Intervention de Yves Détraigne

Réunion du 27 novembre 2009 à 9h45
Loi de finances pour 2010 — Justice

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne, rapporteur pour avis :

Cette situation semble d’autant plus difficile à supporter pour les fonctionnaires qu’ils sont soumis à des contraintes de productivité et à des amplitudes horaires souvent élevées.

J’ai d’ailleurs pu ressentir, lors de mes auditions et de mes déplacements dans les juridictions, un malaise grandissant chez les fonctionnaires de la justice. Il semble donc indispensable que le ministère renoue le dialogue avec les fonctionnaires des greffes.

Toujours en matière de moyens, la mise en œuvre de la réforme de la carte judiciaire doit se traduire par plus de 400 opérations immobilières. Il s’agit, dans la plupart des cas, de « densifier » les locaux de la juridiction d’accueil ou de recourir à des locaux provisoires. Or ces opérations conduisent souvent à quitter des locaux appartenant à des collectivités locales et entretenus par leur soin, ce qui ne coûte pas grand-chose à la justice.

Pouvez-vous nous assurer, monsieur le secrétaire d'État, que les solutions choisies par le ministère pour la mise en œuvre de cette réforme de la carte judiciaire dans son volet immobilier n’aboutiront pas à un renchérissement du coût d’hébergement des juridictions ?

En outre, la réforme de la carte judiciaire rend particulièrement indispensable le développement des dispositifs d’accès au droit.

À cet égard, les maisons de la justice et du droit de nouvelle génération – cinq devraient voir le jour en 2010 – seront équipées de bornes interactives. Pourtant, il n’est pas certain que ces bornes constituent l’outil le plus adéquat pour assurer l’accès des plus modestes au droit et à la justice.

Permettez-moi d’insister sur la nécessité de mettre en place, parallèlement à la réorganisation de la carte judiciaire, des dispositifs d’accès au droit, dans les aires géographiques touchées par la suppression d’une juridiction et de les rendre aisément utilisables, ce qui nécessite souvent une présence humaine attentive.

Monsieur le secrétaire d’État, les deux processus seront-ils concomitants : suppression de juridictions, d’un côté, mais développement des dispositifs d’accès au droit, de l’autre ?

Le projet de loi de finances pour 2010 prévoit une baisse de 27, 65 millions d’euros des crédits alloués à l’aide juridictionnelle.

Cette réduction paraît surprenante dans une période de crise, qui pourrait conduire à une augmentation du nombre de personnes éligibles à l’aide juridictionnelle.

Par ailleurs, dans le cadre de la réforme de la procédure pénale, le rôle de l’avocat pourrait être renforcé, pour lui permettre de prendre en charge la défense des parties mises en cause au cours de l’instruction.

Dès lors, il convient d’assurer une montée en puissance de cette aide juridictionnelle. Le ministère a lancé une mission de réflexion sur la réforme de son financement. Le rapport de la commission Darrois énonce également un ensemble de préconisations relatives à l’amélioration de la gestion des demandes d’aide juridictionnelle.

Monsieur le secrétaire d’État, à quelle échéance la réforme de l’aide juridictionnelle pourra-t-elle être mise en œuvre et sur quelles bases ?

Je souhaite également évoquer l’usage des nouvelles technologies dans l’activité judiciaire.

Le ministère de la justice s’efforce de favoriser le recours à la visioconférence. Celle-ci est diversement reçue dans les juridictions, mais les magistrats que j’ai rencontrés à Bordeaux, où la cour d’appel est pionnière dans ce domaine, évoquent plusieurs avantages à l’utilisation de cette nouvelle technologie. Installés dans une salle de la maison d’arrêt ou du centre pénitentiaire, dépourvue du décorum impressionnant du palais de justice, et sans public, les détenus seraient plus calmes et les interrogatoires s’en trouveraient facilités.

Ce procédé devrait, à l’avenir, connaître un développement important si les magistrats, qui restent libres d’y recourir, en découvrent les avantages pratiques. Il convient de veiller à ce que la visioconférence reste un moyen. Son utilisation devra donc être évaluée non seulement au regard des aspects quantitatifs, mais surtout au regard de son impact qualitatif sur le fonctionnement des juridictions.

Je voudrais enfin traiter de la gestion des projets d’équipement informatique du ministère de la justice.

Le schéma directeur pour l’informatique et les télécommunications, adopté par le ministère de la justice pour la période 2009-2013, recense un grand nombre de chantiers à poursuivre ou à entreprendre pour moderniser le système d’information du ministère de la justice.

Je m’arrêterai seulement sur le projet CASSIOPÉE, qui a vocation à remplacer l’ensemble des applications pénales existantes, afin de supprimer les saisies multiples et, par là, de limiter les sources d’erreurs.

Or, paradoxalement, la mise en place de cette application a amené certaines juridictions à devoir saisir plusieurs fois le même dossier et a rendu impossible la correction de certaines erreurs. Son installation a d’ailleurs dû être suspendue pendant six semaines, pour permettre à ces juridictions de retrouver un fonctionnement normal.

À l’issue de mes nombreux déplacements dans les juridictions, il m’apparaît que la définition de CASSIOPÉE ne s’est pas suffisamment appuyée sur les enseignements des applications existantes.

Ainsi, pour une affaire de vol avec dégradation, l’utilisation de CASSIOPÉE a porté à onze heures le temps nécessaire pour enregistrer la procédure, alors qu’avec les anciennes applications cet enregistrement pouvait être réalisé en une heure ! Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres que l’on m’a cités !

Le ministère de la justice devrait accorder davantage d’attention à la conception des nouvelles applications et les soumettre à des tests avant de les implanter dans les juridictions, où les défauts de conception se traduisent rapidement par une désorganisation de l’activité et une charge de travail encore plus lourde pour des greffiers qui devraient normalement voir leur travail simplifié avec la mise en œuvre de ces applications.

Comme vous le voyez, monsieur le secrétaire d’État, cette année encore, la commission des lois a porté un regard exigeant sur le budget du ministère de la justice, exigence qu’il faut interpréter comme un hommage rendu par la commission à la noblesse de cette mission, qui est essentielle à l’équilibre de notre pays.

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