Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le programme 182 « Protection judiciaire de la jeunesse » représente environ 10 % des crédits de la mission « Justice ».
Pour la deuxième année consécutive, les crédits alloués à la protection judiciaire de la jeunesse, PJJ, diminuent : 1 % en moyenne cette année, après une baisse de 2 % l’an dernier. La PJJ disposera en 2010 de 777, 8 millions d’euros en crédits de paiement. Ses effectifs réels diminueront de 140 personnes.
Dans ce contexte de restrictions budgétaires, la PJJ a engagé un effort de modernisation sous trois formes.
Premièrement, l’organisation des services déconcentrés de la PJJ est adaptée à des territoires d’intervention pertinents. Je pense à la mise en place des directions interrégionales et, bientôt, à celle de cinquante-cinq directions territoriales qui remplaceront les actuelles directions départementales.
Deuxièmement, une équipe permanente d’une centaine d’auditeurs est en cours de constitution et permettra de renforcer le contrôle et l’évaluation au sein de la PJJ.
Troisièmement, les pratiques professionnelles sont adaptées afin de renforcer la prise en charge éducative des mineurs délinquants.
Ces efforts doivent être salués et encouragés, même si on peut regretter que la carte des directions interrégionales de la PJJ ne coïncide pas avec les ressorts des cours d’appel.
Ces évolutions suscitent des inquiétudes parmi les personnels de la PJJ, qui exercent souvent leurs fonctions dans des conditions difficiles ; la presse s’en est récemment fait l’écho.
Lors de son audition par la commission des lois, Mme le garde des sceaux nous a donné des assurances sur les mesures de dialogue social qu’elle entendait mettre en œuvre au sein de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse pour répondre à ces inquiétudes.
La réduction globale des crédits alloués à la PJJ en 2010 recouvre cependant un important redéploiement des crédits en faveur de la seule prise en charge des mineurs délinquants. Ainsi, en 2010, les crédits alloués à la prise en charge de ces mineurs augmentent de 13 %, tandis que ceux qui sont alloués à la prise en charge des mineurs en danger et des jeunes majeurs diminuent de 50 %. Sur la période 2008-2010, les crédits alloués à la prise en charge des mineurs délinquants augmentent de 32 %, tandis que ceux qui sont alloués à la prise en charge des mineurs en danger et des jeunes majeurs diminuent de 70 %.
À terme, l’État ne financera plus, au civil, que les mesures d’investigation.
Par ailleurs, le Gouvernement a annoncé que le décret du 18 février 1975 fixant les modalités de mise en œuvre d’une action de protection judiciaire en faveur de jeunes majeurs serait abrogé au cours de l’année 2010.
Ce recentrage de l’action de la PJJ sur la seule prise en charge des mineurs délinquants a été formalisé dans le cadre du troisième conseil de modernisation des politiques publiques du 11 juin 2008. Il n’en suscite pas moins des interrogations, dans son principe comme dans ses modalités.
Dans son principe, on constate qu’un quart à un tiers des mineurs suivis par la PJJ étaient des mineurs en danger avant de devenir des mineurs délinquants. Dans leur cas, la question de la continuité du suivi et de la prise en charge nous semble essentielle.
Dans ses modalités, le recentrage de la PJJ sur les seuls mineurs délinquants a nécessairement des conséquences financières pour les conseils généraux.
Certes, juridiquement, il n’y a pas à proprement parler de transfert de compétences, car les départements sont compétents en matière de protection de l’enfance depuis les lois de décentralisation de 1982-1983. Il n’en demeure pas moins que les conseils généraux seront désormais amenés à financer des mesures de protection qui étaient jusqu’à présent prises en charge par l’État.
Or, comme l’a relevé la Cour des Comptes dans son récent rapport consacré à la protection de l’enfance, les conséquences financières de cette évolution sur les budgets des départements n’ont pas été évaluées.
En outre, le Gouvernement a fait savoir cette année qu’il n’avait pas l’intention de créer le Fonds national de financement de la protection de l’enfance, prévu à l’article 27 de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance. Ce fonds aurait dû être doté de 30 millions d’euros par an pour accompagner financièrement les départements dans la mise en œuvre de leurs compétences en matière de protection de l’enfance en danger.
L’Assemblée des départements de France, qui vient de saisir le Conseil d’État d’un recours contre cette décision du Premier ministre, m’a fait part de ses plus vives inquiétudes quant aux incidences financières du recentrage pénal de la PJJ pour les finances des départements, déjà mises à mal par la crise économique.
En outre, il apparaît que les modalités selon lesquelles les départements mettent en œuvre les mesures judiciaires de protection sont très variables d’un département à un autre. Dans certains départements par exemple, les placements en foyer sont exécutés jusqu’à six mois après la décision judiciaire.
La Cour des Comptes a insisté sur le fait que l’État devait être plus attentif aux conditions dans lesquelles les décisions des juges des enfants sont exécutées.
C'est la raison pour laquelle la commission des lois souhaite attirer votre attention sur deux points.
D’une part, il faut faire en sorte de mieux évaluer les conséquences pour les conseils généraux du recentrage au pénal de la PJJ. Le cas échéant, monsieur le secrétaire d'État, quelles mesures l’État entend-il adopter pour accompagner financièrement les départements dans l’exécution des mesures judiciaires de protection ?
D’autre part, quelles dispositions l’État peut-il mettre en œuvre afin d’assurer que les jeunes en danger, comme les jeunes majeurs, bénéficient d’un même niveau de protection sur l’ensemble du territoire national, au nom du principe d’égalité ?
Je terminerai par une observation personnelle sur le budget de la PJJ. Il importe selon moi de mettre les choses en perspective. Quand on examine la situation d’un point de vue assez large, les détails et les saillies s’évanouissent. Depuis l’adoption de la loi d’orientation et de programmation pour la justice en 2002, les programmes ont été réalisés ; alors que 1 500 mineurs se trouvaient en détention voilà quelques années, ils ne sont que 755 cette année.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a émis un avis favorable à l’adoption des crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse ».