M. le président de la commission des finances nous a demandé, ce matin, de présenter des budgets sincères. En l’occurrence, le présent budget n’est pas sincère !
Les crédits de l’OFPRA n’augmentent que de 5 % tandis que ceux de la CNDA restent stables, alors qu’on demande à ces organismes de réduire les délais d’instruction.
Les mille places nouvelles en CADA seront certainement insuffisantes. Les crédits d’hébergement d’urgence, quant à eux, restent stables à 30 millions d’euros, alors qu’ils étaient déjà très nettement insuffisants.
Enfin, les crédits inscrits pour l’accompagnement social passent de 5 millions d’euros à 500 000 euros, soit une baisse de 90 %, mes chers collègues !
Dans ces conditions, comment mener une politique d’accueil et d’asile forte et cohérente ?
J’en viens à la rétention administrative.
En 2008, 32 200 personnes ont été placées en rétention administrative, pour une durée moyenne de dix jours. Depuis 2004, le nombre des placements en rétention a augmenté de 20 %, en raison, évidemment, des pressions exercées par les gouvernements successifs pour interpeller les étrangers en situation irrégulière et respecter les fameux quotas annuels d’expulsion – 27 000 en 2009, et autant en 2010.
Dans son rapport, publié l’an dernier, sur la gestion des centres de rétention administrative, la Cour des comptes a pointé du doigt « d’importantes lacunes dans le suivi des coûts ». Elle évalue le coût de la rétention à près de 200 millions d’euros, hors dépenses d’interpellation, d’éloignement et de justice, soit 5 500 euros par personne retenue et 13 200 euros par personne ayant fait l’objet d’une reconduite effective à la frontière. Incidemment, je ferai remarquer que l’examen des crédits de cette mission est un peu formel, car nous n’abordons que quelques aspects de la politique budgétaire en matière d’immigration, d’asile et d’intégration, les autres volets relevant d’autres ministères ou d’actions interministérielles.
Les chiffres montrent que les résultats ne sont pas à la hauteur des moyens engagés. Au final, mes chers collègues, la Cour des comptes et, me semble-t-il, M. le rapporteur spécial évaluent le coût total de l’éloignement entre 400 millions et 500 millions d’euros, soit 21 000 euros par personne expulsée.
Il s’agit là de sommes importantes. Aussi, le bon sens voudrait qu’on se demande si l’on ne devrait pas remplacer l’enfermement des étrangers en situation irrégulière par leur assignation à résidence, comme cela se pratique dans un certain nombre de pays civilisés d’Europe du Nord.
Il reste beaucoup de progrès à faire dans le fonctionnement des centres de rétention administrative, s’agissant, en particulier, de l’organisation des visites, de l’accès au téléphone et de l’aide à l’exercice effectif des droits.
Le demandeur d’asile ne dispose que d’un délai très court, de cinq jours au maximum après son arrivée au centre, pour formuler sa demande d’asile, laquelle doit être rédigée exclusivement en français, alors que la personne retenue ne peut plus bénéficier de l’assistance gratuite d’un traducteur.
En général, c’est la CIMADE qui pallie ces difficultés. Elle assiste le demandeur en lui assurant les services d’un interprète bénévole ou en lui fournissant de quoi écrire, car le budget des centres de rétention administrative ne prévoit pas l’achat de stylos.
Cela m’amène à évoquer les associations d’aide aux personnes retenues. J’ai pris acte de l’arrêt du Conseil d’État qui a annulé la décision en référé du tribunal administratif de Paris. Nous n’avons pas à commenter des décisions de justice.
Je continue néanmoins à penser que l’allotement, c’est-à-dire la division en sept ou huit lots du contrat d’aide aux personnes retenues, n’est pas une bonne décision. Elle compliquera la tâche du ministère, qui devra gérer sept ou huit contrats et les difficultés de rapprochement qui en résultent. Elle sera par ailleurs préjudiciable pour les étrangers retenus, car elle reviendra à limiter l’aide qui leur est apportée lorsqu’ils changeront de CRA.
En fait, derrière cette décision, se cache la volonté de punir la CIMADE, organisme subventionné qui se permet, dans son rapport annuel, au demeurant très lu et très recherché, de critiquer le Gouvernement. Or, par les temps qui courent, la critique est plutôt mal perçue.
Le montant prévu dans votre budget des crédits relatifs à l’aide juridique, soit 4, 6 millions d’euros pour 2010 contre 4 millions d’euros en 2009, vient à l’appui de mon propos. L’allotement du contrat d’aide juridique, bien loin de permettre une diminution des dépenses, entraînera au contraire une augmentation de 15 % de cette ligne budgétaire, ce qui va à l’encontre des annonces d’économie qui avaient été faites en leur temps.
Pour toutes ces raisons, vous le comprendrez, monsieur le ministre, notre groupe ne votera pas les crédits de la mission « Intégration, asile et intégration ».