Intervention de Daniel Marsin

Réunion du 27 novembre 2009 à 9h45
Loi de finances pour 2010 — Justice

Photo de Daniel MarsinDaniel Marsin :

Le ratio entre le nombre des greffiers et celui des magistrats subit dans notre pays une dégradation continue depuis 1975, tandis qu’il est par exemple cinq fois plus élevé en Espagne.

La qualité de la justice, tant dans son accès que dans l’égalité des armes, devient de plus en plus préoccupante. La baisse de 25 millions d’euros des crédits affectés à l’aide juridictionnelle, alors que le nombre de bénéficiaires ne cesse d’augmenter, va complètement à contre-courant de la réalité. La situation perdure depuis 1991. Songeons que nous y affectons 320 millions d’euros, et le Royaume-Uni 2 milliards de livres ! La dégradation de la qualité de notre justice commence d’ailleurs à faire l’objet d’un examen attentif de la Cour européenne des droits de l’homme.

Je ne reviendrai pas sur le financement insuffisant de la réforme de la carte judiciaire, évoqué tout à l’heure par M. le rapporteur spécial, mais je ne saurais passer sous silence l’état des deux établissements pénitentiaires de Guadeloupe, Basse-Terre et Baie-Mahault, que j’ai eu l’occasion de visiter voilà quinze jours. J’ai ainsi pu constater que la vétusté des locaux, le manque de places et l’insalubrité étaient le quotidien des détenus et des personnels de l’administration pénitentiaire. Cette situation est non seulement inacceptable, mais surtout indigne de notre pays et de l’image qu’elle renvoie sur le plan international.

Le centre pénitentiaire de Baie-Mahault, construit en 1996, a été ab initio sous-dimensionné en termes de capacité d’accueil. Aujourd’hui, 640 détenus s’entassent dans un établissement prévu pour 400 personnes, capacité à peine portée à 500 avec des aménagements de bric et de broc. Bien évidemment, par manque de moyens, il n’est pas question d’y différencier les longues et les courtes peines, les détenus en détention provisoire et les condamnés, voire les hommes et les femmes, et ce en violation flagrante du code de procédure pénale. Une telle promiscuité ne peut manquer de créer de graves problèmes de sécurité pour les détenus.

L’établissement de Basse-Terre est situé, quant à lui, dans un ancien couvent construit en 1664 qui n’a jamais bénéficié de travaux d’envergure. J’ai pu constater que des cellules de 10 mètres carrés accueillaient six à huit détenus, certains dormant à même le sol, alors que les normes européennes prévoient plutôt une cellule de 9 mètres carrés par personne. En l’espèce, chaque détenu dispose, en moyenne, d’un espace vital de 3, 35 mètres carrés. De plus, le suivi sanitaire et médical s’avère très dégradé dans la mesure où – j’insiste sur ce point –les structures ad hoc dépendent du CHU de Pointe-à-Pitre, lequel n’engage pas les moyens matériels et humains nécessaires.

Les directeurs d’établissement se retrouvent ainsi contraints de délivrer des autorisations de sortie pour soins – 371 en 2008, soit 2 par jour ouvré – sans pouvoir garantir des conditions de sécurité optimales.

À ces conditions de détention contraires à la dignité humaine s’ajoute le manque criant de préparation à la sortie de prison. L’exemple probant du système carcéral canadien démontre que la sortie doit être préparée dès l’entrée du détenu, afin de donner toute sa dimension à la peine de privation de liberté. Malgré une proportion de 70 % de mineurs, aucun de ces deux établissements n’a prévu de programme d’insertion et de réinsertion.

Monsieur le secrétaire d'État, je sais que des projets de réhabilitation ont été annoncés. Je souhaiterais donc que vous puissiez nous assurer qu’ils seront bien adaptés à la situation que je viens de décrire.

Au moment où le Président de la République souhaite faire entrer Albert Camus au Panthéon, je rappellerai cette citation extraite de ses Carnets : « Si l’homme échoue à concilier la justice et la liberté, alors il échoue à tout. » Monsieur le secrétaire d'État, j’écouterai vos réponses avec un grand intérêt !

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