Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’essentiel de mon intervention portera sur le budget de l’administration pénitentiaire.
Ma première observation est essentiellement relative à l’évolution du nombre de détenus. L’événement important de ces derniers mois est la baisse du nombre de détenus. Selon les chiffres en ma possession, le nombre de personnes détenues au 1er octobre était de 61 787, soit une diminution de 1 056 sur une période d’un an, alors que le nombre de places opérationnelles en détention était de 53 351, en augmentation de 2 400. C’est dire que le taux de couverture progresse de 3 500 places. Nous nous réjouissons de cette évolution positive. Nous souhaitons qu’elle se poursuive parce qu’elle est le signe d’une amélioration des conditions de détention dans les prisons françaises, ce scandale tant et tant dénoncé au long des années et au fil de très nombreux rapports !
Si cette tendance se confirmait, nous n’en serions que plus heureux. Malheureusement, il semble que le mois de novembre soit moins bon, puisque les chiffres remontent très légèrement.
Pour l’avenir, trois paramètres doivent être examinés.
Le premier concerne le nombre de cellules mises à la disposition de l’administration pénitentiaire.
Monsieur le secrétaire d'État, j’attire votre attention sur la nécessité de suivre une politique plus régulière en matière de projets immobiliers. C’est une habitude française que de lancer de grands projets, ce qui peut être une bonne chose, puis d’arrêter pendant toute une période. Cette pratique, qui intervient au détriment d’une politique planifiée, compromet l’augmentation régulière du nombre de cellules mises à disposition de l’administration pénitentiaire.
Le deuxième paramètre est constitué par les mesures d’aménagement de peines. Elles ont augmenté de 16 % en 2009, et leur nombre avoisine 7 000. Cette évolution, nous l’avons appelée de nos vœux depuis des années et souhaitons que les mesures d’aménagement de peine augmentent encore ; il serait ainsi envisageable qu’elles doublent dans les prochaines années.
Enfin, le troisième et dernier paramètre, malheureusement contradictoire avec les deux précédents, tient aux effets négatifs de la législation répressive et sécuritaire que nous votons une ou deux fois par an.
Je vous rappelle la loi d’orientation et de programmation pour la justice, ou LOPJ, de 2002 qui a étendu la procédure de comparution immédiate aux délits passibles de six à dix mois d’emprisonnement et qui a entraîné une augmentation des condamnations à des peines de courte durée.
Je vous rappelle la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, qui a eu pour effet d’encourager les magistrats à prononcer des peines d’emprisonnement plus lourdes. Cette même loi a prévu des dispositions en matière de peines plancher qui devraient envoyer chaque année environ 3 000 personnes de plus en prison.
Je vous rappelle la loi relative à la rétention de sûreté. Et bien d’autres textes sont programmés !
Bref, cette législation a pour effet d’augmenter le nombre de détenus et elle va à l’encontre des progrès que j’évoquais tout à l’heure.
Ma deuxième observation porte sur la nécessité d’améliorer les conditions de travail des personnels de l’administration pénitentiaire – je pense en particulier aux gardiens – en reconnaissant mieux la pénibilité de leur travail. Je vous rappelle que la prime de pénibilité s’élève à 750 euros par an, soit 2 euros par jour, pour le travail délicat que ces gardiens doivent mener.
Il faut améliorer la formation de ces personnels, sur les plans quantitatif et qualitatif. Ils ont besoin d’une formation plus importante et plus spécialisée pour répondre aux nouvelles exigences. En effet, on leur demande de plus en plus de faire face à des cas difficiles, non seulement porteurs de danger, mais aussi lourds, en termes psychiatriques, notamment. Or, un gardien de prison n’a pas appris à traiter un paranoïaque ou un détenu atteint d’une maladie psychiatrique du même genre.
Enfin, il est nécessaire d’assurer, là où c’est utile, une aide ou un soutien psychologique. Ce qui se fait pour la police doit être étendu à l’administration pénitentiaire.
Les crédits pour l’accueil et l’accompagnement des personnes placées « sous main de justice » – pour reprendre cette expression qui fleure bon le XIXe siècle – ne représentent que 17 % du budget de l’administration pénitentiaire. Or les conditions de vie dans les prisons en dépendent.
Je citerai deux exemples. D’abord, le problème du maintien des liens familiaux, dont on connaît l’importance et pour lequel la France a un retard considérable. Nous avons trente et une unités de vie familiale en fonctionnement. Trente et une unités pour 60 000 détenus, vous avouerez que c’est extrêmement faible !
Ensuite, monsieur le secrétaire d'État, nous voudrions être informés sur l’évolution du taux d’activité en prison. Ce point a déjà été évoqué par plusieurs de mes collègues. Je crains que l’évolution ne se fasse dans le mauvais sens.
J’évoque brièvement la grande misère de la psychiatrie en prison. Les lits disponibles à l’extérieur ont été ramenés à la plus simple expression. On a transféré aux prisons la charge de situations psychiatriques lourdes sans leur donner les moyens adéquats.