employées. J’ai pu me rendre compte de l’état d’esprit au travail, qui mêle sens des responsabilités et esprit d’équipe.
Si ce système est « hiérarchique » sur le papier, il ne l’est pas du tout au sens militaire du terme. En effet, il associe ce qu’il faut de prise de responsabilités et d’initiatives individuelles à ce qu’il faut de cohérence et d’orientations générales, tout cela étant mené dans un esprit de cordialité et une intensité qui m’ont frappé.
Grâce aux visioconférences, la relation avec les procureurs de terrain est beaucoup plus forte qu’autrefois – j’ai ainsi assisté à une visioconférence au cours de laquelle les procureurs de Bernay, de Dieppe et du Havre ont pu dialoguer avec nous –, ce qui me paraît constituer un réel progrès.
Je suis sorti de cette expérience très admiratif et extrêmement confiant à l’égard de la réforme en préparation, qui vise à augmenter de façon importante les responsabilités du parquet.
Ce préambule achevé, j’en viens à la médiation, au sujet de laquelle je voudrais surtout exprimer une certitude : il s’agit non pas seulement d’une voie nouvelle contribuant à désengager les juridictions, mais tout autant et probablement davantage d’une méthode, d’un esprit, dont la valeur d’exemplarité doit servir de leçon pour toutes les juridictions.
Introduite dans notre droit par une loi de 1995, soutenue très activement par M. Canivet, alors conseiller à la Cour de cassation, et par M. Magendie, Premier président de la cour d’appel de Paris, cette technique apporte plus d’humanité dans le déroulement des procédures. Ce qui est essentiel, c’est qu’elle associe bien davantage les parties à la résolution de leurs litiges en les incitant à construire elles-mêmes une solution plus adaptée et mieux comprise. Et c’est cet aspect de la médiation, souligné par M. Magendie dans son rapport, qui me paraît exemplaire dans la mesure où il contraste avec le caractère passablement artificiel de nos procédures.
En effet, compte tenu de l’effet combiné de la transposition des éléments vécus des conflits dans la thématique et le jargon juridique, complètement incompris du public, du mode de fonctionnement de la justice, trop souvent indifférente aux délais, et des usages si particuliers voire pittoresques de la justice, les parties ne se reconnaissent plus dans leur procès ! M. Magendie n’hésite pas à dire qu’ils vivent parfois un parcours – dans la fonction qui est la sienne, il doit choisir ses mots et ne peut même pas dire « quelquefois », mais moi, je dirai « souvent », et même « trop souvent – « kafkaïen » ! Je lui laisse la responsabilité de l’adjectif !
La médiation est là, par contraste, pour nous rappeler le péril constant d’une justice de moins en moins comprise. Nous le savons et nous le vivons quand nous nous adressons aux justiciables, elle est de moins en moins bien admise et de moins en moins aimée.
Bien entendu, la médiation ne doit pas être considérée comme une déjudiciarisation, une volonté masquée de se débarrasser d’une partie du contentieux, ce qui pourrait être perçu comme une sorte de démission de la justice. Il faut rappeler la mesure phare du rapport Magendie, qui proposait d’enjoindre aux parties de s’informer sur la médiation avant de lancer toute procédure judiciaire. Cette obligation, qui existe d’ailleurs déjà dans le domaine de la médiation familiale, pourrait être étendue à l’ensemble des conflits en matière civile.
Je souhaiterais donc connaître – ce sera ma conclusion, monsieur le secrétaire d'État – les orientations et initiatives que la Chancellerie envisage de mettre en œuvre à ce sujet. Je sais que M. Jean-François Thony a mis en place à l’École nationale de la magistrature une formation spéciale des magistrats pour leur expliquer ce qu’est la médiation. Je lui adresse mes félicitations, ainsi qu’à toute son équipe bordelaise.
J’aimerais savoir ce que la Chancellerie est prête à faire pour que cette forme de résolution des conflits soit prise en compte avec le plus grand sérieux, certes dans sa dimension d’allégement de la charge de la justice, mais plus encore dans la dimension d’exemplarité dont je me suis efforcé de souligner l’importance et la portée.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’essentiel de mon intervention portera sur le budget de l’administration pénitentiaire.
Ma première observation est essentiellement relative à l’évolution du nombre de détenus. L’événement important de ces derniers mois est la baisse du nombre de détenus. Selon les chiffres en ma possession, le nombre de personnes détenues au 1er octobre était de 61 787, soit une diminution de 1 056 sur une période d’un an, alors que le nombre de places opérationnelles en détention était de 53 351, en augmentation de 2 400. C’est dire que le taux de couverture progresse de 3 500 places. Nous nous réjouissons de cette évolution positive. Nous souhaitons qu’elle se poursuive parce qu’elle est le signe d’une amélioration des conditions de détention dans les prisons françaises, ce scandale tant et tant dénoncé au long des années et au fil de très nombreux rapports !
Si cette tendance se confirmait, nous n’en serions que plus heureux. Malheureusement, il semble que le mois de novembre soit moins bon, puisque les chiffres remontent très légèrement.
Pour l’avenir, trois paramètres doivent être examinés.
Le premier concerne le nombre de cellules mises à la disposition de l’administration pénitentiaire.
Monsieur le secrétaire d'État, j’attire votre attention sur la nécessité de suivre une politique plus régulière en matière de projets immobiliers. C’est une habitude française que de lancer de grands projets, ce qui peut être une bonne chose, puis d’arrêter pendant toute une période. Cette pratique, qui intervient au détriment d’une politique planifiée, compromet l’augmentation régulière du nombre de cellules mises à disposition de l’administration pénitentiaire.
Le deuxième paramètre est constitué par les mesures d’aménagement de peines. Elles ont augmenté de 16 % en 2009, et leur nombre avoisine 7 000. Cette évolution, nous l’avons appelée de nos vœux depuis des années et souhaitons que les mesures d’aménagement de peine augmentent encore ; il serait ainsi envisageable qu’elles doublent dans les prochaines années.
Enfin, le troisième et dernier paramètre, malheureusement contradictoire avec les deux précédents, tient aux effets négatifs de la législation répressive et sécuritaire que nous votons une ou deux fois par an.
Je vous rappelle la loi d’orientation et de programmation pour la justice, ou LOPJ, de 2002 qui a étendu la procédure de comparution immédiate aux délits passibles de six à dix mois d’emprisonnement et qui a entraîné une augmentation des condamnations à des peines de courte durée.
Je vous rappelle la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, qui a eu pour effet d’encourager les magistrats à prononcer des peines d’emprisonnement plus lourdes. Cette même loi a prévu des dispositions en matière de peines plancher qui devraient envoyer chaque année environ 3 000 personnes de plus en prison.
Je vous rappelle la loi relative à la rétention de sûreté. Et bien d’autres textes sont programmés !
Bref, cette législation a pour effet d’augmenter le nombre de détenus et elle va à l’encontre des progrès que j’évoquais tout à l’heure.
Ma deuxième observation porte sur la nécessité d’améliorer les conditions de travail des personnels de l’administration pénitentiaire – je pense en particulier aux gardiens – en reconnaissant mieux la pénibilité de leur travail. Je vous rappelle que la prime de pénibilité s’élève à 750 euros par an, soit 2 euros par jour, pour le travail délicat que ces gardiens doivent mener.
Il faut améliorer la formation de ces personnels, sur les plans quantitatif et qualitatif. Ils ont besoin d’une formation plus importante et plus spécialisée pour répondre aux nouvelles exigences. En effet, on leur demande de plus en plus de faire face à des cas difficiles, non seulement porteurs de danger, mais aussi lourds, en termes psychiatriques, notamment. Or, un gardien de prison n’a pas appris à traiter un paranoïaque ou un détenu atteint d’une maladie psychiatrique du même genre.
Enfin, il est nécessaire d’assurer, là où c’est utile, une aide ou un soutien psychologique. Ce qui se fait pour la police doit être étendu à l’administration pénitentiaire.
Les crédits pour l’accueil et l’accompagnement des personnes placées « sous main de justice » – pour reprendre cette expression qui fleure bon le XIXe siècle – ne représentent que 17 % du budget de l’administration pénitentiaire. Or les conditions de vie dans les prisons en dépendent.
Je citerai deux exemples. D’abord, le problème du maintien des liens familiaux, dont on connaît l’importance et pour lequel la France a un retard considérable. Nous avons trente et une unités de vie familiale en fonctionnement. Trente et une unités pour 60 000 détenus, vous avouerez que c’est extrêmement faible !
Ensuite, monsieur le secrétaire d'État, nous voudrions être informés sur l’évolution du taux d’activité en prison. Ce point a déjà été évoqué par plusieurs de mes collègues. Je crains que l’évolution ne se fasse dans le mauvais sens.
J’évoque brièvement la grande misère de la psychiatrie en prison. Les lits disponibles à l’extérieur ont été ramenés à la plus simple expression. On a transféré aux prisons la charge de situations psychiatriques lourdes sans leur donner les moyens adéquats.
J’en arrive aux services pénitentiaires d’insertion et de probation, les SPIP, dont l’importance est connue de tous : ils ont pour vocation de préparer la sortie de prison dans de bonnes conditions.
La réinsertion dans la société constitue évidemment le deuxième volet de la politique pénitentiaire. Le condamné doit purger sa peine vis-à-vis des victimes et vis-à-vis de la société, mais il est de notre devoir de le préparer à se réinsérer de la meilleure façon possible. En la matière, même s’il y a eu des efforts, force est de constater qu’on est assez loin du compte, en particulier pour les effectifs. M. le rapporteur a indiqué que l’objectif qui avait été assigné était de l’ordre de 1 000 postes supplémentaires pour les SPIP. Or, les documents dont je dispose font état de deux chiffres différents, s’agissant des postes créés pour 2010 : 262 et 148. Pourriez-vous nous éclairer sur cet aspect ?
En tout état de cause, nous sommes loin du compte, à savoir les 1 000 postes nécessaires ! Or le développement des aménagements de peines nécessitera un nombre encore accru d’agents. Il y a donc là une lacune importante.
Permettez-moi, dans le temps qui me reste, d’aborder une question qui concerne non pas l’administration pénitentiaire, mais la situation des Français établis hors de France, celle des graves dysfonctionnements du service de la nationalité au tribunal d’instance du Ier arrondissement de Paris.
M. Richard Yung. Comme vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, on a concentré dans ce tribunal la délivrance des certificats de nationalité, ce qui était plutôt une bonne idée. Or ce service est malheureusement dans l’incapacité, pour des raisons qu’il conviendrait d’analyser, de délivrer des certificats de nationalité dans des délais inférieurs à deux, trois, voire quatre années !
Murmures d’indignation sur diverses travées.
Cette situation est vraiment désastreuse. La moitié de notre travail de parlementaires représentant les Français établis hors de France consiste à écrire au greffe du tribunal du Ier arrondissement, qui ne répond même plus, ou répond n’importe quoi. Ce n’est pas normal !
Nous vous demandons donc, monsieur le secrétaire d’État, d’intervenir auprès de ce tribunal, car il s’agit là d’un petit scandale de la République !
Dans ces conditions, nous ne pourrons pas voter les crédits de la mission « Justice ».
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais m’efforcer de répondre aux différentes interrogations soulevées.
Monsieur le rapporteur spécial, vous avez évoqué dans votre intervention et dans le rapport, parmi d’autres questions importantes, le ratio entre fonctionnaires et magistrats. C’est précisément parce que nous partageons votre analyse que Mme le garde des sceaux ne crée pas de postes de magistrat, mais renforce les effectifs de fonctionnaires et de greffiers. D’autres sénateurs nous ont également fait part de leur attente en la matière.
S’agissant de l’évolution des frais de justice, des conséquences de la gestion 2009 et de la sincérité du budget, nous partageons votre analyse, même si nous n’aboutissons pas à la même conclusion ; nous aurons l’occasion d’en reparler ultérieurement.
Il est vrai que ces frais subissent une pression à la hausse, mais la Chancellerie multiplie les initiatives pour en contenir l’évolution. L’échange plus détaillé d’arguments que nous aurons tout à l’heure sur ce sujet sera certainement intéressant, car vous mettez le doigt sur une vraie question ; nous en avons conscience et nous y travaillons.
Vous avez également évoqué deux conditions pour la mise en œuvre de la politique pénitentiaire : le redimensionnement des forces de sécurité, en liaison avec les nouveaux établissements, et le calcul de la DGF. Ces questions concernent M. le ministre de l’intérieur, que vous avez également saisi. Nous dialoguons avec lui sur ce sujet, car celui-ci nous intéresse aussi sur le plan très concret du bon fonctionnement de la justice ; nous ne pouvons cependant pas apporter seuls une réponse. Mais vous avez eu raison de soulever ce point.
La réforme de l’aide juridictionnelle, dont nous aurons l’occasion de reparler bientôt, ne doit pas être différée. Plusieurs sénateurs ont, comme vous, abordé la question des conséquences de l’application du nouveau code de procédure pénale, et notamment de la présence accrue de l’avocat pendant la garde à vue ; celle-ci ne manquera pas d’avoir un effet sur l’aide juridictionnelle, si nous voulons une justice égalitaire. Votre rapport d’information relatif à l’aide juridictionnelle, paru en octobre 2007, comportait d’ailleurs à cet égard des propositions fort intéressantes. Ces dernières, et d’autres, sont sur la table ; nous en discuterons avec la représentation nationale.
Tout à fait !
Soyez assuré que Mme le garde des sceaux a engagé concrètement cette démarche ; j’y reviendrai en réponse à une autre question.
Pour le reste, nous sommes en phase sur l’essentiel.
Chacun connaît, monsieur Lecerf, votre engagement en faveur de la politique pénitentiaire, et nous avons pu nous en rendre compte lors de l’examen de la loi pénitentiaire. J’ai retrouvé cet engagement, sans surprise, dans votre rapport budgétaire et dans votre intervention. Nous sommes naturellement prêts à travailler avec vous, et avec les autres parlementaires intéressés par ces questions, pour définir des objectifs et des indicateurs de performance encore plus cohérents avec le contenu de la loi pénitentiaire, qui vient d’être publiée au Journal officiel.
S’agissant du projet de loi de finances pour 2010, je vous remercie pour tous les satisfecit que vous avez bien voulu adresser. Vous avez d’ailleurs contribué à ces progrès par votre engagement. J’indique à M. Hyest que 260 emplois sont créés dans les SPIP, ce qui est une première étape du renforcement de leur mission. Vous êtes déjà attentifs à la suite – c’est normal ! –, c’est-à-dire à l’évolution de cette démarche et à la poursuite des objectifs. La suite, ce sera bien sûr le budget triennal, actuellement en cours de négociation. Vous suivez de près ces travaux, monsieur le rapporteur pour avis, et je tiens à vous en remercier.
Les besoins de fonctionnement et d’investissement sont à la hauteur des objectifs, d’autant plus que nous avons été en mesure de terminer la gestion 2009 dans des conditions améliorées.
Je voudrais maintenant évoquer plusieurs préoccupations que vous avez relevées dans votre rapport.
J’aborderai, tout d’abord, l’évolution de la population pénale. Fin novembre, elle s’élevait à 62 073 personnes, soit une augmentation par rapport à la fin du mois d’octobre, mais aussi une diminution de près de 1 600 personnes d’une année sur l’autre, qui porte à la fois sur les prévenus, dont le nombre a baissé de 1 000 en un an, et sur les condamnés, qui sont quelque 500 de moins. Le renforcement de l’ensemble des mesures alternatives à l’emprisonnement, mais aussi, comme le dit souvent Mme le garde des sceaux, alternatives « à rien du tout », permet cette stabilisation, de même que l’évolution de notre politique immobilière, qui permet de lutter contre la densité excessive de population dans les prisons.
Cette politique immobilière comprend plusieurs étapes : l’achèvement du plan « 2002 », puis l’adoption du réaménagement des « vieilles prisons », avant le lancement du plan « 5000 » annoncé par le Président de la République. Le réaménagement des vieilles prisons concernera 12 000 places à fermer, puis à rouvrir, ce qui sera l’occasion d’une réflexion immobilière et fonctionnelle majeure.
En ce qui concerne la taille des établissements, nous refusons la course au gigantisme, mais nous n’idolâtrons pas davantage le small is beautiful, c’est-à-dire la construction de prisons de plus en plus petites. Il suffit de visiter certaines grandes prisons, en France, mais aussi en Europe, pour se convaincre qu’il est possible, avec une bonne organisation fondée sur la mutualisation, de concilier des établissements d’une certaine taille, mais pas trop grands, et des sous-ensembles plus petits ; le fonctionnement des établissements est ainsi plus humain.
Nous souhaitons des constructions sécurisées, certes, mais pas de « tout électronique » sans la présence humaine nécessaire. Ce plan va être adopté dans les prochaines semaines par Mme le garde des sceaux. Vous connaissez sa méthode de travail, que je partage : tous les élus seront évidemment associés à ces fermetures et ouvertures, et aux conséquences de cette démarche.
Plusieurs sénateurs ont évoqué la question des activités en prison, notamment le travail. Le plan Entreprendre, mis en œuvre au début de 2008, a le mérite d’exister et de fonctionner, malgré la crise qui en complique les effets. J’ai constaté à plusieurs reprises de visu que, dans le domaine du travail rémunéré, nous ne sommes pas si mauvais par rapport aux autres pays européens, même si la situation peut encore être grandement améliorée. C’est au niveau de l’activité en général, même hors travail, que nous avons d’énormes progrès à faire. Nous avons tout à fait conscience du fait que nous devons préserver les acquis et les développer.
La crise actuelle explique que l’objectif 2009 ne sera pas globalement atteint. Mme le garde des sceaux prendra donc très prochainement de nouvelles initiatives pour relancer le travail en prison.
Je ne développerai pas plus avant ce sujet, car cela prendrait trop de temps, mais sachez qu’il nous tient à cœur, le travail étant essentiel pour l’équilibre psychologique des détenus.
Nous sommes particulièrement attentifs, avec Michèle Alliot-Marie, au contexte social. Vous évoquez, dans le rapport, un « malaise persistant des personnels ». Je voudrais nuancer votre propos. Nous avons avec les personnels de l’administration pénitentiaire un dialogue social intense, que nous avons voulu renforcer encore. Si j’en crois le compte rendu des diverses réunions de nos cabinets avec les syndicats signataires du protocole, la situation s’améliore nettement. Les syndicats se font l’écho, certes, des difficultés quotidiennes et du stress auxquels sont confrontés les personnels, mais ils ont aussi conscience que nous sommes engagés dans la bonne voie. En tout état de cause, nous tiendrons nos engagements.
Les rapports commandés ont été rédigés, y compris le rapport Pochard qui vient d’être remis à Mme le garde des sceaux et qui sera bientôt présenté aux syndicats. De plus, lors de sa visite à Clairvaux la semaine dernière, après la prise d’otage, Mme le garde des sceaux, après avoir reçu en tête à tête le surveillant pris en otage, a annoncé la création d’un groupe de travail sur les menaces dont sont victimes les personnels de l’administration pénitentiaire. Comme vous le voyez, conscients des difficultés de leurs missions, nous sommes sans cesse à l’écoute des personnels pénitentiaires, nous prenons des initiatives et avons la volonté de progresser.
Je ne saluerai jamais assez la qualité de ces personnels, de la base aux équipes de direction ; sans leur engagement, nous ne pourrons rien faire de durable.
Monsieur Alfonsi, je souhaite vous remercier sincèrement, car votre rapport explicite les objectifs que nous avons retenus pour la protection judiciaire de la jeunesse, ainsi que les moyens nécessaires à la mise en œuvre de cette politique. Le point central est, comme vous l’indiquez, un recentrage sur les mineurs délinquants. Ce recentrage annonce la fin programmée de la protection judiciaire des jeunes majeurs, et donc l’abrogation du décret de février 1975. C’est une question dont on parle depuis vingt ans et, sur le fond, personne ne me semble en désaccord.
Vous souhaitez, comme certains de vos collègues, une évaluation des conséquences de cette évolution. Nous allons y travailler. Les conséquences de l’abrogation du décret de février 1975 seront étudiées par la Commission consultative d’évaluation des normes, puis s’engagera un dialogue avec les élus, notamment les conseils généraux qui sont directement concernés.
Le suivi des jeunes majeurs est une question sérieuse ; en tant que maire, je le constate régulièrement sur le terrain. Même si la protection judiciaire de la jeunesse n’est plus, à terme, chargée de ce dossier, il faudra tout de même veiller à ce que les territoires et les départements ministériels puissent s’organiser pour assurer ce suivi.
Vous avez également évoqué, dans votre rapport, la question de la réforme de l’ordonnance de 1945 relative à l’enfance délinquante.
Mme le garde des sceaux l’a déjà dit, et je le répète aujourd’hui, cette réforme s’effectuera dans le cadre de la rénovation de la procédure pénale à laquelle nous travaillons actuellement de manière intense. Cette concordance de la démarche nous paraît être un gage de sa cohérence. Nous aurons l’occasion d’en reparler dans quelques semaines.
Sur cette question de la prévention de la délinquance des mineurs, j’ai engagé, aux côtés de Mme le garde des sceaux, un travail de réflexion et de proposition inspiré à la fois des débats que nous avons eus, des textes adoptés récemment, mais aussi de mon expérience locale, car je me suis personnellement beaucoup engagé en la matière, avec de multiples partenariats. C’est un sujet qui me tient à cœur, monsieur Alfonsi, et nous aurons l’occasion d’en débattre à nouveau.
S’agissant plus précisément du budget de la PJJ, dans l’anticipation de l’évolution – assumée – que j’évoquais tout à l’heure, nous consacrerons dès 2010 une part plus importante de celui-ci, soit 66 % contre 62 % en 2009, aux mineurs ayant commis des actes de délinquance.
Monsieur Détraigne, votre rapport Justice et accès au droit est remarquablement dense et je n’en reprendrai que quelques éléments.
Vous regrettez d’emblée l’application décevante de la LOLF. Pourquoi en est-il ainsi ? Il faudrait que nous puissions approfondir cette question.
S’il s’agit des indicateurs, je vous répondrai, comme à M. Lecerf tout à l’heure, que nous sommes prêts à entendre vos propositions concrètes, en rappelant que, là où vous demandez plus d’indicateurs, d’autres en demandent moins. Il s’agit donc de trouver la bonne mesure. Je puis toutefois vous dire que, personnellement, étant tout à fait partisan de l’évaluation des politiques publiques, j’irai plutôt dans votre sens.
Quant au qualitatif, il en faut, et nous le savons ; tout ne relève en effet pas du quantitatif. Mais l’admettre, ce n’est pas donner raison à ceux qui refusent les critères d’appréciation : être magistrat – et les magistrats eux-mêmes le savent – n’est pas incompatible avec la prise en compte du travail effectué, laquelle doit, bien sûr, se faire dans le respect des professionnels et la reconnaissance des difficultés qu’ils rencontrent.
Vous évoquez également les évolutions d’effectifs, et je dois avouer que certaines de vos affirmations à ce propos – mais il est bien de pouvoir en débattre – me surprennent quelque peu.
Ainsi, vous insistez sur la nécessité pour le ministère de renouer le dialogue avec les fonctionnaires ; mais comme je le disais tout à l’heure, ce dialogue existe, il est actif et s’intensifie même, comme je peux en témoigner pour avoir très souvent assisté aux côtés du garde des sceaux à ses rencontres avec les syndicats, notamment en juillet, lors du comité technique paritaire ministériel qu’elle a elle-même présidé et qui a bien montré l’état d’esprit dans lequel nous travaillons. Elle a d’ailleurs proposé aux syndicats une charte du dialogue social sur laquelle travaille actuellement le secrétaire général avec les syndicats.
Enfin, tant le garde des sceaux que moi-même, à chaque déplacement sur le terrain, nous rencontrons les personnels ainsi que les syndicats, que ce soit dans les juridictions ou dans le monde pénitentiaire. C’est cela, la réalité, et, monsieur le rapporteur pour avis, si je ne conteste pas votre constat, je dis que nous progressons.
Concernant les frais de justice, votre analyse est particulièrement détaillée. Elle illustre à la fois la complexité et la diversité de la situation, ainsi que la volonté du ministère d’améliorer la gestion de ces frais sans soumettre les affaires concernées à une exigence a priori seulement comptable.
D’une part, la gestion 2009 est marquée par une volonté claire de la direction des services judiciaires de « sortir les cadavres des armoires » ; mais, pour autant les dépenses de neuf des trente-cinq cours d’appel seront moindres en 2009 qu’en 2008.
D’autre part, l’adoption de plusieurs initiatives récentes doit être soulignée : une circulaire de la directive de la direction des services judiciaires sur les envois postaux, la préparation d’un décret sur les tarifs postaux et, enfin, l’engagement de nouvelles négociations avec les opérateurs de télécommunications, ce qui, certes, ne constitue qu’un des aspects du problème mais mérite d’être souligné.
Sur les programmes informatiques, votre analyse est également des plus claires. Les difficultés de CASSIOPÉE sont connues, et elles ne sont pas contestables.
Cependant, l’heure est non plus aux lamentations ou aux remises en cause, mais à la mise en œuvre : il s’agit aujourd’hui d’éviter tant de nouveaux retards que de nouvelles difficultés, car tout le monde s’accorde à reconnaître que c’est une nécessité et que ce sera un progrès à l’arrivée.
Naturellement, il faut que nous exigions du partenaire industriel d’être à la hauteur de ses obligations contractuelles et, ajouterai-je, de ses engagements.
Il faut que nous apportions aux juridictions et à leurs personnels toute la formation et l’accompagnement nécessaires.
En outre, j’attends que l’interface qui existe déjà avec la gendarmerie se mette enfin en place avec la police nationale, en espérant que, au cas où cette dernière éprouverait des difficultés, l’intensification du dialogue police-gendarmerie sous l’égide du ministère de l’intérieur lui permettra de s’inspirer de la bonne manière dont les choses se sont passées avec la gendarmerie.
S’agissant de l’aide juridictionnelle, une fois encore, monsieur le rapporteur pour avis, vous avez dit l’essentiel. Je n’ajouterai donc qu’une seule information, que j’annonçais d’ailleurs tout à l’heure en répondant à Roland du Luart et qui concerne la mission confiée par le garde des sceaux au conseiller d’État Philippe Belaval et au magistrat de la Cour des comptes Jean-Loup Arnaud pour étudier les propositions de la commission Darrois : leur rapport sera remis pour Noël.
Les idées existent. Ce rapport va les recenser, et, sur la base des propositions qui nous seront faites, nous serons en mesure d’avancer rapidement, ce qui sera d’autant plus nécessaire que les besoins vont se renforcer, concomitamment avec le nouveau code de procédure pénale.
Nous avons d’ailleurs déjà commencé à travailler de manière très efficace, comme j’ai pu m’en rendre compte moi-même en allant sur le terrain, tant à améliorer l’accueil – et l’on sait qu’un bon accueil peut éviter à des plaideurs de se lancer dans des procès dépourvus de sens – qu’à améliorer l’examen des dossiers, ce qui permettra de mieux s’assurer que l’aide juridictionnelle n’est accordée qu’aux justiciables qui remplissent véritablement les conditions.
De telles améliorations ont un effet très concret aussi, et c’est en cumulant les efforts sur tous les aspects que nous pourrons progresser.
S’agissant de la vidéosurveillance, sujet que, comme plusieurs de vos collègues, vous avez longuement abordé, monsieur Détraigne, il faut en effet veiller à ce qu’elle reste un moyen au service de la justice, moyen qui devra, lui aussi, être évalué en permanence afin qu’il ne soit pas dévoyé.
Madame Borvo Cohen-Seat, vous m’avez interrogé sur le sort des tribunaux d’instance dans le cadre du projet de transfert du tribunal de grande instance à Batignolles.
Permettez-moi tout d’abord de vous indiquer que le montant nécessaire à l’acquisition du terrain auprès de la SNCF et aux études préalables, soit 53 millions d’euros, est inscrit dans le projet de loi de finances rectificative qui sera soumis prochainement à votre assemblée.
Quant aux tribunaux d’instance, Mme le garde des sceaux vous a répondu lors de son audition par la commission des lois : le dossier est sur notre bureau, car nous voulons trouver le bon équilibre entre la proximité et l’efficacité, entre le site de Batignolles et les sites locaux.
Parmi les raisons motivant votre décision de ne pas voter le projet de budget exposées dans votre intervention, je ne reviendrai que sur cet aspect précis, madame Borvo Cohen-Seat, les aspects plus généraux que vous avez évoqués ayant été abordés à plusieurs reprises dans la discussion, sous l’angle tant de la critique que des réponses à celle-ci.
Monsieur Sueur, vous avez évoqué un certain nombre de points sur une partie desquels je vais tenter de vous répondre, en m’excusant par avance de ne pouvoir être exhaustif.
S’agissant du nombre de magistrats, ma réponse sera précise. Les chiffres relatifs aux effectifs des prochaines promotions de l’École nationale de la magistrature que vous avez cités ne sont pas ceux que nous considérons nous-mêmes comme les bons chiffres : les deux prochaines promotions sortantes représentent environ 250 personnes, auxquelles il faut naturellement ajouter les recrutements parallèles.
J’ajoute que, dans le même temps, la carte judiciaire se rénove peu à peu, ce qui donne lieu à des adaptations qui auront, elles aussi, des effets.
À propos du taux d’encadrement des greffiers et des fonctionnaires, vous avez évoqué l’exemple de l’Espagne : fort bien ! En France, le projet de budget le démontre, nous avons décidé d’augmenter le nombre de greffiers et de fonctionnaires, et nous allons continuer à le faire…
Monsieur Sueur, pourquoi m’interrompre alors que je n’ai même pas terminé de vous répondre ?
M. Pierre Fauchon. Vous ne connaissez pas M. Sueur, monsieur le ministre !
Sourires
Je le connais très bien, et c’est justement pourquoi je ne me laisse pas impressionner par ses interruptions intempestives !
Monsieur le ministre, je ne peux pas vous laisser dire que ce chiffre augmente alors qu’il diminue !
Monsieur Sueur, en ce qui concerne les comparaisons internationales, je me contenterai de dire que comparaison n’est pas raison. Je suis évidemment très attentif à ce qui se passe dans les autres pays européens. On peut s’inspirer de l’exemple des pays qui ont progressé plus vite que nous, mais ce n’est pas toujours le cas. En l’espèce, s’agissant des greffiers et des fonctionnaires, il faut comparer ce qui est comparable !
S’agissant du coût de la restructuration de la carte judiciaire, vous avez cité les déclarations de Mme Dati évoquant, me semble-t-il, la somme de 800 millions d'euros…
Si vous citez Mme Dati, citez-la complètement : elle a fait une première estimation qu’elle a ensuite elle-même recadrée à quelque 400 millions d'euros – c’est d’ailleurs sur cette dernière estimation que le garde des sceaux et moi-même nous nous fondons – à l’issue de l’expertise qu’elle a demandée pour préciser les choses.
Mes réponses vous intéressent-elles ou dois-je répondre tout de suite à l’orateur qui vous a succédé, monsieur Sueur ?
M. Jean-Pierre Sueur s’exclame.
Quand je réponds à quelqu’un, poliment et de manière complète, et que cette personne me parle en même temps, j’ai l’impression qu’elle ne m’écoute pas !
La courtoisie minimale, c’est d’écouter mes réponses. Vous pourrez, le cas échéant, les contester ensuite !
Je devrais répondre à l’orateur suivant, …
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. …mais – et j’ai beaucoup de mérite – je ne vais pas le faire parce que, malgré tout, je vous aime bien.
Sourires
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. On voit, monsieur le secrétaire d'État, que vous êtes passé par le Sénat !
Nouveaux sourires.
Ensuite, monsieur Sueur, vous faites semblant de vous étonner de l’écart entre les montants des autorisations d’engagement et des crédits de paiement. Permettez-moi de m’étonner de votre étonnement !
Vous avez certainement vous-même, lorsque vous étiez maire, conduit des programmes immobiliers, et vous savez très bien qu’il y a un temps de latence. Nous sommes dans ce temps de latence, et c’est tout à fait normal. Vous ne souhaiteriez tout de même pas que nous engagions les crédits dans la précipitation.
Vous savez d’ailleurs que le respect des règles entraîne des délais de plus en plus longs ; nous n’y pouvons rien, même si nous essayons de les réduire.
En ce qui concerne l’augmentation des crédits de la centrale, il est certes intéressant de reprendre un argumentaire que vous avez entendu, mais cet argumentaire syndical, s’il est tout à fait respectable, est tout de même un peu simple. Entre 2009 et 2010, le périmètre du programme a évolué avec l’intégration du programme Chorus.
M. Jean-Pierre Sueur proteste.
Monsieur Sueur, j’ai été vraiment exemplaire dans ma volonté de vous répondre jusqu’au bout alors que vous ne semblez pas du tout intéressé par mes réponses !
Je suis réactif, monsieur le ministre, et d’autant plus réactif que je suis intéressé !
L’ayant néanmoins fait, je me tourne vers Daniel Marsin.
Monsieur le sénateur, si vous le permettez, je ne reprendrai pas l’ensemble de vos considérations, interpellations et fortes attentes, déjà exprimées par plusieurs de vos collègues et sur lesquelles le Gouvernement a déjà commencé à vous apporter une réponse qu’il approfondira ensuite, pour concentrer ma réponse sur les deux importantes questions concrètes que vous avez posées concernant la situation carcérale inadmissible outre-mer en général, et à la Guadeloupe en particulier.
Il est vrai que le projet de construction d’un nouveau centre pénitentiaire à Basse-Terre s’impose.
Vous le savez, plusieurs sites ont déjà été étudiés, et nous ne sommes pas encore au bout de notre travail.
Nous nous orientons vers la construction d’un nouveau bâtiment de 150 places sur le site de Baie-Mahault ainsi que vers la réhabilitation lourde, c'est-à-dire la démolition puis la reconstruction, de la maison d’arrêt de Basse-Terre, pour une capacité de 200 places. Ainsi, la capacité sur site atteindra plus de 750 places.
Nous voulons engager ces opérations fin 2010, début 2011.
Je dirai, pour être encore un peu plus précis, que, pour procéder à la réhabilitation lourde pour une capacité de 200 places que j’évoquais à l’instant, nous avons mandaté l’Agence publique pour l’immobilier de la justice, l’APIJ.
Cette opération revêt un caractère prioritaire, mais, bien sûr, le foncier conditionnera sa faisabilité. Son périmètre porte donc non seulement sur la parcelle actuelle de l’établissement, mais aussi sur les parcelles situées derrière, qui sont en partie privées, et sur le terrain adjacent de la DDE.
Une fois les besoins précisés par l’administration, l’APIJ établira les éléments de faisabilité – foncier, fonctionnel, calendrier, financement –, avec toujours pour objectif, je le répète, d’engager cette opération fin 2010, début 2011.
Nous avons, c’est vrai, un travail important à réaliser ; le meilleur moyen de le mener à bien aux côtés de l’administration, de bien percevoir les difficultés propres à cette opération et notamment l’urgence de sa mise en œuvre est d’aller sur place. C’est ce que j’ai prévu de faire – et j’irai d’ailleurs également en Martinique – à la mi-décembre. Nous aurons donc ensemble l’occasion, monsieur le sénateur, de vérifier de visu avec les différentes administrations concernées l’état d’avancement de ce dossier et de constater les difficultés restant à surmonter.
C’est vous dire la motivation qui est la mienne, bien sûr partagée par le garde des sceaux et par notre administration, pour dépasser une situation dont, en Guadeloupe en particulier, on ne peut évidemment pas se satisfaire.
Certes, des actions ont déjà été engagées dans le cadre du plan de relance ; mais si je m’étais borné à dire cela, vous n’auriez pas eu la réponse que vous attendiez, raison pour laquelle j’ai essayé d’être plus précis.
Monsieur Béteille, je vous remercie d’abord infiniment de votre soutien étayé à la politique que nous menons…
… et aux efforts que nous consentons dans ce projet de budget.
Vous avez soulevé par ailleurs un certain nombre de questions, notamment sur la situation et les perspectives de rénovation du centre pénitentiaire de Fleury-Mérogis.
Cette rénovation a déjà été conduite entre 2000 et début 2009 sur le réseau électrique, l’accueil des familles et le mess. Quatre autres lots restent à réaliser.
Je pense en particulier à celui qui regroupe les cinq bâtiments d’hébergement et les ateliers de main-d’œuvre pénale. Il s’agit d’un programme très lourd, commencé fin 2006 et destiné à s’achever en 2018, pour un coût d’environ 119 millions d'euros. Je précise que la « tripale D3 » sera achevée à l’été prochain.
Nous nous tenons au pourcentage que nous nous sommes fixé pour les peines alternatives, à savoir 18 %. Nous avons d’ailleurs l’intention de faire encore mieux au cours des prochaines années.
J’en viens à l’accompagnement social de la réforme de la carte judiciaire, question très importante et sensible que je vous remercie de m’avoir posée. Aucune réforme ne peut être réalisée contre les personnels et sans leur adhésion. Nous attachons une très grande importance à ce dossier. À la demande de Mme le garde des sceaux, je fais actuellement le tour des juridictions les plus touchées par la nouvelle carte judiciaire : je dialogue avec les magistrats, les fonctionnaires, les personnels, et examine sur le terrain la façon dont la réforme est mise en œuvre.
L’accompagnement social évolue dans le bon sens. J’en parlais encore hier avec le secrétaire général de l’administration. Seuls quelques cas, qui se comptent sur les doigts d’une main, posent encore problème. Nous prenons cette affaire très au sérieux.
J’ai évoqué tout à l’heure le calendrier des programmes informatiques. Le programme CASSIOPÉE, engagé en 2001, suscite beaucoup d’attentes et soulève de nombreuses questions. Aujourd’hui, le tiers des TGI en disposent. Pour une bonne partie d’entre eux, réception ne veut pas dire règlement des difficultés. C’est pourquoi Mme le garde des sceaux et moi-même sommes particulièrement sensibles à la formation du personnel, à la nécessité de faire revenir les équipes parisiennes pour répondre aux questions posées localement. Nous voulons que ce programme soit mis en œuvre rapidement pour que toutes les juridictions puissent être équipées. Les juridictions parisiennes le seront en 2011. Nous espérons en terminer avec ce programme assez vite après cette date. Je ne peux pas m’engager plus précisément aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, mais vous disposez ainsi d’une indication quant au terme.
Monsieur Fauchon, vous avez eu raison de commencer votre intervention en rappelant votre expérience d’immersion, et je vous remercie d’avoir indiqué qu’il s’agissait d’une très bonne formule. Il est en effet extrêmement important de voir le travail réel des magistrats, des fonctionnaires, l’état d’esprit dans lequel ils travaillent, les progrès réalisés. C’est la question de la bouteille à moitié vide et à moitié pleine. Nous avons tous conscience des efforts accomplis et, parallèlement, des difficultés, des dysfonctionnements. Le meilleur moyen de les surmonter est de saluer et d’encourager le travail déjà effectué, sans lequel nous ne pourrions mettre en œuvre toutes ces réformes.
La médiation n’est pas une question purement budgétaire, vous avez raison. Pourtant, son développement a de nombreuses conséquences sur le fonctionnement des juridictions. Bien que cette pratique ne corresponde pas à la culture française, notre état d’esprit a évolué. Nous sommes de plus en plus ouverts à l’importance et à l’intérêt que revêt la multiplication des médiations, dans le respect, bien évidemment, du jugement et du droit continental, auquel, vous le savez, je suis très attaché. Il faut de plus en plus rechercher un accord en vertu du vieil adage selon lequel mieux vaut le meilleur accord possible qu’un long procès.
Monsieur Yung, vous avez évoqué plusieurs sujets très importants et de manière extrêmement équilibrée, à tel point d’ailleurs que la chute de votre propos – votre décision de ne pas voter les crédits de la mission « Justice » – m’a fort étonné, tant j’ai trouvé votre intervention constructive.
S’agissant de la continuité de la politique immobilière, nous partageons votre point de vue. Il est nécessaire de pratiquer de plus en plus une gestion prévisionnelle physico-financière sérieuse. Qu’il s’agisse des effets de la carte judiciaire, du programme pénitentiaire – j’ai rappelé tout à l’heure que c’est une priorité –, notre démarche est maintenant plus une action « au long cours », un continuum – et je crois que cela commence à se voir sur le terrain –, qu’une action par à-coups, dont nous avons conscience qu’elle serait préjudiciable, même si les choses ont pu parfois se passer ainsi.
Vous avez évoqué, comme plusieurs orateurs, la santé en prison. Le partenariat entre notre département ministériel et le ministère chargé de la santé – Mme Alliot-Marie et Mme Bachelot-Narquin se sont d’ailleurs rencontrées dès le mois de juillet – est de nature à apporter une meilleure réponse aux problèmes posés. Ce n’est pas toujours facile. Nous sommes confrontés non seulement à la question des moyens, mais aussi à la difficulté de convaincre un certain nombre de praticiens de procéder à des vacations en prison. Je continue de penser que la réforme de 1994 était bonne. Comme vous l’avez-vous-même indiqué et comme je l’ai moi-même écrit dernièrement dans une tribune parue dans Le Monde, nombre de condamnés ayant besoin de soins étaient placés, voilà quelques années, dans des structures hospitalières fermées ou en tout cas très contrôlées. À une certaine époque, les structures psychiatriques ont été ouvertes, sûrement pour de bonnes raisons mais peut-être un peu vite. De ce fait, une grande partie des malades se sont retrouvés en prison alors qu’ils n’y ont pas leur place. Nous multiplions les unités spécialisées, mais cela ne se fait pas en un jour. Il faut également développer les soins en prison, les mesures alternatives assorties d’un suivi médical adapté. Dans ce domaine, nous sommes bien conscients de la nécessité de réaliser des progrès.
Vous avez parlé des unités de vie familiale. Vous auriez pu évoquer également les parloirs dits « familiaux » qui, en fait, sont des parloirs intimes. Je suis profondément convaincu que, dans ce domaine où nous avons des objectifs ambitieux de renforcement de ces unités, nous devons aller plus vite et plus loin. Certaines prisons anciennes ne sont pas configurées pour faciliter la mise en œuvre d’unités de vie familiale, véritables petits appartements. Cependant, comparaison n’est pas raison. Je cite souvent en exemple l’Espagne où, lors de la visite de certaines prisons, j’ai noté des aspects très favorables. L’objectif français de ne pas limiter la démarche d’humanisation à des parloirs intimes et de prendre également en compte la dimension familiale, à condition de se donner vraiment les moyens de l’atteindre – telle est bien notre intention –, est une bonne appréhension du problème.
Monsieur Yung, vous avez évoqué les SPIP. Les effectifs continueront à augmenter progressivement.
Nous avons tout à fait conscience de l’engorgement du tribunal d’instance de Paris par les dossiers de nationalité. Nous travaillons sur ce point, de manière à pouvoir vous apporter des réponses concrètes quant à une amélioration de la situation. En tout cas, vous avez eu raison de m’interpeller sur ce point.
Si j’ai conscience de ne pas avoir répondu à toutes les questions posées, croyez bien cependant, mesdames, messieurs les sénateurs, que toutes vos interpellations sont prises au sérieux. Quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégiez, elles contribuent à notre objectif commun d’une amélioration, malgré des moyens forcément limités, quoique en progrès, du fonctionnement de la justice.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et au banc des commissions. – M. Daniel Marsin applaudit également.
Nous allons procéder à l’examen des crédits de la mission « Justice », figurant à l’état B.
en euros
Mission
Autorisations d’engagement
Crédits de paiement
Justice
Justice judiciaire
Dont titre 2
Administration pénitentiaire
Dont titre 2
1 698 530 326
1 698 530 326
Protection judiciaire de la jeunesse
Dont titre 2
424 934 904
424 934 904
Accès au droit et à la justice
Conduite et pilotage de la politique de la justice
Dont titre 2
98 975 187
98 975 187
Conduite et pilotage de la politique de la justice (hors Chorus)
Dont titre 2
745 000
745 000
L'amendement n° II-17 rectifié bis, présenté par M. du Luart, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Modifier comme suit les crédits des programmes :
Programmes
Autorisations d'engagement
Crédits de paiement
Justice judiciaire
Dont titre 2
Administration pénitentiaire
Dont titre 2
Protection judiciaire de la jeunesse
Dont titre 2
Accès au droit et à la justice
Conduite et pilotage de la politique de la justice
Dont titre 2
Conduite et pilotage de la politique de la justice (hors Chorus)
Dont titre 2
TOTAL
SOLDE
La parole est à M. le rapporteur spécial.
L’amendement que j’avais déposé initialement tendait à une modification des crédits de la mission « Justice » portant sur 30 millions d’euros. Pourquoi ? Pour 2009, les crédits alloués aux frais de justice s’élevaient à 409 millions d’euros. Or, pour 2010, la somme inscrite dans le projet de loi de finances est de 395 millions d’euros, c’est-à-dire 14 millions d’euros de moins. Nous savons parfaitement aujourd’hui que, en fin d’année, une somme de 20 millions d’euros d’impayés s’inscrira en négatif sur l’année à venir. Considérant insincères les frais de justice qui nous étaient présentés et auxquels nous attachons une grande importance, ces frais qui, par le financement d’enquêtes, de recherches d’ADN, d’écoutes, permettent une bonne et saine justice, nous avons donc déposé, au nom de la commission des finances, un amendement tendant à corriger cette situation.
Après une discussion en aparté avant la séance avec plusieurs d’entre vous, mes chers collègues, j’ai accepté de rectifier cet amendement initial : l’amendement n° II-17 rectifié bis tend donc à n’augmenter ces frais que de 10 millions d’euros, pris sur la somme prévue pour l’action n° 1 « Aide juridictionnelle » du programme « Accès au droit et à la justice ». Vous me rétorquerez qu’il ne faut pas fragiliser l’aide juridictionnelle. Mais le taux de recouvrement de cette dernière n’est que de 11 %. Or je pense très sérieusement que, en demandant aux magistrats de s’impliquer tout de suite dans le recouvrement de l’aide juridictionnelle, ce taux pourrait être porté à 16 %, ce qui couvrirait la diminution de 10 millions d’euros proposée. D’aucuns soutiendront que cette action nécessitera un plus grand nombre de magistrats. Ce n’est pas vrai. Il suffit de mettre en place le recouvrement immédiatement à la sortie du tribunal pour faire progresser de 5 % le taux, et donc pour trouver les 10 millions d’euros que je vous propose de supprimer.
Je vous rappelle que j’avais proposé dès le mois d’octobre 2007 une réforme en profondeur de l’aide juridictionnelle. Elle va avoir lieu très prochainement, et je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de l’avoir indiqué tout à l’heure. Mais à partir du moment où le recouvrement sera amélioré, les frais de justice seront en adéquation avec les besoins. Il est impossible que la justice française démarre l’année 2010 avec des arriérés de paiement qui créent des problèmes dans l’ensemble des cours d’appel !
Monsieur le rapporteur spécial, votre question est tout à fait pertinente et précise. Des efforts ont été accomplis, notamment entre 2005 et 2008, pour réguler, voire diminuer, la dépense.
La situation n’est pas aussi dramatique qu’on pourrait le penser. Il est toutefois incontestable qu’un problème est posé. Des demandes, souvent légitimes, sont exprimées.
À votre bonne question, ai-je apporté une bonne réponse ?
L’amélioration du recouvrement de l’aide juridictionnelle est une priorité pour le Gouvernement, affichée par Mme le garde des sceaux. Il faudra évaluer les intentions. Mais les décisions de recouvrement ne sont pas toujours prises, alors qu’elles pourraient l’être, comme vous le savez bien. Tout ne dépend donc pas de la volonté gouvernementale. Peut-être faudrait-il améliorer le dispositif ? Ces questions doivent être posées. Elles ne pourront pas être résolues tout de suite. Les décisions adéquates devront être prises auparavant.
La proposition que vous présentez dans votre amendement fonctionnera-t-elle ? On ne peut pas en être sûr.
De surcroît, le calendrier ne nous facilite pas les choses. Nous sommes d’accord sur ce qu’il convient de faire pour ce qui concerne tant les frais de justice que l’aide juridictionnelle. Mme le garde des sceaux et moi-même nous inspirerons de différentes idées, notamment de votre rapport de 2007.
On peut également s’inspirer de ce que certains pays ont réussi à faire. Je pense notamment au Canada, où le barreau est organisé pour mieux exercer l’aide juridictionnelle. Nous devons progresser rapidement sur ce point, mais les décisions ne sont pas encore prises. Nous sommes encore dans un entre-deux !
J’ai bien compris que cet amendement visait à inciter fortement le Gouvernement à trouver des solutions. J’ai bien compris aussi l’esprit constructif qui est celui tant de la commission des finances que de la commission des lois. D’ailleurs, monsieur le rapporteur spécial, vous avez fait évoluer la rédaction de votre amendement, même s’il est ciblé sur un aspect particulier, celui de l’aide juridictionnelle.
Toutefois, en l’état actuel, le Gouvernement ne peut pas être favorable à cet amendement qui serait source de difficultés sur une question aussi sensible que celle de l’aide juridictionnelle, pour laquelle nous attendons des réponses.
En dépit de l’état d’esprit ouvert et constructif de cette discussion et de la volonté de trouver la meilleure solution possible, je n’ai pas la possibilité, même après avoir entendu votre argumentation, de vous apporter ce matin une autre réponse. Mais sachez que j’ai compris votre interpellation comme une demande d’avancer très vite sur ces questions.
J’ai lu l’amendement initial et consulté tous les rapporteurs pour avis. Un certain nombre de crédits alloués sont en diminution, notamment ceux qui sont consacrés à la protection judiciaire de la jeunesse ou encore à l’action informatique ministérielle.
Comme vous l’avez dit vous-même, monsieur le secrétaire d’État, les choses sont un peu compliquées ! J’admire d’autant plus la commission des finances, qui est parvenue à modifier avec célérité l’amendement n° II-17 ! Je suis jaloux, monsieur le président, car je ne saurais le faire !
Sourires
Nouveaux sourires.
Monsieur le rapporteur spécial, monsieur le président de la commission des finances, il est évident que le montant des frais de justice pose un problème.
Cela dit, dans le cas de la cour administrative d’appel de Versailles, que vous avez cité, il s’agit plus, me semble-t-il, d’un problème de trésorerie dû à un programme nouveau que d’un problème de dotation budgétaire ; il n’est donc pas aussi dramatique que vous voulez bien le dire. M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis, qui a spécifiquement traité cette question, pourra sans doute le confirmer.
Monsieur le rapporteur spécial, rappelez-vous que, sur l’initiative de la commission des finances, des efforts de rationalisation des coûts ont été demandés. Je pense en particulier à une grande réunion présidée par M. Jean Arthuis, au cours de laquelle il avait bien été dit, à propos des expertises ADN, qu’il était peut-être possible, sans remettre du tout en cause la liberté des magistrats, de faire appel à des laboratoires dont les coûts ne varient pas de un à trois ! Des progrès ont donc été accomplis.
Franchement, je ne suis pas sûr qu’en matière de frais de justice la situation soit si dramatique.
Monsieur le rapporteur spécial, il serait possible selon vous – pour ma part, je ne suis pas un spécialiste des questions budgétaires – d’améliorer le recouvrement : ce sera en fait le recouvrement non de l’aide juridictionnelle, mais des amendes et de tout ce qui alimente le budget. Mais la compensation ne se fait pas comme cela !
S’agissant des frais de justice, il ne doit pas y avoir de rupture de paiement, sauf à devoir effectuer un report sur l’année suivante. Vous proposez donc, monsieur le rapporteur spécial, une augmentation de 10 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement.
Mais parallèlement, vous proposez de diminuer les crédits alloués à l’aide juridictionnelle, laquelle constitue déjà un vrai problème dans la mesure où les crédits inscrits dans le projet de loi de finances sont en baisse de 27, 65 millions d’euros. M. le secrétaire d’État confirme ce que nous disons depuis longtemps : il faut réformer l’aide juridictionnelle ; c’est sûr ! Mais, si vous diminuez encore les crédits, je crains un nouveau report sur l’année suivante. Les avocats ne seront pas payés et les problèmes ne s’amélioreront pas !
Par conséquent, monsieur le président, je suis bien embarrassé. Je comprends la situation, mais je ne suis pas sûr que la solution apportée soit la bonne. Aussi suis-je porté à suivre l’avis du Gouvernement.
Mon intervention ira dans le même sens. Je comprends que les frais de justice posent problème et que l’on souhaite améliorer le recouvrement de l’aide juridictionnelle. Il faudrait d’ailleurs s’intéresser au recouvrement des frais de justice, car, dans certains cas, des frais pourraient être récupérés.
En matière d’aide juridictionnelle, le recouvrement n’est certes pas fameux, mais j’attire l’attention de notre assemblée sur le fait qu’il est souvent extrêmement difficile, voire impossible.
En matière pénale, il n’y a pas de recouvrement possible : les frais d’avocat payés pour la défense d’un prévenu qui bénéficie de l’aide juridictionnelle ne peuvent être recouvrés sur personne !
En matière civile, pour un grand nombre de procédures de divorce, les deux parties sont éligibles à cette aide ! Là encore, il n’y a donc plus de recouvrement possible.
Ne nous faisons pas d’illusions, nous ne trouverons pas des millions en améliorant le recouvrement ! Même si les juridictions doivent effectivement être convaincues de la nécessité du recouvrement, je ne crois pas qu’il soit possible d’obtenir des résultats phénoménaux dans ce domaine-là. Par conséquent, mieux vaut s’en tenir à la position du Gouvernement.
Le Sénat l’a bien compris, la première préoccupation de la commission des finances est de faire en sorte que la justice soit exercée dans les meilleures conditions possible.
La seconde est de veiller à ce que les lois de finances soient l’expression sincère des besoins qu’a le Gouvernement pour conduire sa politique. Or, en l’occurrence, les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2010 posent un problème évident de sincérité. En effet, ils ne seront pas suffisants pour faire face aux besoins.
C’est vrai pour les frais de justice.
D’ores et déjà des reports de charges 2009 ne pourront semble-t-il pas être payés en 2009.
C’est sans doute vrai aussi pour des frais de santé. Il en va de la dette pour les hôpitaux comme de la dette pour les frais de justice. Il s’agit donc d’un vrai problème.
L’objectif de la commission des finances est de rendre le Gouvernement particulièrement attentif à la situation : des arbitrages n’ont pas été rendus comme ils auraient dû l’être. Nous ne pouvons pas laisser passer une loi de finances avec un déficit de sincérité !
Le président de la commission des lois me pardonnera, mais nous essayons d’agir en temps réel. Toute situation de crise nous oblige à développer des capacités d’adaptation !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Vous êtes formidables !
Sourires
La commission des finances n’est pas autiste ; elle a entendu les arguments développés par les rapporteurs pour avis et par le Gouvernement.
Il n’est pas question de toucher aux frais informatiques. Ils constituent trop souvent une variable d’ajustement, moyennant quoi on traîne des systèmes inopérants.
Et si un ministère en souffre, c’est bien celui de la justice ! Il suffit de se rendre dans une juridiction pour constater le décalage entre le matériel existant et le matériel qui serait optimal !
Les officiers de police judiciaire dressant des procès-verbaux avec un système informatique qui n’est pas compatible avec celui des greffes, il faut tout ressaisir. Cela prend quinze jours, un mois... Beaucoup de temps perdu ! On peut toujours faire des lois pour accélérer le cours de la justice, le problème demeure ! Par conséquent, nous renonçons à prélever sur les dépenses informatiques.
Le rapporteur spécial, M. Roland du Luart, a fait des propositions en matière d’aide juridictionnelle, d’accès à la justice. Il faudra donc qu’un débat ait lieu. Ne pourrait-on imaginer un petit ticket modérateur ? Il y a manifestement un recours abusif à l’aide juridictionnelle, et c’est ainsi que l’on encombre les juridictions.
C’est le signal que vous propose de lancer la commission des finances. Mais, chers collègues, je voudrais vous convaincre du fait que nous sommes en phase totale avec les avis exprimés par nos collègues Laurent Béteille et Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.
Je ne suis pas sûr qu’un tel amendement, s’il était adopté, ce que je souhaite, survivrait à la commission mixte paritaire. Mais il constituerait au moins un signal et une façon d’aider le Gouvernement en vue d’une bonne administration de la justice.
Je suivrai l’avis de la commission des finances, que je remercie d’avoir été sensible aux arguments des rapporteurs pour avis.
Je devine d’ailleurs l’embarras du rapporteur spécial. Lui qui a toujours insisté sur l’intérêt qu’il portait à l’aide juridictionnelle se voit aujourd’hui contraint, d’une certaine façon, de proposer la réduction des crédits alloués à un domaine sur lequel il a beaucoup travaillé et insisté.
Finalement, je crois que nous n’avons le choix qu’entre des inconvénients ! Si je suis la commission des finances, c’est sans doute parce que c’est sur ce terrain que la question de la sincérité des crédits inscrits est la plus perceptible.
Il est inconcevable d’inscrire dans la loi de finances pour 2010 un montant de crédits moins important que celui des crédits déjà consommés en 2009. C’est cet argument-là qui me paraît le plus décisif, car, s’agissant de l’aide juridictionnelle, nous n’avons pas une vision très claire des difficultés éprouvées ni des conséquences d’une baisse des crédits, qui est déjà de 27, 65 millions d’euros.
Il n’en demeure pas moins que le principe de réalité commande de voter l’amendement.
Je vous rappelle qu’en 2006, lors de la mise en œuvre de la LOLF, la vraie problématique sur les crédits des services judiciaires portait déjà sur ces deux secteurs : l’aide juridictionnelle et les frais de justice !
Depuis, nous avons évolué, comme cela vient d’être rappelé. S’agissant des frais de justice, des travaux sont encore en cours au ministère pour améliorer la situation. Des choses ont également été faites pour l’aide juridictionnelle. J’ai moi-même été rapporteur de la loi du 19 février 2007 portant réforme de l’assurance de protection juridique qui permet d’éviter d’attribuer à tort l’aide juridictionnelle lorsque la personne qui se retrouve devant la justice dispose d’une assurance protection juridique.
Mais il est vrai que la mise en œuvre de ces dispositions est extrêmement lente et difficile.
De plus, des procédures que je qualifierai « de type accéléré » se multiplient devant la justice à la suite de notre volonté d’un moindre encombrement des tribunaux et d’une justice plus rapide, ce qui ne signifie pas pour autant une justice expéditive !
Voilà quelques années, j’ai participé à la mission d’information de la commission des lois sur les procédures accélérées de jugement en matière pénale, présidée par notre collègue Laurent Béteille. À l’époque, nous avions tiré un bilan tout à fait positif de la manière dont ces procédures se mettaient en œuvre.
Mais dans le cadre de procédures accélérées telles que la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ou CRPC, par exemple, l’on n’a pas forcément les moyens de vérifier si la personne a une assurance protection juridique. Bien souvent, elle ne le sait pas elle-même, car cette assurance figure en annexe d’une autre !
Les avocats sont souvent commis d’office. J’évoquais dans mon intervention les indicateurs de performance du tribunal de Bobigny, qui est l’un des plus importants de France. Le nombre des avocats commis d’office est impressionnant et, là encore, on ne sait pas par avance si la personne est éligible ou non à l’aide juridictionnelle ; mais on lui attribue l’aide juridictionnelle !
Le problème de l’aide juridictionnelle n’est donc pas simple à régler !
Je l’ai dit tout à l’heure, la commission des lois a eu la surprise de constater que les crédits destinés à l’aide juridictionnelle prévus pour 2010 étaient en baisse de 27, 65 millions d’euros. Je doute donc déjà de leur sincérité.
Si l’on soustrait encore 10 millions d’euros de cette enveloppe, au titre du rétablissement de la sincérité des crédits en matière de frais de justice, l’insincérité sera alors totalement garantie s’agissant des crédits pour l’aide juridictionnelle en 2010 !
Faut-il guérir un mal par un autre mal ? Selon moi, ce n’est pas la bonne solution ! Toutefois, la commission des finances a tout à fait raison d’évoquer ces problèmes, lesquels, quatre ans après la mise en œuvre de la LOLF, ne sont pas encore réglés ! Mon collègue Roland du Luart, qui a présenté un rapport d’information remarqué sur l’aide juridictionnelle, en est d’ailleurs parfaitement averti.
Le Gouvernement doit empoigner à bras-le-corps cette problématique. Cependant, il me faut le reconnaître, je n’ai pas vraiment obtenu de réponses aux questions que j’ai posées tout à l’heure. Quoi qu’il en soit, la solution n’est pas de déshabiller Pierre pour habiller Paul !
M. Jean-Pierre Sueur applaudit.
Comme la commission des finances, chacun ici souhaite adopter le budget le plus sincère possible. Force est donc de reconnaître que la dotation budgétaire affectée à la mission « Justice » soulève moult questions.
Tout d’abord, comme vient de le dire notre collègue Yves Détraigne, qu’est-ce qu’une sincérité qui consiste à déshabiller l’aide juridictionnelle au profit des frais de justice, alors que ces deux actions sont déjà elles-mêmes insincères ?
Ensuite, qu’est-ce qu’une sincérité à géométrie variable et à évolution rapide ? On passe en effet en une demi-heure d’une diminution de 30 millions d’euros, dans l’amendement n° II-17, à une diminution de 10 millions d’euros, dans l’amendement n° II-17 rectifié bis ! Au fond, on se demande comment sont obtenus ces chiffres.
Sur le fond, l’argumentation est claire. Le budget de l’aide juridictionnelle enregistre déjà une baisse d’environ 30 %. Majorer cette dernière de 10 millions d’euros ne va pas dans le bon sens, cette aide étant justement destinée aux personnes démunies ou supposées telles qui ne peuvent pas payer totalement les honoraires d’un avocat.
Par ailleurs, vous le savez, mes chers collègues, la Chancellerie prépare une réforme du système de l’instruction visant à supprimer le juge d’instruction et à accorder un rôle majeur au procureur de la République. Les prévenus seront donc d’autant plus obligés de se défendre rapidement, ce qui entraînera une croissance des frais de l’aide juridictionnelle. Par cohérence, celle-ci devrait donc bénéficier de crédits plus importants.
Enfin, si chacun ici souhaite un meilleur taux de recouvrement de l’aide juridictionnelle, personne ne sait comment s’y prendre !
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas cet amendement.
M. Jean-Pierre Sueur applaudit.
Cet amendement est intéressant, et je souhaite signaler deux points.
Tout d’abord, selon moi, la minoration des crédits affectés à l’action « Aide juridictionnelle », qui relève du programme « Accès au droit et à la justice », ne permet pas de faire œuvre utile, spécialement après la fermeture d’un certain nombre de tribunaux, qui a contribué à l’éloignement des justiciables.
Nous avons récemment assisté à une transaction entre l’État et Bernard Tapie, mettant en jeu des sommes absolument astronomiques. Je voudrais bien savoir si la convention d’arbitrage prévoyait le remboursement par M. Tapie des frais de justice engagés, notamment en matière d’expertise, dans les dizaines et les dizaines de procès le concernant. Il a lui-même dépensé bien plus d’argent que l’ensemble des services judiciaires concernés ! J’aimerais donc que la commission des finances se penche sur ce point.
Par ailleurs, je souhaite également attirer l’attention du Sénat sur un certain nombre de procédures pénales engagées à tort et à travers, qui occasionnent des frais extrêmement lourds. Je pense notamment aux autopsies. Selon moi, il conviendrait d’examiner le bien-fondé de ces différents frais, finalement imputés sur le budget de la justice, mais jamais réclamés aux justiciables malveillants.
Tout a été dit, y compris par Mme Goulet à l’instant.
Soyons sérieux, il ne s’agit pas uniquement d’une question de sincérité ou d’insincérité ! Que signifie cette volonté affichée de minorer encore l’aide juridictionnelle, alors que cette dernière rencontre d’ores et déjà de gros problèmes ?
Replaçons ce débat dans le cadre du budget global de la justice et de sa répartition entre les différents programmes et actions.
Par conséquent, nous sommes résolument opposés à cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Justice », figurant à l’état B.
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix les crédits de cette mission.
Ces crédits sont adoptés.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Justice ».
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quatorze heures trente.