La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quatorze heures trente.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, devant l’importance croissante que prennent les questions d’immigration dans nos sociétés, la France s’est dotée depuis maintenant plus de deux ans des moyens nécessaires à la mise en place d’une véritable politique dans ce domaine.
Un ministère de mission a été créé pour conduire, coordonner et animer cette politique, sous votre autorité, monsieur le ministre. Toutefois, le caractère interministériel de l’ensemble des actions développées reste très marqué et mérite, je le pense, d’être rappelé pour avoir une vision d’ensemble des efforts accomplis par le Gouvernement.
La politique transversale consacrée à l’immigration et à l’intégration des étrangers en France représentera, d’après le projet de loi de finances pour 2010, 3, 62 milliards d’euros en crédits de paiement. Au total, ce sont quinze programmes répartis dans onze missions et entre dix périmètres ministériels qui participent à cette politique.
Le ministère des affaires étrangères contribuera pour 39 millions d’euros, celui de la culture pour 7 millions d’euros, celui de la justice pour 9 millions d’euros, celui de la recherche et de l’enseignement supérieur pour 1 575 millions d’euros, celui de la santé pour 535 millions d’euros, celui de l’intérieur pour 780 millions d’euros, celui de l’économie pour 16 millions d’euros, celui du travail et des relations sociales pour 16, 5 millions d’euros, celui de la ville et du logement pour 60 millions d’euros et, enfin, les services du Premier ministre pour 20 millions d’euros.
Sur ces 3, 6 milliards d’euros, 78 % représentent des crédits d’accompagnement social, contre 22 % destinés à des actions répressives de lutte contre l’immigration clandestine. Qui le reconnaît parmi ceux qui portent des critiques systématiques et quotidiennes à l’égard de cette politique ?
La contribution du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche correspond à la prise en charge de plus de 200 000 étudiants étrangers en université en France.
La contribution du ministère de l’intérieur représente, d’une part, le coût du contrôle de la politique migratoire et de la gestion des centres de rétention administrative et, d’autre part, la rémunération des personnels intervenant dans les procédures de naturalisation, de demandes de visas, d’asile et de titres de séjour.
La contribution du ministère de la santé, qui s’élève à 535 millions d’euros, correspond principalement au financement de l’aide médicale d’État dont bénéficient les personnes en situation irrégulière sur le territoire français, c’est-à-dire presque autant que la mission « Immigration, asile et intégration », qui représente 560 millions d’euros, soit 15, 6 % des crédits budgétaires de la totalité de la politique transversale.
Je pense qu’il faut avoir ces chiffres en mémoire pour porter un jugement global sur la politique que vous coordonnez et que vous animez, monsieur le ministre.
Ce rappel étant fait, je voudrais aborder maintenant le budget de la mission « Immigration, asile et intégration ». Ce budget fait apparaître plusieurs progrès majeurs par rapport à l’année dernière.
Le premier est le taux élevé de progression des crédits, de 12 % en autorisations d’engagement et de près de 10 % en crédits de paiement. La hausse réelle, il est vrai, n’est que de 8, 4 % si l’on tient compte de l’extension du périmètre intervenu dans les années 2009 et 2010 avec la dévolution des dépenses d’investissement des centres de rétention administrative au ministère de l’immigration dès le 1er janvier prochain.
Cette hausse correspond principalement à l’augmentation des crédits dédiés à l’accueil des demandeurs d’asile, notamment dans les centres d’accueil des demandeurs d’asile, les CADA, et à la progression de 77 % des crédits destinés à l’allocation temporaire d’attente versée aux demandeurs d’asile pendant toute la durée de la procédure d’instruction de leur demande.
Le deuxième axe de progrès consiste en la consolidation administrative de ce ministère récent, dont la gestion arrive aujourd’hui à maturité. En effet, d’une part, le plafond de 615 emplois en équivalent temps plein travaillé se stabilise ; d’autre part, tous les services sont depuis cette année regroupés sur deux sites, à proximité de l’hôtel du ministre. Ce regroupement a permis de réduire de 1, 8 million d’euros les dépenses de fonctionnement du ministère en 2010.
Enfin, cette consolidation du ministère se traduit également, comme je l’ai déjà mentionné, par le regroupement au sein de la mission des crédits d’investissement des centres de rétention administrative, auparavant gérés par le ministère de l’intérieur.
Le troisième progrès notable est le retour à une situation financière normale pour l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII, opérateur chargé de l’accueil des primo-arrivants et de la mise en œuvre de leur parcours d’intégration. Après plusieurs années où le fonds de roulement paraissait très excessif, l’année 2010 va voir le retour à la normale de cette situation.
Toutefois, à côté de ces progrès, monsieur le ministre, deux inquiétudes demeurent.
D’une part, la budgétisation des crédits destinés à l’accueil des demandeurs d’asile paraît encore insuffisante. En effet, malgré une hausse remarquable de 10 % en 2010, ces crédits seront vraisemblablement trop limités pour répondre à l’accroissement du flux des demandeurs d’asile qui, je le rappelle, a été de 19, 7 % en 2008 et de 16, 5% sur les premiers mois de l’année 2009. Il est donc à craindre que, pour la troisième année consécutive, il ne faille ouvrir de nouveaux crédits en cours d’exercice pour faire face à l’afflux des demandeurs d’asile.
D’autre part, la vision de la politique transversale d’immigration est encore lacunaire. Il est difficile d’analyser, dans le document de politique transversale, les raisons de l’évolution des crédits consacrés par chaque ministère à la politique d’immigration. Les capacités d’analyse et de contrôle du ministère de l’immigration sur l’ensemble de la politique transversale devraient être, à mon sens, renforcées.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances propose au Sénat d’adopter les crédits de cette mission.
Enfin, monsieur le ministre, je voudrais terminer mon intervention sur une note un peu plus personnelle. La France a toujours été un pays d’immigration, celle-ci étant tantôt subie, tantôt souhaitée. Notre pays possède une longue et riche expérience en la matière et, globalement, il a su réussir sa politique d’accueil et d’intégration. C’est une chance pour lui que de pouvoir utiliser son expérience pour relever les nouveaux défis qui s’annoncent, car chaque génération d’immigrés a ses caractéristiques propres.
Vous avez bien fait d’inviter les Françaises et les Français à réfléchir aux notions d’identité, de laïcité et d’intégration. Si la France a réussi dans le passé, c’est parce qu’elle a su être tout à la fois ferme et généreuse. La fermeté, c’est expliquer qu’un pays ne peut pas demander à ses ressortissants de respecter la loi, et aux étrangers de ne pas le faire. C’est aussi pourchasser sans répit toutes ces filières qui s’enrichissent du malheur des autres. La générosité, c’est accueillir chaque année celles et ceux qui frappent à notre porte pour des raisons essentielles, et qui nous demandent asile.
Nous le faisons : 52 000 contrats d’accueil et d’intégration ont été signés, 65 000 personnes ont été naturalisées en six mois ; ces chiffres nous placent aux premiers rangs des pays européens et nous permettent non seulement d’accueillir, mais aussi d’intégrer, dans le respect de chaque personne.
Le monde étant ce qu’il est, nous devrons encore longtemps conduire cette politique d’immigration ; c’est un problème de société que nous devons résoudre en conjuguant réalisme et humanisme.
Nous devons éviter que cette politique ne devienne l’enjeu de deux propagandes opposées : le nationalisme intransigeant d’un côté, l’angélisme béat ou tactique de l’autre. Ce doit être l’honneur de notre pays que de se tenir à égale distance de l’un et de l’autre.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP ainsi qu’au banc des commissions.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je supplée aujourd’hui mon collègue André Trillard.
Avant de présenter les conclusions de la commission des affaires étrangères sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », je commencerai par une note plus personnelle. Les quelque 2, 2 millions de Français de l’étranger savent ce que représente l’identité nationale et mesurent leur chance d’être Français. Ils le disent assez ouvertement à l’étranger, et c’est important.
Ils savent aussi ce qu’est l’immigration, eux-mêmes étant des immigrés dans ces pays, ce qui n’est pas toujours chose facile dans certains États. Lorsque des critiques s’élèvent à l’égard des immigrés en France, j’ai envie de dire : regardez ce qui se passe à l’étranger, vous comprendrez peut-être mieux…
J’en viens maintenant au rapport de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Cette dernière a décidé, lors de la création de la mission « Immigration, asile et intégration » en 2007, de maintenir un avis sur les crédits affectés, au sein de cette mission, à l’action n° 02 « Garantie de l’exercice du droit d’asile », au sein du programme n° 303 « Immigration et asile ».
En effet, mes chers collègues, ces deux organismes qui examinent les demandes d’asile que sont l’Office de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, et la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, relevaient, antérieurement à 2007, de la tutelle du ministère des affaires étrangères C’est donc sous cet angle que la commission examine les crédits et les personnels affectés à ces organismes.
La mise en œuvre de la réforme de l’asile, depuis 2004, visait à faciliter l’accès au statut de réfugié ou au bénéfice de la protection subsidiaire pour les personnes en attente légitime d’une protection de la France. Tout le monde s’accorde sur le fait que les dossiers de demande d’asile doivent faire l’objet d’un traitement rapide, pour des raisons de qualité de service aussi bien que de dignité des personnes.
Voilà un an, le 9 décembre 2008, le ministère a signé avec l’OFPRA un contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2009-2011, portant sur la réduction tant de l’âge moyen des dossiers que du stock et de la durée de traitement de ces derniers. Cependant, durant le premier semestre 2009, la demande d’asile a connu une augmentation globale de 16, 5 %, soit 10 points de plus qu’il n’avait été initialement prévu. L’exercice 2008 avait, lui, enregistré une hausse de 20 %, contre une prévision à 14 %.
Or, il existe un lien mécanique entre l’allongement de ces délais et le montant versé par le ministère de l’immigration en allocation temporaire d’attente, ou ATA, puisque le demandeur n’est pas autorisé à travailler pour subvenir à ses besoins durant le délai d’instruction de son dossier. Créée par la loi de finances pour 2006, cette allocation est de 10, 57 euros par jour ; 53 millions d’euros sont inscrits à cet effet dans le projet de loi de finances pour 2010, soit une augmentation sensible de 76, 7 % par rapport à 2009.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, ne conviendrait-il pas de renforcer, dans cette perspective, les effectifs de l’OFPRA, qui s’élèvent à 412 équivalents temps plein, et l’État n’en serait-il pas, au total, gagnant financièrement ?
J’en viens maintenant à la CNDA. Pour faire face au nombre croissant de recours non suspensifs, formulés dans un délai d’un mois devant la CNDA, contre une décision négative de l’OFPRA et pour s’efforcer de réduire le délai d’examen qui est aujourd’hui d’une dizaine de mois en moyenne, il a été décidé d’adjoindre dix magistrats à plein-temps à la Cour au 1er septembre 2009, puis dix autres en 2010.
Les magistrats actuellement en fonction sont issus, comme leurs nouveaux collègues, du Conseil d’État, de la Cour des comptes ou des juridictions de l’ordre judiciaire, mais exercent des vacations. À l’évidence, le nombre des jugements attendus de la CNDA doit conduire à renforcer son fonctionnement par la présence de magistrats de plein organisme et de plein exercice.
En effet, ces magistrats, vacataires ou à plein-temps, assurent la présidence des audiences. Les magistrats vacataires en président, en moyenne, de quatre à cinq par mois, contre de deux à trois par semaine pour les magistrats à temps plein. Outre une plus grande harmonisation des décisions rendues, cette intensification des audiences aurait dû améliorer le délai d’examen des dossiers devant la CNDA, mais cet objectif risque d’être compromis par la croissance attendue des recours.
Avant de conclure, je tiens à saluer la qualité des personnels exerçant au sein de l’OFPRA et de la CNDA, dont le rôle est déterminant dans la distinction entre exilés politiques, qui entrent dans le champ de l’asile, et exilés économiques, qui relèvent d’autres logiques.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable à l’adoption des crédits affectés à l’asile dans le projet de loi de finances pour 2010.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. –M. Daniel Marsin applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’a rappelé tout à l’heure M. Bernard-Reymond, la politique de la France en matière d’immigration s’efforce de concilier une attitude généreuse, conformément à notre tradition – et, si j’ose dire, à notre identité nationale –, avec la fermeté nécessaire dans la lutte contre l’immigration irrégulière et ses filières.
Elle dispose pour cela d’un ministère désormais bien installé dans le paysage administratif, et dont le périmètre se stabilisera sans doute en 2010 avec l’intégration des bâtiments des centres de rétention administrative, ou CRA.
L’évolution des crédits de la mission vous a déjà été présentée par notre collègue M. Bernard-Reymond, rapporteur spécial. Qu’il me soit simplement permis de souligner qu’au sein de ce ministère, sur le montant total des ressources nationales consacrées à la politique en matière d’immigration et d’intégration en 2010, soit 3, 6 milliards d’euros, plus de 2, 5 milliards, soit 70%, sont consacrés à l’intégration et à la formation des étrangers, ainsi qu’à leur santé à travers l’aide médicale d’État.
Ce chiffre, qui a été rappelé tout à l’heure, est en tout point remarquable. En effet, on regarde souvent les choses par le petit bout de la lorgnette, en se focalisant sur les expulsions, les retours dans les pays d’origine, ou même les mauvais traitements portés à l’égard de ceux dont on estime qu’ils ne peuvent pas, d’un point de vue juridique, rester sur le territoire. Pourtant, sur le plan budgétaire, il se révèle clairement que notre budget est très majoritairement consacré à l’accueil des étrangers, à leur formation, à leur intégration et à leur santé.
J’aimerais d’abord insister sur la nécessité d’améliorer les outils de connaissance, notamment statistiques, dont dispose le ministère, même si nous savons que ce n’est pas toujours facile et qu’il faut savoir raison garder en la matière.
Je prendrai deux exemples : celui de la garantie du droit d’asile, d’une part, celui de la lutte contre l’immigration irrégulière, d’autre part.
Les crédits consacrés à la garantie de l’exercice du droit d’asile devraient s’élever en 2010, en crédits de paiement, à 318 millions d’euros contre 289 millions d’euros en 2009, soit plus de la moitié des crédits de la mission. L’augmentation du nombre de demandeurs d’asile, de quelque 14, 5 % en 2008 et de plus de 20 % en 2009, se traduit par une augmentation de 1, 5 million d’euros des crédits de l’OFPRA, de 7 millions d’euros des crédits des centres d’accueil des demandeurs d’asile, ou CADA, et enfin par une progression de 23 millions d’euros des crédits consacrés à l’allocation temporaire d’attente, ou ATA, soit une hausse de 76%.
Par ailleurs, les crédits de la lutte contre l’immigration irrégulière passeront de 80 à 94 millions d’euros, du fait essentiellement de l’entrée de l’immobilier et des centres de rétention administratifs dans le périmètre de votre mission, monsieur le ministre.
Or, ces crédits, qui représentent au total plus des deux tiers du volume budgétaire de la mission, sont en grande partie liés à des phénomènes sur lesquels le ministère n’a pas d’influence immédiate, à savoir respectivement l’évolution du nombre de demandeurs d’asile et celle du nombre de personnes essayant de pénétrer irrégulièrement sur le territoire français. Il est donc indispensable de mieux connaître ces phénomènes pour évaluer le plus précisément possible les crédits nécessaires.
Cependant, nous ne connaissons ces données que de manière imprécise. Il semble d’ailleurs que le nombre de demandeurs d’asile suive des fluctuations difficilement prévisibles, bien que les guerres ou la politique menée en matière d’asile par d’autres pays aient un impact parfois décelable.
Il est ainsi difficile de dire pourquoi la baisse d’environ 50% du nombre de demandes d’asile entre 2004 et 2007 a été suivie d’une hausse de 14, 5% en 2008 et de plus de 20% en 2009, ou de connaître les raisons qui font que les demandeurs d’asile qui fuient les guerres du Moyen-Orient vont davantage en Allemagne ou en Suède qu’en France. Peut-être les connaissances, fort reconnues d’ailleurs, des personnels de l’OFPRA, spécialistes de la demande d’asile, pourraient-elles être davantage valorisées en la matière. Les parlementaires ayant assisté à des entretiens organisés par l’OFPRA soulignent en tout cas tous la qualité de leur travail et de leurs connaissances ainsi que la pertinence de leurs observations.
En revanche, concernant l’immigration irrégulière, il existe aujourd’hui d’autres méthodes d’évaluation que le faisceau d’indicateurs habituellement utilisé et présenté dans le rapport annuel remis au Parlement sur les orientations pluriannuelles de la politique d’immigration.
Certes, nous savons par expérience que l’immigration irrégulière est, par définition et par principe, difficile à évaluer. Mais nous savons aussi, grâce à une commission d’enquête de 2006, qu’il est possible, sur recommandations de l’INSEE, de trouver des moyens nous permettant d’avoir une évolution plus rationnelle, sinon plus précise, et de se rapprocher d’une jauge plus acceptable que celle que nous avons aujourd’hui.
Par exemple, pourraient être rapprochés les résultats des enquêtes annuelles de recensement, qui permettent une connaissance de toute la population résidente par nationalité, et les statistiques des documents de séjour, grâce auxquelles est connue l’immigration régulière par nationalité. On pourrait également envisager que certains protocoles d’enquête élaborés par l’INSEE permettent de recenser les étrangers en situation irrégulière, de manière anonyme bien sûr.
Les nouvelles données recueillies grâce à ces évaluations seraient notamment utiles pour mettre en perspective l’indicateur n°4.1 du projet annuel de performance de la mission, qui présente le nombre de mesures de reconduites effectives à la frontière, en mettant en regard la variation annuelle du nombre d’immigrés en situation irrégulière présents sur notre territoire.
Le second point que je voudrais aborder est celui de l’immigration professionnelle. Le Président de la République a fixé un objectif de 50 % d’immigration professionnelle dans l’immigration totale. L’indicateur 1.1 du projet annuel de performance montre à cet égard une forte progression, ce taux étant passé de 14 % en 2007 à 30 % en 2009, avec une prévision de 37 % en 2010.
Ainsi, alors qu’environ 14 500 titres avaient été délivrés au titre du travail en 2005 et en 2006, ce nombre est monté à plus de 18 000 titres en 2007 et à 28 000 titres en 2008. Certes, les entrées en France au titre du travail ne représentent qu’une fraction de ce total, puisque de nombreux titres résultent de changements de statut. Ainsi, selon un rapport de l’ANAEM, l’agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations, en 2006, 68, 5 % des travailleurs permanents admis au séjour n’entraient pas physiquement sur le territoire national mais bénéficiaient d’un changement de statut. Monsieur le ministre, permettez-nous de vous demander si cette proportion a aujourd’hui évolué.
Quoi qu’il en soit, une dynamique positive a indéniablement été enclenchée dans ce domaine. Elle se traduit aussi par la signature de nouveaux accords de gestion concertée des flux migratoires en 2008 et en 2009, qui comportent, outre des volets consacrés à la lutte contre l’immigration irrégulière et au codéveloppement, un volet visant à favoriser l’immigration professionnelle. Les accords avec le Congo, le Sénégal et la Tunisie sont ainsi entrés en vigueur cet été. En revanche, la collaboration avec les pays asiatiques est encore peu développée. Des négociations sont cependant en cours avec des pays comme le Vietnam, l’Inde ou la Chine. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer à quelle échéance pourront aboutir de nouveaux accords ?
Telles sont les quelques observations que je souhaitais présenter au Sénat cet après-midi, au nom de la commission des lois. Sous le bénéfice de ces explications, celle-ci a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de la mission « Immigration, asile et intégration » connaît cette année une hausse importante, de 12 % pour les autorisations d’engagement, créditées de 568, 8 millions d’euros, et de 9, 7 % en crédits de paiement pour atteindre 560, 4 millions d’euros, ce qui indique bien votre volonté de continuer cette politique que nous dénonçons.
Monsieur le ministre, cette hausse est à mettre en relation avec votre offensive sur le terrain sécuritaire et idéologique, qui fait un lien détestable entre sécurité et immigration et entre identité nationale et immigration.
À ce sujet, comment pouvez-vous accepter que certains vomissent des logorrhées de propos racistes sur le site internet que vous avez créé pour, dites-vous, lancer ce débat ?
Comment pourrait-il en être autrement quand on prend connaissance de certaines questions de votre formulaire, telle celle-ci : « Comment éviter l’arrivée sur notre territoire d’étrangers en situation irrégulière, aux conditions de vie précaires, génératrices de désordres divers […] et entretenant, dans une partie de la population, des suspicions vis-à-vis de l’ensemble des étrangers ? » Question étrange, qui condense, me semble-t-il, tous les poncifs du discours xénophobe.
Ces pratiques sont proprement scandaleuses, et je vous demande d’intervenir pour qu’elles cessent. Je rappelle que le racisme est un crime.
Au-delà, vous espérez, avec ces amalgames, masquer l’échec de la politique gouvernementale face à la crise économique que nous traversons et flatter un électorat frontiste à l’aube d’une échéance électorale.
Je m’attarderai à présent sur les crédits du programme 303 « Immigration et asile », qui bénéficient d’une hausse de 12, 5 %, laquelle illustre votre politique agressive de lutte contre l’immigration.
Ces crédits se montent à 104, 4 millions d’euros, soit une augmentation de 29, 2 % par rapport à 2009.
Or la CIMADE estime, dans son rapport annuel, à 533 millions d’euros le coût des expulsions en France. Ce document est très sérieux, puisqu’il s’appuie sur un rapport d’information de la commission des finances du Sénat et sur une étude de la Cour des comptes sur la gestion des centres de rétention administrative.
Il s’agit donc là de moyens disproportionnés pour atteindre un objectif scandaleux, qui ne produit même pas les résultats escomptés, car seule une mesure d’éloignement forcée sur cinq est réellement appliquée.
Le manque d’effectivité de vos mesures d’expulsion vient essentiellement de la décision du juge des libertés et de la détention, qui refuse souvent de prolonger la rétention. Cela démontre bien les atteintes aux droits que porte votre politique, ce que rappelle parfaitement la CIMADE, qui estime qu’elle « entraîne nécessairement une réduction des droits des étrangers et des atteintes graves aux droits fondamentaux de la personne humaine ».
J’en profite d’ailleurs pour condamner la situation déplorable des personnes qui sont parquées dans les centres de rétention administrative, alors même qu’elles n’ont commis aucun crime. Il faut aussi en finir avec ces pratiques !
Dans le même temps, le nombre de places dans les centres d’accueil des demandeurs d’asile, les CADA, est très insuffisant, et ce ne sont pas les mille places en passe d’être créées qui régleront le problème. Or une place dans les CADA permet d’accélérer l’obtention de l’asile. Mais cette situation semble vous satisfaire, puisque le maintien d’un nombre réduit de places ralentit le processus.
Les CADA ont une capacité d’accueil d’environ 21 000 places, alors même que le nombre des demandeurs d’asile dépasse le double. Il y a là un décalage dramatique.
On peut d’ailleurs signaler que vous estimez vous-même à 45 500 le nombre de demandeurs d’asile, chiffre qui est largement sous-estimé, comme l’indique M. le rapporteur spécial.
La hausse de 10 % des crédits alloués à l’accueil des demandeurs d’asile est donc bien trop faible pour pouvoir répondre au flux des demandes. De facto, cette faible capacité d’accueil des personnes qui ne trouvent pas à se loger conduit à la création de véritables villages de migrants en attente d’une décision – et je ne reviens pas sur ce qui s’est passé à Calais ! Ce faisant, vous avez déplacé le problème en « dégageant » – il n’y a pas d’autre terme – des hommes et des femmes qui ont quitté leurs pays, souvent meurtris par les guerres ou la misère, et dont le seul crime est d’avoir cru que la France était vraiment une terre d’asile respectueuse des droits de l’homme.
Créer mille places en CADA relève donc de l’affichage ; certes nécessaires, elles sont cependant largement insuffisantes. Il aurait été plus judicieux de concentrer les efforts sur le traitement des dossiers, dont les délais ne cessent de s’allonger.
Cela réduirait les dépenses relatives aux frais d’hébergement et au versement de l’allocation temporaire d’attente, l’ATA, et, surtout, cela contribuerait à ne pas laisser trop longtemps les personnes dans l’incertitude.
On peut d’ailleurs signaler que l’ATA, qui voit ses crédits passer de 30 millions à 53 millions d’euros, soit une hausse de 76, 7 %, est le résultat de la sous-budgétisation manifeste de l’année dernière.
Monsieur le ministre, vous estimez que « le gain d’un mois de délai peut permettre d’économiser environ 8 millions d’euros sur le budget de l’État ». L’augmentation des crédits doit donc contribuer à l’amélioration des délais d’instruction des demandes d’asiles.
Actuellement, le délai de traitement d’un dossier est de cent vingt jours, ce qui est évidemment bien trop long, quand on pense aux personnes dont la vie est suspendue à cette décision.
Dans le même ordre d’idées, on pourrait penser que la subvention à l’OFPRA, qui passe de 29 à 32 millions d’euros, soit une hausse de 10, 3 %, est une bonne chose. Mais force est de constater qu’elle sera très insuffisante pour faire face à la hausse du nombre de dossiers à traiter, d’autant que cette augmentation ne concerne pas le personnel.
Vous ne pouvez pas demander aux personnels de l’OPFRA d’assurer au mieux leurs missions alors que l’on constate une hausse importante et continue des demandes d’asile, hausse qui, selon les premiers éléments disponibles pour l’année 2009, atteint 16, 5 %.
Cette hausse a d’ailleurs des effets sur l’augmentation des saisines de la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, qui voit, de ce fait, ses délais d’instruction augmenter. Or, comme le souligne M. le rapporteur spécial, les délais de traitement des demandes d’asiles sont « l’un des principaux facteurs de coût pour la mission ».
Il est donc urgent de prévoir l’augmentation du nombre de salariés à l’OFPRA, ce qui ferait baisser, d’une part, les délais et, d’autre part, les crédits alloués à l’ATA, car il y a un lien évident entre les deux.
On constate donc que les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » n’améliorent pas le moins du monde la mission d’intégration, mais se consacrent plus sûrement à renforcer le côté répressif de la mission, qui tend donc à l’exclusion. En cela, votre politique du chiffre en matière d’expulsions est emblématique.
On consacre bien plus de moyens à interpeller, à détenir et à expulser qu’à accueillir et à intégrer.
Vous n’écoutez personne, ni les associations ni les organisations qui s’alarment du contenu et du coût de votre politique.
Votre budget incarne une politique du chiffre, de chasse aux enfants, aux familles et aux jeunes. Il n’est pas surprenant que mon groupe s’oppose à un budget qui ne vise ni plus ni moins qu’à développer une politique niant les droits de l’homme.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
M. Richard Yung. Vous devez être un homme heureux, monsieur Besson ! L’immigration est au cœur des débats et de l’actualité : « L’immigration, un sujet cher à l’UMP en période électorale », titrait hier Le Parisien–Aujourd’hui en France, qui n’est d’ailleurs pas paru ce matin, mais je ne pense pas qu’il y ait un lien !
Sourires
Monsieur Besson, vous qui êtes un homme de droite convaincu, pensez-vous que le général de Gaulle se soit posé des questions sur l’identité nationale ?
Je ne le crois pas ! Si je faisais preuve de mauvais esprit, j’y verrais une corrélation, à l’approche des élections régionales, avec les mauvais sondages de l’UMP !
À la question posée par M. le rapporteur spécial, Pierre Bernard-Reymond, je répondrai : ni angélisme béat – j’imagine que nous étions visés –, ni nationalisme tactique – c’était pour vous !
J’aborderai viens maintenant plus précisément aux crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Pour commencer, je formulerai plusieurs observations sur le droit d’asile.
Comme cela a été dit, le nombre de demandeurs d’asile est en forte hausse : il a augmenté de 20 % en 2008 et progressera de 14 % en 2009.
D’une certaine façon, c’est une bonne nouvelle, parce que cela signifie que la France continue d’être perçue dans le monde comme elle l’a toujours été, comme nous souhaitons qu’elle le soit, c’est-à-dire comme une terre de défense des droits de l’homme, d’accueil pour tous ceux qui sont persécutés à travers le monde.
Mais, en même temps, c’est une mauvaise nouvelle pour vous, monsieur le ministre ! Cette augmentation est la réponse à la politique de fermeture que vous avez menée et que vous continuez à appliquer, votre politique de restriction des visas, d’expulsions, et que vous avez justifiée en nous disant : « Nous, nous sommes des gens fermes, non pas des laxistes comme vous, et par notre fermeté, nous envoyons le message à travers le monde qu’il est vain de venir en France pour essayer d’obtenir l’accueil ou le droit d’asile ». Votre message n’est pas passé, et je m’en réjouis !
D’ailleurs, on compte aujourd’hui toujours autant de citoyens indiens ou afghans qui cherchent à passer en Grande-Bretagne : 200 à 300 par jour, me dit-on, soit près de 10 000 par mois ! Toute cette agitation, notamment autour de Coquelles, n’aura donc servi à rien !
Après avoir adopté tant de postures avec force coups de menton, vous avez vous-même annoncé subitement la régularisation de 1 000 sans-papiers.
Pour notre part, nous pensons qu’il faut procéder d’une autre manière, que vos critères sont à la fois trop restrictifs et trop vagues et que cette politique de régularisation devrait s’adresser à un plus grand nombre.
Comme l’ont souligné MM. les rapporteurs, les crédits consacrés au soutien apporté aux demandeurs d’asile et à l’organisation de la demande d’asile sont manifestement insuffisants.
Votre budget est construit sur l’idée que le nombre des demandeurs d’asile serait identique en 2010 à ce qu’il était en 2009, soit 45 000. Or la courbe est croissante, et il est fort possible que ce nombre augmente de 20 %, pour atteindre un total de 55 000
M. Philippe Dominati s’exclame.
M. le président de la commission des finances nous a demandé, ce matin, de présenter des budgets sincères. En l’occurrence, le présent budget n’est pas sincère !
Les crédits de l’OFPRA n’augmentent que de 5 % tandis que ceux de la CNDA restent stables, alors qu’on demande à ces organismes de réduire les délais d’instruction.
Les mille places nouvelles en CADA seront certainement insuffisantes. Les crédits d’hébergement d’urgence, quant à eux, restent stables à 30 millions d’euros, alors qu’ils étaient déjà très nettement insuffisants.
Enfin, les crédits inscrits pour l’accompagnement social passent de 5 millions d’euros à 500 000 euros, soit une baisse de 90 %, mes chers collègues !
Dans ces conditions, comment mener une politique d’accueil et d’asile forte et cohérente ?
J’en viens à la rétention administrative.
En 2008, 32 200 personnes ont été placées en rétention administrative, pour une durée moyenne de dix jours. Depuis 2004, le nombre des placements en rétention a augmenté de 20 %, en raison, évidemment, des pressions exercées par les gouvernements successifs pour interpeller les étrangers en situation irrégulière et respecter les fameux quotas annuels d’expulsion – 27 000 en 2009, et autant en 2010.
Dans son rapport, publié l’an dernier, sur la gestion des centres de rétention administrative, la Cour des comptes a pointé du doigt « d’importantes lacunes dans le suivi des coûts ». Elle évalue le coût de la rétention à près de 200 millions d’euros, hors dépenses d’interpellation, d’éloignement et de justice, soit 5 500 euros par personne retenue et 13 200 euros par personne ayant fait l’objet d’une reconduite effective à la frontière. Incidemment, je ferai remarquer que l’examen des crédits de cette mission est un peu formel, car nous n’abordons que quelques aspects de la politique budgétaire en matière d’immigration, d’asile et d’intégration, les autres volets relevant d’autres ministères ou d’actions interministérielles.
Les chiffres montrent que les résultats ne sont pas à la hauteur des moyens engagés. Au final, mes chers collègues, la Cour des comptes et, me semble-t-il, M. le rapporteur spécial évaluent le coût total de l’éloignement entre 400 millions et 500 millions d’euros, soit 21 000 euros par personne expulsée.
Il s’agit là de sommes importantes. Aussi, le bon sens voudrait qu’on se demande si l’on ne devrait pas remplacer l’enfermement des étrangers en situation irrégulière par leur assignation à résidence, comme cela se pratique dans un certain nombre de pays civilisés d’Europe du Nord.
Il reste beaucoup de progrès à faire dans le fonctionnement des centres de rétention administrative, s’agissant, en particulier, de l’organisation des visites, de l’accès au téléphone et de l’aide à l’exercice effectif des droits.
Le demandeur d’asile ne dispose que d’un délai très court, de cinq jours au maximum après son arrivée au centre, pour formuler sa demande d’asile, laquelle doit être rédigée exclusivement en français, alors que la personne retenue ne peut plus bénéficier de l’assistance gratuite d’un traducteur.
En général, c’est la CIMADE qui pallie ces difficultés. Elle assiste le demandeur en lui assurant les services d’un interprète bénévole ou en lui fournissant de quoi écrire, car le budget des centres de rétention administrative ne prévoit pas l’achat de stylos.
Cela m’amène à évoquer les associations d’aide aux personnes retenues. J’ai pris acte de l’arrêt du Conseil d’État qui a annulé la décision en référé du tribunal administratif de Paris. Nous n’avons pas à commenter des décisions de justice.
Je continue néanmoins à penser que l’allotement, c’est-à-dire la division en sept ou huit lots du contrat d’aide aux personnes retenues, n’est pas une bonne décision. Elle compliquera la tâche du ministère, qui devra gérer sept ou huit contrats et les difficultés de rapprochement qui en résultent. Elle sera par ailleurs préjudiciable pour les étrangers retenus, car elle reviendra à limiter l’aide qui leur est apportée lorsqu’ils changeront de CRA.
En fait, derrière cette décision, se cache la volonté de punir la CIMADE, organisme subventionné qui se permet, dans son rapport annuel, au demeurant très lu et très recherché, de critiquer le Gouvernement. Or, par les temps qui courent, la critique est plutôt mal perçue.
Le montant prévu dans votre budget des crédits relatifs à l’aide juridique, soit 4, 6 millions d’euros pour 2010 contre 4 millions d’euros en 2009, vient à l’appui de mon propos. L’allotement du contrat d’aide juridique, bien loin de permettre une diminution des dépenses, entraînera au contraire une augmentation de 15 % de cette ligne budgétaire, ce qui va à l’encontre des annonces d’économie qui avaient été faites en leur temps.
Pour toutes ces raisons, vous le comprendrez, monsieur le ministre, notre groupe ne votera pas les crédits de la mission « Intégration, asile et intégration ».
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen du budget de la mission « Immigration, asile et intégration » ne peut naturellement être détaché du débat initié par le Président de la République sur l’identité nationale.
En qualité d’élu ultramarin, vous comprendrez que je considère cette question avec une acuité particulière, tant la question de l’identité lato sensu a agité la Guadeloupe au printemps dernier.
Certes, mon île est, historiquement, une terre d’immigration, parfois libre, mais le plus souvent forcée au travers de la traite des esclaves.
L’enracinement, la construction d’un socle de valeurs communes et la définition d’un projet collectif de société constituent des problématiques fondamentales pour comprendre la place qu’occupe la Guadeloupe dans la République.
Or l’immigration continue de nous pousser à nous interroger sur notre identité. Selon les statistiques disponibles, parmi les départements d’outre-mer, la Guadeloupe est la seconde terre d’accueil d’immigrés derrière la Guyane. En outre, elle apparaît de plus en plus fragilisée par la pression migratoire, notamment en provenance d’Haïti et de la Dominique.
Ainsi, entre 2005 et 2007, le nombre des infractions à la législation des étrangers et des éloignements a progressé de 67 %. Cette forte augmentation peut s’expliquer, en partie, par les moyens nouveaux qui ont été mis en œuvre pour lutter contre l’immigration clandestine.
En 2008, on recensait 1 600 interpellations, soit une diminution de 11 % par rapport à 2007. Le nombre d’étrangers en situation irrégulière dans mon département est actuellement évalué à 15 000. On constate, par ailleurs, un regain des demandes d’asile, dont 95 % émanent de ressortissants haïtiens. Ainsi, le nombre des dossiers traités par l’antenne de l’OFPRA de Basse-Terre a augmenté, en 2008, de 57% par rapport à 2007.
Monsieur le ministre, je souhaitais vous rappeler ces quelques éléments propres à la Guadeloupe afin de vous montrer que notre éloignement de la métropole ne nous empêche pas de partager avec celle-ci certains traits communs quant au sujet qui nous intéresse aujourd’hui.
Les crédits de la présente mission ne rendent compte que très partiellement de l’ensemble de cette politique transversale. Votre ministère ne concentre que 15, 6 % des crédits de paiement, soit 560 millions d’euros sur le milliard et demi d’euros que votre gouvernement consacre à la politique d’immigration et d’intégration.
Les crédits sont éclatés sur onze missions budgétaires. Il en résulte une complexité et un manque de lisibilité qui nuisent à une gestion rigoureuse des deniers publics.
Ce grief, souligné par M. le rapporteur spécial et pointé par la Cour des comptes, s’applique particulièrement à la gestion des centres de rétention administrative, dont le pouvoir décisionnaire est divisé entre votre ministère et le ministère de l’intérieur.
L’impératif de bonne gestion s’impose à vous de manière d’autant plus impérieuse que votre ministère est en charge du sort de milliers de personnes qui ont choisi de venir dans notre pays bien souvent pour fuir la misère, les persécutions, ou tout simplement l’absence d’avenir. Il ne faut pas laisser la démarche répressive, même si elle est nécessaire, occulter les principes humanistes qui doivent présider à la décision publique.
Plusieurs de mes collègues du RDSE ont cosigné, au printemps dernier, une proposition de loi déposée par MM. Michel Charasse et Yvon Collin, tendant à supprimer les poursuites au titre de l’aide à l’entrée et au séjour irréguliers à l’encontre des personnes physiques ou morales qui mettent en œuvre, jusqu’à l’intervention de l’État, l’obligation d’assistance à personne en danger.
Je sais que des collègues d’autres groupes ont également déposé des propositions de loi visant à abroger le délit dit de solidarité.
Pour ma part, je me félicite que Mme le garde des Sceaux ait publié, le 20 novembre dernier, une circulaire interprétative visant à définir le champ d’application de l’article L. 622-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA, incriminant le délit d’aide à un étranger en situation irrégulière.
Je constate, toutefois, que cette circulaire ne résout en rien le problème de fond, en raison tant de la valeur juridique intrinsèque de ce texte, soumise de surcroît au contrôle du juge administratif, que de la persistance d’une incohérence législative entre l’article L. 622-4 du CESEDA et l’article 223-6 du code pénal qui définit l’obligation d’assistance à personne en danger.
Plus globalement, monsieur le ministre, je tiens à attirer votre attention sur les dangers d’une politique migratoire – j’y inclus l’intégration – trop largement fondée sur le chiffre.
Je comprends la situation difficile dans laquelle vous vous trouvez du fait des objectifs chiffrés, soit 29 000 reconduites à la frontière, que vous devez atteindre coûte que coûte. Pour autant, vous ne pouvez, et nous non plus, faire fi des dommages collatéraux qui peuvent en résulter.
En y regardant de plus près, on s’aperçoit que la réalité ne correspond pas nécessairement aux discours. En comptabilisant les réadmissions sur le territoire d’un État membre de l’espace Schengen et les reconduites à la frontière des ressortissants bulgares et roumains séjournant dans notre pays au-delà des trois mois réglementaires, le chiffre des reconduites est artificiellement majoré. En réalité, seules 46 % de ces reconduites s’effectuent hors d’une zone de libre circulation avec la France.
Exiger que soit privilégiée, à hauteur de 50 % du total, une immigration de travail au profit des secteurs économiques manquant de main-d’œuvre semble avoir placé votre administration dans l’embarras, en particulier pour ce qui concerne l’utilisation des statistiques : les demandeurs d’asile sont exclus des chiffres de l’immigration ; des régularisations relevant de la catégorie « Vie privée et familiale » se trouvent transférées vers la catégorie « Travail ».
Votre récente circulaire sur la régularisation des travailleurs en situation irrégulière, pour importante et opportune qu’elle soit, démontre les incohérences qu’engendre la politique suivie.
Enfin, la nouvelle procédure de naturalisation, qui déconcentre la décision vers les préfectures, nous rapproche dangereusement de la rupture d’égalité en favorisant les différences de traitement des dossiers d’une préfecture à l’autre.
Cette complexité et ces incohérences ont un coût budgétaire, alors que l’on demande à nos compatriotes rigueur et efforts pour redresser nos comptes publics.
Je prendrai l’exemple des centres d’accueil des demandeurs d’asile, les CADA. Le nombre de places mis à disposition dans ces centres est passé de 17 000 en 2002 à 24 000 aujourd’hui, alors que 29 000 personnes y sont éligibles, soit un déficit de 9 000 places. Les 1 000 places supplémentaires budgétisées en 2008 et 2009, et prévues dans le projet de budget pour 2010, restent insuffisantes.
Pourtant, le rôle des centres d’accueil est essentiel. Non seulement ils accompagnent de manière plus efficace les demandeurs d’asile lors de leurs démarches, mais, en outre, le coût d’une place en CADA revient bien moins cher à l’État qu’un hébergement en centre d’hébergement d’urgence ou à l’hôtel.
Je regrette donc que le projet de budget pour 2010 ne prévoie que 30 millions d’euros pour ce dispositif d’urgence, alors même que son coût en 2009 aura été supérieur à 67 millions d’euros. Cet écart devra être comblé une nouvelle fois dans le cadre de la loi de finances rectificative.
Je m’interroge par ailleurs sur l’envolée des dépenses de fonctionnement du ministère, tandis que votre collègue Éric Woerth déclarait dans la presse, voilà deux jours, qu’il était nécessaire de renforcer l’encadrement des règles de dépenses de l’État. Je pourrais citer de nombreux exemples à ce sujet.
Monsieur le ministre, pour l’ensemble de ces raisons, la majorité de mes collègues du groupe du RDSE votera contre les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ». Pour ma part, faisant confiance à votre bonne foi et souhaitant vous encourager, je m’abstiendrai.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, conformément aux objectifs du Président de la République et du Premier ministre, notre politique d’immigration doit être guidée par la recherche d’un équilibre entre la fermeté, la justice et l’humanité : fermeté à l’endroit de ceux qui ne respectent pas les règles de la République, fermeté dans la lutte contre l’immigration clandestine et ses filières criminelles ; justice pour les étrangers en règle, justice pour ceux qui font des efforts pour s’intégrer et réussir leur installation durable en France en se conformant aux règles d’admission que nous fixons ; humanité, enfin, dans l’accueil des immigrants, en apportant toute l’attention requise à l’égard de la singularité de chaque situation personnelle.
Fermeté, justice et humanité sont trois principes qui s’appliquent non pas à des chiffres, à des statistiques, mais à des réalités humaines, individuelles et collectives.
Cette fermeté et cette humanité sont indissociables : elles sont le visage même de l’État républicain.
Le budget que vous nous proposez, monsieur le ministre, est en hausse de 10 %. Cette forte progression traduit la volonté du Gouvernement de conforter une politique migratoire volontariste et ambitieuse.
La France entend ainsi marquer sa politique d’accueil et d’intégration des étrangers en situation régulière tout en menant, en contrepartie, pour permettre la meilleure intégration possible des immigrés, une politique de lutte contre l’immigration clandestine et les filières mafieuses de passeurs.
Monsieur le ministre, la politique d’immigration que vous menez enregistre de bons résultats qu’il convient de souligner.
On peut citer deux exemples : d’une part, les résultats très encourageants obtenus en matière de lutte contre l’immigration illégale, notamment en ce qui concerne le démantèlement de ce que j’appellerai les filières de la honte ; d’autre part, le rééquilibrage entre immigration professionnelle et immigration familiale, puisque l’immigration professionnelle a doublé en 2008 par rapport aux années 2004 et 2005.
Monsieur le ministre, les crédits de votre mission reposent sur quatre piliers.
Premier pilier, cette mission budgétaire, dont la moitié des moyens sont consacrés à l’asile, nous permet de réaffirmer notre tradition d’accueil pour les opprimés et les persécutés.
Le droit d’asile est l’un des plus beaux principes de notre République, l’un de ceux qui honorent le plus notre nation et qui participent de son aura sur la scène internationale.
Le droit d’asile demeure pour notre pays une exigence morale.
La garantie du droit d’asile et l’amélioration de l’accueil et de l’hébergement des réfugiés demeurent au cœur de vos préoccupations, puisque 54 % des crédits du ministère, soit 318 millions d’euros, y seront consacrés.
Il s’agit du premier poste de dépenses, qui traduit bien la volonté du Gouvernement de voir la France, fidèle à sa tradition humaniste, demeurer une terre d’accueil pour tous les persécutés du monde.
Les crédits qui sont affectés à l’asile progressent de 10 % en raison de l’importante augmentation du nombre de demandeurs.
En effet, depuis plus d’un an, une forte reprise de la demande d’asile est observée : après une progression de 19, 9 % en 2008, la tendance s’est prolongée en 2009 au-delà de ce qui était escompté, avec une augmentation de 13, 9 % au cours des neuf premiers mois de l’année.
Cette recrudescence crée des difficultés de gestion pour l’OFPRA en allongeant notamment la durée d’examen des dossiers.
Le budget pour 2010 prend en compte cette situation et entend y répondre dans les meilleures conditions.
Il va, en effet, permettre la création de 1000 places supplémentaires dans les centres d’accueil pour les demandeurs d’asile, les CADA, tout en visant un objectif ambitieux : la réduction des délais de traitement des demandes d’asile et le financement de l’allocation temporaire d’attente.
Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour rendre hommage, à mon tour, au travail des personnels de l’OFPRA et témoigner de la qualité des travaux du conseil d’administration, où j’ai l’honneur et le plaisir de représenter notre assemblée.
C’est ainsi que le dernier conseil d’administration a réexaminé la liste des pays dits d’origine sûre, ajoutant certains États et en retirant d’autres, après des débats nourris et en fonction de l’évolution de la situation internationale.
Je m’inquiète, en revanche, des divergences qui existent entre les décisions de l’OFPRA et la jurisprudence de la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA. Il n’est pas sain que celle-ci annule un nombre aussi important de décisions de l’OFPRA, et une certaine unification de la jurisprudence serait souhaitable, sous l’autorité du Conseil d’État, juge de cassation. D’ailleurs, sur ce point, l’appréhension de l’Office devrait évoluer.
Le deuxième pilier est le renforcement de la lutte contre l’immigration clandestine.
Dans ce domaine, la loi républicaine doit s’appliquer avec humanité, mais aussi avec fermeté, conformément à la pratique d’un État de droit.
Nous savons comment opèrent les réseaux de passeurs clandestins en France, comme sur l’ensemble du territoire européen. Ils organisent une véritable traite d’êtres humains. C’est un fléau qu’il faut combattre avec la plus grande détermination.
L’immigration clandestine contrevient à la dignité et au respect de la personne humaine. Les premières victimes sont, avant tout, les immigrés clandestins eux-mêmes, qui sont de plus en plus déterminés et prennent de plus en plus de risques pour passer coûte que coûte.
L’immigration clandestine dégrade également la situation des immigrés légaux. Elle renforce les discriminations dont ils sont ensuite victimes et nuit à leur intégration.
Vous avez donc engagé une lutte sans merci contre tous ceux qui exploitent, sans le moindre scrupule, la misère humaine, en vous attaquant avec la plus grande fermeté aux passeurs, aux fraudeurs et aux marchands de sommeil.
Les résultats obtenus récemment sont encourageants, notamment avec la hausse des interpellations d’étrangers en situation irrégulière, des arrestations de passeurs et des constatations d’emploi d’étrangers sans titre de travail.
Il est, toutefois, du devoir de la République de faire en sorte que les victimes des trafiquants soient traitées dans des conditions convenables, notamment lorsqu’elles se trouvent dans les centres de rétention administrative.
C’est pourquoi le groupe UMP se félicite du transfert, au ministère de l’immigration, des crédits relatifs à la rénovation et à la construction des centres de rétention administrative, et des moyens importants qui seront consacrés aux travaux de construction et d’aménagement de ces centres.
La fermeté dans la lutte contre l’immigration irrégulière est d’autant plus juste et légitime que la France conduit parallèlement une politique volontariste visant à mieux organiser l’immigration légale, en portant l’effort sur l’immigration professionnelle.
Le troisième pilier de ce budget est la politique d’intégration des immigrés réguliers, complément indispensable de la politique de maîtrise des flux migratoires.
La politique d’intégration est loin d’être oubliée, puisque ce sont près de 80 millions d’euros qui y sont affectés, soit 8, 7 millions d’euros de plus qu’en 2009.
L’immigration n’a de sens que si elle débouche sur une vraie intégration, une intégration réussie.
L’intégration des étrangers s’établissant sur le territoire national est devenue, au cours de ces dernières années, un objectif particulièrement essentiel.
Grâce à ce budget, de nombreuses actions innovantes pourront être engagées en direction de l’insertion, en favorisant l’intégration des migrants légaux par la mise en œuvre d’un parcours individuel spécifique.
Les modalités d’accompagnement professionnel des étrangers seront, en outre, modernisées grâce à la signature de nouveaux accords de branche et l’attribution de nouveaux labels « diversité » dans les entreprises ou les collectivités territoriales.
Surtout, le ministère s’est doté d’un opérateur unique, pleinement opérationnel, l’Office français de l’immigration et de l’intégration, qui permet d’unifier la politique en matière d’intégration, de la coordonner à l’échelon local et de la financer grâce à des ressources propres.
Enfin, dernier pilier, le développement solidaire constitue un autre axe d’action essentiel.
L’objectif fixé par le Président de la République et le Premier ministre est de parvenir, avant 2012, à la signature d’une vingtaine d’accords, neuf ayant déjà été conclus.
Mes chers collègues, ce budget, en très nette augmentation, s’explique donc par un renforcement des moyens de toutes les composantes de la politique d’immigration et d’intégration.
Il témoigne de la détermination du Gouvernement à poursuivre la nouvelle politique migratoire attendue par nos concitoyens : à la fois efficace et équilibrée, humaine et pragmatique, juste et cohérente.
Le groupe UMP le votera donc avec conviction.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après les différentes interventions au cours desquelles beaucoup de choses ont été dites, après M. le rapporteur spécial et M. Jean René Lecerf, qui ont souligné les principaux points de la politique de l’immigration, je me contenterai de revenir sur quelques points précis.
Monsieur le ministre, il apparaît très clairement que vous êtes en train de réussir dans une mission qui est difficile, parce qu’il s’agit d’un nouveau ministère et d’un sujet sensible qui touche tous les Français, et qu’il n’est pas évident, compte tenu des crises et des crispations qu’il suscite, d’obtenir du premier jet l’équilibre dont tout le monde parle.
Les propos des intervenants prouvent bien que votre politique est une réussite. Au fond, que vous reproche-t-on ? On dénonce de prétendus échecs, mais la gauche se félicite du fait que la France reste une terre d’immigration et d’accueil. On dit que c’est votre échec. Non, pas nécessairement ! C’est votre succès, notre succès !
En effet, au-delà de sa diabolisation, la politique ainsi menée montre qu’il est possible d’allier raison, modération et, comme l’a souligné le rapporteur spécial, humanisme.
Tout d’abord, comme l’a très bien dit Jean-René Lecerf, le budget de la mission « Immigration, asile et intégration » est en augmentation dans un contexte difficile de crise. C’est une première réalité.
Nous n’avons pas grand-chose à reprocher à ce budget, dont l’augmentation en volume correspond à une hausse du nombre de demandes d’asile. Rappelons-le, la France est à la tête des pays destinataires de demandeurs d’asile en Europe ; aucun autre pays ne suscite autant de demandes.
Quant aux critiques qui font état du risque d’explosion de cette hausse, je réponds que le projet de loi de finances rectificative pourra éventuellement en tenir compte.
En réalité, cette mission se porte bien sur le plan budgétaire.
Ensuite, je tiens à vous féliciter, monsieur le ministre, pour la part que vous prenez dans la lutte contre l’immigration clandestine, point essentiel et difficile, qui concerne également d’autres ministères, mais qu’il est important de personnaliser
Je pense, en particulier, à l’action que vous avez menée à Calais, où, contrairement à ce qu’on a pu écrire ici ou là, vous avez pris le soin, habilement, de faire en sorte que les migrants les plus fragiles soient assistés sur place par une aide humanitaire et par les associations. C’était une mesure difficile et courageuse, qui mérite d’être soulignée.
Enfin, il est évidemment nécessaire que la politique d’intégration connaisse des évolutions importantes et qu’un véritable parcours individuel soit mis en place.
On a parlé de la régularisation de mille sans-papiers. Il est évident que, dans ce domaine, il faut agir dans la mesure du possible à l’échelle humaine, soit au cas par cas, soit catégorie par catégorie. Cela a été dit, il importe de ne pas procéder à des régularisations massives.
Je rappelle d’ailleurs que tous les pays d’Europe, à l’unanimité, ont suivi la politique initiée récemment par la France et interdisent désormais ce genre de pratiques. Les dirigeants espagnols, qui les avaient prônées, les récusent aujourd’hui. C’est également une réalité sur laquelle il faut mettre l’accent.
S’agissant de la gestion de ce nouveau ministère, je ne peux que me féliciter des mesures techniques retenues, notamment la création de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, point qui a été abondamment commenté, ainsi que la décentralisation, aux préfectures, de l’instruction des demandes de naturalisation et des décisions défavorables, qui permet une rationalisation et une humanisation des procédures.
Par ailleurs, des améliorations budgétaires ont été apportées en ce qui concerne les centres de rétention administrative. Dans ce domaine, beaucoup a été fait ces derniers temps, après de nombreuses années d’existence de ces centres. Il faut voir d’où l’on vient et où l’on va. Il convient de le rappeler.
L’essentiel est là, vous prenez des mesures ou des circulaires qui sont adaptées à la situation du moment.
À cet égard, je rappellerai la circulaire que vous avez adressée aux préfets et aux magistrats concernant la possibilité, pour tous les citoyens qui aident en urgence une personne étrangère en situation irrégulière, d’invoquer l’aide humanitaire. Vous avez ainsi précisé quelle était la part du réel et de l’irréel, quelles étaient les responsabilités, comment notre pays répondait à ses traditions d’accueil et d’humanisme, et qu’il fallait se garder de lancer de vieux démons sur ce sujet.
Je vous félicite là encore, monsieur le ministre, pour votre pragmatisme.
Comme l’a indiqué M. le rapporteur spécial dans sa conclusion personnelle, la difficulté ne réside pas dans les chiffres. Votre bilan, qu’il soit budgétaire ou statistique, démontre bien que, en réalité, vous êtes en passe de réussir la mission difficile qui est affectée à ce nouveau ministère, celle de maintenir un juste équilibre, dans un domaine extrêmement sensible, notamment à l’égard de la jeunesse française, car le moindre dérapage est problématique.
Je citerai brièvement un exemple.
J’ai été sollicité par un jeune Français d’une trentaine d’années qui souhaitait recevoir son père, lequel n’était jamais venu en France et ne voyait que très rarement son fils. Pour faire une démarche aussi simple, ce Français doit d’abord aller en mairie présenter, dans la mesure du possible, un titre de propriété. Vous me direz que, s’il a la chance à trente ans d’être propriétaire, c’est bien ! Mais, contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’avis de taxe foncière ne suffit pas ; il doit fournir une attestation notariée. En outre, il doit produire son avis d’imposition, ses trois derniers bulletins de salaire, une quittance d’EDF et, pour compléter le tout, il doit apporter trois timbres à 15 euros chacun, ce qui représente 45 euros.
Que des Français, qui veulent simplement s’adapter, qui ont entendu vaguement parler d’une politique d’immigration, soient contraints à effectuer des démarches aussi compliquées et rigides, me semble nuisible à une certaine politique de compréhension, de modération. Il faut y être attentif et faire preuve de vigilance.
Monsieur le ministre, c’est par votre travail que vous réussirez sans doute à maintenir l’équilibre fragile dans ce domaine. En tout cas, vous l’avez compris, comme mes collègues du groupe UMP, je vous apporte tout mon soutien.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, tout en répondant aux questions qui m’ont été posées, je souhaite rappeler brièvement les axes prioritaires de mon action et les grandes lignes du projet de budget pour 2010.
Comme l’a relevé très justement M. Jean-René Lecerf, le Gouvernement conduit en matière d’immigration une politique à la fois équilibrée et ambitieuse – et je remercie les sénateurs de la majorité présidentielle de l’avoir soutenue.
Cette politique est équilibrée, parce qu’elle est soucieuse d’accueillir et d’intégrer les étrangers en situation régulière et généreuse à l’égard des demandeurs d’asile. En contrepartie, et pour permettre la meilleure intégration possible de celles et ceux qui viennent sur notre sol, notre devoir est de conduire une politique déterminée de lutte contre l’immigration clandestine et les filières mafieuses qui exploitent ces migrants.
Cette politique est également ambitieuse. La création de ce ministère, qui répondait à la nécessité de mieux coordonner des politiques conduites jusqu’alors par divers acteurs ministériels, en est l’illustration. Plusieurs intervenants ont souligné combien il avait trouvé sa place dans le paysage politique et administratif français. Je m’en réjouis, et je veux associer Brice Hortefeux au succès que M. Philippe Dominati vient, avec beaucoup de gentillesse, d’évoquer.
L’ambition de cette politique apparaît aussi dans ses objectifs et dans les moyens qu’elle se donne.
Le projet de budget pour 2010 qui vous est présenté aujourd’hui me semble être la marque d’un engagement fort du Gouvernement. Il avoisinera les 600 millions d’euros, ce qui représente une augmentation de plus de 60 millions d’euros par rapport à 2009, soit 11, 5 %.
J’en évoquerai les quatre axes forts : l’asile, dans la tradition de générosité de la France ; la lutte contre l’immigration irrégulière ; l’intégration ; et enfin, même s’il relève d’une autre mission budgétaire, le développement solidaire et nos liens avec certains pays d’émigration.
Premier axe, près de 320 millions d’euros, soit plus de la moitié des crédits, seront consacrés en 2010 à l’accueil des demandeurs d’asile. Ce chiffre, trop méconnu, donne la mesure de l’engagement de notre pays à l’égard des réfugiés. Je dis parfois que l’intitulé du ministère dont j’ai la responsabilité est déjà long : « immigration », « intégration », « identité nationale », « développement solidaire ». Pourtant, il y manque un mot : « asile ».
Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons faire face, depuis plus d’un an, à une forte reprise de la demande d’asile : après une progression de 19, 9 % en 2008, la tendance s’est prolongée en 2009 au-delà de ce que nous escomptions : plus 13, 9 % au cours des neuf premiers mois de l’année. Le projet de loi de finances pour 2010 prend en compte cette évolution.
Nous disposerons donc de 29 millions d’euros supplémentaires au titre de l’asile. Une partie sera consacrée à l’ouverture de 1 000 places supplémentaires en centres d’accueil pour les demandeurs d’asile, les CADA, l’autre à l’augmentation de l’enveloppe destinée à l’allocation temporaire d’attente, l’ATA.
Je veux rappeler, madame Assassi, que le nombre de places en CADA a été multiplié par quatre par rapport à 2001, ce qui témoigne de l’importance et de la continuité de l’effort de l’État dans ce domaine.
Plusieurs orateurs ont exprimé leur crainte que ces crédits ne soient insuffisants si la demande d’asile continuait à progresser en 2010. Je souhaite répondre dès à présent à cette inquiétude.
Nos prévisions budgétaires pour 2010 prennent en compte l’objectif de réduction des délais de traitement des demandes d’asile par l’OFPRA, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, et des recours par la CNDA, la Cour nationale du droit d’asile. Nous maintenons l’objectif global de passer d’un délai moyen d’un an et demi à un an.
Cet objectif, nous devons l’atteindre pour trois raisons. Sur le plan humain, tout d’abord, le demandeur d’asile a besoin d’une réponse rapide. Nous devons aussi décourager tout « détournement » de la procédure : plus le délai est long, plus il est tentant d’y recourir abusivement. Enfin, sur le plan budgétaire, il a été souligné que la réduction des délais permettait de réduire nos dépenses : des délais raccourcis d’un mois représentent une économie de l’ordre de 8 millions d’euros pour le budget de l’État.
Des progrès ont été réalisés depuis deux ans par l’OFPRA, même s’ils sont aujourd’hui contrariés par la forte augmentation du nombre de demandes. Nous réunirons prochainement le comité de pilotage du contrat d’objectifs et de moyens de l’Office pour voir ensemble comment aborder l’année 2010.
Dans son avis lu par M. Robert del Picchia, le rapporteur pour avis André Trillard a suggéré de renforcer les effectifs de l’OFPRA. Je comprends sa préoccupation, mais elle est à mes yeux prématurée. Un nouvel agent de protection ne peut pas être pleinement opérationnel dès son arrivée : le bénéfice que l’on peut en attendre est donc nécessairement différé. Aussi, je crois que nous devons d’abord agir auprès de la CNDA, tout simplement parce que le délai moyen y était en 2008 de 13, 7 mois, contre un peu plus de 3 mois pour l’OFPRA.
J’attends aussi beaucoup en 2010 de l’amélioration du fonctionnement de la CNDA liée à sa professionnalisation. L’arrivée cet automne de dix magistrats professionnels commencera à porter ses fruits l’an prochain. Il faudra peut-être aller plus loin et prévoir un plus grand nombre de magistrats professionnels, en remplacement notamment de magistrats vacataires.
Beaucoup de progrès sont également à attendre de la coopération européenne et de l’harmonisation de nos politiques en matière d’asile. Vous avez noté, mesdames, messieurs les sénateurs, que lors du dernier Conseil des chefs d’État et de gouvernement, à la demande du Président de la République, c’est une commande explicite qui a été passée en ce sens à la Commission.
Dernière observation, si les prévisions de dépenses étaient dépassées, le Premier ministre m’a garanti que les besoins nécessaires seraient couverts en gestion 2010. Cet engagement figure dans la lettre plafond du projet de loi de finances pour 2010.
Je conclurai sur ce point en rappelant que l’État, et vous le savez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, n’a jamais manqué à ses devoirs en matière d’asile.
J’en viens maintenant, c’est le deuxième axe, à la lutte contre l’immigration irrégulière, et je suis reconnaissant à beaucoup de sénateurs d’avoir bien voulu souligner qu’elle constituait un autre axe essentiel de l’action de ce ministère.
Je veux donner la priorité à la mise en œuvre des objectifs qui m’ont été clairement fixés dans la lettre de mission du Président de la République et du Premier ministre. Vous l’avez relevé, mesdames, messieurs les sénateurs, la loi républicaine doit s’appliquer avec humanité, mais aussi avec fermeté. Elle est le symbole de l’État de droit.
Le budget pour 2010 consacrera à la lutte contre l’immigration irrégulière 104, 4 millions d’euros en autorisations d’engagement et 94, 4 millions d’euros en crédits de paiement.
Il comporte une nouveauté, puisque les crédits relatifs à la rénovation et à la construction des centres de rétention administrative, les CRA, sont transférés au ministère de l’immigration ; c’est dans la logique de sa création. Des moyens importants seront consacrés à ces travaux. Nous avons déjà engagé la reconstruction du CRA de Vincennes, détruit en 2008, et celle des centres du Mesnil-Amelot. Ces opérations se poursuivront en 2010. J’ai aussi décidé la construction d’un nouveau centre à Mayotte, parce que les conditions de rétention n’y sont pas actuellement acceptables.
Je me réjouis aussi de la récente décision du Conseil d’État d’autoriser l’exécution de sept des huit marchés passés en matière d’assistance juridique pour les étrangers placés en rétention.
Enfin, je veux évoquer le cas des mineurs étrangers isolés, qui, je le sais, préoccupe à juste titre plusieurs d’entre vous.
Je le répète, la France se caractérise en Europe, et même dans le monde, par sa générosité à leur égard. Elle fait partie des très rares pays qui ne procèdent à aucune mesure d’éloignement contraint, elle est l’un des rares pays au monde à ne jamais reconduire à la frontière un mineur étranger isolé, alors même que le Haut Commissariat pour les réfugiés n’impose pas une telle exigence. Elle est également l’un des seuls pays à leur faire bénéficier des mêmes prestations que ses propres mineurs isolés.
Mme Catherine Dumas approuve.
J’ai tenu à ce que les cent vingt mineurs qui vivaient dans des conditions détestables, insupportables, dans la « jungle » de Calais, comme la désignaient les migrants, soient accueillis dans des centres prévus à leur intention. L’expérimentation de ce que l’on a appelé un « dispositif-sas », transitoire, d’évaluation des mineurs étrangers isolés, conduite depuis la fin du mois de septembre à Vitry-sur-Orne, sera prolongée au-delà de 2009.
Enfin, le groupe de travail sur les mineurs étrangers isolés que j’avais constitué en mai dernier vient de me transmettre ses propositions. Certaines mesures seront mises en œuvre très rapidement : la séparation complète des mineurs et des majeurs dans les zones d’attente ; le renforcement du nombre et de la formation des administrateurs chargés d’accompagner les mineurs non admis à la frontière et la mise en place à Roissy d’une permanence des administrateurs, ceux que l’on appelle les administrateurs ad hoc ; le remplacement de l’actuel procédé de détermination de l’âge par examen osseux par une nouvelle méthode, qui devra être élaborée par consensus médical et reste donc encore à déterminer. D’autres mesures seront mises à l’étude. Nul ne peut contester qu’il s’agisse là d’ores et déjà d’une véritable avancée.
Le troisième axe concerne la politique d’intégration.
Nous disposerons, en 2010, de près de 80 millions d’euros, soit une progression sensible par rapport à l’année dernière. Cependant, les rapporteurs l’ont souligné, il faut bien sûr, pour avoir une vision complète, prendre en compte également une partie importante des ressources de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII – l’opérateur du ministère –, de l’ordre de 75 millions d’euros.
Le rapporteur pour avis de la commission des lois, François-Noël Buffet, et le rapporteur spécial, Pierre Bernard-Reymond, ont très judicieusement démontré que les crédits de l’État sont majoritairement dépensés pour des politiques d’accueil.
L’intégration, c’est le complément indispensable de notre politique de maîtrise des flux migratoires. Nous sommes un pays très accueillant : nous accordons chaque année 2 millions de visas de court séjour et 180 000 visas de long séjour, et je suis heureux, monsieur Yung, que la France reste une terre d’immigration et d’accueil. Toutefois, notre devoir est d’offrir aux étrangers venus légalement qui souhaitent s’installer durablement sur notre territoire les meilleures conditions d’intégration.
Je redirai tant que je serai à ce ministère combien je crois que la lutte contre l’immigration irrégulière et la politique d’intégration sont les deux faces d’une même médaille, et je ne connais pas d’exemple dans le monde ni dans l’histoire où une politique laxiste en matière d’accueil ait débouché sur autre chose que l’échec de l’intégration et la montée de la xénophobie. Si vous connaissez des exemples autres, mesdames, messieurs les sénateurs, je serai preneur !
Cette politique de lutte contre l’immigration irrégulière, malheureusement, est rarement mise en valeur, et je souscris tout à fait aux regrets exprimés par le rapporteur spécial Pierre Bernard-Reymond à cet égard.
Nous mettons pourtant en œuvre des actions innovantes et de grande qualité. N’ayant pas le temps de les détailler, j’en citerai trois : le dispositif « Ouvrir l’école aux parents », par lequel nous dispensons aux parents étrangers des cours d’éducation civique, d’éducation citoyenne, afin qu’ils comprennent les fondements de notre organisation administrative et politique et ce qui est enseigné à leurs enfants ; le « label diversité », destiné à promouvoir la diversité dans les entreprises ou les collectivités territoriales ; enfin, les « parcours de réussite professionnelle » relatifs à des bourses que nous avons accordées à de jeunes étudiants étrangers afin qu’ils puissent venir en France.
Je compte également présenter dans les prochaines semaines de nouvelles mesures en matière à la fois de formation linguistique, au titre du contrat d’accueil et d’intégration, et d’accès à l’emploi.
Dernier domaine d’action du ministère dont j’ai la charge, le développement solidaire – c’est le quatrième axe – bénéficie des crédits du programme 301.
L’objectif fixé par le Président de la République et le Premier ministre, cela a été rappelé, est de parvenir d’ici à 2012 à la signature d’une vingtaine d’accords, dont neuf ont déjà été conclus. Je disposerai, à cette fin, de moyens qui seront accrus de 13 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 9, 5 millions d’euros en crédits de paiement.
En 2010, mon objectif sera de parvenir à la conclusion d’au moins trois nouveaux accords. J’ai engagé des négociations dans trois directions : les pays de l’Afrique sub-saharienne, les grands pays émergents tels que le Brésil, la Chine ou le Vietnam, et la zone des Balkans occidentaux.
J’ai proposé cette semaine, dans le cadre du dialogue dit « 5 + 5 » – cinq pays de la rive nord, cinq pays de la rive sud de la Méditerranée –, un partenariat migratoire pour la prospérité de l’espace méditerranéen qui comporterait trois volets : coopération Nord-Sud renforcée contre l’immigration irrégulière ; possibilité de prendre en compte des demandes d’asile dans les pays de transit ; surtout, un projet pilote pour la mobilité des jeunes dans l’espace méditerranéen.
Je me rends la semaine prochaine dans les Balkans pour conclure trois accords sur la mobilité des jeunes – Macédoine, Monténégro, Serbie – et pour renforcer la coopération avec le Kosovo dans la lutte contre l’immigration irrégulière et la traite des êtres humains.
J’ai signé il y a quelques semaines, lors de la visite du Président de la République au Brésil, un arrangement administratif avec ce pays et, ce matin-même – c’est la raison pour laquelle je ne pouvais pas être en séance, monsieur le président –, j’ai participé au séminaire gouvernemental franco-russe, au cours duquel j’ai signé avec mon homologue russe un accord migratoire à vocation professionnelle.
Par ailleurs, des contacts ont été pris avec l’Inde pour envisager des négociations en 2010, ainsi qu’avec le Vietnam en vue de négocier un accord de réadmission et un accord sur la mobilité des jeunes.
J’ai également conclu il y a quelques semaines un accord avec la Banque africaine de développement portant sur la création d’un fonds fiduciaire. Nous en attendons beaucoup.
Vous pouvez donc constater que l’action internationale de ce ministère est importante, même s’il faut parfois faire preuve de patience.
Voilà les quelques traits marquants de ce budget. Nul ne pourra contester, me semble-t-il, de bonne foi, dans le contexte difficile que nous connaissons, qu’il s’agit d’un bon budget qui témoigne des ambitions du Gouvernement en matière d’immigration et d’intégration.
Permettez-moi, pour conclure, dans le prolongement des préoccupations de M. le rapporteur spécial, de me réjouir de l’adoption fin octobre par le Conseil européen de plusieurs propositions françaises pour renforcer la lutte contre les filières d’immigration irrégulière.
J’en retiendrai au moins trois : l’adoption de règles d’engagements claires pour les opérations maritimes ; une coopération opérationnelle accrue entre l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures, Frontex, et les pays d’origine et de transit tels que la Libye ou la Turquie ; l’affrètement de vols conjoints financés par Frontex.
Les flux migratoires sont un sujet mondial que nous ne pouvons plus traiter à l’échelle de notre seul pays. Il est important que la France continue de ce point de vue à jouer un rôle moteur au sein de l’Union européenne et je crois sincèrement qu’elle le joue.
J’aborderai maintenant les questions posées par les différents intervenants.
Monsieur le rapporteur spécial, vous avez à très juste titre évoqué le caractère transversal de cette politique et vous avez souhaité le renforcement des capacités d’analyse et de contrôle du ministère. C’est effectivement une question cruciale.
Le document de politique transversale établi depuis deux ans est, me semble-t-il, un progrès incontestable. Vous avez dit – je suis à votre écoute – qu’il fallait l’améliorer et nous pourrons évoquer ensemble un certain nombre de suggestions.
Il est important de compléter cette approche par des études transversales. Je vous rappelle à cet égard que, m’étant engagé devant votre commission des finances à commander une étude à l’inspection générale de l’administration sur le coût de la politique d’éloignement et des reconduites à la frontière, je vous l’ai fait parvenir dès que j’en ai pris connaissance.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois, m’a interrogé sur les prévisions en matière de demandes d’asile et sur les outils de connaissance de l’immigration irrégulière. Il sait mieux que quiconque que les facteurs à prendre en compte sont multiples : crise dans les pays d’origine, impact des communautés d’accueil, effet psychologique et réel de nouvelles dispositions législatives et réglementaires, modifications réglementaires chez nos voisins européens. Lorsqu’un État décide que tel pays est sûr et n’accueille plus de réfugiés politiques, il s’ensuit, bien évidemment, un effet de déplacement de la demande d’asile.
Je partage au demeurant votre souhait d’améliorer le dispositif actuel de prévision et je vais demander à mes services et à ceux de l’OFPRA de me faire des propositions en ce sens.
Par ailleurs, une harmonisation de l’information et des prévisions à l’échelon communautaire par le biais du bureau d’appui est nécessaire. La France se bat pour que ce bureau d’appui, prévu par le pacte signé sous présidence française, devienne opérationnel le plus rapidement possible car il nous sera indispensable.
Monsieur Buffet, vous avez évoqué également la question de l’immigration professionnelle. C’était l’un des objectifs fixés par le Président de la République et par le Premier ministre. Nous partions d’un peu plus de 10 %, l’objectif pour 2012 est ambitieux – peut-être trop eu égard à la crise –, puisqu’il s’agit d’atteindre 50 %.
Nous avons développé plusieurs mesures pour y parvenir, notamment la délivrance de cartes de séjour triennales, la fixation par arrêté de listes de métiers ouverts sans que puisse être opposée la situation de l’emploi.
Comme vous l’avez souligné, cette politique commence à porter ses fruits malgré la conjoncture difficile. La tendance est une croissance soutenue du flux d’immigration professionnelle salariée : plus 33 % en 2008.
J’en viens à l’intervention de Mme Éliane Assassi.
Je veux vous dire, madame, sobrement, sans hausser le ton, que je regrette la caricature à laquelle vous vous êtes prêtée : je vous avais trouvée plus nuancée lors d’autres débats.
Je regrette notamment ce que vous avez dit sur le lien entre l’identité nationale et l’immigration.
Ce débat sur l’identité nationale ne porte pas en priorité sur l’immigration. Il traite quantité d’autres sujets de cohésion sociale qui concernent tous les Français, tous les étrangers présents sur notre sol, mais aussi – je le constate avec plaisir – nombre de francophones et de francophiles qui s’intéressent à notre débat et qui se sentent héritiers de nos valeurs. Le débat est bien plus large que la question de l’immigration.
Mais, lorsque vous niez la possibilité de lier identité nationale et immigration, vous balayez allègrement toute l’histoire de France. En effet, la France n’a été historiquement qu’une terre d’invasions, avec cette particularité que les envahisseurs trouvant la terre de France fertile, tempérée et agréable, y sont restés. Il n’y a pas de peuple premier en France, madame, il n’y a pas de Français de souche. §
Je vous ai écoutée avec beaucoup d’attention, essayez de faire de même pour moi, quelques instants !
Il y a eu d’abord des envahisseurs et, plusieurs siècles plus tard, après que l’État a créé la nation française, des vagues d’immigration. L’idéal républicain a été de faire de cette nation une terre d’intégration et d’assimilation.
En refusant le lien entre identité nationale et immigration, d’une part, vous balayez toute l’histoire de France et, d’autre part, vous balayez la réalité d’aujourd’hui.
J’ai indiqué tout à l’heure à M. Yung que 180 000 étrangers arrivent chaque année sur notre sol. Nous sommes le pays le plus généreux en Europe et le deuxième dans le monde en matière d’asile.
Nous accordons la nationalité française à 110 000 étrangers par an. Enfin, 30 % des mariages en France sont des mariages mixtes, associant une Française ou un Français à un étranger ou une étrangère.
Par conséquent, le lien entre l’immigration et l’identité nationale est le reflet de notre histoire et celui de la réalité. Le nier est une absurdité.
Vous avez dit que le site internet que nous avons créé et qui connaît un immense succès est une incitation au racisme.
J’ai été désarçonné par une telle accusation. Il n’y a pas de propos racistes ou xénophobes parmi les 37 000 contributions qui ont été mises sur le site, mais nous n’avons pas voulu qu’il soit aseptisé. Nous sommes effectivement en permanence à la limite de l’acceptable et il y a parfois, d’un côté comme de l’autre, des propos qui ne reflètent pas ma pensée, mais qui peuvent refléter celle d’une minorité de la population.
Vous avez dit que l’on peut être choqué du lien que l’on fait entre l’immigration irrégulière et la délinquance. §
Lorsque j’aurai le temps, madame, je vous emmènerai volontiers rencontrer les policiers de l’Office central pour la répression de l’immigration irrégulière et de l’emploi d’étrangers sans titre, l’OCRIEST, qui vous donneront des informations sur les passeurs, leurs méthodes, sur le racket, la violence, sur les liens de l’immigration irrégulière avec le proxénétisme, la traite des enfants, la drogue… Vous faites preuve en la matière d’une candeur qui me surprend beaucoup…
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Par ailleurs, vous avez tenu des propos très ambigus me concernant, disant avec une sorte de complaisance : « Je vous rappelle, monsieur le ministre, que le racisme est un crime. »
Oui, madame, vous avez entièrement raison, mais je vous répondrai que le contresens, la mauvaise foi, le sectarisme, si ce n’est pas un crime, c’est en tout cas une offense contre l’idéal républicain de citoyen rationnel et a minima contre l’intelligence.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Concernant Calais, je vous dirai que les personnes qui ont été reconduites à la frontière sont des déboutés du droit d’asile, c’est-à-dire des personnes qui ont pu formuler leur demande d’asile auprès de l’OFPRA, auprès du juge civil, auprès du juge administratif et auprès de la Cour européenne des droits de l’homme.
Derrière les mots et les slogans, il y a une réalité et peut-être votre parti pourrait-il prendre position : considérez-vous que tous les déboutés du droit d’asile, s’ils sont ressortissants d’un pays en guerre, en proie à une guerre civile ou à des attentats, doivent acquérir le droit de rester sur le territoire français ? Si oui, dans la mesure où, au moment où nous parlons, près de vingt-cinq pays entrent dans cette catégorie, cela signifierait que vous acceptez implicitement que des centaines de millions de personnes puissent, sans que l’asile leur ait été accordé, rester sur le territoire européen ou sur le territoire français.
J’aimerais que votre parti dise très clairement que c’est ce qu’il propose aux Français. Vous auriez, me semble-t-il, un succès limité…
Mme Éliane Assassi proteste.
M. Yung a fait preuve de beaucoup de délicatesse à mon égard, j’y ai été très sensible. Il a le droit d’évoquer la mémoire du général de Gaulle, qui fait partie désormais de notre patrimoine commun, et nombre de ceux qui ne se sentent pas gaullistes peuvent parfaitement se retrouver dans la mémoire de l’homme du 18 juin.
Je n’ai pas de titre particulier pour interpréter les propos et la mémoire du général de Gaulle, mais il suffit de relire ses Mémoires de guerre et ses Mémoires d’espoir pour constater qu’il n’a jamais cessé, au nom de ce qu’il appelait « une certaine idée de la France », de côtoyer son histoire et de s’interroger sur son identité nationale, sa permanence et son avenir. Par conséquent, monsieur Yung, vos propos sont parfaitement déplacés.
Monsieur Yung, ce n’est pas ma faute si vous avez aujourd’hui un problème avec la nation et si la nation a été historiquement un concept et une notion défendue par des personnes se revendiquant de la gauche…
Vous n’avez pas le monopole de l’identité nationale : cette posture est insupportable !
Vous avez un problème avec la nation, réglez-le !
Vous m’avez accusé d’être partisan en évoquant mes responsabilités au sein de l’UMP. Très franchement, nous n’avons pas de leçon à recevoir…
Il y a quelques jours, Arnaud Montebourg était interrogé sur Europe 1. À la question : « Vous critiquez beaucoup la politique migratoire française, mais que ferait le parti socialiste s’il était au Gouvernement ? », il a répondu, acculé : « Nous n’avons pas de propositions à faire en ce moment, nous sommes un parti en reconstruction et vous connaîtrez nos propositions en matière d’immigration dans quelques mois. »
Ceux qui s’intéressent à la vie du parti socialiste – cela m’arrive encore
Murmures sur les travées du groupe socialiste.
Il fallait être particulièrement observateur pour découvrir sur le site du parti socialiste les quatre lignes très ambiguës écrites sur le sujet. En fait de politique alternative, je n’ai rien vu, je n’ai rien lu.
S’agissant de l’asile, on peut faire la différence entre le sénateur Yung de la commission et le sénateur Yung de la séance publique. En effet, je cite le compte rendu de la commission : « M. Richard Yung s’est réjoui du fait que la moitié du budget du ministère, soit 300 millions d’euros, soit toujours consacré à la garantie du droit d’asile conformément à la tradition française. » Ce n’est pas exactement la même musique que j’ai entendue à cette tribune, mais tout le monde a le droit de changer d’avis en quelques jours…
Rires sur les travées du groupe socialiste.
Vous avez évoqué les droits des retenus. Je vous indique que vous pouvez parfaitement, en tant que parlementaire, comme de nombreuses instances de contrôle, visiter les CRA.
Vous constaterez que les droits y sont toujours respectés. Je les rappelle : droit à une assistance juridique, droit à la santé, à une antenne médicalisée, droit au téléphone – cartes distribuées – droit de contacter et de recevoir un avocat, droit de recevoir des visites.
Donc, contrairement à ce que vous avez dit, les centres de rétention administrative ne sont pas une zone de non-droit. En l’espèce, je rends hommage à la famille politique qui est la vôtre, puisque c’est François Mitterrand qui les a instaurés, en 1981, tandis que le gouvernement Jospin a créé les chambres familiales pouvant accueillir parents et enfants, que vous nous reprochez tant aujourd'hui.
Monsieur Yung, concernant les marchés d’accompagnement juridique, il est normal de prévoir des crédits en hausse sensible, car les exigences sont supérieures en termes de prestations, notamment en matière de formation des intervenants. Ne nous reprochez pas d’être plus exigeants envers les intervenants qui travaillent auprès des étrangers en situation irrégulière ! Il me semble qu’il y a une certaine contradiction dans vos propos !
De plus, le nombre de places en CRA passera de 1 659 en 2009 à 2 058 en 2010. L’augmentation quantitative du nombre de places explique donc aussi l’accroissement des crédits budgétaires.
Par ailleurs, concernant l’accompagnement social, vous avez affirmé à cette tribune – j’ai failli tomber de mon fauteuil en vous entendant ! – que les crédits prévus passeraient de 5 millions d’euros à 500 000 euros. Je ne sais pas où vous avez lu ces chiffres, mais ils sont totalement faux ! Au bénéfice du doute, je dirai que vous avez mal lu…
Globalement, les crédits consacrés à l’accompagnement sanitaire, social et juridique passeront de 10 millions d’euros en 2009 à 11, 5 millions d’euros dans le budget qui vous est présenté.
Monsieur Marsin, j’ai pris bonne note de vos observations très intéressantes sur l’écho particulier que doit avoir – et que peut avoir – outre-mer le débat sur l’identité nationale. C’est pourquoi je travaillerai main dans la main sur ce sujet avec Marie-Luce Penchard, qui m’a déjà fait un certain nombre de suggestions.
Vous avez insisté sur la nécessité de réguler les flux migratoires ; c’est vrai pour les Antilles, comme pour l’ensemble de la France.
Concernant ce que vous avez appelé « le délit de solidarité », Mme la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés a signé une circulaire, que je me suis empressé d’envoyer aux préfets, et qui répond très exactement aux engagements que j’avais pris devant les associations.
Bien évidemment, certaines d’entre elles ne sont pas satisfaites, puisqu’elles voulaient l’abrogation ou la modification substantielle de l’article L-622-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
À ce propos, je tiens à porter deux chiffres à votre connaissance.
Ce sont, chaque année, 5 000 personnes – des passeurs, des trafiquants, des propriétaires de squats, qui exploitent les travailleurs en situation irrégulière, ou, tout simplement, les étrangers en situation irrégulière – qui sont mises en examen au titre de cet article. Pas un seul bénévole humanitaire n’a été condamné de ce chef depuis la Seconde Guerre mondiale ! Pas un seul ! J’ai mis au défi les associations de m’apporter la preuve du contraire ; elles n’ont pas pu le faire !
C’est dire à quel point cet article est indispensable à la lutte contre les filières mafieuses de l’immigration clandestine.
Par ailleurs, la modification apportée, qui ne fait que confirmer ce que j’avais proposé et qui est attendue des associations et des travailleurs sociaux, permettra de sécuriser définitivement les bénévoles humanitaires, qui pouvaient se sentir un tant soit peu en situation d’insécurité.
Enfin, Michèle Alliot-Marie a demandé très clairement aux forces de police et de gendarmerie de respecter ce qui est une spécificité française : plus aucune intervention ne doit avoir lieu à l’encontre des étrangers dans l’enceinte d’une préfecture, dans le périmètre d’action d’une association humanitaire, à l’hôpital ou alentour, …
… ni aux abords des écoles ! Voilà quelques années, une telle intervention avait défrayé la chronique ; aucun cas ne s’est reproduit depuis !
Très franchement, on peut, me semble-t-il, considérer que notre pays est exemplaire en la matière.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Veuillez conclure, monsieur le ministre, car vous avez dépassé votre temps de parole de dix minutes !
Pardonnez-moi, monsieur le président. Emporté par mon élan, j’ai oublié de regarder la pendule, mais je vais conclure.
Monsieur Marsin, j’ai apprécié, non pas votre abstention positive, mais ce que vous avez joliment qualifié d’abstention d’encouragement.
Même si le temps me manque, permettez-moi, monsieur le président, d’adresser des remerciements à Jean-René Lecerf.
Monsieur le rapporteur spécial, je vous rejoins sur le triptyque « fermeté, justice et humanité ». Oui, vous avez raison, il nous faut harmoniser les jurisprudences de l’OFPRA, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, et de la CNDA, la Cour nationale du droit d’asile.
Oui, vous avez encore raison de l’affirmer, car on ne le dit pas assez dans le débat politique français, les premières victimes de l’immigration clandestine sont les immigrés eux-mêmes. L’augmentation des discriminations à l’emploi, au logement, etc. – la liste peut-être longue ! – est en partie liée à l’immigration irrégulière.
Enfin, j’ai été très sensible, monsieur Dominati, au satisfecit que vous avez décerné à l’action du ministère que j’ai l’honneur de diriger.
Nos collègues européens le soulignent à Bruxelles ou à Strasbourg, la France est exemplaire en la matière !
À cet égard, je veux dire à M. Yung que cette politique ne lie pas simplement la France et certains pays européens, elle est la même dans tous les pays d’Europe. Pardonnez-moi d’insister, mais nous avons la même politique que les socialistes espagnols ou les travaillistes britanniques ; nous travaillons ensemble main dans la main. Au demeurant, les deux pays qui durcissent actuellement leur législation en matière d’immigration sont précisément l’Espagne et la Grande-Bretagne, et non pas la France !
Je vous remercie aussi, monsieur Dominati, de vos propos sur l’aide humanitaire.
Concernant la régularisation, vous avez entièrement raison, il nous faut d’abord respecter nos engagements internationaux, respecter l’article 40 de la loi du 20 novembre 2007 et procéder au cas par cas.
Pour conclure, je ferai allusion à la question personnelle que m’a posée M. Yung, me demandant si j’étais heureux. Monsieur le sénateur, le bonheur relève de la vie privée, et je ne disserterai pas sur ce sujet du haut de cette tribune. En revanche, je veux vous dire ma fierté de mener une mission éminemment républicaine sur laquelle, contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays, tous les républicains ne se retrouvent pas, ce que je déplore, alors même qu’il n’existe pas d’autre politique alternative déclarée.
Allez sur le site de mon ministère, monsieur le sénateur, et lisez ma lettre de mission ! Elle est belle, humaniste et éminemment républicaine ! Pour ce qui me concerne, je me contente de la respecter et de la mettre en œuvre avec beaucoup de détermination.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
… mais, pour des raisons que tout le monde comprendra, il ne m’appartenait pas de vous interrompre, monsieur le ministre…
Je vous renouvelle toutes mes excuses, monsieur le président !
Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », figurant à l’état B.
en euros
Immigration, asile et intégration
Immigration et asile
Intégration et accès à la nationalité française
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
Ces crédits sont adoptés.
Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Je vous propose, mes chers collègues, de passer immédiatement à l’examen des crédits de la mission suivante, car nous avons déjà pris du retard. Nos collègues qui interviendront à une heure avancée de la nuit sur la mission « Médias » nous sauront gré de ne pas avoir gaspillé de temps.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Économie » (et articles 53, 54 et 54 bis) et du compte spécial « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien ».
La parole est à M. André Ferrand, rapporteur spécial.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette mission, récente, s’inscrira, cette année, sous le signe de la continuité.
En effet, la mission « Économie » créée par la loi de finances pour 2009, issue de la fusion de deux anciennes missions « Développement et régulation économiques » et « Pilotage de l’économie française », est reconduite sans changement en 2010.
Mon excellent collègue François Rebsamen et moi-même rapportons cette mission suivant la même répartition des tâches qu’en 2009. Aucun changement notable non plus n’est à noter sur le plan budgétaire, car les crédits proposés pour la mission s’élèvent à 1, 94 milliard d’euros, soit une évolution annuelle entre 2009 et 2010 de 0, 14 % seulement à périmètre constant.
J’évoquerai, pour ma part, les deux programmes dont j’ai la charge, le programme 134 « Développement des entreprises et de l’emploi » et le programme 223 « Tourisme », ainsi que le compte d’affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien ».
La maquette budgétaire du programme « Développement des entreprises et de l’emploi » n’a pas été modifiée et, derrière un intitulé toujours ambitieux, ce programme ne regroupe au total que 1 115 millions de crédits de paiement pour 2010. Non pas que ce montant soit dérisoire, mais, en comparaison, les 74 dépenses fiscales rattachées au programme, qui constituent l’axe majeur de la politique du programme, représentent, quant à elles, 7, 8 milliards d’euros ; j’y reviendrai ultérieurement.
S’agissant du volet budgétaire, ce programme peut être qualifié de « multidirectionnel ». Il regroupe, en effet, un ensemble très divers de politiques publiques mises en œuvre par différents services de l’État : la nouvelle direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services, la DGCIS, qui regroupe depuis janvier 2009 la direction du commerce, de l’artisanat, des services et des professions libérales, la direction du tourisme et la direction générale des entreprises ; les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les DIRECCTE, qui déclineront au niveau régional les services de la DGCIS, de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, et de la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, la DGEFP.
Il faut noter que ce programme accueille les moyens de la DGEFP, dont le champ d’activité relève entièrement de la mission « Travail et emploi » rapportée par notre collègue Serge Dassault.
L’exercice 2010 sera marqué par l’achèvement de la dévolution de l’activité de service aux entreprises sur les marchés extérieurs à UBIFRANCE, pour laquelle une subvention de 91 millions d’euros est prévue.
Au total, le programme est composé de 12 actions aux finalités très diverses, allant du soutien au PME au développement des télécommunications, en passant par l’action en faveur des entreprises industrielles, les relations économiques avec l’extérieur ou encore la régulation des marchés et de la concurrence. Il couvre ainsi l’ensemble du champ de compétences des ministres et secrétaires d’État du ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.
De ce fait, l’étendue et la diversité de tous ces dispositifs nous conduisent à nous montrer très modestes quant à notre capacité à exprimer un jugement approfondi sur leur efficacité et sur les résultats obtenus.
J’en reviens au chapitre des dépenses fiscales.
J’avais déjà regretté en 2009 que le rattachement des quelque 74 mesures du programme « Développement des entreprises et de l’emploi » – autant de niches fiscales – ait été le résultat d’une accumulation regrettable, au fil des années, de mesures supposées incitatives, dont la lecture est de plus en plus difficile pour les entreprises, appelant à un toilettage simplificateur.
Or, force est de constater que le millefeuille fiscal s’étoffe encore pour 2010 d’une nouvelle niche fiscale, et non des moindres, puisqu’il agit de l’abaissement de 19, 6 % à 5, 5 % de la TVA dans le secteur de la restauration.
Je ne relancerai pas aujourd’hui le débat sur les résultats de ce sacrifice fiscal accompli par la Nation... Le sujet a été, nous le savons, très récemment évoqué et traité dans cet hémicycle, en votre présence, monsieur le secrétaire d'État.
Le programme 223 « Tourisme » est beaucoup plus modeste, puisqu’il ne regroupe que 58 millions d’euros en autorisations d’engagement et 56, 7 millions d’euros en crédits de paiement, soit seulement 2, 9 % des crédits de la mission.
Les crédits de ce programme sont principalement axés autour de deux chantiers : d'une part, la création d’Atout France – par parenthèse, je me suis interrogé sur la pertinence d’une telle appellation, qui devra être prononcée dans diverses langues, pour un organisme à vocation internationale… –, issue de la fusion de Maison de la France avec ODIT France, qui recevra 34, 7 millions d’euros pour 2010 ; d'autre part, la construction du pavillon de la France pour l’exposition universelle de Shanghai 2010, qui mobilisera 7 millions d’euros de crédits. Le coût prévisionnel de ce projet, emblématique pour l’image de la France, s’élève, nous le savons, à quelque 50 millions d’euros.
Or, en particulier du fait de la crise, le cofinancement public-privé à 50-50 qui était envisagé se trouve largement remis en cause, les entreprises n’ayant apporté à ce jour que 5 millions d’euros... Sans faire preuve d’un excès de pessimisme, il est à craindre que l’effort de l’État ne doive être largement plus important. C’est un sujet qu’il nous faudra suivre avec attention en 2010.
S’agissant des dépenses fiscales – en l’occurrence, les taux réduits de TVA pour les séjours en hôtel ou en camping –, il faut noter que, avec 1, 86 milliard d’euros, elles représentent trente fois les crédits budgétaires et sont de très loin le premier levier d’action de l’État en matière de politique touristique.
Là encore, une évaluation de l’efficacité de ces dispositifs s’impose, en particulier dans le domaine de l’hôtellerie et des résidences de tourisme, ainsi que l’ont demandé le rapporteur général de la commission des finances et les membres de la commission de l’économie.
L’importance de l’industrie touristique pour notre pays n’est pas à démontrer. Représentant en moyenne annuelle quelque 900 000 emplois, elle apportait en 2007 à notre balance des paiements un solde excédentaire de 12, 8 milliards d’euros.
Toutefois, si nous nous enorgueillissons de demeurer la première destination touristique au monde, nous savons qu’un sérieux effort reste à accomplir en ce qui concerne la dépense moyenne par touriste étranger sur notre sol. C’est pourquoi il nous faut souhaiter le rétablissement d’un indicateur de performance qui permettrait de mesurer l’évolution du niveau de ces dépenses, car il s’agit bien là d’un objectif prioritaire.
Après l’étude de ces deux programmes, j’en viens à la présentation du compte d’affectation spéciale, le CAS, « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien ».
Il s’agit également d’une création de la loi de finances pour 2009, et il est destiné à optimiser la gestion des bandes hertziennes et à procurer à l’État des recettes nouvelles issues de la vente de fréquences libérées aux différents professionnels de l’audiovisuel, des télécommunications et de la radio.
Si, en 2009, aucune fréquence civile ne devait être concernée, il avait été envisagé que le ministère de la défense libère des bandes hertziennes dans le cadre de la rationalisation de l’équipement futur du fantassin sur le « champ de bataille numérisé », grâce à la tenue de combat « Félin », et du système « Rubis » de communication de la gendarmerie. Les recettes correspondant au montant total attendu de ces cessions avaient été estimées à 600 millions d’euros.
Néanmoins, il faut rappeler que le CAS est demeuré inopérant en 2009, car aucune des procédures de mise sur le marché annoncées n’a encore abouti, en raison de délais de consultation plus longs que ceux qui avaient été initialement prévus.
Les opérations de cessions de fréquences ont donc été reconduites à l’identique pour 2010. Nous avions considéré que l’estimation de recettes de 600 millions d’euros pour 2009 était très approximative ; cette observation demeure évidemment valable pour 2010.
En effet, viendrait s’ajouter au produit des ventes potentielles des fréquences issues de « Félin » et de « Rubis » la cession future de tout ou partie des systèmes de communication militaire par satellite « Syracuse », dont la durée de vie est estimée à environ dix ans.
L’article 29 du projet de loi de finances pour 2010, qui relève de la première partie de ce texte, prévoit d’autoriser la cession de l’usufruit de tout ou partie des systèmes de communication militaires par satellite et, ainsi, d’élargir le périmètre du compte d’affectation spéciale, afin que celui-ci puisse accueillir ce nouveau type de recettes.
Pour le réseau satellitaire « Syracuse », le modèle économique est le suivant : la gestion du système serait confiée à un opérateur moyennant une soulte payée à l’État, dont le montant, de l’ordre de 400 millions d’euros, reste à préciser. L’État verserait ensuite une redevance annuelle, qui pourrait être comprise entre 40 millions d'euros et 70 millions d’euros, pour l’utilisation des services de l’opérateur, à charge pour ce dernier de commercialiser les capacités non utilisées, qui sont évaluées à 10 %, afin d’assurer la rentabilité économique de l’opération.
Mes chers collègues, la commission des finances ne voit aucune raison de s’opposer par principe à cette cession de l’usufruit de tout ou partie du système satellitaire de communications militaires à un opérateur, mais elle constate que le modèle économique sur lequel se fonde l’opération demeure une hypothèse qui reste à valider par l’expérimentation.
C'est pourquoi, dans la mesure où le ministère de la défense est susceptible aujourd'hui de libérer des fréquences, aucun crédit n’a été inscrit pour le désendettement de l’État en 2010, car, pour obtenir un tel résultat, il serait nécessaire que des ministères « civils » identifient et cèdent des bandes de fréquences hertziennes.
Mes chers collègues, au bénéfice de ces observations, je vous propose d’adopter les crédits du compte d’affectation spéciale, tout en souhaitant que, à l’avenir, un effort soit fourni pour libérer des fréquences civiles afin de participer au désendettement de l’État.
M. André Ferrand, rapporteur spécial. Avant de passer avec plaisir la parole à mon collègue François Rebsamen, je vous propose donc d’adopter les crédits des programmes 134 et 223.
Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je remercie André Ferrand, avec lequel je travaille sur ce sujet depuis un an désormais, des propos qu’il a tenus.
Il me revient de vous présenter les deux programmes dont j’ai la charge, à savoir le programme 220 « Statistiques et études économiques », qui est en quelque sorte le support de l’action de l’INSEE, l’Institut national de la statistique et des études économiques, et le programme 305 « Stratégie économique et fiscale », qui regroupe les moyens de la direction générale du Trésor et de la politique économique ainsi que de la direction de la législation fiscale.
J’évoquerai en premier lieu le programme « Statistiques et études économiques », en précisant d’emblée que l’année 2010 est charnière pour le développement des activités de l’INSEE, comme vous le savez, monsieur le secrétaire d'État. En effet, elle marque la clôture du premier contrat pluriannuel de performance 2007-2009, qui prévoyait, en trois ans, une baisse des effectifs de 5, 4 %.
De fait, l’objectif est atteint, et même dépassé – c‘est presque du zèle ! –, puisque, depuis 2008, la diminution des effectifs s’élève à 5, 75 %. Nous en sommes aujourd'hui à 5 487 équivalents temps plein, contre 5 822 en 2008.
En outre, l’INSEE a mis en œuvre ou se prépare à engager de nombreuses réformes, dont certaines me semblent essentielles : premièrement, la rationalisation des périmètres et de la coordination des services statistiques ministériels, en particulier grâce à la fusion entre le service statistique du ministère de l’industrie et l’INSEE ; deuxièmement, la création, par la loi de modernisation de l’économie, d’une autorité chargée de garantir l’indépendance du système statistique, qui a été installée au mois de juin dernier ; troisièmement, le développement de la mutualisation des fonctions support des directions régionales de l’INSEE ; quatrièmement, l’augmentation du tarif des études de l’Institut, qui devra le plus possible refléter le coût réel de celles-ci.
Enfin, et surtout, il est prévu de délocaliser à Metz, dès 2010, une partie de l’INSEE. Certes, l’effet budgétaire de cette mesure pour l’année prochaine demeure limité, puisque, dans un premier temps, seules quinze personnes devraient s’installer en Moselle. Toutefois, le problème des locaux et des modalités d’affectation du personnel, sur la base du volontariat, se pose d’ores et déjà de façon aiguë, compte tenu de l’inadaptation des bâtiments militaires proposés dans un premier temps pour héberger l’INSEE et de l’installation prévue de deux cents personnes dès 2011.
Dans ce contexte de réformes liées à la RGPP, la révision générale des politiques publiques, de réduction des effectifs, de délocalisation et de reconfiguration profonde de nombreux outils – mise en place de la nouvelle « enquête emploi » et de la méthode de recensement de la population en continu, optimisation et dématérialisation des modes de collecte des informations en provenance des entreprises –, le budget de l’INSEE est étale. Il connaît une « croissance zéro » et même recule si l’on prend en compte l’inflation, car il s’élèvera en 2010, comme en 2009, à 418 millions d’euros.
Au sein de ce budget, la masse salariale représente 361 millions d’euros, soit un taux de 86 % caractéristique des institutions à forte part de « matière grise », me semble-t-il. Cependant, le fonctionnement de l’INSEE, sur lequel je reviendrai, risque de se retrouver compromis par la délocalisation hâtivement décidée de l’établissement.
À cet égard, je soulignerai tout particulièrement l’étendue des missions de l’INSEE : celles-ci dépassent largement le cadre d’un organisme statistique, dans la mesure où l’Institut gère aussi les grands fichiers de l’État, par exemple le répertoire SIRENE, et qu’il produit, notamment pour les collectivités locales, de nombreuses études.
Ces sujétions de service public ne doivent pas être sous-estimées : ainsi, pour la constitution du fichier électoral, les communes auront transmis à l’INSEE 1, 2 million de documents pour traitement.
C’est pourquoi, mes chers collègues, tout en soutenant le projet de modernisation et de délocalisation de l’INSEE, je souhaite vous faire part de quelques observations.
Tout d'abord, la question des effectifs constitue un volet majeur de la réorganisation de l’Institut, dans le cadre de la négociation des conditions de délocalisation, pour laquelle les engagements statutaires présentés par le directeur général, M. Jean-Philippe Cotis, constituent une réponse adaptée.
Il n’y aura pas de départ contraint, et le Gouvernement ambitionne – c’est du moins ce qu’il affirme, et il tiendra sans doute ses promesses, du moins je l’espère – de donner à l’INSEE les moyens de susciter des départs volontaires. Nous souhaitons que le plan d’accompagnement soit véritablement ambitieux, mais nous savons que les délocalisations antérieures ont souvent révélé leurs limites.
Je le rappelle, le rapport remis en décembre 2008 par MM. Duport et Cotis soulignait : « Comme en témoignent les expériences récentes en matière de délocalisation, en France et à l’étranger, environ 10 % seulement des effectifs concernés tendent en moyenne à “suivre le mouvement”. »
La question des effectifs constitue également un volet majeur de la réorganisation de l’Institut au regard du redéploiement stratégique des équipes de l’INSEE vers une montée en gamme des études, pour passer de la statistique descriptive à l’évaluation et à l’aide à la décision des politiques publiques nationales et régionales.
Il faut veiller à ce que le regroupement en Moselle ne porte pas un coup à une certaine conception de l’expertise. En effet, le rapport de MM. Duport et Cotis relevait que, à travers la proximité physique entre économistes, statisticiens et fonctionnaires généralistes – ce point est important –, l’administration française s’était efforcée de promouvoir une « culture économique au quotidien ». La délocalisation de ses services statistiques ne doit donc pas compromettre durablement la montée en gamme de l’expertise économique au sein de l’administration française.
Par ailleurs, la recherche d’une meilleure tarification des services rendus par l’INSEE bute sur deux limites. La première concerne les recettes des publications de l’Institut : les fonds de concours sont évalués à 17 millions d’euros pour 2010 et leur rendement risque de s’inscrire dans un mouvement de baisse tendancielle, à mesure que se développe l’usage de l’Internet, donc l’accès gratuit au fonds documentaire statistique.
À titre d’illustration, je vous signale que le nombre de téléchargements de documents constatés en 2008 sur le site www.insee.fr s’est élevé à 13, 8 millions, pour plus de 20 millions de visites. Avec de telles données, on mesure mieux la difficulté.
Par ailleurs, la facturation des études fournies aux collectivités locales pose le problème de la détermination du coût du service et de sa prise en charge, mais il faudra conserver l’esprit de partenariat nécessaire entre l’INSEE et les collectivités. À cet égard, comme je l’ai indiqué au directeur général de l’INSEE, il me semble utile de présenter une recommandation allant dans le sens d’une meilleure appréhension des coûts, telle que l’affichage du coût estimé et de la charge de travail occasionnée en homme/jour, ainsi que le fait la direction générale du Trésor et de la politique économique.
Je formulerai en guise de conclusion une interrogation à titre personnel. Le 17 novembre dernier, l’INSEE a annoncé qu’elle allait prendre en compte les recommandations du rapport Stiglitz. Tout en reconnaissant que la mesure du bien-être de la population, telle qu’elle figure dans le rapport, serait « extrêmement coûteuse », Jean-Philippe Cotis a indiqué qu’elle serait mise en œuvre. Compte tenu des éléments que j’ai présentés à l’instant sur le budget de l’INSEE – un budget en croissance zéro et une baisse des effectifs pouvant aller au-delà de ce qu’avait fixé le contrat pluriannuel de performance 2007-2009 –, il y a lieu de se poser la question de savoir si l’INSEE sera capable de mener à bien cette petite révolution et aura la marge de manœuvre nécessaire pour le faire.
Je vous rappelle que le rapport du prix Nobel d’économie ne propose rien moins que de changer la mesure de la croissance économique, en utilisant des indicateurs de bien-être qui prennent en compte les activités non-marchandes, comme les travaux domestiques, les loisirs ou, à l’inverse, les inégalités.
L’INSEE annonce donc qu’il publiera en 2010 des enquêtes « en phase avec l’approche du rapport Stiglitz » sur les très hauts revenus, l’évolution du mal-logement et du capital humain. C’est une bonne initiative, mais il faut s’assurer que cela soit compatible avec les contraintes qui lui sont imposées.
Je ne peux rester insensible à certaines remarques. Ainsi, selon le Comité de défense de la statistique publique, la statistique publique « risque [...] fort de se trouver confrontée à une équation insoluble : demande croissante, moyens en baisse, désorganisation » du fait du transfert.
J’en viens au programme 305 « Stratégie économique et fiscale ». Structuré en trois actions, il concourt à la conception et à la mise en œuvre par l’exécutif de la politique économique et financière de la France dans le cadre national, européen et international ainsi que dans l’élaboration de la législation fiscale.
Pourtant, les crédits de ce programme sont en baisse. D’un montant de 348 millions d’euros pour 2010, ils sont consacrés au soutien de la direction générale du Trésor et de la politique économique, la DGTPE, et de la direction de la législation fiscale, la DLF, à la rémunération des prestations réalisées par la Banque de France pour le compte de l’État pour 145 millions d’euros et au réseau international de la DGTPE de services économiques. Ils accusent une baisse de 2, 6 % par rapport à 2009, alors qu’ils avaient déjà diminué de 3, 7 % cette année-là.
Par ailleurs, nous constatons une stagnation des dépenses fiscales. Comme en 2009, le programme comprend 18 millions d’euros de dépenses fiscales, pour remplir des objectifs divers tels que favoriser les prêts familiaux, aider les personnes divorcées, favoriser le secteur de l’assurance-retraite et de la prévoyance ainsi que les dons aux organismes d’intérêt général.
Les raisons du rattachement de ces dépenses fiscales au programme 305 sont d’ordre fonctionnel et ne correspondent pas à un objectif particulier du programme. Aussi me semblerait-il plus opportun d’étudier des rattachements à des missions budgétaires plus proches de ces objectifs. Je rappelle que l’objectif du programme 305 est d’éclairer les choix de l’exécutif.
En tant que rapporteur spécial, je vous invite, mes chers collègues, à adopter les crédits des programmes 220 et 305.
Applaudissements
M. Gérard Cornu, en remplacement de M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avisde la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de vous présenter les excuses de Pierre Hérisson, qui ne peut être présent aujourd’hui, mais qui souhaitait profiter de l’examen de la mission « Économie » pour évoquer deux questions relatives à La Poste et aux communications électroniques. Cela n’a rien d’étonnant, puisqu’il est le spécialiste incontournable de ce dossier.
Sourires
Au cours des débats qui ont eu lieu devant la Haute Assemblée sur le projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales, deux questions ont été évoquées à plusieurs reprises qu’il lui a paru utile d’analyser plus en profondeur : l’aide au transport postal de la presse, les zones blanches en matière de téléphonie mobile.
Faut-il le rappeler, le service public du transport et de la distribution de la presse constitue l’une des quatre missions de service public exercées par La Poste.
Cette mission de service public est aujourd’hui encadrée par l’accord Schwartz, signé le 23 juillet 2008 par l’État, La Poste et les syndicats d’éditeurs de presse. Cet accord applicable sur la période 2009-2015 a fixé notamment deux objectifs. D’une part, pour l’exercice de cette mission, l’État s’est engagé à verser une subvention à La Poste de 242 millions d’euros jusqu’en 2011 ; cette aide décroîtra ensuite pour atteindre 180 millions d’euros en 2015. D’autre part, les tarifs pesant sur les éditeurs de presse devraient augmenter progressivement.
Du fait de la crise, le Président de la République a annoncé en 2009 un moratoire sur la hausse des tarifs postaux prévue par cet accord. La situation de la presse ne s’est guère améliorée et les éditeurs ont demandé la prorogation de ce délai pour 2010.
Comme Pierre Hérisson l’avait indiqué lors de nos débats, ce moratoire met en jeu l’égal accès à l’information sur le territoire : il estime donc que les négociations tripartites entre l’État, La Poste et les syndicats d’éditeurs doivent non seulement aboutir à sa prorogation mais également évoquer dès aujourd’hui les perspectives de l’après-2015.
J’en viens aux zones blanches en matière de téléphonie mobile. Chacun admet qu’elles constituent une question majeure en matière d’aménagement du territoire.
L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, a transmis au mois d’août dernier au Parlement un bilan de la couverture 2G du territoire national : les zones blanches concernent 0, 18 % de la population, soit environ 100 000 habitants, et 2, 25 % du territoire. Pierre Hérisson souligne que seul le taux de couverture en surface est une donnée pertinente.
Le Gouvernement a lancé en 2003 un plan national de couverture des zones blanches, associant l’État, les collectivités territoriales, l’ARCEP et les trois opérateurs de téléphonie mobile. Les résultats de ce plan sont positifs. Un investissement de 600 millions d’euros a été réalisé et, au 31 juillet dernier, la couverture en téléphonie mobile des communes concernées a été réalisée à 97 %.
Les autorisations des opérateurs leur imposent par ailleurs de couvrir les axes de transport prioritaires. Cette obligation a été précisée par un accord signé en 2007, qui porte sur 57 127 kilomètres d’axes routiers prioritaires. Au 1er janvier 2009, 98, 8 % des axes routiers prioritaires ont ainsi été couverts par les trois opérateurs.
S’il se réjouit des progrès réalisés en termes de couverture du territoire, Pierre Hérisson estime que les efforts doivent aujourd’hui porter sur les zones grises, c’est-à-dire les zones qui sont couvertes par seulement un ou deux des trois opérateurs mobiles. Ces zones représentent 2 % de la population et environ 12 % du territoire. Il reste donc à faire.
La couverture 3G constitue également un nouvel enjeu, la couverture par les réseaux de deux des trois opérateurs étant aujourd’hui très en deçà des engagements.
En conclusion, en ma qualité de vice-président de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, je vous fais part, mes chers collègues, de l’avis favorable qu’a émis la commission sur l’adoption des crédits de la mission « Économie ».
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue, pour présenter votre propre rapport.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur la présentation des crédits de la mission « Économie ». Je souhaite en revanche mettre l’accent sur un aspect important de l’action menée dans le cadre de cette mission, à savoir la politique de soutien aux PME. Cette question mérite en effet toute notre attention pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, vous le savez bien, les PME représentent une part importante de la richesse et de l’emploi dans notre pays. C’est leur dynamisme qui conditionne dans une large mesure l’accélération de la croissance, le recul du chômage et le rétablissement de notre compétitivité.
Ensuite, la crise a soumis les PME à rude épreuve et elles vont continuer à faire face à un contexte économique difficile dans les mois à venir.
Enfin, des mesures fortes ont été prises par les pouvoirs publics pour soutenir ces entreprises, sur le plan tant conjoncturel que structurel.
Je constate d’abord, pour m’en réjouir, que la politique de simplification administrative de la vie des entreprises se poursuit activement.
Le régime fiscal et social simplifié de l’auto-entreprise, prévu par la loi de modernisation de l’économie, est entré en vigueur au mois de janvier 2009. Cela s’est traduit par une très forte hausse du nombre de créations d’entreprises. Le nombre de 500 000 devrait être atteint en 2009, contre 327 000 en 2008, qui était déjà une année record. C’est bien le signe que les valeurs entrepreneuriales sont fortes en France et qu’elles ont besoin, pour s’exprimer plus complètement, d’un cadre légal simple et rassurant.
M. Hervé Novelli est en quelque sorte le père de l’auto-entreprise, que l’on peut considérer comme son bébé. Il a dû lutter contre les réticences que certains nourrissaient à l’égard de cette forme entrepreneuriale. En homme de terrain cultivant la proximité – je le connais car nous sommes issus de la même région –, il a su faire preuve de pragmatisme et être à l’écoute des chefs d’entreprise avec lesquels il a développé de nombreux contacts. Il a répondu à leurs souhaits en proposant cette loi sur l’auto-entreprise, qui est aujourd'hui un succès considérable, ce dont je tiens à le féliciter.
Je demande aux sceptiques de ne pas se méfier des auto-entreprises. Au contraire, il faut les accompagner dans leur développement, par le conseil et la formation. Les chambres consulaires ont dans ce domaine un rôle important à jouer. Ne soyons pas frileux : soyons aux côtés des auto-entrepreneurs !
Je me réjouis également de constater que le ministère de l’économie poursuit sa réorganisation afin de faciliter les relations entre les entreprises et l’administration, grâce à une politique d’interlocuteur unique. Les services centraux concernés ont ainsi fusionné au sein de la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services, la DGCIS, et plusieurs services déconcentrés sont en cours de fusion au sein des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les DIRECCTE. De même, à l’international, la politique de guichet unique se poursuit avec la dévolution à UBIFRANCE des moyens jusqu’à présent attribués aux missions économiques.
J’insisterai également sur un autre axe fondamental de la politique de soutien aux PME, celui de leur financement.
Pour faire face à la crise, l’État a accéléré le remboursement d’une partie de ses dettes fiscales aux entreprises, ce qui a constitué une bouffée d’oxygène pour beaucoup de PME.
Les capacités d’intervention d’OSEO ont par ailleurs été fortement augmentées pour lui permettre d’accompagner les PME, aussi bien par des garanties accordées sur leurs emprunts que par des cofinancements.
Les dispositifs CAP, CAP plus et CAP export ont été créés pour soutenir le crédit interentreprises. Ils seront reconduits en 2010. C’est une excellente chose : ces dispositifs sont à la fois efficaces et peu coûteux pour soutenir la confiance dans les relations commerciales.
Enfin, la médiation du crédit, elle aussi prorogée, a permis de traiter plus de 14 000 dossiers d’accès au crédit en permettant de débloquer la situation dans deux cas sur trois.
Au-delà de l’action conjoncturelle, les conditions structurelles du financement des PME, notamment dans le domaine du renforcement des fonds propres, ont été améliorées.
Je note en particulier la montée en puissance du fonds stratégique d’investissement, qui est un outil original et puissant au service d’une politique industrielle rénovée, à la fois offensive, puisqu’elle soutient le développement des PME à fort potentiel, mais aussi défensive, puisqu’elle permet de sécuriser le capital d’entreprises détentrices de compétences stratégiques.
J’avais encore beaucoup à dire, mais je conclus, puisque le temps qui m’était imparti est pratiquement terminé et qu’il nous faut respecter notre planning !
Sourires
La France dispose désormais d’une large gamme d’outils pour lever ce qui, de l’avis général, constitue le principal goulet d’étranglement à la croissance des PME françaises, à savoir les difficultés d’accès aux financements.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Merci, monsieur le rapporteur pour avis, de votre souci du respect du temps de parole.
La parole est à Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite axer mon intervention sur le programme « Statistiques et études économiques », qui correspond pour l’essentiel au budget de l’INSEE, l’Institut national de la statistique et des études économiques. Même s’il y a des points positifs dans ce programme, je consacrerai davantage de temps aux sujets de préoccupation.
Parmi les points positifs, je mentionnerai la modernisation des outils statistiques. La mise en cause de la sincérité et de la pertinence de l’enquête « Emploi », qui avait marqué l’année 2007, a suscité une réaction salutaire.
Des améliorations méthodologiques ont été apportées à l’enquête, reposant principalement sur un élargissement de l’échantillon. Cet indicateur essentiel est redevenu, sinon incontestable, du moins raisonnablement fiable !
Pour les prochaines années, un axe d’évolution des indicateurs statistiques a été tracé par la commission pour la mesure des performances économiques et du progrès social, qui a remis son rapport le 14 septembre dernier.
Le « rapport Stiglitz », du nom du président de cette commission, que mon collègue a déjà citée, affirme qu’il est temps pour notre système statistique de mettre davantage l’accent sur la mesure du bien-être de la population que sur celle de la production économique. Il ajoute que ces mesures du bien-être doivent de surcroît s’inscrire dans une perspective de soutenabilité.
Les suites de ce rapport sont un défi stimulant pour l’INSEE, qui ne peut toutefois s’engager dans cette voie qu’en partenariat avec l’OCDE, Eurostat et l’ONU.
Je veux également saluer la mise en place de l’Autorité de la statistique publique, créée par la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie. Ses neufs membres ont été nommés au mois de mai dernier. Son président est M. Paul Champsaur, et le délégué désigné par le président du Sénat est notre ancien collègue Yves Fréville.
Il est encore trop tôt pour apprécier l’action de cette Autorité, qui travaille actuellement à définir son programme, mais sa création est de nature à garantir l’indépendance de l’INSEE.
Parmi les sujets de préoccupation, je mentionnerai d’abord le fait que l’INSEE connaît une fin d’année difficile, en raison de la régulation budgétaire. Sa dotation initiale pour 2009 s’élevait à 418, 7 millions d’euros en crédits de paiement. Plusieurs mouvements de crédits sont venus réduire cette dotation de plus de 15 millions d’euros, tandis que les fonds de concours rentrent difficilement dans les caisses.
Or, le budget pour 2010 s’annonce à son tour insuffisant. Il est présenté en très légère baisse de 0, 05 %, pour s’établir à 418, 5 millions d’euros en crédits de paiement.
L’évolution des emplois demeure orientée à la baisse comme les années précédentes, avec la suppression nette de 203 emplois, qui ramène le total à 5 487 emplois équivalents temps plein.
Mais le point le plus préoccupant, à mes yeux, est encore le projet de délocalisation d’une partie des services de l’INSEE à Metz. Décidée au plus haut niveau de l’État, cette délocalisation administrative concernera les statistiques sociales et locales, les produits de diffusion, une partie des ressources humaines et la production informatique.
Au total, 625 emplois seront ainsi délocalisés d’ici à 2013. Il ne devrait pas y avoir de départ contraint, puisque tout mouvement se fera, en principe, sur la base du volontariat.
Or, ce genre de délocalisation entraîne des coûts élevés, qu’il s’agisse des coûts de recrutement et de formation des nouveaux personnels, ou du coût qualitatif que représente la perte du savoir-faire des personnels d’origine.
Par ailleurs, les gains à attendre d’une telle opération pour le réseau statistique régional sont peu probants. En effet, 70 % des effectifs du service statistique public sont d’ores et déjà localisés en dehors de la région d’Île-de-France, ainsi qu’environ la moitié des personnels d’encadrement.
On va donc prélever aussi sur les directions régionales de l’INSEE pour constituer le centre statistique de Metz. Paradoxalement, le regroupement dans cette ville des personnels chargés des statistiques sociales et locales aura pour effet de les rendre moins proches du terrain qu’ils ne le sont actuellement en étant implantés dans les régions.
L’indépendance nécessaire du service public de la statistique ne peut pas reposer uniquement sur la conscience professionnelle des agents de l’INSEE ni sur l’action de l’Autorité de la statistique publique, dont l’efficacité reste encore à démontrer. Concrètement, l’indépendance de l’INSEE dépend aussi des moyens que le Gouvernement veut bien lui accorder.
Or, les effets de la stagnation des crédits et de la diminution des emplois seront aggravés pas une délocalisation administrative hâtivement décidée.
C’est pourquoi je voterai, pour ma part, contre l’adoption des crédits de la mission « Économie », la majorité de la commission ayant, quant à elle, émis un avis favorable.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle qu’en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de trente-cinq minutes pour intervenir.
La parole est à M. Daniel Marsin.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission « Économie » recouvre les moyens d’intervention et de soutien aux entreprises, au développement de leur activité, et à la conduite de l’action économique du ministère de l’économie.
Il est donc inutile de préciser l’importance de cette mission pour le soutien à l’emploi alors que le chômage continue de progresser.
Avec des crédits s’établissant à 1, 9 milliard d’euros en 2010, l’État apportera un soutien réel à l’activité économique, puisque 67 millions d’euros seront consacrés aux actions collectives en faveur des PME, mais également à l’activité touristique.
Le tourisme est une activité indispensable au développement économique de nombreux territoires insulaires ; je pense bien sûr à la Guadeloupe, à l’ensemble des territoires d’outre-mer, mais aussi à la Corse, si chère à mes collègues MM. François Vendasi et Nicolas Alfonsi, tous deux membres de mon groupe, le RDSE.
En cette période de crise profonde, l’examen de cette mission revêt un aspect bien particulier. Aux chiffres de la récession et du chômage viennent s’ajouter les nombreux impayés de crédits à la consommation, le « boom » des dossiers de surendettement et les trop nombreux crédits revolving.
Pourtant, certains signes récents tendraient à montrer que la France pourrait sortir de la récession : le PIB français a augmenté de 0, 3 % au deuxième trimestre, après avoir baissé de 1, 4 % au premier trimestre. Pour autant, la situation économique reste encore fragile, tant pour les entreprises que pour les ménages.
De ce point de vue, l’année 2009 a été difficile non seulement pour l’ensemble de la France mais aussi, plus particulièrement, pour mon île, la Guadeloupe. Celle-ci a été victime de la crise financière et économique mondiale mais également d’une crise sociale grave, comme vous le savez.
Madame la secrétaire d’État, désormais, il nous faut penser l’après-crise et accompagner la croissance de demain.
Au-delà des mesures urgentes qu’il faut prendre, ce sont des réformes structurelles qu’il convient de mener, notamment en soutenant une politique de développement systématique des petites et moyennes entreprises.
Les PME de l’industrie, du commerce et de l’artisanat sont le cœur de l’emploi et leur dynamisme doit être encouragé. Elles emploient près de 7 millions de salariés. Il s’agit donc – pourquoi ne pas le dire ? – d’un secteur stratégique que l’État doit veiller à soutenir de plus en plus fermement.
Concernant le programme relatif au développement des entreprises et de l’emploi, on constate que les 74 dépenses fiscales qui y sont rattachées représentent près de 8 milliards d’euros et constituent a priori un véritable levier d’intervention de la politique de développement des entreprises et de l’emploi.
Si je me réjouis des dispositions qui ont été prises, notamment dans le cadre de la loi pour le développement économique de l’outre-mer, on peut néanmoins s’interroger plus généralement sur l’efficacité, la pertinence et surtout l’impact de ces mesures sur les bénéficiaires.
Cette question, dont aucune évaluation précise n’a pu être réalisée à ce jour, nous renvoie évidemment au bien-fondé de la TVA à 5, 5 % sur la restauration, qui a fait l’objet de larges débats au Sénat la semaine dernière.
Ce projet de loi de finances pour 2010 est l’occasion de souligner une fois de plus l’importance de la lutte contre les délocalisations.
En effet, l’amélioration de l’emploi est subordonnée au développement et à la compétitivité des entreprises. Il est urgent de créer un environnement propice à ce développement, notamment en replaçant notre industrie au cœur de notre politique économique.
Sur les conseils de mon excellent collègue Jean-Pierre Chevènement, j’attirerai votre attention sur le secteur de l’automobile particulièrement touché par la crise depuis deux ans. Ce qui le menace le plus, c’est la perte de compétitivité du site de production national du fait de la surévaluation de l’euro, de l’atonie de la demande en Allemagne et en Italie, du processus continu de délocalisation au bénéfice des pays à bas coûts salariaux et surtout de l’absence totale de protection du marché européen.
Le sauvetage de notre industrie automobile est un enjeu de taille : 3 millions de personnes, employées directement et indirectement, sont concernées. Ce secteur représente 10 % de notre PIB, si l’on inclut les activités de commerce et de réparation.
Le temps presse : la construction automobile française rencontre de vraies difficultés sur son marché naturel, l’Europe occidentale ! Elle doit, par ailleurs, faire face à une concurrence croissante sur son terrain de prédilection, les gammes basses et moyennes.
La logique industrielle libre-échangiste, en l’absence de toute protection, conduit, et je pèse mes mots, à la disparition potentielle des sites de production français.
Dès lors, on peut regretter l’absence, au sein du projet de budget qui nous est proposé, de dispositions fiscales ou parafiscales anti-dumping social et environnemental pour tenter un tant soi peu d’égaliser les conditions de la concurrence avec les pays à bas coût salarial, exploitant parfois abusivement les salariés et refusant toute protection environnementale.
C’est pourquoi, déçue par le manque d’ambition des dispositions examinées aujourd’hui, la majorité des membres du groupe du RDSE ne votera pas les crédits de la mission « Économie ».
Pour ma part, compte tenu du contexte économique actuel, de la complexité de la situation et de la nécessité d’agir avec pragmatisme et détermination, mais aussi pour encourager le Gouvernement à aller encore plus loin dans ce domaine, je voterai ces crédits.
Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’année 2009 aurait pu, avec l’adoption de la loi de modernisation des services touristiques, être une année importante pour le tourisme. Mais il aurait fallu pour cela que le Gouvernement consente à y investir les moyens nécessaires plutôt que de faire de la baisse de la TVA sur la restauration et de l’ouverture dominicale l’axe de la politique touristique.
Pour 2010, le budget dévolu au tourisme est une fois de plus inconséquent : moins de 60 millions d’euros, soit une baisse sensible par rapport à l’an passé. Le phénomène est récurrent !
Au regard de l’importance de ce secteur dans notre économie et, puisqu’il s’agit d’un des rares postes de notre balance commerciale excédentaire, ce secteur mériterait de recevoir plus que 0, 02% du budget de l’État !
Le solde de la balance commerciale touristique a baissé de 30 % : c’est une alerte sérieuse !
Monsieur Ferrand, vous avez indiqué tout à l’heure que les dépenses fiscales représentaient trente fois le montant de ce budget. À cet égard, je ferai deux observations.
Premièrement, je ne comprends pas pourquoi le taux réduit de TVA au profit de la fourniture de logements dans les hôtels et l’hôtellerie de plein air, pour un montant de 1, 76 milliard d’euros, devrait être considéré comme un élément de compétitivité. Il s’agit d’une mesure communautaire, applicable dans l'ensemble des États membres, et non d’une mesure fiscale de nature à contribuer spécifiquement au développement de notre politique touristique.
Deuxièmement, on ne mène pas une politique de structuration d’un secteur avec des dépenses et des niches fiscales, dont l’efficacité est d’ailleurs très difficile à évaluer, exception faite de l’ANCV, l’Agence nationale pour les chèques-vacances, qui représente le cercle vertueux en la matière ; j’y reviendrai dans un instant.
Dans un contexte budgétaire tendu et alors que les consommateurs n’ont pas vu les résultats escomptés sur les prix pratiqués, la commission des finances du Sénat a souhaité rétablir la TVA à 19, 6 % dans la restauration. En l’absence de contrainte, je doute de l’efficacité d’un tel sermon. Lors des récents débats, les amendements du groupe socialiste visant à conditionner cette diminution fiscale à de réels engagements n’ont malheureusement pas été adoptés. C’est bien dommage, car nous n’en serions pas là aujourd'hui.
Le seul indicateur concluant de ces dépenses fiscales concerne l’exonération des cotisations sociales sur la part patronale des chèques-vacances. Ces derniers bénéficient à 7 millions de personnes, dont 2 millions, selon les estimations, ne partiraient pas sans cette aide. D’après la dernière enquête de l’ANCV, un foyer qui bénéficie de 312 euros de chèques-vacances en dépense 1 255. Cette mesure d’exonération, que j’ai longtemps appelée de mes vœux, aurait pu constituer un élément majeur du plan de relance, tant l’effet de levier est important en termes de consommation touristique.
Au regard du bleu budgétaire, force est de constater que la montée en charge du dispositif d’exonération est laborieuse, puisque le surcoût prévu pour 2010 s’élève à 10 millions d’euros. La conclusion provisoire que je peux en tirer est donc malheureusement négative : l’année prochaine, cette mesure n’aura qu’un effet marginal sur la relance. C’est vraiment dommage, car elle est la parfaite illustration des aspects positifs d’une politique de redistribution sociale en direction des classes moyennes et populaires : l’exonération fiscale consentie contribue à une meilleure justice sociale, bénéficie aux opérateurs touristiques en créant de l’activité et, par voie de conséquence, aux finances publiques par le biais tant de la TVA que de l’impôt sur les sociétés.
C’est exactement l’inverse du bouclier fiscal, qui ne sert qu’à gonfler l’épargne des plus riches, et de l’application de la TVA à taux réduit sans contrepartie à la restauration, qui ne profite qu’aux restaurateurs tout en lésant le budget de l’État de 3 milliards d’euros par an ; autrement dit, ce n’est rien d’autre qu’un hold-up fiscal.
La contraction budgétaire générale est d’autant plus douloureuse qu’elle s’accompagne de la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques. Si j’ai soutenu la création d’Atout France, dans la mesure où nous avions effectivement besoin d’un opérateur unique, la dissolution de la direction du tourisme et de ses services déconcentrés est préjudiciable à nos territoires. La RGPP se traduit déjà par un véritable gaspillage au sein du ministère, où plusieurs équipes travaillent sur les mêmes dossiers, et risque d’aboutir à la disparition des savoir-faire et à la dilution des responsabilités. Nos territoires n’auront plus d’interlocuteur dédié et expérimenté pour les accompagner dans leur projet de valorisation de leur patrimoine.
En effet, les emplois qui figuraient encore l’an passé sur le programme 223 « Tourisme » ont été transférés en 2009 vers le programme 134 « Développement des entreprises et de l’emploi ». Cela signifie clairement que le temps des fonctionnaires spécialisés et expérimentés en matière de tourisme, domaine économique où la dimension ingénierie et technique s’avère majeure, est désormais révolu.
Comment s’étonner, dès lors, que les collectivités locales créent les emplois que l’État supprime et s’organisent pour assumer les responsabilités que les services de ce dernier délaissent ?
Enfin, la très grande modestie des moyens d’Atout France, inférieurs à 43 millions d’euros, nuance sensiblement l’enthousiasme et l’ambition qui présidaient à sa création. À titre de comparaison, notons que son homologue espagnol bénéficie d’un budget de 225 millions d’euros.
Cette année, la France a conservé sa place de première destination touristique mondiale. Mais, au vu des budgets qui se succèdent, on peut se demander pour combien de temps encore, d’autant que, je le rappelle, la part du tourisme dans la balance commerciale chute, ce qui est préoccupant pour l'avenir. C’est la raison d’être des deux questions que je souhaite vous poser
Premièrement, en regard du véritable fiasco du contrat d’avenir prévu en contrepartie de la baisse de la TVA, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre ? M. Novelli étant connu, et reconnu, pour son pragmatisme, il devrait tout naturellement tirer les conséquences de ce dispositif qui ne convient pas !
Deuxièmement, quels moyens va-t-il mettre en œuvre pour promouvoir les chèques-vacances dans les entreprises de moins de 50 salariés ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Odette Terrade, rapporteur pour avis, applaudit également.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, malgré le renversement conjoncturel observé à la fin de l’année 2008, la France a réussi à garder sa place, tant bien que mal, de première destination touristique mondiale en nombre d’arrivées. Cependant, les recettes touristiques sont en baisse.
Il est bien sûr logique que l’activité touristique pâtisse elle aussi du ralentissement économique brutal subi depuis un an. Mais, dans ce secteur désormais mondialisé, cela fait quelque temps maintenant que des signes d’érosion de notre prééminence sont apparus.
Si la destination France reste la première pour le nombre de touristes étrangers accueillis – près de 80 millions en 2008 –, elle n’est désormais plus que la troisième en valeur, après les États-Unis et, depuis 2002, l’Espagne. Par ailleurs, notre pays est en neuvième position en ce qui concerne la dépense par touriste.
En dehors de tout contexte de crise économique, notre part de marché mondial recule régulièrement depuis huit ans, de l’ordre de 2 % au total, soit sensiblement plus que nos concurrents, alors même que les flux de voyageurs dans le monde ne cessent de se développer.
Soyons lucides et pragmatiques, notre place de premier pays touristique du monde est susceptible d’être menacée dans les années à venir.
C’est la raison pour laquelle, depuis le projet de loi de finances pour 2009, le tourisme est l’un des quatre programmes de la mission « Économie », dont l’objectif est de favoriser la mise en place d’un environnement propice à une croissance durable et équilibrée de l’économie française et de l’emploi.
Il est impératif de prendre les mesures nécessaires pour permettre à la France de conserver son rang, car les visiteurs étrangers passent toujours aussi peu de temps dans notre pays, moins de trois jours en moyenne.
En cette période de crise financière et économique, il est plus que jamais nécessaire d’agir en faveur de ce secteur. Le tourisme contribue en effet à plus de 6 % du PIB et représente près de 2 millions d’emplois directs et indirects, soit autant que le secteur automobile pris dans sa globalité. Ce secteur n’est malheureusement pas apprécié à sa juste valeur dans notre pays alors que sa contribution à la création de richesse nationale est au moins deux fois supérieure à celle de l’automobile et que sa participation à la balance des paiements dépasse celles de l’automobile, de l’agriculture et de l’agroalimentaire réunies.
Il est donc regrettable, madame la secrétaire d'État, que cela ne se traduise pas sur le plan budgétaire par une augmentation significative des crédits consacrés aux dépenses d’investissement, à l’origine, pourtant, de nouvelles recettes et de nouvelles richesses pour notre pays.
La nécessité de moderniser et de redynamiser ce secteur est donc apparue plus cruciale encore avec la crise économique, d’autant que le tourisme constitue un facteur d’attractivité et de notoriété pour les territoires, en facilitant la venue des entreprises et des actifs désireux de bénéficier d’une destination valorisante et structurée.
Le Gouvernement a assurément pris la mesure du problème en inscrivant, à l’ordre du jour des travaux du Parlement au printemps dernier, la discussion du projet de loi de développement et de modernisation des services touristiques, que nous avons définitivement adopté le 7 juillet dernier. Destiné à moderniser le secteur du tourisme, cette loi met en œuvre des réformes structurelles essentielles pour accélérer son développement.
De nombreux instruments ont été mis en place ou refondus en vue d’une politique publique du tourisme ambitieuse, adaptée tant aux besoins des différents partenaires qu’aux demandes des touristes eux-mêmes, le tout dans une perspective plus large de valorisation de nos territoires. L’ensemble de ces mesures et réformes datant de seulement cinq mois, il est difficile aujourd’hui d’en percevoir déjà les effets.
Le programme « Tourisme » du projet de loi de finances pour 2010 intervient donc en pleine période de transition. Il a pour objectif de favoriser un environnement propice à la réussite de ces réformes, en s’articulant autour de trois grandes priorités : le renforcement de la promotion de la France à l’étranger, la stimulation de la consommation touristique et l’amélioration de l’accès aux vacances pour tous.
Le tourisme représente l’un des atouts majeurs de notre pays, l’un des tout premiers secteurs économiques. La concurrence internationale de plus en plus vive et l’émergence de nouveaux pays touristiques vont peser très lourd.
La France possède tous les atouts pour gagner la bataille du tourisme, mais elle se doit d’avoir une stratégie de conquête. À cet égard, le développement des partenariats public-privé permettra d’accompagner les créateurs, de développer les infrastructures sportives et culturelles, notamment les résidences de tourisme, et d’aider la petite hôtellerie en zone rurale.
Madame la secrétaire d'État, mes collègues du groupe UMP et moi-même apportons notre soutien à l’action que mène le Gouvernement pour soutenir l’économie touristique de notre pays. En conséquence, nous voterons les crédits prévus pour 2010 au titre du programme « Tourisme » de la mission « Économie ».
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la France traverse une crise économique et sociale de grande ampleur. En débutant sa présentation du projet de loi de finances pour 2010, M. Woerth a tenu, ici même, ces propos : « Le Gouvernement a choisi d’être un acteur majeur de la reprise qui, nous l’espérons tous, se fera jour en 2010. » Voilà un vœu, sur lequel la prudence est de mise et largement justifiée au regard des actions gouvernementales !
La mission « Économie » est révélatrice de l’incapacité du Gouvernement à faire face à la désertification industrielle, aux suppressions d’emplois massives, à la précarité généralisée et à l’intensification de l’exploitation des salariés.
Il n’y a là rien d’étonnant : on ne bâtit pas une politique industrielle solide à coup de dépenses fiscales, on ne favorise pas l’emploi en multipliant les exonérations sociales ; et les aides accordées aux différents acteurs économiques sans contrepartie sociale ou sans contrôle effectif de l’État sur les actions des bénéficiaires montrent à quel point l’État se désengage de la conduite de la politique économique.
Les crédits inscrits au titre de la mission « Économie » s’élèvent à 1, 94 milliard d’euros, contre 5 milliards d’euros pour les cinq premières dépenses fiscales : le budget de l’État perd des crédits, sans aucun effet positif pour l’activité économique du pays.
L’an dernier, j’avais abordé la situation dramatique de l’industrie automobile et des équipementiers.
Les délocalisations, le chômage technique, les suppressions d’emplois massives, la précarité généralisée, l’intensification de l’exploitation des salariés avec le « lean management », les bas salaires, voilà le tableau que l’on peut encore cette année dresser de ce secteur.
Le pacte automobile, en vigueur depuis le 9 février dernier, s’est appuyé sur plusieurs mesures financières : mobilisation de garanties, à hauteur de un milliard d’euros via OSEO, pour les équipementiers et sous-traitants ; création à leur profit d’un fonds de modernisation ; attribution d’un prêt de 3 milliards d’euros à Renault et PSA ; aide aux filiales de crédit liées aux constructeurs. Cela n’a pourtant pas réussi à stopper l’hémorragie.
Ainsi, le 12 novembre dernier, le P-DG de PSA, Philippe Varin, annonçait-il son objectif d’augmenter la productivité de 20 % d’ici à 2012, avec, comme corollaire, la suppression de près de 10 % des effectifs en France, soit 6 000 postes.
De même, alors que Michelin conquiert de nouveaux marchés au Brésil, en Russie, en Inde et en Chine, le groupe a engagé une politique de réduction des effectifs sur notre territoire. Après avoir décidé, cet été, de fermer son usine de Noyelles-lès-Seclin et de spécialiser celles de Joué-lès-Tours et de Montceau-les-Mines, entraînant la disparition de 1 093 postes l’an prochain, il a annoncé un plan de départs dits « volontaires ».
Ce constat vaut pour une large partie des activités économiques. Le chômage ne cesse d’augmenter et les entreprises peinent toujours à accéder au crédit. Les impayés de cotisations des entreprises bondissent ; malgré l’action tant vantée d’OSEO, 46 000 salariés de PME ont subi la fermeture de leur entreprise dans les trois derniers mois ; depuis janvier dernier, 100 000 emplois industriels ont été supprimés.
Quant à la mesure inscrite dans la mission « Économie », qui consiste à appliquer une TVA à 5, 5 % au secteur de la restauration, c’est, encore une fois, une mesure sans contrainte qui est censée être répercutée au profit des consommateurs et créer 40 000 emplois supplémentaires dans les deux ans. En fait, 3 milliards d’euros pour des résultats nuls en termes d’emplois et insignifiants en termes de pouvoir d’achat, cela fait un peu cher ! Les sénateurs ont légèrement haussé le ton sur le sujet, comme le Gouvernement a pu le faire avec les banquiers. On connaît le résultat ...
Dans un rapport d’octobre de la Cour des comptes, qui s’est montrée plus que sceptique envers l’objectif de création de 40 000 emplois, le Premier président, Philippe Séguin, s’est montré « réservé sur le respect des engagements d’embauche et de baisse des prix » formulés par les restaurateurs, affirmant que les effets de la TVA réduite en termes d’emploi n’étaient « pas démontrés ».
Quant à la revalorisation des salaires, elle est au point mort, alors que 60 % des salariés du secteur sont au SMIC. La réduction de l’impôt au titre de l’investissement dans le capital des PME pose également des questions en termes d’évaluation des effets escomptés. « Il faut transformer l’impôt de solidarité sur la fortune en capital pour les PME », tel est le leitmotiv répété depuis deux ans pour justifier les dispositions de la loi TEPA, votée en 2007, qui accordent de substantielles réductions d’ISF à ceux qui investissent dans le capital des petites et moyennes entreprises.
Mais, au final, le bilan est peu satisfaisant pour elles. Ce dispositif apparaît surtout comme un moyen de supprimer progressivement l’ISF sans le dire. En réalité, le dispositif est fait pour les contribuables, et pas pour les entreprises.
J’en viens enfin à La Poste. Dans leur grande majorité, les divers rapports et avis sur la mission « Économie » rendus à l’Assemblée nationale et au Sénat, comprennent quelques mots sur l’opérateur historique, comme si le changement de statut et l’ouverture totale à la concurrence étaient neutres sur la pérennité du service public !
Dans son avis « Communications électroniques et postes » pour la commission des affaires économiques, le député Alfred Trassy-Paillogues écrit : « Avec quelques centaines de millions d’euros de dépenses -– quelques dizaines en comptant la subvention versée par l’État pour la distribution postale de la presse écrite – le budget des postes et des communications électroniques ne reflète pas l’importance du secteur. »
Nous partageons cette analyse. Non seulement la participation de l’État, et cela depuis plusieurs années, est insuffisante au regard des enjeux et de la défense de l’intérêt général, mais, en plus le Gouvernement acte, par le projet de loi, la soumission de l’entreprise aux logiques financières et marchandes incompatibles avec les exigences des missions de service public.
Pour toutes les raisons que je viens d’énoncer et pour d’autres que je n’ai pas eu le loisir de développer, car sept minutes pour commenter la politique économique, c’est un peu court, nous voterons contre le budget de cette mission.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'État, mes chers collègues, mon intervention porte sur le programme 134 « Développement des entreprises et de l’emploi » et, plus particulièrement, l’action 04 « Développement des télécommunications, des postes et de la société de l’information ».
Les crédits prévisionnels de l’action se situent à 211, 4 millions d’euros tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement, soit une hausse de 2, 06 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2009.
Faut-il en conclure pour autant que l’État va mieux assurer ses obligations à l’égard de La Poste ou encore son rôle d’aménageur du territoire dans le domaine des télécommunications ?
Qu’en est-il réellement s’agissant, d’abord, de La Poste ? Comme dans les lois de finances initiales précédentes, des crédits sont inscrits pour accompagner La Poste dans sa mission de service public de transport et de distribution de la presse.
À ce sujet, je tiens à formuler des remarques de forme et de fond.
Je commencerai par une remarque de forme : les 242 millions d’euros inscrits le sont au titre de deux missions – « Économie » et « Médias ». Cette présentation nuit à la lisibilité. Il serait plus efficace de rassembler les crédits sous une même mission.
La remarque de fond touche à l’importance que revêt l’aide au transport de la presse pour La Poste. Je l’ai dit à plusieurs reprises ces dernières années, le soutien de l’État à La Poste pour l’exercice de cette mission de service public est réel, mais insuffisant puisque la dépense restant à la charge de La Poste était estimée à 480 millions d’euros en 2007.
Même s’il fait l’objet pour l’instant d’un moratoire, l’accord tripartite – État-Poste-Presse – de 2008 ne permet pas d’être optimiste pour l’avenir. Il prévoit, en effet, une réduction en sifflet de l’accompagnement de l’État, accompagnement qui disparaîtra en 2016.
Pourtant, le bon exercice de cette mission constitue une véritable garantie d’égal accès à l’information sur tout le territoire.
Quant à la mission de service public de présence postale, pas plus que dans les budgets annuels précédents, elle n’est soutenue par l’État. Pourtant, lors de l’examen du projet de loi relatif à l’entreprise publique La Poste, le Sénat a adopté un amendement du rapporteur portant de 85 % à 95 % l’abattement sur les bases d’imposition de La Poste, ce qui se traduit par une augmentation de l’exonération consentie par les collectivités locales.
Le texte adopté prévoit que la perte complémentaire de recettes pour les collectivités locales est compensée par une majoration à due concurrence de la DGF.
En l’état actuel de ce projet de budget, rien n’indique que cet engagement sera tenu.
Je vous rappelle, madame le secrétaire d’État, que, si le Gouvernement n’accompagne pas financièrement La Poste à un niveau suffisant chaque année pour la présence postale et le transport de la presse – l’Union européenne l’autorisant à le faire pour ces deux missions de service public –, il pourrait bien apparaître nécessaire, dans quelques années, de procéder à une autre augmentation du capital de La Poste.
L’État et la Caisse des dépôts et consignations pourront-ils ou voudront-ils y consentir ?
À moins que le fait de couper ainsi les vivres à La Poste après l’avoir transformée en société anonyme ne soit le moyen pour le Gouvernement de préparer les esprits à la présentation ultérieure d’un projet de loi ouvrant le capital de la Poste à des intérêts privés !
Je dirai un dernier mot concernant La Poste : le Gouvernement a cherché à convaincre l’opinion – sans grand succès, semble-t-il – que l’avenir du groupe La Poste passait par sa transformation d’établissement public à caractère industriel et commercial, EPIC, en société anonyme. La gauche sénatoriale a largement développé les raisons pour lesquelles cette transformation n’était pas nécessaire, ce qui explique qu’elle s’y soit opposée.
Le changement de statut a, malgré tout, été adopté par la majorité sénatoriale et, malheureusement, il le sera probablement par l’Assemblée nationale.
Dans cette logique – celle du Gouvernement –le projet de budget pour 2010 devrait intégrer les 1, 2 milliard d’euros que l’État s’est engagé à apporter à La Poste, devenue une société anonyme.
Or, dans le « bleu » budgétaire, il n’y a pas la moindre inscription de crédit liée au changement de statut. On ne trouve aucune indication sur les 1, 5 milliard d’euros que la CDC est censée apporter sur ses propres crédits.
J’en viens à la partie relative aux télécommunications et à la société de l’information. Dans ce budget, des crédits de fonctionnement sont prévus pour l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, ainsi que des crédits d’intervention pour l’attribution de subventions à divers organismes internationaux et associations accompagnant le développement des télécommunications et de la société de l’information.
À ma connaissance, aucun crédit n’est prévu pour achever la couverture du territoire en téléphonie mobile et renforcer la desserte en haut et très haut débit.
Certes, a été lancée en 2009 une nouvelle phase de couverture de 364 nouvelles communes situées en zone blanche, avec la répartition des financements entre, d’une part, les opérateurs et, d’autre part, les maîtres d’ouvrage – conseils généraux ou communautés de communes, le plus souvent – ces derniers subventionnés par l’Union européenne, l’État et la région.
En revanche, reste entière à ce jour la question de la couverture des zones grises, c’est-à-dire celles qui sont desservies seulement par un ou deux opérateurs. Alors que le Gouvernement s’apprête à attribuer une quatrième licence, il est absolument nécessaire de traiter en priorité la question des zones grises.
D’ailleurs, dans son avis intitulé « Conditions pour le développement numérique des territoires », de janvier 2009, le Conseil économique, social et environnemental souligne que « ces zones n’ont pas bénéficié des interventions publiques et, de ce fait, se trouvent actuellement dans une situation moins favorable que les anciennes zones blanches ».
Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement est-il prêt à se saisir enfin de cette question ? Va-t-il enfin aussi s’engager à un niveau important pour la desserte en haut et très haut débit et ne pas laisser aux seules collectivités locales, comme c’est le cas actuellement, la responsabilité de cette action d’aménagement du territoire ?
Pour les raisons que je viens d’évoquer, le groupe socialiste votera contre les crédits du programme 134 puisque l’État n’assume pas ses obligations à l’égard du groupe La Poste et n’exerce pas réellement ses missions d’aménagement du territoire dans le domaine des télécommunications.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Je remercie tous les orateurs et rapporteurs d’avoir respecté leur temps de parole. Leur courtoisie sera appréciée par les intervenants inscrits sur les budgets suivants.
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de bien vouloir excuser Hervé Novelli, qui a dû, à regret, quitter l’hémicycle. Il est, en effet, retenu par une importante réunion à Matignon, mais c’est bien volontiers que, en tant que membre de l’équipe ministérielle de Bercy, je vais vous apporter les éléments de réponse qu’il avait préparés.
Je tiens, tout d’abord, à saluer les travaux remarquables accomplis par la commission des finances et la commission de l’économie de votre Haute Assemblée, qui trouvent leurs traductions dans le rapport de MM. André Ferrand et François Rebsamen et dans celui de Mme Odette Terrade, MM. Pierre Hérisson et Gérard Cornu. Je les ai parcourus avant la séance et y ai trouvé beaucoup d’intérêt, comme d’ailleurs aux différentes interventions.
Certains orateurs se sont exprimés sur des dépenses fiscales, certes importantes pour la politique économique du Gouvernement, mais qui ne sont pas directement en relation avec les crédits qu’il vous appartient de voter aujourd’hui. Je leur précise d’emblée que je ne m’y étendrai pas.
En revanche, je reviendrai en introduction sur les actions qualifiées par certains d’entre vous, notamment M. Marsin, de « pragmatiques et déterminées », que le Gouvernement conduit pour soutenir la croissance en cette période de crise.
Surtout si l’on compare la situation de la France à celle des autres pays européens, il est certain que le taux de croissance pour le troisième trimestre est encourageant : 0, 3 %, après 0, 3 % au deuxième trimestre. On constate une progression de la production manufacturière et une forte amélioration sur le commerce extérieur. Toutefois, nous devons rester d’autant plus prudents que, comme le dit souvent M. le Premier ministre, tant que nous n’aurons pas inversé la tendance sur le chômage, nous ne pourrons pas considérer que la crise est derrière nous.
Vous êtes d’abord intervenus sur la politique en faveur des PME. Je ne veux pas paraphraser les excellents propos de M. Cornu concernant les mesures prises en matière de simplification administrative, de renforcement des fonds propres et de financement au sens large. Peut-être pourrait-on citer, en sus des mesures que vous avez évoquées, le rôle très important du médiateur du crédit, l’intervention du Fonds stratégique d’investissement demandée par M. le Président de la République ou le recours au crédit de la Banque européenne d’investissement.
Je dirai quelques mots sur Cap et Cap Plus. Ces dispositifs très importants connaissent un succès qui peut être illustré par quelques chiffres : ils représentent respectivement 500 millions d’euros et 565 millions d’euros d’encours.
Pour Cap Plus Export, que Christine Lagarde et moi-même avons mis en place en octobre, le succès est d’ores et déjà certain, puisque près de mille dossiers ont été déposés en à peine un mois de procédure.
Je vous remercie, monsieur Cornu, d’avoir recommandé de ne pas faire preuve de frilosité à l’égard du régime de l’auto-entrepreneur.
Puisqu’il est inutile de revenir ici tant sur l’inspiration qui a conduit à la création du régime des auto-entrepreneurs que sur la dynamique de celui-ci, je me contenterai, monsieur Cornu, de compléter vos propos par des nouvelles du « bébé » d’Hervé Novelli, puisque c’est ainsi que vous avez surnommé ce régime.
Les chiffres sont véritablement spectaculaires et des records ont encore été battus au cours des trois premiers trimestres de cette année.
Au 31 octobre 2009, on comptabilisait 263 400 auto-entrepreneurs, parmi lesquels 147 000 s’étaient inscrits au cours du premier semestre et disposaient d’un compte validé auprès des URSAFF.
Le chiffre d’affaires cumulé des auto-entrepreneurs était déjà de l’ordre de 380 millions d'euros sur les trois premiers trimestres.
Certes, quelques craintes se sont exprimées concernant les distorsions de concurrence, sujet qui a fait l’objet de nombreuses discussions entre le Gouvernement et vous-même, monsieur Cornu, ainsi, bien sûr, qu’avec l’UPA, l’union professionnelle artisanale, et l’assemblée permanente des chambres de métiers.
Ces discussions nous ont amenés à présenter deux modifications destinées à assurer la loyauté de la concurrence tout en préservant la dynamique du dispositif : d’une part, l’exigence d’une attestation de qualification professionnelle pour les artisans et, d’autre part, l’inscription au répertoire des métiers des auto-entrepreneurs artisans à titre principal.
J’en viens aux dispositions qui concernent plus largement le commerce et l’artisanat.
Cela a été relevé dans les différents rapports, au total, ce sont plus de 130 millions d’euros qui iront aux mesures d’intervention en faveur du commerce, des commerçants et des artisans, par l’intermédiaire d’outils efficaces tels que le FISAC.
Ce fonds a été cette année renforcé dans ses modalités d’intervention et la procédure a été améliorée.
En 2010, il bénéficiera, monsieur Marsin, d’une enveloppe supplémentaire de 8 millions d'euros spécifiquement destinée aux actions outre-mer.
L’année a été riche en réformes, le texte d’application de la loi de modernisation de l’économie relatif au FISAC ayant été pris dès la fin de l’année 2008.
Ainsi, le conseil stratégique du commerce de proximité, dont vous êtes membre, monsieur Cornu, a pu être installé le 29 mai dernier. Ce sera un lieu de partage des bonnes pratiques.
Sur le fond, ce texte a permis de prendre en compte de nouvelles dépenses. Je pense, par exemple, pour les commerçants non sédentaires, aux dépenses liées à la camionnette pour la tournée dans nos campagnes ou, pour les cafés qui développent une activité de commerce, à la part des intérêts d’emprunt liés au droit de préemption, mesures qui portent donc, cette fois encore, la marque du pragmatisme et de la détermination.
Je rappelle également que nous avons fait passer de 2 000 à 3 000 habitants le seuil d’éligibilité au FISAC des communes pour les opérations en zone rurale.
Enfin, l’assiette des dépenses subventionnables a été élargie.
J’en viens au tourisme, dont vous avez tous rappelé la part très importante dans notre PIB, en exprimant le souhait de voir cette part non pas se maintenir mais s’accroître.
Ce souhait, qui s’exprime sur toutes les travées de votre hémicycle, est évidemment partagé par la secrétaire d'État chargée du commerce extérieur que je suis : je constate, moi aussi, l’importance du tourisme tant parce qu’il contribue à notre balance des paiements que parce qu’il est un élément moteur pour d’autres formes d’activités internationales, en particulier l’implantation d’entreprises sur notre territoire.
Je veux rappeler les principales dispositions de la loi de développement et de modernisation des services touristiques que vous avez votée cet été, mesdames, messieurs les sénateurs.
Vous avez ainsi réformé le régime juridique de la vente de voyages, dans la ligne des mesures de simplification administrative déjà évoquées.
Autre réforme sur laquelle je veux insister, en m’adressant notamment à Mme Khiari : l’élargissement de la diffusion des chèques-vacances.
Il s’agissait de remédier à une injustice, et, sur ce point, vos préoccupations rejoignent celles du Gouvernement. En effet, on comptait seulement 22 000 personnes issues d’entreprises de moins de cinquante salariés sur les 3 millions de titulaires de chèques-vacances. Nous avons donc souhaité faire tomber les contraintes techniques, telles que l’obligation d’épargne imposée au salarié ou la référence au revenu fiscal
L’ANCV, l’agence nationale pour les chèques-vacances, dispose en propre d’une force commerciale qui a démontré son efficacité lors de la diffusion des chèques-vacances dans les grandes entreprises. Hervé Novelli lui a donc demandé de compléter sa capacité commerciale en passant des conventions avec des réseaux commerciaux extérieurs pour accélérer la diffusion des chèques-vacances dans les PME de moins de cinquante salariés.
Nous allons donc tout à fait, madame le sénateur, dans le sens que vous souhaitez.
La loi a aussi réformé le classement hôtelier de manière à le rendre à la fois plus simple et plus compatible avec les classements internationaux.
À mon tour, je veux souligner l’importance de la création d’Atout France comme opérateur unique.
Passant les deux tiers de mon temps hors de France, j’ai moi-même encore tout récemment constaté l’efficacité d’Atout France dans deux pays, le Japon et l’Italie, où j’ai pu rencontrer les dirigeants de cette nouvelle agence.
Nous marquons ainsi véritablement notre volonté non seulement de rationalisation dans le cadre de la RGPP mais aussi d’accroissement de notre force de frappe au sein de ce que nous appelons « l’équipe de France de l’international », en même temps, bien entendu, que notre volonté de professionnalisation de l’ensemble des outils de l’État.
Au passage, j’indique, à titre d’éclaircissement budgétaire – si tant est qu’un tel éclaircissement soit nécessaire –, que si, à première vue, les moyens d’Atout France ne semblent pas correspondre à l’addition des moyens de Maison de la France et d’ODIT France, cela résulte en réalité d’un simple changement des règles d’assujettissement à la TVA d’Atout France. La subvention « hors taxe » qui lui est versée n’est bien Évidemment pas réduite.
Je veux aussi réagir aux diverses observations sur la baisse de la TVA dans la restauration, sujet qui a déjà donné lieu, notamment au cours d’une récente nuit, à des débats dans cette assemblée.
Bien entendu, le Gouvernement ne peut pas accepter, à propos de cette baisse de la TVA, le mot, employé par Mme Khiari, de « fiasco ».
Je peux en revanche vous assurer de la totale vigilance du Gouvernement, et notamment d’Hervé Novelli, sur le respect des contreparties qui l’assortissent.
La baisse globale des prix dans la restauration a été de 1, 5 %, ce qui a d’ores et déjà permis de donner aux Français, en termes de pouvoir d’achat, l’équivalent de 50 millions d’euros chaque mois, soit 600 millions d’euros en rythme annuel.
Un point est d’autant plus important qu’il est d’actualité, je veux bien sûr parler des négociations sociales.
La profession a déjà pris, vous le savez, des engagements en faveur de la création de 20 000 contrats en alternance pour les jeunes et de 20 000 emplois pérennes.
Concernant la situation des salariés, tant dans la restauration traditionnelle que dans la restauration dite de cafétéria, des avenants ont été signés ou sont en cours de négociation.
Hervé Novelli a, comme il le fait souvent, reçu à nouveau le 14 octobre l’ensemble des organisations professionnelles pour faire le point avec elles, en particulier sur les négociations sociales qui devraient s’achever à la fin de ce mois.
Le 15 décembre prochain, le comité de suivi se réunira et fera le point définitif sur la répercussion de la baisse du taux de TVA sur les sept produits concernés par le contrat d’avenir, tant au regard des prix, et donc des consommateurs, que sur les sujets sociaux.
S’agissant maintenant de l’INSEE, je suis tout à fait désolée, madame Terrade, qu’à la différence de M. Rebsamen vos travaux et vos échanges avec vos collègues en commission ne vous aient pas permis, jusqu’ici, d’adopter une appréciation positive sur ce projet de budget. Puis-je tenter, une dernière fois, de vous convaincre ?
Sourires
Je vous remercie d’abord d’avoir rappelé l’importance des travaux, auxquels le Président de la République tient beaucoup, menés pour faire évoluer le mode de prise en compte de la richesse nationale et de sa progression sur la base du rapport Stiglitz.
Là encore, c’est un témoignage personnel, je veux vous dire le fort retentissement à l’étranger de cette nouvelle initiative du Président de la République qui marque les esprits.
Comme vous le savez, l’INSEE produit d’ores et déjà d’importants travaux mettant en œuvre certaines des recommandations de la commission Stiglitz, dont l’institut assurait d’ailleurs le secrétariat.
À côté de la mesure du PIB, qui ne traite que de la production, l’INSEE met, par exemple, dès maintenant l’accent sur le revenu des ménages, facteur essentiel de bien-être.
Les progrès en ce sens se poursuivent : en 2010, les nouveaux travaux porteront notamment sur les données relatives à l’épargne et au patrimoine ; les enjeux liés à la qualité de la vie et au bien-être seront également abordés, de même que les conditions de logement.
Madame Terrade et monsieur Rebsamen, vous avez évoqué les questions liées au déplacement à Metz.
Je veux d’abord souligner très fortement qu’en aucun cas nous n’avons d’inquiétude concernant la qualité de la statistique publique, qualité à laquelle nous sommes extrêmement attachés et qui, en ces temps d’incertitude et de volatilité du monde, est plus que jamais cruciale.
Les crédits de l’INSEE sont stables en 2010, mais, comme l’ont relevé Mme Terrade et M. Rebsamen, seules quelques premières arrivées auront effectivement lieu fin 2010 à Metz.
Je rappelle que les agents ne seront pas contraints au départ : le Gouvernement se donne les moyens de susciter les volontariats à travers les différents outils réglementaires à sa disposition.
Nous ferons également en sorte que tout agent qui fera le choix de rester sur place alors que son activité serait en tout ou partie transférée à Metz se voie confier de nouvelles fonctions et ne soit pas affecté dans sa situation statutaire non plus que dans sa rémunération.
S’agissant de l’immobilier, différentes solutions sont en cours d’examen, mais, en tout état de cause, il s’agira d’un bâtiment dans la ville de Metz, desservi de manière adéquat par les transports publics et ayant reçu les aménagements nécessaires.
Je souligne, une fois de plus, qu’il ne s’agit en aucun cas de dégrader la statistique publique.
Pour ce qui est maintenant des télécoms, autant dire que, comme pour les postes précédents, les enjeux sont de taille, comme l’ont souligné MM. Hérisson et Cornu dans leurs rapports et M. Teston.
La couverture en moyens de télécommunications mobiles constitue notamment, c’est vrai, un enjeu majeur d’attractivité de nos territoires.
Notre première priorité reste bien de couvrir tous les centres-bourgs de métropole d’ici à la fin 2011, en s’appuyant sur le plan national de couverture des zones blanches.
Au-delà des engagements pris par les opérateurs, qui portent sur les taux de population couverte, nous avons amélioré la transparence des informations relatives aux taux de couverture des territoires.
Des cartes de couverture, qui identifient y compris les zones dites « grises », sont désormais publiées par les opérateurs, ce qui doit les inciter à se concurrencer ou, plus exactement, à faire aussi preuve d’émulation, et donc de dynamisme, en matière de couverture des territoires.
Enfin, c’est à juste titre que le rapporteur souligne que la couverture en télécommunications mobiles 3G est également devenue un enjeu de premier ordre.
Les opérateurs s’exposent ainsi à une procédure de sanction en cas de manquement à leurs engagements de couverture liés à leur licence 3G et le Gouvernement est très attentif à ce qu’ils s’engagent sur un calendrier précis permettant d’atteindre rapidement les niveaux de couverture prévus.
Sur La Poste, nous n’allons pas, monsieur Teston, reprendre un débat qui s’est déroulé sur des dizaines d’heures et au cours duquel, je le sais, votre implication a été reconnue par Christian Estrosi, qui – parfois assisté par quelques-uns de ses collègues, dont moi-même – a longuement discuté avec vous.
Je me contenterai donc de reprendre un terme désormais passé dans le langage courant grâce à Christian Estrosi : La Poste est bien « im-pri-va-ti-sable » !
Pour le reste, nous serions en dehors du champ qui doit nous occuper ce soir et M. le président, qui veille, à juste titre, au respect du règlement et des procédures, m’en voudrait de relancer un autre débat.
J’insisterai seulement sur un point, en rapport direct, lui, avec les crédits qu’il s’agit de voter. Je veux parler de l’aide au transport postal. Comme vous le savez, les accords Schwartz avaient été conçus pour proposer des règles d’évolution des tarifs sur la période 2009-2015.
Un moratoire d’un an sur la mise en œuvre des augmentations tarifaires prévues par ces accords a été décidé par le Président de la République lors des états généraux de la presse écrite, mais La Poste reçoit une compensation du surcoût induit et cela ne remet évidemment pas en cause les autres dispositions du protocole d’accord. L’application de ces accords fait l’objet, dans le cadre d’un comité ad hoc, d’un suivi attentif de la part des parties prenantes, c’est-à-dire l’État, les représentants des éditeurs et La Poste.
S’agissant de la consommation, thème qui n’a pas été abordé au cours du débat mais qui l’a été dans les rapports, je me contenterai de rappeler les trois priorités d’Hervé Novelli.
La première est une meilleure reconnaissance des associations de consommateurs les plus représentatives et la rénovation des institutions publiques de la consommation.
La deuxième priorité est le renforcement des droits des consommateurs. Hervé Novelli souhaite avancer rapidement en ce qui concerne l’immobilier, de la vente à distance, notamment par internet, de l’éco-consommation et de l’énergie, car l’évolution des pratiques commerciales dans ces domaines ainsi que leur poids croissant dans les budgets des ménages appellent une protection plus rigoureuse des consommateurs.
Enfin, la troisième priorité est l’amélioration des outils qui permettent de traiter les litiges entre entreprises et consommateurs.
Nous pensons que la voie à privilégier est celle de la généralisation de la médiation et du dialogue, mais nous nous gardons de tout angélisme et, pour les litiges qui ne peuvent se régler que par des recours en justice, nous sommes favorables à la mise en place d’une action de groupe « à la française » qui, tout en évitant les dérives « à l’américaine », permettra de renforcer les moyens de défense des consommateurs et de leurs organisations représentatives. Un projet de loi sur ce sujet sera éventuellement déposé, mais seulement après que les préalables que j’ai évoqués, c’est-à-dire la réforme du mouvement consumériste et le développement de la médiation, auront pu être mis en œuvre.
La qualité des rapports, celle des travaux en commission et celle des interventions sont telles que je ne remplirai sans doute pas, monsieur le président, le temps de parole qui m’a été imparti. Je tiens toutefois à indiquer en conclusion que, pour l’ensemble de la « maison Bercy », cette mission « Économie » est révélatrice, à la fois, d’une volonté de gérer aux mieux les ressources publiques dans un contexte difficile et de ne pas agir uniquement par la voie des crédits budgétaires ou des dépenses publiques, mais aussi par celles de la simplification administrative et de l’accompagnement politique des acteurs. C’est le cas sur le marché domestique, mais aussi, André Ferrand le sait bien, sur les marchés internationaux.
Nous voulons aussi gérer au mieux les problèmes de compétitivité qui se posent à nos entreprises. Les outils qui soutiennent cette compétitivité servent à rendre notre territoire plus attractif pour les investissements étrangers. Compétitivité et attractivité vont donc de pair, et nous le constatons quotidiennement ; le tourisme en est le meilleur exemple, mais il y en a bien d’autres.
Cette mission traduit concrètement dans les chiffres les orientations importantes que nous avons prises sous l’impulsion déterminée et proche du terrain d’Hervé Novelli en matière de consommation, de soutien aux entreprises, en particulier les plus petites d’entre elles, avec le souci de dynamiser l’ensemble des forces économiques et d’améliorer la compétitivité de nos entreprises, et donc de notre pays.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Nous allons procéder à l’examen et au vote des crédits de la mission « Économie », figurant à l’état B.
en euros
Économie
Développement des entreprises et de l'emploi
Tourisme
Statistiques et études économiques
Stratégie économique et fiscale
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
Ces crédits sont adoptés.
Nous allons procéder à l’examen et au vote des crédits du compte spécial « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien », figurant à l’état D.
en euros
Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien
Désendettement de l'État
Optimisation de l'usage du spectre hertzien
Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.
Je mets aux voix ces crédits.
Ces crédits sont adoptés.
J’appelle en discussion les articles 53, 54 et 54 bis qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de la mission « Économie ».
Économie
Au premier alinéa du IV de l’article 6 de la loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 de finances rectificative pour le financement de l’économie, la date : « 31 octobre 2009 » est remplacée par la date : « 31 octobre 2010 », et les mots : « arrivent à échéance avant le 31 octobre 2011 » sont remplacés par les mots : « ont une durée de quatre ans au plus ».
Comme on pouvait s’y attendre, le dispositif de sauvetage du groupe Dexia, avec le concours de l’État français et du gouvernement du Royaume de Belgique, semble avoir permis d’éviter, grâce à l’injection de plusieurs dizaines de milliards d’euros de capacités de refinancement, le dépôt de bilan de cet établissement bancaire. Il aurait cependant été surprenant qu’un établissement spécialisé dans le domaine du financement des collectivités locales puisse disparaître, compte tenu, précisément, de la nature de sa clientèle et de la capacité de celle-ci à respecter ses engagements.
Mais Dexia, chacun le sait, a souffert d’avoir usé et abusé des outils de l’ingénierie financière, notamment de produits dérivés qui se sont révélés particulièrement toxiques.
Il est nécessaire de préserver, dans notre pays, un outil de financement des investissements réalisés par les collectivités territoriales, comme il est indispensable que les élus locaux disposent d’un interlocuteur leur permettant, dans des conditions privilégiées, d’accéder au meilleur service financier au meilleur coût.
Les transformations progressives de la Caisse d’équipement des collectivités locales en Crédit local de France, puis en Dexia SA, ont conduit, au fil du temps, à ce que le sens du service public bancaire se perde dans les sables et les ténèbres de la banalisation des activités financières. L’une des conséquences indirectes de ce processus est que Dexia, pourtant destinée à faciliter le financement des collectivités locales, n’offre pas aujourd’hui de « produits financiers » suffisamment performants par rapport aux attentes des élus, alors même que certains d’entre eux ont goûté, grâce à cet établissement, aux délices vénéneuses des emprunts « structurés ».
À la vérité, nous nous interrogeons sur le bien-fondé du plan de sauvetage de Dexia au regard des pratiques mêmes de cet établissement.
La situation du titre Dexia n’est toujours pas florissante. S’il s’est « requinqué » aux alentours de 5 euros ces temps derniers, il est encore très éloigné des niveaux qu’il avait pu atteindre voilà moins de deux ans : le 27 novembre 2007, par exemple, l’action Dexia était échangée à 17, 32 euros.
La situation de l’entreprise, dont l’article 53 semble indiquer qu’elle est en voie d’amélioration, s’est en partie redressée du fait de la persistance d’une politique de prêts à taux d’intérêt relativement élevés, notamment au regard de la détente des taux directeurs, qui a fini par apparaître comme la solution la plus pertinente du point de vue des gouverneurs des banques centrales. Cette détente, qui a conduit à alléger le coût du financement interbancaire, n’a toutefois pas été suivie d’effets pour les emprunteurs.
Nous ne voterons pas cet article compte tenu des incertitudes pesant sur le rôle et l’avenir de Dexia.
La crise financière de l’été 2008 a débouché sur la faillite d’institutions bancaires, dont la plus retentissante fut incontestablement celle de Lehman Brothers, le 15 septembre 2008. S’est ensuivie une crise de confiance qui a elle-même entraîné une crise du refinancement interbancaire, lequel a conduit au bord de la faillite plusieurs institutions financières, et notamment Dexia.
La faillite de cette banque aurait pu mettre gravement en danger le financement des collectivités territoriales. Il était donc indispensable de décider le sauvetage de Dexia. C’est ce qui a été fait, les gouvernements français et belge intervenant au final pour recapitaliser l’établissement bancaire à hauteur de 6 milliards d’euros. En outre, la banque Dexia devait bénéficier de la garantie publique sur tous les financements qu’elle serait amenée à lever.
L’article 53 concerne précisément la garantie octroyée par l’État. Ces dispositions visent à prolonger d’un an la période durant laquelle les financements levés par Dexia SA pourront être garantis et à permettre au groupe d’émettre des financements garantis sur des périodes d’une durée de quatre ans au plus, en cas de circonstances exceptionnelles.
Il paraît difficile, dans un contexte où la situation financière est loin d’être assainie, de s’opposer à ces dispositions. Il n’en demeure pas moins que certaines observations doivent absolument être formulées.
De nombreuses collectivités territoriales se sont retrouvées complètement piégées en découvrant qu’une partie de leur dette était financée en partie grâce à des emprunts dits « toxiques » sur lesquels elles risquaient d’accuser de lourdes pertes. Aujourd’hui, ces mêmes collectivités sont en litige avec plusieurs établissements bancaires, dont Dexia, qui ont pris des risques démesurés, et leur ont fait prendre les mêmes risques, en se livrant à des opérations financières hautement spéculatives.
Ainsi, la communauté urbaine de Lille, les villes de Saint-Étienne, Rouen, Asnières, le conseil général de Seine-Saint-Denis, entre autres, sont concernés par des emprunts toxiques et sont en conflit ouvert, depuis plusieurs mois, pour obtenir la renégociation de leurs contrats de prêt.
Il est difficile d’admettre que, d’un côté, l’on ait accordé des garanties aux banques en difficulté, à hauteur de 320 milliards d’euros, et que, de l’autre, on abandonne certaines collectivités locales engluées dans les emprunts toxiques qui leur ont été « transmis » par ces mêmes établissements.
La presse faisait récemment état du fait que Dexia affichait sa sérénité face aux menaces de procès qui pesaient sur elle. En même temps, on apprenait que la banque avait elle-même créé sa propre grille de classification des produits en fonction des risques et que l’intérêt de ces produits structurés résidait, selon elle, dans leur grande diversification. Sic !
La charte de bonne conduite récemment signée par les banques ne saurait seule suffire – sauf à se contenter des engagements de celles-ci à mieux se comporter à l’avenir… –, sans que l’on se soucie des dérives spéculatives auxquelles elles se sont livrées, hier, et que doivent supporter aujourd’hui les collectivités.
Une réelle renégociation devrait être engagée pour déboucher – pourquoi pas ? – sur la réintégration des risques et intérêts supportés par les collectivités territoriales dans les bilans des banques concernées. Cela permettrait aux collectivités locales de ne pas avoir à supporter les pertes liées aux crédits structurés, conséquences des prises de risques des établissements bancaires.
Les députés socialistes devraient déposer un amendement portant ces exigences dans le futur projet de loi relatif à la régulation financière annoncé par Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Nous suivrons de près le débat qui aura lieu et demeurerons vigilants. Une solution doit être trouvée pour sortir ces collectivités en difficulté de l’impasse.
En attendant, pour les raisons que je viens d’exposer, nous nous abstiendrons sur cet article et les deux suivants, qui sont très voisins.
L’article 53 est adopté.
L’article 6 de la loi n° 2008-1061 du 16 octobre 2008 précitée est ainsi modifié :
1° Le C du II est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de circonstances exceptionnelles caractérisées par une perturbation grave de l’accès des établissements de crédit aux marchés financiers constatée par décret pris sur le rapport du ministre chargé de l’économie, la garantie de l’État prévue aux A et B est accordée à des titres de créances émis avant le 31 décembre 2010 et d’une durée maximale de cinq ans. » ;
2° Au VI, les mots : « chaque trimestre » sont remplacés par les mots : « chaque semestre » et il est ajouté une phrase ainsi rédigée :
« En cas de mise en œuvre du second alinéa du C du II, ce rapport est adressé au Parlement chaque trimestre. »
L’article 54 concerne l’intervention de la société de financement de l’économie française, la SFEF, entité créée par la loi de finances rectificative d’octobre 2008.
Le mot « économie » a beau figurer dans son intitulé, cette société n’a servi qu’à distribuer des fonds levés sur les marchés financiers par l’État pour assurer le financement interbancaire et éviter que la crise de liquidités de l’été 2008 ne conduise, entre autres effets, à la faillite en cascade d’établissements de crédit.
C’est la SFEF qui disposait – si l’on peut dire ! – d’une ligne de crédit de 320 milliards d’euros de refinancement garantis par l’État et était habilitée à les distribuer, moyennant rémunération, aux établissements de crédit.
Je rappelle que la baisse des taux d’intérêt sur les marchés financiers résultant des décisions prises par les banques centrales a occasionné une réduction du prix de souscription des sommes levées par l’État sur les marchés et une réduction subséquente du taux d’intérêt relatif aux avances faites aux établissements de crédit.
Au demeurant, la confiance ayant tendance à revenir, les capacités de la SFEF sont loin d’avoir toutes été utilisées ; les encours mobilisés se situent aux alentours de 80 milliards d’euros, soit le quart du plafond garanti. Cela ne retire rien au fait que l’État a tout de même participé à la création d’une structure mobilisant in fine plus que les crédits de la moindre mission budgétaire. On pourrait se demander pourquoi de tels dispositifs ne seraient pas mis en place pour financer à moindre coût certains investissements d’intérêt public…
De surcroît, il est fort probable – dites-moi si je me trompe, madame la secrétaire d’État – que l’encours des sommes avancées aux établissements de crédit a été adossé à l’émission massive de bons du Trésor de court terme que l’État a réalisée cette année.
Mais un problème se pose : l’intervention de la SFEF, pas plus que celle de la SPPE, la Société de prises de participation de l’État, qui, elle, est intervenue pour apporter des quasi-fonds propres aux établissements de crédit, dans la limite de 40 milliards d’euros, n’a pas modifié durablement les pratiques des établissements de crédit en matière de crédit aux entreprises.
La théorie du « crédit responsable », professée par des personnalités comme M. Baudouin Prot, directeur général du groupe BNP-Paribas, se décline surtout en refus persistant d’accorder des crédits aux entreprises présumées les plus fragiles.
Comme, dans le même temps, les marchés financiers semblent reprendre certaines de leurs mauvaises habitudes, on peut craindre que l’argent public n’ait servi qu’à secourir temporairement un secteur bancaire déjà prompt à renouer avec ses anciens travers.
Aussi les quelques centaines de millions d’euros que l’État aura perçus au titre des intérêts sur les sommes avancées par la SFEF ne règlent-ils aucunement la question de fond, à savoir l’existence de profondes inégalités d’accès au crédit entre les entreprises, qui s’est d’ailleurs traduite par des fermetures pures et simples d’établissements, des plans de licenciement et des coûts sociaux sans doute largement supérieurs aux sommes engrangées.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas l’article 54.
L'article 54 est adopté.
I. – Au premier alinéa de l’article 125 de la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008, l’année : « 2009 » est remplacée par l’année : « 2010 ».
II. – À la fin de la première phrase de l’avant-dernier alinéa du I de l’article 21 de la loi n° 2009-431 du 20 avril 2009 de finances rectificative pour 2009, l’année : « 2009 » est remplacée par l’année : « 2010 ».
La parole est à M. Jean-Claude Danglot, sur l’article.
Cet article, subrepticement ajouté au projet de loi de finances par l’Assemblée nationale, règle le cas de la troisième grande garantie accordée par l’État dans le cadre du plan de sauvetage des marchés financiers conçu l’an dernier. Il vise la Caisse centrale de réassurance, habilitée à intervenir dans le champ de l’assurance-crédit, pour ce qui concerne les relations entre les établissements bancaires et les plus petites et moyennes entreprises.
Le rapport de la commission des finances fait état de la « protection » ainsi accordée à une cinquantaine de milliers de dossiers de prêt pour un encours de 1 100 millions d’euros, soit un montant moyen d’environ 20 000 euros par dossier.
Le coût budgétaire de la mesure est sans nul doute faible puisqu’il s’agit de l’appel en garantie et que cette garantie ne semble pas encore avoir dû jouer, mais le bilan de l’ensemble de l’opération est pour le moins mitigé.
Les entreprises confrontées à des difficultés d’accès au crédit sont, en effet, plus nombreuses, d’autant que le robinet s’est singulièrement resserré, et rien ne prouve, selon les indications dont nous disposons, que la tendance soit vraiment en train de s’inverser.
D’ici à penser que les trois articles dont nous débattons ont précisément comme raison d’être d’inciter les banquiers à desserrer les cordons de la bourse et à financer plus directement l’économie de production, il n’y a qu’un pas, que nous franchissons aisément.
En vérité, l’intervention publique est décisive dans les choix stratégiques des banques. Aujourd’hui, ces choix se résument à une orientation simple : comment se sortir au plus vite des difficultés dans lesquelles des années de déréglementation les ont plongées, avant de pouvoir recommencer au plus tôt comme avant ? Et le « comme avant » est de plus en plus évident : les banques françaises s’empressent de rembourser au plus vite la SPPE, qui leur a prêté de l’argent avec un taux de rémunération extrêmement faible, notamment au regard du redressement des cours.
L’État a, pour le moins, perdu une bonne dizaine de milliards d’euros en n’entrant pas dans le capital des banques, dont les pratiques n’ont pas véritablement changé, et en ne souscrivant auprès d’elles que des titres super-subordonnés, attribués sans droit de vote.
Tels sont les points qui nous amènent, à défaut d’expertise, à ne pas voter plus l’article 54 bis.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour explication de vote.
Manifestations de lassitude sur les travées de l ’ UMP.
Mes chers collègues, à défaut d’écouter M. Danglot, laissez-le s’exprimer, ne serait-ce que parce que le règlement l’y autorise.
La politique économique de tout gouvernement, notamment les aides accordées aux entreprises, nécessite que soit mis à disposition un bon appareil statistique. Notre collègue Odette Terrade a précédemment présenté les éléments relatifs à l’INSEE. Je ne reviendrai que pour mémoire sur la baisse des moyens financiers et humains dédiés à cet institut. Comme chaque année, les emplois diminuent : 203 emplois ont été supprimés cette année et le nombre des agents partant à la retraite augmente. En raison des politiques gouvernementales de réduction draconienne du nombre de fonctionnaires, ces personnels ne seront que partiellement remplacés.
Je souhaite évoquer le projet de délocalisation de l’INSEE à Metz…
Mon cher collègue, en vertu du règlement, je vous ai donné la parole pour explication de vote sur l’article 54 bis. Or, manifestement, votre intervention porte non pas sur cet article, mais sur un point qui a déjà fait l’objet d’un vote. Aussi, à mon grand regret, je suis contraint de vous interrompre et je vous prie d’excuser cette sévérité, à laquelle, croyez-le bien, je m’astreins, mais la règle doit s’appliquer à tous de la même façon !
L'article 54 bis est adopté.
Mes chers collègues, nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Économie » (et articles 53, 54 et 54 bis).
Nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente.
Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Culture » (et articles 52 et 52 bis).
La parole est à M. le rapporteur spécial.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 2, 88 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et 2, 92 milliards d’euros de crédits de paiement sont demandés, pour 2010, au titre de la mission « Culture ».
Ces montants sont en augmentation significative par rapport aux crédits votés lors de la loi de finances de 2009 et vont au-delà des plafonds fixés par la loi de programmation des finances publiques. Ce dépassement résulte principalement de l’engagement pris par le Président de la République de pérenniser les moyens supplémentaires dévolus au patrimoine dans le cadre du plan de relance, soit 100 millions d’euros.
Monsieur le ministre, dans un contexte de pénurie budgétaire, votre mission tire donc son épingle du jeu et il est à souhaiter que ces crédits supplémentaires vous permettent d’apurer les passifs accumulés au fil des ans.
Comme je l’ai déjà souligné, l’accumulation de ces « reste-à-payer », pour technique qu’elle puisse paraître, est un réel facteur d’inquiétude, car elle peut porter préjudice à la « soutenabilité » budgétaire des politiques dont vous avez la charge.
Au cours des auditions que j’ai réalisées cette année, vos collaborateurs ont fait état d’un plan d’apurement de ces passifs qui semble porter ses fruits. La commission des finances s’en félicite et vous invite à poursuivre et à accentuer les efforts entrepris.
L’examen des crédits de la mission « Culture » a pour toile de fond la mise en œuvre du plan de relance et les suites de la révision générale des politiques publiques, la RGPP.
S’agissant du plan de relance, j’observe que les taux de consommation des crédits sont satisfaisants et traduisent le respect de l’impératif d’exécution rapide des mesures.
Dans le prolongement de la RGPP – cause d’une grève qui vient de débuter au centre Pompidou –, l’année 2010 sera celle de la réorganisation de l’administration centrale du ministère, dont la composition passera de dix à trois directions, « flanquées » d’un secrétariat général. Ces directions seront dédiées aux patrimoines, à la création artistique, ainsi qu’aux médias et aux industries culturelles.
La commission aimerait vous entendre confirmer, monsieur le ministre, que cette réorganisation permettra de rassembler un plus grand nombre de services dans l’immeuble de la rue des Bons-Enfants, conformément à ce que nous avions déjà préconisé. Nous souhaitons également savoir si ces réorganisations se traduiront, à terme, par une refonte de la maquette budgétaire et, en particulier, par une fusion des missions « Culture » et « Médias ».
Le temps qui m’est imparti étant limité, je vous épargnerai, chers collègues, une longue description des crédits des trois programmes pour en venir aux principales questions que suscite ce projet de budget pour 2010.
S’agissant du patrimoine, le Sénat aimerait tout d’abord connaître votre analyse, monsieur le ministre, des résultats de la politique de gratuité dans les musées conduite cette année. J’ai cru comprendre que cette politique avait produit des effets réels, mais contrastés et inférieurs à ceux de l’expérimentation de gratuité totale menée en 2008, ce qui n’est d’ailleurs pas franchement étonnant. Si ce diagnostic est avéré, quelles inflexions faudrait-il donner à cette mesure pour en renforcer le succès ?
Je relève, en deuxième lieu, que l’Institut national de recherches archéologiques préventives, l’INRAP, fait toujours face à des problèmes structurels de ressources. Nous ne nous sortirons pas de ces difficultés persistantes par un énième « rafistolage » de la redevance d’archéologie préventive...
... ou par la pérennisation des subventions budgétaires du ministère. Et nous sommes fatigués de voter, chaque année ou tous les deux ans, des lois sur l’archéologie préventive… La situation financière de l’INRAP appelle une refonte totale de son mode de financement, certainement liée à un problème de refonte de la législation sur la taxe locale d’équipement. Nous aimerions connaître votre opinion sur ce point, monsieur le ministre.
Un dernier bémol doit être apporté en matière de patrimoine. Il intéresse le transfert de la maîtrise d’ouvrage au Centre des monuments nationaux, CMN. Nous avions critiqué, en son temps, les modalités de ce transfert, car nous estimions qu’elles compliqueraient encore le paysage de la maîtrise d’ouvrage culturelle – il y a déjà l’Établissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux culturels, l’ÉMOC, le service national des travaux, les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, etc. – et qu’elles aboutiraient à des circuits financiers complexes, comme on l’a vu dans le passé.
Dans l’attente des résultats de l’enquête que la commission des finances a confiée à la Cour des comptes sur le CMN, pouvez-vous nous présenter, monsieur le ministre, un bilan d’étape de la réforme de la maîtrise d’ouvrage culturelle et de son impact sur la situation économique des entreprises du secteur de l’entretien et de la restauration des monuments historiques ?
J’en viens, à présent, à la création, et plus précisément aux suites qui seront données aux entretiens de Valois sur le spectacle vivant.
Les orientations qui résultent de ces entretiens visent à clarifier les modalités d’intervention financière de l’État et à mieux les articuler avec celles des collectivités, à réexaminer la carte des équipements et à favoriser les rapprochements des structures.
Je gage que la mise en œuvre concrète de ces préconisations, auxquelles nous souscrivons, sera délicate et exigera autant de tact que de détermination. Pourriez-vous néanmoins préciser, monsieur le ministre, si des suites opérationnelles vont être données aux entretiens de Valois dès 2010 ?
S’agissant de vos crédits, je me félicite enfin qu’un effort particulier soit consenti en faveur des bourses d’études allouées aux étudiants des établissements d’enseignement artistique. Nous y voyons un signe de la promotion de la « culture sociale », dont vous avez fait l’une de vos priorités.
Je conclurai en abordant l’article 52 du projet de loi de finances, rattaché à la mission « Culture ».
Cet article prolonge et élargit l’application de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, qui permettait aux collectivités territoriales de se porter candidates au transfert d’éléments du patrimoine. L’article 52 élargit le champ des monuments transférables et ne limite plus la procédure dans le temps. En contrepartie de ces évolutions, une clause permet explicitement au représentant de l’État de ne désigner aucune collectivité bénéficiaire du transfert, au vu de plusieurs critères, dont nous aimerions que vous nous précisiez la portée exacte.
Sous réserve de quelques amendements, la commission des finances approuve pleinement l’évolution qui nous est proposée par l’article 52. J’ajouterai, en toute immodestie, qu’elle s’inscrit dans la droite ligne de la « désétatisation » du patrimoine monumental que j’avais préconisée dans mon rapport de 2002
Au demeurant, je ne suis pas le seul à endosser la « paternité sénatoriale » de l’article qui nous est présenté puisque son dispositif reprend peu ou prou le texte d’une proposition de loi déposée à la fin de l’année 2008 par notre collègue Philippe Richert.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances invite le Sénat à adopter les crédits de la mission « Culture » et l’article 52 rattaché.
Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur le banc des commissions
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour apprécier le budget du ministère de la culture, le rapporteur pour avis de la mission culture que je suis dispose d’une pierre de touche : ce budget permet-il de faire progresser l’accès du plus grand nombre à la culture, de développer en France la démocratisation de la connaissance, de la découverte ou, d’une certaine manière, la démocratisation de la beauté ? Il s’agit là, en tout cas et plus que jamais, d’une ardente obligation.
À l’aune de ce critère, le budget pour l’année 2010 est incontestablement un très bon budget et, en tant que rapporteur pour avis depuis maintenant dix-sept ans de ce budget, je puis vous assurer que je n’ai pas dit cela tous les ans, monsieur le ministre ! Ce budget est un bon budget tant pour le programme « Patrimoines » que pour le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».
Cinq remarques me permettront d’en faire la démonstration.
La première porte sur un domaine qui est depuis de nombreuses années très important pour le Sénat : il s’agit des crédits du patrimoine. L’effort, considérable, est dans la droite ligne de l’engagement pris à Nîmes par le président de la République puisque 419 millions d’euros sont affectés à ce programme.
La mission d’information chargée d’étudier l’entretien et la gestion du patrimoine architectural, présidée par Philippe Richert et dont j’étais rapporteur, avait conclu à l’époque que, pour être un bon budget, celui du patrimoine devait se situer dans une fourchette de 350 millions à 400 millions d’euros par an. Nos espérances ont été dépassées ; cela est suffisamment rare pour que je le souligne aujourd’hui à cette tribune.
Cet effort permettra de rattraper le retard que connaissent, depuis de nombreuses années, les grands chantiers du patrimoine. Il permettra également, je l’espère, de poursuivre l’effort entrepris pour améliorer l’état sanitaire du patrimoine.
Il faut simplement souhaiter, et je le fais avec beaucoup d’ardeur, que, dans les années futures, cet effort soit poursuivi. Il y va de l’intérêt du patrimoine, mais aussi de l’attractivité de la France et de l’emploi dans notre pays. Je rappelle en effet que près de 250 000 emplois directs sont générés par le patrimoine.
Un seul souci explique les amendements que la commission de la culture a déposés : l’article 52 élargit les conditions de transfert du patrimoine aux collectivités territoriales.
Une première vague avait permis de transférer soixante-cinq monuments : cinquante-six l’ont été définitivement et neuf sont en cours de transfert. Le résultat était incontestablement positif, car les collectivités avaient consenti un effort financier important et fait de ces monuments un véritable symbole de leur territoire.
Il n’en demeure pas moins qu’il faut préserver un équilibre fondamental entre la nécessité de soutenir l’effort que font ces collectivités et celle de protéger l’intégrité du patrimoine transféré. C’est la raison pour laquelle je présenterai tout à l’heure, au nom de notre commission, des amendements qui permettront d’encadrer les conditions dans lesquelles sera transféré ce patrimoine.
Ma deuxième remarque porte sur les musées, auxquels sont consacrés 441 millions d’euros. C’est aussi un aspect fondamental de la démocratisation de la culture. Il faudrait peut-être inscrire sur le fronton de chacun de nos musées la citation de Paul Valéry qui figure sur celui du musée de l’Homme : « Ami n’entre pas sans désir » !
C’est en développant l’accès aux musées, leur démocratisation, que l’on arrivera à en faire un élément essentiel de l’accès de tous à la connaissance.
Un an d’expérimentation de la gratuité pour les moins de vingt-six ans : voilà une expérimentation encourageante, qui devrait permettre d’aller dans ce sens ; c’est le souhait que j’exprime dans mon rapport.
Je vous remercie, monsieur le ministre d’avoir poursuivi l’effort qui est important et nécessaire pour soutenir les musées des collectivités territoriales en même temps que la rénovation des musées nationaux.
Ma troisième remarque a trait aux bibliothèques. Indépendamment de l’effort qui est fait pour aider les collectivités à les multiplier, nous sommes face à un défi : celui de la numérisation à laquelle, récemment, notre commission s’est longuement attachée. Comme la langue d’Ésope, la numérisation est la pire et la meilleure des choses ! Elle doit permettre de s’adapter aux moyens par lesquels les générations nouvelles accèdent aujourd’hui à la connaissance.
Là encore, il faut simplement raison garder et préserver un équilibre. En effet, l’ouverture du livre à l’informatique est une perspective enthousiasmante, mais encore faut-il protéger les droits d’auteur et éviter l’uniformisation de la connaissance à travers la numérisation.
Si vous me permettez une confidence, monsieur le ministre, en matière d’informatique, je suis croyant, mais non pratiquant !
Sourires
Ma quatrième remarque concerne l’archéologie préventive, un autre point important qui a été évoqué par le rapporteur spécial de la commission des finances.
Le budget prévoit bien des crédits, mais ils sont destinés à colmater des brèches, comme cela se fait, année après année. À l’évidence, les nombreuses réformes que nous avons votées sur la redevance de l’archéologie préventive n’ont pas permis d’assurer la stabilité financière de l’INRAP. Il va sans doute être nécessaire de revoir le mode de financement de cet institut. La commission des finances a d’ailleurs demandé un rapport à l’inspection générale des finances.
Enfin, ma cinquième et dernière remarque touche l’enseignement de l’histoire des arts qui va maintenant irriguer les niveaux de l’enseignement secondaire et peut-être permettre enfin de compléter, d’uniformiser cet accès à la culture qui fera de chaque jeune l’« honnête homme » que l’on ambitionnait d’être au xviie siècle. Cette réforme me paraît fondamentale.
J’ai commencé mon intervention en disant que j’avais disposé, pour examiner ce budget, d’une pierre de touche, celle de la démocratisation. Certes, ce n’est pas la pierre philosophale, mais il n’en reste pas moins vrai que l’effort accompli est important. C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication recommande au Sénat l’adoption des crédits du budget de la culture pour les deux missions que je rapporte.
Applaudissements sur le banc des commissions
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’évoquerai quelques-unes de mes observations et préoccupations concernant, d’une part, le programme « Création » de la mission « Culture » et, d’autre part, le secteur du cinéma.
S’agissant tout d’abord du « Création », la hausse de 2 % des crédits de paiement par rapport à la loi de finances initiale pour 2009 recouvre en réalité une stagnation des crédits compte tenu de l’inflation. Ce programme fait donc figure de « parent pauvre » du budget. Tel est notamment le cas pour le spectacle vivant, pourtant en difficulté.
Cette évolution s’inscrit, certes, dans un contexte de hausse non négligeable au cours des années précédentes, mais aussi dans la programmation pluriannuelle de la mission « Culture », qui prévoit une stabilisation du plafond des crédits de paiement et une baisse des autorisations d’engagement en 2010 et en 2011.
Dans ces conditions, je m’inquiète du risque d’un désengagement de l’État au moment même où les collectivités territoriales sont, elles aussi, souvent confrontées à des difficultés budgétaires.
Il est vrai que le soutien aux secteurs de la création passe aussi par des réformes structurelles et que ces dernières avancent.
Les moyens nouveaux consacrés au spectacle vivant n’augmenteront que de 0, 4 %. Ils bénéficieront aux opérateurs de l’État. Mais les crédits des autres institutions, situées à 85 % en région, stagneront. Dans ces conditions, nous nous inquiétons pour l’avenir du spectacle vivant.
Par ailleurs, si nous comprenons l’intérêt de créer, avec la Philharmonie de Paris, un équipement capable de rivaliser avec les plus grandes salles mondiales et de disposer ainsi d’un pôle musical très fort au nord-est de Paris, nous nous soucions néanmoins de voir que les grands projets parisiens concentrent une part essentielle des moyens budgétaires.
Les entretiens de Valois se sont conclus le 2 juillet 2009. Nous constatons que trois axes de réforme seront engagés. J’attire néanmoins votre attention, monsieur le ministre, sur la lassitude de nombreux professionnels, qui craignent l’absence d’avancées concrètes.
Les arts plastiques bénéficieront, quant à eux, d’une forte hausse – de 6 % – des crédits de paiement. En revanche, les crédits destinés au livre et à la lecture n’augmentent que de 1, 55 % : c’est peu. Les moyens de Centre national du livre doivent être renforcés pour permettre à celui-ci d’assumer ses nouvelles fonctions. L’ajustement de l’assiette de la taxe relative aux appareils de reprographie, de reproduction et d’impression est nécessaire. Nous formons le vœu que ce sujet soit traité dans le prochain projet de loi de finances rectificative pour 2009.
Pour ce qui concerne les bibliothèques, la dotation devrait diminuer en euros constants. Cela me contrarie fort au moment où l’enquête décennale sur les pratiques culturelles des Français montre que les relations de ces derniers avec le monde du livre se sont distendues et que les bibliothèques ont connu un léger tassement de leur fréquentation.
En revanche, j’approuve le lancement d’une nouvelle politique d’expérimentation de l’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques municipales. Mais, monsieur le ministre, prenons garde à son impact, à terme, sur les budgets des communes !
S’agissant du cinéma, je relève avec satisfaction que le secteur de la production cinématographique est florissant. En revanche, le secteur de l’exploitation est source de préoccupations, car la hausse de 7, 2 % des entrées entre septembre 2008 et septembre 2009 recouvre des évolutions très divergentes selon la nature des exploitations.
Alors que la fréquentation augmente pour la grande exploitation, notamment dans les grandes agglomérations, la moyenne exploitation et la petite exploitation souffrent d’un très sévère tassement de leur fréquentation. C’est pourquoi je regrette beaucoup que l’amendement de la commission de la culture visant à améliorer le dispositif permettant aux communes de les exonérer totalement ou partiellement n’ait pas pu être adopté samedi dernier par notre Haute Assemblée. Mais nous en reparlerons à l’occasion du projet de loi de finances rectificative pour 2009, et je ne doute pas, monsieur le ministre, que, d’ici là, vous réussirez à obtenir un arbitrage favorable sur ce point.
S’agissant de l’emploi culturel, je relève des avancées réelles en matière de conventions collectives et d’accords interbranches. Toutefois, je m’étonne que la convention collective concernant le cinéma et l’audiovisuel n’ait toujours pas abouti, notamment en raison d’un point d’achoppement lié à la question des rémunérations dans le cas de la production de films économiquement fragiles.
Il faut sortir de cette situation. Les parties pourraient s’accorder sur les critères permettant de qualifier un film de « fragile » et sur les modalités de contrôle d’une telle qualification.
Pour autant, il conviendra de veiller à ce que les salariés concernés ne fassent pas office de variable d’ajustement. Il paraîtrait légitime que l’effort soit équitablement réparti entre tous ceux qui concourent à la production du film. Qu’en pensez-vous, monsieur le ministre ?
Enfin, vous le savez, je m’intéresse de près aux problèmes de numérisation, tant des œuvres cinématographiques que des salles.
Pour ces dernières, il est urgent de lancer le fonds de mutualisation qui sera géré par le CNC, le Centre national du cinéma et de l’image animée. En effet, le développement d’un réseau à deux vitesses entraînerait une marginalisation, puis une disparition des petites salles non numérisées, ainsi que des effets pervers sur la programmation, la distribution et la diversité des films diffusés.
Monsieur le ministre, comment concevez-vous la coordination des interventions du CNC et des initiatives déjà lancées par des entreprises privées, afin que chacun puisse occuper sa place légitime ? Et quel sera le calendrier de mise en œuvre du fonds de mutualisation ?
En conclusion, mes chers collègues, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication est favorable à l’adoption des crédits consacrés au programme « Création » de la mission « Culture » pour 2010.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur le banc des commissions.
Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Je vous rappelle qu’en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Françoise Laborde.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si le projet de budget pour 2010 consacré à la culture présente une hausse globale de 5 %, il comporte toutefois plusieurs facettes.
La valorisation du patrimoine constitue clairement la priorité budgétaire du Gouvernement. Les crédits de paiement qui y sont consacrés augmentent de 100 millions d’euros par rapport à 2009. Je ne peux que m’en réjouir, même si cette décision, particulièrement attendue après des années de restriction, s’inscrit dans une perspective historique, ce programme rattrapant enfin le retard accumulé.
Assurément, le patrimoine est le socle de notre culture. Il contribue au rayonnement de la France, mais aussi à l’attractivité de notre économie touristique.
Le groupe du RDSE sera attentif à ce que cette augmentation budgétaire soit pérennisée sur plusieurs années, comme vous vous y êtes engagé, monsieur le ministre.
Par ailleurs, à l’occasion de l’examen de la mission « Culture », il nous est proposé, par le biais de l’article 52, rattaché, d’étendre une procédure de reprise par les collectivités territoriales des monuments appartenant au patrimoine historique de l’État. Nous y reviendrons tout à l’heure, mais je tiens d’ores et déjà à vous dire que nous nous inquiétons des conséquences de l’élargissement de cette procédure, qui ne saurait aboutir à un désengagement de l’État en matière de sauvegarde et d’entretien de notre patrimoine ni se faire aux dépens des collectivités territoriales repreneuses.
Quant aux crédits de paiement du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », ils marquent un recul de 10 millions d’euros. L’influence de la RGPP engagée par le Gouvernement pèse sur le budget en termes d’emploi et d’organisation. Les personnels du ministère de la culture et des établissements publics, qui occupent 70 % des emplois, seront considérablement touchés par le non-remplacement d’un agent sur deux partant à la retraite. Selon une formule sibylline du ministère, ces mesures permettront de respecter la trajectoire de diminution des emplois, c'est-à-dire de supprimer 249 équivalents temps plein sur trois ans.
En 2010, l’administration centrale devra donc réorganiser ses directions, dont le nombre passera de dix à trois. Les nouveaux périmètres ainsi créés distingueront le patrimoine, la création artistique, ainsi que les médias et industries culturelles.
Je voudrais aborder maintenant la situation contrastée du secteur associatif de la culture et de la communication. En dix ans, les 2 millions de bénévoles qui font vivre la création artistique et la culture de proximité ont contribué à une augmentation de 5 % du nombre d’associations répertoriées, qui sont aujourd’hui 204 800. Le soutien budgétaire de l’État doit maintenant suivre cette évolution, car les collectivités territoriales ne peuvent seules en définir l’orientation et en subir la charge.
Les acteurs du secteur associatif se trouvent souvent impuissants face au désengagement de l’État, qui concentre son action sur certains territoires privilégiés et des établissements de grande taille, comme le démontre l’utilisation des crédits alloués aux DRAC. Je souhaite relayer leur inquiétude : l’État doit veiller à ce que la conception des politiques culturelles continue à s’élaborer en partenariat avec le secteur associatif.
La préoccupante dégradation de l’industrie de la musique appelle également toute notre attention. Nous avons déjà eu ce débat à l’occasion de la discussion des lois HADOPI 1 et HADOPI 2. La relance de ce pan de l’économie culturelle est cruciale. Elle ne peut passer, je l’ai souligné lors de nos précédents débats, que par la mise en place d’un système de licence globale.
Aujourd’hui, l’accès à la culture passe aussi par l’internet et le numérique, surtout pour les plus jeunes. La numérisation des fonds patrimoniaux en faveur des écoles et des bibliothèques est d’ailleurs lancée. Pour ma part, comme nous l’a suggéré M. Racine, président de la BNF au cours de son audition par la commission de la culture, je serai attentive à ce que soit élaborée une charte déontologique de partenariat entre institutions publiques patrimoniales et partenaires privés.
En effet, certaines inquiétudes persistent concernant le monopole des opérateurs et moteurs de recherche commerciaux. Notre rôle de parlementaires est bien d’accompagner la marche du progrès. Or il est indéniable que ces nouveaux outils démultiplieront les conditions d’accès du plus grand nombre à la culture et à la richesse des collections culturelles. Reste, assurément, à encadrer les conditions de leur progression.
Les questions numériques concernent également le domaine du cinéma, dont la production est plutôt florissante. La nécessaire numérisation des salles devra être accomplie rapidement. La mise en place du fonds de mutualisation en faveur de la numérisation des salles de cinéma me paraît déjà engagée par le CNC, même si, pour les petites salles municipales, le cap sera plus difficile à franchir.
J’en arrive au sujet qui nous préoccupe tous ici depuis de nombreux mois, et pour longtemps encore, je ne crois pas me tromper en l’affirmant : la réforme imminente des collectivités territoriales.
Dans cette perspective, monsieur le ministre, comment comptez-vous garantir le dynamisme des politiques culturelles des territoires ? Les ressources sont remises en cause, notamment par la suppression de la taxe professionnelle. Les collectivités locales se verront-elles contraintes d’arbitrer à la baisse les budgets consacrés aux actions culturelles ? L’avenir nous le dira !
Outre les compétences régaliennes qui lui incombent, l’État doit mettre en œuvre les moyens de corriger les inégalités entre les territoires. Or je n’en vois pas la traduction dans votre budget, monsieur le ministre ; je déplore même l’inverse ! Sont inscrits des grands projets principalement situés en Île-de-France : le Grand Paris, la Philharmonie de Paris, le Palais de Tokyo, le site historique de la BNF et le Centre national de conservation, de recherche et de restauration des patrimoines en Île-de-France. Comme l’année dernière, une exception notable concerne le MUCEM, le Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, situé à Marseille.
J’aurais souhaité, monsieur le ministre, que les efforts soient mieux répartis, notamment en direction des arts du spectacle vivant. Ce sont les vecteurs les plus efficaces de la démocratisation de l’accès à la culture et de l’aménagement du territoire.
Même si je salue la progression globale de 2 % des crédits du programme « Création », ainsi que la pérennisation, à hauteur de 15 millions d’euros, des ressources exceptionnelles extrabudgétaires affectées en 2009, permettez-moi de regretter une augmentation trop timide, de 0, 4 %, de la dotation consacrée au spectacle vivant. Ce chiffre ne permettra pas de compenser le taux d’inflation, qui devrait atteindre cette année 1, 2 %. Ne l’oublions pas, les coûts du spectacle vivant sont incompressibles. Ils reposent essentiellement sur des moyens humains. Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour que le spectacle vivant soit privilégié dans le budget que nous examinerons l’année prochaine.
Avant de conclure, je tiens absolument à évoquer très rapidement la question de l’éducation artistique et culturelle à l’école, dont je reparlerai lors de la discussion de la mission « Enseignement scolaire ». En la matière, il ne suffit pas de prendre des engagements : les moyens doivent suivre.
Ces enseignements ont été confiés, dans un premier temps, aux professeurs d’histoire-géographie. Mais le programme déjà très chargé de ces disciplines ne leur permet pas de consacrer du temps à l’éducation artistique, alors même que l’éducation civique a déjà du mal à trouver sa place. Il faut donc franchir une étape supplémentaire et mettre en place un programme à part entière, confié à des enseignants recrutés à cet effet. Garantir l’égalité d’accès à la culture pour tous, par le biais de l’école, est à ce prix.
Enfin, que sont devenues les préconisations des entretiens de Valois et les réformes qui devaient découler de cette concertation ? Quels crédits y sont consacrés ? Certes, affichant une volonté à toute épreuve, vous souhaitez œuvrer en faveur d’une politique culturelle ambitieuse. Mais, des engagements à la pratique, le chemin à parcourir est encore long !
Devant les fortes disparités affectant les différents programmes de la mission « Culture », la majorité du groupe du RDSE ne votera pas ces crédits.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, octroyer sept minutes pour traiter du budget de la culture pour 2010 et de son contexte gravement préoccupant, c’est mutiler le débat budgétaire, en obligeant à un survol. Je proteste contre cet amenuisement de la délibération parlementaire et me résous douloureusement à rappeler certains faits et à présenter quelques idées.
Je vous livre donc le petit inventaire en huit points que j’ai dressé.
Premièrement, je rappellerai quelques chiffres du budget. Il augmente, certes, mais pas dans tous les domaines. Le patrimoine, qui avait tant souffert précédemment, est le mieux loti. Les 100 millions d’euros prévus par le volet culturel du plan de relance sont confirmés. Mais la création, si stratégique dans toute politique culturelle, marque le pas. On connaît l’expression d’Aragon « se souvenir de l’avenir ». Si ce budget essaie de se souvenir, il renonce à l’avenir, comme en témoigne la stagnation des autorisations d’engagement en la matière.
Fort heureusement, les personnels travaillant dans ce ministère récusent la deuxième phase de la fameuse RGPP, la « réduction toujours plus gonflée de ce qui reste des politiques publiques ». La grève du Centre Georges-Pompidou en est un symbole courageux et digne, comme le préavis pour une grève reconductible à partir du mercredi 2 décembre, à l’appel des sept syndicats du ministère de la culture.
Deuxièmement, je m’attacherai à l’esprit du budget. Les chiffres sont une chose, leur esprit une autre. C’est une véritable avalanche : pas un document de l’État qui n’avance une petite phrase salvatrice ! M. Fillon, dans sa lettre à un conseiller d’État relative au Centre Georges-Pompidou, a ces mots : « Faire mieux et moins cher. […] Il est plus particulièrement nécessaire de s’interroger sur […] la nature et la structure des charges fixes et de leur degré de rigidité à la baisse ». Il va jusqu’à se poser la question suivante : « Qui doit assurer le financement ? »
Le président de l’Assemblée nationale a demandé à l’ensemble des présidents de commissions de réfléchir aux dépenses. La commission des affaires culturelles, le 21 juillet dernier, a ainsi mis en place une mission « sur l’optimisation des dépenses publiques et la suppression des structures publiques inutiles », en précisant, sans crainte du ridicule : « “Optimiser” ne signifie aucunement “réduire” les moyens. »
Troisièmement, il apparaît que le budget englobe désormais des fonctions nouvelles, le programme « Patrimoines » ayant enfin du grain à moudre. Mais il faut « trousser » le document budgétaire. Le ministère, souhaitant se libérer d’une partie des monuments dont il avait directement la charge, les avait proposés aux collectivités territoriales, mais avec un piètre résultat. Cette année, le budget s’attaque aux opérateurs du ministère, soit à quatre-vingt-deux structures résultant de la politique d’autonomisation antérieure. Désormais, c’est fini ! Le contrôle des économies s’applique également à ces établissements et explique l’offre de transfert d’éléments du patrimoine aux collectivités locales. Il s’agit des grands monuments du Centre des monuments nationaux. Le pouvoir souhaite qu’ils trouvent preneurs et prévoit, s’ils rencontrent des difficultés à honorer leurs engagements, de les vendre.
Il s’agit d’une remise en cause du caractère inaliénable de ces monuments. Après la parution du rapport Jouyet-Levy, lequel évoquait une telle possibilité pour les objets, sculptures et tableaux des musées, l’émotion avait été très grande. Le rapport demandé alors à Jacques Rigaud avait conclu à leur caractère inaliénable. Mais nous y revoilà ! La conduite est inélégante, je dirai même immorale.
Quatrièmement, j’évoquerai les oubliés du budget. Je me rends souvent dans les régions, dont je découvre avec plaisir les différentes facettes. Partout, j’entends des propos graves sur les carences et béances des crédits. C’était vrai cette année, ce sera encore plus vrai avec le budget pour 2010. L’action relative à l’accès à la culture subit une saignée : moins 4 millions d’euros pour les pratiques amateurs ; moins 1, 5 million d’euros tant pour les publics spécifiques que pour les nouvelles technologies, ainsi que pour les politiques spécifiques en faveur du cinéma.
On cherche vainement la prise en compte des conclusions des entretiens de Valois, la crise de l’intermittence n’est pas abordée et l’élan financier nécessaire manque pour appliquer les dispositions prévues dans la loi en matière d’archéologie préventive.
Cinquièmement, ce budget « chasse » les emplois. Face au drame de l’intermittence, il est incompréhensible que le secteur audiovisuel spectacle du pôle emploi Georges-Méliès de Saint-Denis soit supprimé, alors que la Plaine-Saint-Denis, véritable ville de l’image, accueillera bientôt la Cité du cinéma de Luc Besson. Je le rappelle, 5 000 intermittents étaient suivis par cette agence.
Le plan triennal de suppression d’emplois, selon la mathématique-guillotine du « non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux » a prévu, sur les budgets 2009, 2010 et 2011, la suppression de 415 emplois au ministère de la culture et de 255 dans les établissements publics, soit un total de 670. Mais l’esprit de ce budget et la logique même de la RGPP 2 nous conduisent vers les mille suppressions en trois ans. Je pense notamment à la réduction des charges fixes n’excluant pas la masse salariale et aux coupes claires effectuées dans les subventions de l’État allouées aux opérateurs, notamment aux établissements publics.
Ce budget, comme la stratégie sarkozienne qui le sous-tend, « désosse » les services !
Sixièmement : les budgets boucs émissaires.
L’émotion parmi les personnels, à tous les degrés de responsabilité, est d’autant plus grande qu’il est suggéré aux intéressés d’aller frapper aux portes des collectivités territoriales. Personne ne manquera de le faire, mais c’est au ministère de lever le loquet financier. C’est comme si l’on espérait pouvoir détourner la colère !
Ne vient-on pas de voter la réforme des collectivités territoriales, qui amoindrit leurs capacités financières, comme en témoignent les discussions des crédits de la culture dans les budgets locaux ? Cette réforme vise à ôter la clause de « compétence générale » à différents échelons de collectivités territoriales, fermant ainsi les possibilités de financement culturel.
Le Président de la République a même parlé de « folie fiscale » des régions, alors que la politique nationale qu’il anime porte atteinte à leur liberté, notamment celle de lever l’impôt. Les professionnels de la culture ont un intérêt convergent avec les professionnels des collectivités locales et les habitants de celles-ci. Le Président de la République tente de bâtir un mur d’incompréhension entre ces citoyens. Stoppons la construction de ce mur !
Septièmement : le budget, le grand emprunt et la numérisation.
Dans le document budgétaire, ce thème n’est pas traité avec l’ampleur que vous avez souhaité lui donner au deuxième Forum d’Avignon, rencontres de dimension internationale qui se sont tenues la semaine dernière. Vous y avait fait, monsieur le ministre, un discours remarqué, qui reprenait, en les approfondissant, les thèmes que vous avez développés ici même, le lundi 16 novembre dernier, en réponse à une question orale que je vous avais posée avec la commission des affaires culturelles.
On trouve les bases de votre raisonnement dans le rapport Jouyet-Levy de novembre 2006, intitulé « L’économie de l’immatériel, la croissance de demain », qui a fait l’objet de réflexions importantes lors de la journée de travail des états généraux de la culture consacrée à « la culture à l’ère du numérique », qui s’est déroulée au Sénat le 13 mars 2007.
Pierre Musso, professeur des universités, y nota le rôle fondateur de ce rapport, l’équivalent du rapport Nora-Minc de 1978 sur « l’informatisation de la société française ». Selon lui, si le numérique y est érigé « au rang de mythe rationnel indiscutable », c’est « pour légitimer des politiques qui, elles, sont fort discutables »… Il poursuit : « En fait, la naturalisation de la technologie permet aux pouvoirs de la manier comme un discours de la causalité fatale, une sorte de Destin à accomplir. La technique, instrumentalisée comme un fatum, “nécessiterait”, “exigerait”…, comme si elle était extérieure à la société qui l’engendre. »
L’élément nouveau, dans le rapport Jouyet-Levy, c’est la combinaison de la fatalité de la technologie avec celle de la financiarisation. On peut y lire cette phrase : « La finance […] est en soi une composante de l’économie de l’immatériel. »
Pierre Musso commente : « Dans cette approche technico-financière, tout deviendrait immatériel : sur le modèle de la finance depuis longtemps dématérialisée, passant de l’or à la monnaie fiduciaire puis au bit d’information, les entreprises et les institutions, et même les Nations, deviennent des marques, et de façon plus générale, les réseaux d’information, notamment internet, dématérialisent les objets, le territoire, les institutions, voire les hommes transformés en “actifs immatériels”. L’homme traité de “capital humain” est objet de gestion comptable. Il est tout simplement géré, comptabilisé, traité comme un signe dans un bilan comptable, c’est-à-dire comme un actif immatériel. »
L’idée d’ériger l’immatériel au rang de nouvelle idéologie a germé au sein des services de l’OCDE, et a été reprise au sommet de Lisbonne en 2000. L’Union européenne s’est fixé l’objectif « de devenir l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique ».
Or, continue Pierre Musso, « la notion d’“immatériel” dans le rapport est appliquée à l’innovation, à la recherche, à la formation et à l’enseignement, au design, à la mode, en passant par la créativité, le jeu vidéo, la publicité, les marques, l’entertainement, et même l’“esprit d’entreprise” […] Les rapporteurs précisent même qu’“il ne faut pas oublier qu’il existe une autre catégorie d’actifs immatériels : l’ensemble du champ des immatériels liés à l’imaginaire” […], ce qui permet de mettre sur le même plan la “création artistique et culturelle”, la publicité ou les marques. »
Le discours idéologique sur l’économie de l’immatériel souligne un fait majeur, l’importance de la connaissance et de la culture dans la société et l’économie, mais vise à les standardiser en actifs comptables et en signes valorisables, pour les soumettre à une financiarisation généralisée.
L’esprit des affaires, décidément, s’impose aux affaires de l’esprit.
Nous avons donc, monsieur le ministre, une divergence de point de vue sur ce rapport Jouyet-Levy. Le Figaro du 25 novembre a repris vos propos si lucides sur Google : « Google a franchi avec une rapidité étonnante les étapes de la croissance qui transforment une jeune pousse en une plante dont on peut se demander si elle ne tend pas à devenir carnivore ».
Je ne vous surprendrai pas si je vous dis que je crains que ces propos ne soient affaiblis. Vous rentrez d’une réunion européenne que vous avez justement provoquée. Que s’y est-il passé ? À quoi avez-vous abouti ? Peut-on connaître les usages que vous entendez faire de l’enveloppe destinée à traiter du numérique, que vous évaluez à 753 millions d’euros, afin qu’elle soit prise en compte par le Président de la République dans le grand emprunt ?
Le rapport de Michel Rocard et d’Alain Juppé contient beaucoup de projets industriels, mais pas le projet industriel français ou européen qui pourrait, selon un plan qui resterait à débattre, assurer la numérisation des livres autrement qu’en vrac. Il peut y avoir un partenariat public-privé. Mais Google n’est pas un privé comme les autres, c’est un monopole et, dans toute négociation, ce dernier l’emporte, sauf à avoir au préalable pris des mesures de régulation d’ampleur que je ne vois pas venir.
Il faut une entente générale au niveau européen, une entente des bibliothèques, des éditeurs, des libraires, des lecteurs – j’ose les inclure –, des écrivains et des auteurs, dont Google traite si mal les droits au point d’imposer le secret dans les marchés qu’il a passés dans son propre pays ainsi que, malheureusement, chez nous, même si ce n’est qu’une seule fois. Surtout, n’allons pas plus loin ! C’est un « non » que souhaitent entendre les intéressés, comme l’a montré l’accueil chaleureux qui m’a été réservé au Forum d’Avignon quand j’ai prononcé trois ou quatre phrases roboratives et verticales à ce propos.
Huitièmement, votre budget, le budget général et les salariés.
Un mot qui n’est pas une plainte, mais qui porte plainte. Même si vous pensez que je sous-estime votre budget, je maintiens qu’il s’inscrit dans un cadre d’ensemble qui ne respecte pas la dignité des salariés. Les économies réalisées dans tous les domaines qui concernent la vie des femmes et des hommes mutilent ces derniers. Et l’on vole à nos concitoyens, du plus pauvre au cadre, leur imaginaire et leur curiosité, dont ils voudraient rester maîtres. Ils ne respirent donc plus au travail, pas plus qu’au dehors, d’ailleurs. Ils cessent d’être partenaires de la création artistique, à laquelle vous êtes depuis toujours très attaché, monsieur le ministre.
C’est pourquoi j’ai entendu très profondément votre juste qualificatif de « carnivore ». Le vocable que nous voudrions voir régner, sur un autre plan, c’est la « tendresse », celle que symbolisa si longtemps celui qui disparut le 25 novembre 1959, Gérard Philipe. Je travaillais alors à L’Humanité Dimanche. Nous sommes tous sortis sur les grands boulevards. Innombrables étaient ceux qui avaient fait de même, les trottoirs devenant d’immenses et pourtant d’intimes terrains de conversations entre tous et chacun, chacune. Pourquoi ? Parce que Gérard Philipe savait nommer les choses. Camus a dit : « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du Monde ». Gérard Philipe n’aimait pas le malheur du monde. Je lui laisserai le dernier mot, extrait d’un rôle qu’il interpréta à vingt-trois ans, précisément dans une pièce d’Albert Camus : « Je ne suis pas fou et même je n’ai jamais été aussi raisonnable. Simplement, je me suis senti tout d’un coup un besoin d’impossible. Les choses, telles qu’elles sont, ne me semblent pas satisfaisantes […] Le monde, tel qu’il est fait, n’est pas supportable. J’ai donc besoin de la lune, ou du bonheur, ou de l’immortalité, de quelque chose qui soit dément peut-être, mais qui ne soit pas de ce monde ».
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe de l’Union centriste, que je représente ici, votera ce projet de budget, qu’il juge globalement bon. Certes, il pourrait être meilleur encore, mais reconnaissons que nous avons connu bien pire…
Nous saluons évidemment l’effort tout particulier que vous consentez en faveur du patrimoine ; vous auriez pu vous contenter du plan de relance, mais vous avez décidé de l’amplifier.
Nous nous réjouissons aussi des mesures concernant la transmission des savoirs, le livre, la recherche culturelle ou le cinéma.
S’agissant de la création, notre jugement sera plus réservé. Compte tenu du peu de temps qui m’est imparti, je concentrerai mon propos sur le spectacle vivant, à travers trois interrogations et réflexions.
La première concerne l’augmentation budgétaire, qui est de 0, 4 %. Nous en prenons acte. Il reste que, dans le même temps, nous apprenons que 5 % des crédits déconcentrés seront, une fois de plus, gelés : vieux scénario auquel vos prédécesseurs nous ont habitués, mais dont j’avais cru comprendre que le Président de la République ne voulait plus.
Un scénario qui s’apparente à la climatologie des fleuves sibériens : à la fin de l’automne, lorsque nous votons le budget, c’est le gel ; au printemps ou au cœur de l’été, c’est le dégel, non sans que préalablement vos services déconcentrés aient eu à subir une « dégelée » de la part des acteurs culturels, mobilisés pour le rétablissement des 5 %.
Sourires
Alors, monsieur le ministre, soyons clairs : ou bien le gel sera pérennisé et il ne faut plus afficher 0, 4 % d’augmentation, ou bien il ne le sera pas, et il ne faut plus jouer avec les nerfs des gens.
Ma deuxième réflexion rejoint des préoccupations qui ont été exprimées à cette tribune de façon récurrente sur le déséquilibre Paris-province, étant entendu que la province ne se limite pas à l’espace rural, pour lequel j’ai au demeurant beaucoup de sympathie, mais comprend aussi des métropoles qui entendent bien jouer leur rôle dans l’espace européen : Lyon, Marseille, Lille, Nantes, Bordeaux, Toulouse et quelques autres.
Je sais bien qu’il y a des combats perdus d’avance. Jack Ralite vient d’évoquer Gérard Philipe ; je voudrais évoquer Roger Planchon, dont j’étais proche, et qui nous a quittés cette année. Il m’a expliqué des dizaines de fois les combats qu’il avait menés contre une dizaine de ministres pour faire valoir le fait que, dans un pays comme la France, sur cinq théâtres pris en charge par l’État, il y en avait quatre à Paris et un seul en province, et que le Théâtre national populaire – Roger Planchon s’y sentait l’héritier de Jean Vilar – n’avait jamais eu droit à cet honneur. Combat perdu d’avance, j’en conviens.
Mais, monsieur le ministre, les choses étant ce qu’elles sont, le spectacle vivant ne peut vivre que parce qu’il y a des collectivités locales et territoriales qui le font vivre avec vous.
Le département du Rhône, que je représente, abrite trois institutions dites nationales : le Théâtre national populaire, déjà cité, l’Opéra national de Lyon et l’Orchestre national de Lyon. Le premier est financé par l’État à 55 % – louable effort, j’en conviens –, le second à 16, 5 %, le troisième à 12, 5 %.
À quelques semaines du débat que nous aurons dans cet hémicycle sur la réforme des collectivités territoriales, ces chiffres doivent nous faire réfléchir. Que se passerait-il pour le spectacle vivant si la compétence générale était retirée aux régions ou départements ? Cette hypothèse, un instant envisagée, avant d’être aménagée, signifierait tout simplement la mort du spectacle vivant. Soyez vigilant, monsieur le ministre, et comptez sur notre groupe pour qu’il le soit également.
« Mais, me direz-vous, les entretiens de Valois sont arrivés. Et le spectacle vivant s’en trouve tout ragaillardi. » Je sais bien que cette initiative a précédé votre arrivée au ministère, mais qu’il vous reviendra le soin de la faire vivre. Je ne partage pas tout à fait l’enthousiasme des précédents orateurs au vu de la première réunion décentralisée qui s’est tenue à Lyon, le 10 septembre dernier.
Dix rangées de l’amphithéâtre de l’Opéra étaient occupées par des messieurs sagement assis – pardonnez-moi, chères collègues, mais il y avait très peu de dames. Les cinq premières étaient garnies de messieurs en costume et cravate, les cinq dernières de messieurs qui n’en avaient pas, tout au moins de cravate…
Sourires
Les messieurs en cravate ont longuement parlé, à tour de rôle : le directeur du théâtre, de la musique et de la danse et ses conseillers, le directeur régional des affaires culturelles et ses conseillers, le préfet de région et ses conseillers, le maire de Lyon, le président de la région, le président du département, les vice-présidents, les adjoints, les conseillers, les sous-conseillers des conseillers et les présidents des vice-présidents. Et lorsque, au bout de deux heures, tous les messieurs en cravate ont eu fini de parler, il n’y avait plus de temps pour les messieurs décravatés ! Mais tout le monde était content, c’était « du temps qu’on allait encore aux baleines », c’était les entretiens de Valois, façon décentralisée.
Monsieur le ministre, on parle beaucoup de crédits ; je voudrais parler aussi de simplification.
Voilà quinze ans que je suis vice-président du conseil général du Rhône en charge de la culture ; quinze ans que je pratique des comités de pilotage qui, bien souvent, ne pilotent pas grand-chose ; quinze ans que j’assiste à des comités de suivi, qui induisent forcément des comités suivants, tout en sachant bien que, pour un comité, on ne sait plus s’il vaut mieux être de suivi que suivant ; quinze ans que j’épluche des conventions de plus en plus longues où doivent figurer obligatoirement les poncifs obligés, les « publics empêchés », les « formes émergentes » ; quinze ans que je vois des créateurs faire la course au label comme d’autres la course à l’échalote.
Je ne suis pas vraiment convaincu que les entretiens de Valois simplifieront les choses. Le spectacle vivant n’a pas besoin de réunions supplémentaires, qui épilogueront sans fin sur des contrats d’objectifs. Il a besoin d’une seule chose : la confiance qui doit s’instaurer entre un créateur et des élus publics, qui lui permettent de créer sans rien lui imposer, dès lors que la confiance tient lieu de contrat.
Roger Planchon est mort sans avoir obtenu le label qu’il avait souhaité. Mais, avant lui, tant d’autres sont morts sans avoir été labellisés, ou sans avoir connu la suprême jouissance d’un comité de pilotage. Pourtant, ils sont toujours vivants dans la mémoire collective.
Molière sur les places de Pézenas, Copeau dans les villages bourguignons ou Dasté chez les mineurs de Saint-Etienne, eux aussi sont morts, les pauvres, sans avoir eu pleinement conscience qu’ils jouaient devant des « publics empêchés », et qu’ils donnaient dans l’« émergence ».
En conclusion, monsieur le ministre, vous qui avant de le devenir avez d’abord été un créateur et l’êtes toujours, dégelez ! Dégelez vos crédits, certes, mais aussi le conformisme qui, inévitablement, peut guetter une administration déjà quinquagénaire. Conventionnez certes, puisqu’il le faut bien conventionner, mais conventionnez de façon moins… conventionnelle. Labélisez certes, parce qu’il faut bien labéliser, mais sans enfermer les créateurs dans un carcan. Le spectacle vivant a besoin de crédits, mais tout autant de libertés.
Applaudissements
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans ce cadre budgétaire difficile, on pouvait à juste titre craindre que certains secteurs ne soient jugés moins prioritaires et ne tiennent lieu de variable d’ajustement. La culture ne doit pas subir un tel sort, car elle est essentielle à la vie de chacun, à l’éducation et à l’épanouissement de nos jeunes. Elle constitue de surcroît une garantie de lien social, un facteur identitaire qui favorise le rassemblement autour de projets et de valeurs. C’est le ciment du « vouloir vivre ensemble ».
La culture, donc nécessairement faite de mélanges et d’influences variées, doit ainsi être accessible à tous.
Concernant les crédits alloués à la mission « Culture », si l’on peut reconnaître que des efforts ont été accomplis dans certains programmes, beaucoup d’actions, notamment dans le domaine de l’accès à la culture et de sa démocratisation enregistrent des réductions de crédits, le soin étant laissé aux collectivités de prendre le relais, si elles le veulent – et surtout tant qu’elles le pourront –, dans le cadre de leur schéma de développement.
Je rappelle le rôle éducatif de la culture auquel le Président de la République reconnaît un caractère primordial. Lors de ses vœux aux acteurs culturels, à Nîmes, il a insisté pour que l’on donne dans les familles et à l’école, de l’« appétit » pour les enseignements artistiques. Ce n’est pas tout d’avoir de l’appétit, encore faut-il présenter un plat convenable, c’est-à-dire des projets de loi de finances à la hauteur de ces ambitions.
Espérons que votre ministère prendra la pleine mesure de la chose, car le député rapporteur du budget de l’éducation nationale, M. Yves Censi, ne fait pas référence à l’introduction de l’éducation artistique et culturelle dans le programme des lycées.
En matière d’enseignement supérieur, j’ai déjà eu l’honneur et le plaisir, monsieur le ministre, d’évoquer le cas de l’établissement public de coopération culturelle de Bretagne, qui a pu voir le jour grâce à la volonté et l’aide financière des collectivités territoriales, soutenues par la DRAC, malgré l’absence d’un décret-cadre.
De la même manière, si l’augmentation de 1, 5 % du budget en faveur du livre et de la lecture publique est positive, encore une fois, l’accès pour tous à la lecture est surtout garanti par les bibliothèques municipales et intercommunales, dont le maillage territorial est avant tout assuré par les départements.
Les pratiques amateurs, dont la vocation est de toucher le public le plus large possible et de favoriser les passerelles entre les pratiques populaires et l’enseignement académique, sont mal en point. La Coordination des fédérations et associations de culture et communication, ou COFAC, exprime bien cette inquiétude, à travers les 30 000 associations adhérentes qu’elle compte et qui sont autant d’acteurs soutenus par les collectivités territoriales.
Ce sont toutes ces structures associatives, indispensables à la vie quotidienne et à la diffusion culturelle de proximité, qui souffriront de la baisse de 10 millions d’euros des crédits d’accès à la culture, ces derniers passant de 59, 7 millions à 49, 4 millions d’euros en 2010, pénalisant ainsi toute une partie prioritaire de nos concitoyens : les personnes en situation de handicap, les élèves scolarisés en ZEP, les jeunes en rupture ou en situation d’exclusion.
Je crois que la rue fait partie intégrante de ces lieux de démocratisation de la culture, et j’espère que vous en tiendrez compte dans votre soutien au spectacle vivant, pour lequel vous avez pris l’engagement d’une répartition équitable sur l’ensemble du territoire national.
Pour conclure, je voudrais saluer, monsieur le ministre, votre volonté d’augmenter la proximité de l’action du ministère, comme en témoignent vos engagements en faveur des DRAC, dont les dotations connaissent une augmentation sensible.
Mais, vous le savez, déconcentration et décentralisation ne sont pas synonymes, et si vos efforts sont sincèrement motivés par la proximité de l’action publique, alors, accomplissez le même geste en faveur des collectivités et des associations. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le 13 janvier dernier, à l’occasion de ses vœux au monde de la culture, à Nîmes, le Président de la République déclarait : « Pour la culture, il doit y avoir d’autant plus d’initiatives et de projets qu’il y a ce besoin de sens et de repères. »
On ne peut que souscrire à cette vision, à plus forte raison dans une société moderne où tout va toujours plus vite, où les connaissances et les informations sont mondialisées, où les références culturelles passent aussi rapidement qu’elles sont apparues. Dans ce contexte, la culture, qui porte des valeurs intemporelles, constitue l’un des derniers éléments fondateurs d’un patrimoine commun et elle est génératrice de lien social.
Le présent budget, monsieur le ministre, traduit remarquablement cette politique culturelle ambitieuse. Pour l’exercice 2010, dans un contexte de restriction budgétaire, il consacre en effet des priorités fortes et les traduit par une augmentation sensible et légitime de 3, 9 % des crédits alloués à la mission « Culture ».
Cette hausse profite particulièrement au programme « Patrimoine », premier volet de la mission « Culture » avec une augmentation des crédits de près de 13 % par rapport à l’année dernière. Une telle augmentation doit permettre d’atteindre l’objectif fixé par le Président de la République de financer l’entretien et la restauration des monuments historiques à hauteur de 400 millions d’euros d’ici à 2012. Notons d’ailleurs que 100 millions d’euros supplémentaires proviennent du plan de relance de l’économie et complètent ces crédits.
Je tiens à saluer cette démarche, car préserver et embellir le patrimoine historique de notre pays est aujourd’hui une nécessité, non seulement pour sa beauté et le témoignage historique qu’il représente, mais aussi parce qu’il permet à des artisans d’exercer leur métier, parce qu’il contribue à l’attractivité de notre pays et à son rayonnement dans le monde entier.
Les rapports alarmants s’étaient multipliés ces dernières années. Je pense notamment au rapport de notre collègue Philippe Nachbarsur la sauvegarde du patrimoine architectural en 2006, dans le cadre d’une mission d’information présidée par Philippe Richert. Les retards de nombreux chantiers vont ainsi pouvoir être rattrapés.
Tout cela est assurément bienvenu en cette période économique tendue, car la valorisation de notre formidable patrimoine représente un atout incontestable pour maintenir le prestige culturel de notre pays, mais encore, ne l’oublions pas, pour développer ce véritable « poumon » de notre économie touristique. On estime en effet que chaque euro de dépense publique investi dans la restauration de notre patrimoine historique permet de rapporter 20 euros à l’ensemble de notre économie.
L’effort soutenu ici réalisé est donc totalement pertinent et optimisé, car nous savons qu’il aura des retombées pour l’emploi, l’activité économique de nos entreprises et le renforcement de notre activité touristique.
J’ajoute que l’effort vise également les musées nationaux, avec une augmentation de 21 % de l’action Patrimoine des musées de France. Je souhaite à cette occasion évoquer la mesure de gratuité pour les moins de vingt-cinq ans, essentielle pour donner à nos jeunes le goût des arts et démocratiser l’accès au patrimoine culturel. Pourriez-vous d’ailleurs nous indiquer, monsieur le ministre, quels sont les premiers résultats de cette mesure mise en place en avril dernier ?
La création, second volet de la mission « Culture », enregistre elle aussi une progression des moyens financiers qui lui sont alloués. L’État a notamment engagé un effort particulier en direction du spectacle vivant. Ces crédits vont permettre de soutenir les quelque 800 lieux de création, de production et de diffusion, répartis sur l’ensemble du territoire.
Le groupe UMP soutiendra également, monsieur le ministre, la poursuite du mouvement de réforme engagé dans le cadre des entretiens de Valois pour la clarification des missions des différentes structures du spectacle vivant et une structuration de l’emploi culturel.
Le troisième axe de la mission « Culture », relatif à la transmission des savoirs et à la démocratisation de la culture, bénéficie lui aussi de moyens substantiels et ambitieux. Cet accès pour tous à la culture est fondamental, et l’éducation en est le vecteur majeur. Notre incomparable patrimoine doit être accessible à chacun et la valorisation des potentiels créatifs par l’enseignement artistique doit être favorisée.
La hausse des crédits attribués au programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » conforte cet objectif et rend désormais possible une réelle sensibilisation pour relever le défi de la transmission.
L’art doit être envisagé comme une nécessité, comme une chance pour nos enfants. Le Président de la République l’a rappelé le 14 octobre dernier, en annonçant les lignes directrices de la réforme du lycée : création d’un enseignement transversal d’histoire des arts ; désignation dans chaque établissement d’un « référent culture », chargé des relations avec le monde culturel environnant ; projection de films classiques, de spectacles de théâtre, de concerts... Autant de mesures permettant d’« éduquer» le goût des jeunes. Je me permettrai d’y ajouter l’une des propositions du rapport que j’ai rendu récemment au Premier Ministre : redonner un caractère obligatoire à l’enseignement du dessin, pour tous les élèves, au cours de la scolarité.
Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, où en est ce projet, et notamment nous préciser comment vous envisagez l’enseignement de l’histoire des arts et s’il pourra donner lieu à une évaluation au baccalauréat ?
Par ailleurs, le Sénat, « maison des territoires français » au sein du Parlement, ne peut que se féliciter de l’approfondissement de la déconcentration de la politique culturelle, traduite par l’augmentation des crédits alloués aux DRAC.
Notre Haute Assemblée ne peut également que se réjouir de la reconnaissance du rôle majeur des collectivités territoriales dans la mise en œuvre de la politique culturelle dans nos territoires, concrétisé par l’article 52 du projet de loi de finances, qui leur ouvre la possibilité, en collaboration avec les services de l’État, de gérer et de rénover leur patrimoine local.
Puisque la transmission est aujourd’hui également numérique, je ne saurais conclure sur le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » sans vous témoigner, monsieur le ministre, de l’entier soutien de notre groupe pour la mise en œuvre prochaine, dès les premiers jours de l’année 2010, de la courageuse loi dite HADOPI, que vous avez su défendre brillamment et qui doit permettre de protéger la diversité, la qualité et la survie même de l’offre culturelle.
Enfin, monsieur le ministre, et pour conclure sur un sujet qui, vous le savez, me tient beaucoup à cœur, je souhaite attirer votre attention sur la nécessité pour notre pays d’engager enfin une politique volontariste de défense, de promotion et valorisation de nos métiers d’art et savoir-faire traditionnels.
Le rapport que j’ai rendu a permis d’identifier les difficultés concrètes de cette filière prestigieuse, mais trop méconnue, qui est pourtant une extraordinaire source de richesse humaine, culturelle et économique pour notre pays.
Parmi les nombreuses propositions du rapport, un grand nombre de mesures concrètes, très simples à mettre en œuvre et sans nécessairement engendrer de nouvelles dépenses, ont été soumises au Premier ministre, qui en a immédiatement validé certaines, en vous confiant, monsieur le ministre, la charge de les mettre en œuvre. Il s’agit notamment de doubler le nombre des maîtres d’art et de leur permettre de transmettre leur incomparable savoir-faire à plusieurs élèves successivement.
Actuellement, seuls quatre-vingt-neuf de nos artisans d’excellence se sont vus élevés à ce titre prestigieux par votre ministère, et ils ne peuvent malheureusement transmettre leur savoir qu’à un seul élève pour une durée de trois ans. Élargir les quotas d’attribution du titre de maître d’art et du nombre de leurs élèves permettra, pour un coût modique, de perpétuer, de faire rayonner et de démultiplier ces savoir-faire d’exception.
Le Premier ministre a également validé le lancement d’une campagne nationale d’information et de promotion de ces métiers, en particulier en direction de nos jeunes.
Ces métiers souffrent en effet de la désaffection générale pour les métiers manuels, et les élèves qui s’y engagent le font encore malheureusement trop souvent par défaut. Ils procurent pourtant de grandes satisfactions personnelles et professionnelles aux jeunes qui ont le courage de se lancer et constituent l’une des dernières formes d’ascenseur social.
Cette campagne dans leur direction devra, pour être efficace et attractive, utiliser des codes visuels et les outils de communication que les jeunes maîtrisent et comprennent.
D’autres mesures contenues dans ce rapport devront également être étudiées dans les mois à venir, comme l’instauration d’un référent sur ces métiers au sein des différentes DRAC, la création d’un diplôme supérieur des métiers d’art, ou encore la possibilité d’ouvrir le dispositif du « 1% artistique » aux entreprises des métiers d’art.
Vous connaissez, monsieur le ministre, le poids économique très important de cette filière d’excellence. Plus encore, je souhaite rappeler que ces métiers constituent l’un des piliers de notre patrimoine culturel les plus enviés dans le monde, qu’ils sont porteurs de valeurs simples et saines d’authenticité, de passion, d’exigence, d’amour du travail bien fait, si importantes dans une société en perte de repères, valeurs qu’il est aujourd’hui impératif de promouvoir auprès de nos jeunes.
Vous pouvez donc compter sur notre entier soutien pour vous assister dans la mise en œuvre de cette politique en faveur des métiers d’art.
En définitive, monsieur le ministre, le présent budget traduit une politique ambitieuse et tournée vers l’avenir. Bien évidemment, notre groupe partage les priorités définies par le Gouvernement dans le domaine de la culture et lui apportera son soutien. Nous voterons donc en faveur des crédits de cette mission.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Jean-Jacques Pignard applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention ne portera que sur deux ou trois points particuliers.
Ce projet de budget, dans bien des domaines, accuse des faiblesses. Aussi, bien entendu, mon groupe ne le votera pas.
Monsieur le ministre, votre arrivée récente au ministère ne vous a peut-être pas permis de rectifier le tir, mais, puisque vous avez plusieurs fois fait des déclarations dans ce sens, je vous invite à faire preuve de plus d’ambition, de plus de volonté pour modifier tant soit peu la donne, voire de bouleverser les choses.
Le budget du ministère de la culture varie peu dans le temps. Or, aujourd’hui, la politique culturelle de la France nécessite de vraies priorités et de vrais moyens. Il faut « mettre le paquet » dans certains domaines.
À cet égard, il n’est pas acceptable que les crédits du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » baissent. Indépendamment de nos sensibilités politiques, nous sommes tous d’accord pour considérer que, dans ces domaines, la France doit faire un effort particulier.
C’est non pas seulement le ministère de la culture qui doit faire un effort, mais aussi le ministère de l’éducation nationale. Nous mesurons à quel point l’éducation artistique accuse un grand retard dans les programmes. D’ailleurs, nos visiteurs étrangers s’en étonnent ou parfois s’en amusent. En tout cas, ils ont du mal à comprendre…
Peut-être y a-t-il un problème de pilotage, le ministère de la culture attendant que le ministère de l’éducation nationale agisse ? Peut-être ce dernier estime-t-il que l’éducation artistique ne relève pas de ses compétences, qu’il lui revient de se concentrer sur les disciplines plus traditionnelles que sont la littérature, les mathématiques, les langues, etc., et que, plus généralement, la culture est de la responsabilité du ministère du même nom ?
Un jour ou l’autre, il faudra mettre en place un pilotage conjoint de projets pour démocratiser l’éducation artistique, pour permettre à ceux qui y ont le plus intérêt, en particulier les enfants, d’y accéder. Nous devons relever ce défi.
Quoi qu'il en soit, je regrette vivement qu’il y ait cette baisse là où, selon moi, il aurait fallu une progression, ne serait-ce que pour donner quelque écho à tous les discours lénifiants qu’on entend à ce sujet. §Vous haussez les épaules, ma chère collègue, mais, moi, je préfère me battre et dire les choses telles qu’elles sont !
Une autre action fait consensus : « Actions en faveur de l’accès à la culture », notamment pour les publics les plus défavorisés. Or, là encore, les crédits diminuent, contrairement à ce qu’on veut faire croire aux Français. Cette action finance plus particulièrement les politiques en faveur de certains publics pour lesquels cet accès est plus difficile : handicapés, prisonniers, enfants scolarisés en ZEP, jeunes pris en charge dans le cadre d’activités organisées par des associations de lutte contre l’exclusion ou relevant du plan « Espoir Banlieue » de Fadela Amara. Ces actions sont souvent cofinancées par les collectivités territoriales sur des bases contractuelles, dont les crédits décentralisés affectés à ce type de partenariat accusent également des chutes drastiques.
Je nourris quelques craintes pour l’avenir. En effet, avec la réforme des finances locales et la suppression de la taxe professionnelle, il est probable que les financements de l’État vont diminuer et que les collectivités territoriales préféreront investir le peu d’argent qu’il leur restera dans des missions prioritaires. Les moyens en faveur de l’accès à la culture serviront de variable d’ajustement, de manière plus ou moins ample selon les collectivités. Aussi, j’ai bien peur que ces programmes ne soient durement affectés dans l’année qui vient.
Je conclurai donc, monsieur le président, en évoquant l’action « Économie des professions et des industries culturelles ».
En dépit d’une hausse cette année, ses crédits ne retrouvent pas leur niveau de 2006. Or il est fondamental de dégager d’importants moyens pour financer la révolution numérique, pour encourager la nouvelle économie numérique. Non seulement les crédits de cette action n’augmentent pas, mais, en plus, celle-ci voit son périmètre élargi au financement d’une partie des mesures de la loi HADOPI. D’ailleurs, ces crédits ne permettront même pas à celle-ci de réaliser son ambition. Cela me conforte dans l’idée qu’il s’agit là d’une loi de circonstance, qui ne sera pas réellement applicable, et qu’elle ne remplira pas le rôle de prévention qui lui était assignée.
Aujourd’hui, le ministère de la culture doit fortement encourager les plates-formes proposant des offres commerciales très bon marché. C’est la seule façon de lutter contre le piratage, de démocratiser l’offre légale et de répondre à une demande de plus en plus forte.
À cet égard, j’espère que les annonces liées au grand emprunt et que les conclusions de la mission Toubon-Zelnik nous réserveront de bonnes surprises.
Monsieur le ministre, vous nous présentez un budget plutôt honnête par rapport à ceux des années précédentes. Vous rompez ainsi avec la pratique des présentations fallacieuses à grande échelle, même si les annulations de crédits en 2009 vous permettent d’afficher des hausses plus importantes qu’elles ne sont en réalité.
Saluons également l’augmentation des crédits alloués aux patrimoines, de l’ordre de 100 millions d’euros, qui rend compte à elle seule de l’augmentation du budget global de votre ministère, tout en la remettant en perspective.
Cet effort ne constitue qu’un rattrapage, très partiel, de la situation dramatique des secteurs du patrimoine et de l’archéologie depuis neuf exercices budgétaires. Ainsi, l’enveloppe destinée au seul patrimoine monumental a baissé de plus de moitié, durant cette période, en crédits de paiement. Et, malgré les dotations supplémentaires, les crédits du programme « Patrimoines » ne retrouveront pas leur niveau de 2008 en autorisations d’engagement.
En ce qui concerne le patrimoine, les DRAC, compte tenu des lois de finances rectificatives, n’ont aucune visibilité sur le montant réel de leur enveloppe annuelle ; ainsi à mi-année, une bonne partie d’entre elles ont souvent dépensé la totalité de l’enveloppe annuelle et se trouvent en situation de cessation de paiement. En 2009, l’endettement des DRAC atteignait 600 millions d’euros. De nombreuses entreprises très spécialisées travaillant sur des projets pilotés par celles-ci connaissent de gros problèmes. Les commandes étant annulées, elles doivent parfois licencier du personnel, voire fermer.
Depuis plusieurs années, le Groupement français des entreprises de restauration de monuments historiques, le GMH, estimait à 400 millions d’euros le montant nécessaire en crédits de paiement et en autorisations d’engagement pour permettre la restauration et l’entretien des monuments historiques. Les 419 millions d’euros en crédits de paiement prévus pour 2010 permettent, en apparence, de relever le défi. Cependant, les autorisations d’engagement sont très inférieures – 365 millions d’euros –, ce qui signifie que la capacité d’investissement du ministère dans ce secteur n’est pas assurée pour les années à venir.
Par ailleurs, si l’on retranche les 24 millions d’euros de dépenses de personnels et les 24 millions d’euros de crédits extrabudgétaires, il manque 50 millions d’euros sur les 400 millions d’euros nécessaires.
Les dispositions de l’article 52 constituent une autre source d’inquiétude, car elles assouplissent de façon importante la possibilité, pour l’État et le Centre des monuments nationaux, de transférer aux collectivités territoriales qui en font la demande la propriété du patrimoine monumental de l’État.
Le transfert pourra ne porter que sur une partie du monument et pourra faire l’objet d’une « réutilisation éventuelle dans des conditions respectueuses de son histoire et de son intérêt artistique et architectural ». Monsieur le ministre, faut-il entendre par là une éventuelle transformation en hôtel ou en parc d’attraction qui respecterait simplement le bâti ?
Cet article autorise, en outre, les établissements publics de l’État à procéder au transfert de propriété des monuments à la place du Centre des monuments nationaux, et ce sans qu’un bilan ait été dressé de la première vague de transferts. Je voudrais donc insister, monsieur le ministre, sur l’importance d’une politique patrimoniale nationale et du rôle péréquateur de l’État, à travers le Centre des monuments nationaux, entre monuments « rentables » et « non rentables », pour leur entretien et leur restauration.
Je suis tout à fait d’accord avec les termes employés par M. Nachbar, rapporteur pour avis, sur le risque de « dépeçage » de notre patrimoine monumental, avec le transfert possible de bouts d’immeuble ou d’objet.
Enfin, monsieur le ministre, il est impossible de défendre nos patrimoines sans revenir sur la situation précaire de notre archéologie préventive.
Depuis 2003, c’est une vision très libérale qui a inspiré toutes les modifications législatives, et elles sont nombreuses, dans ce domaine. Le credo est toujours le même : construire le plus rapidement possible et établir un financement sur mesure pour les aménageurs. Une simple modification du mode de calcul de la redevance aurait permis de venir à bout des difficultés engendrées par l’application de la loi de 2001, principalement liées à une disproportion entre les coûts d’aménagement et les tarifs de redevance.
Au lieu de cela, le Gouvernement a profité de la réforme du 1er août 2003 pour ouvrir le marché des fouilles à la concurrence privée et à la négociation contractuelle, et il tente depuis lors, en vain, de fixer un taux de redevance pour diagnostic satisfaisant l’ensemble des aménageurs, urbains et ruraux, en multipliant les dérogations déraisonnables à l’acquittement de cette taxe.
Le récent relèvement des taux de redevance d’archéologie préventive voté, dans le cadre de la loi du 17 février 2009 pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés, aurait dû permettre de réaliser l’objectif de rendement stable et pérenne de la redevance, et suffisant pour financer l’INRAP. Cependant, ces hausses sont trop modestes et devraient permettre de ne dégager que 11 millions d’euros supplémentaires, au lieu des 35 millions d’euros indispensables à l’INRAP pour assumer pleinement ses missions.
Néanmoins, en vertu de ce relèvement des taux de la redevance, la dotation budgétaire de l’INRAP sera supprimée en 2010. Il s’agira donc d’une opération quasi blanche, puisque les redevances réformées ne devraient dégager que quelque 11 millions d’euros supplémentaires, cependant que l’État supprime 9 millions d’euros de ressources budgétaires à l’Institut. Les 2 millions d’euros de ressources supplémentaires correspondront à une hausse des moyens de 1, 3 %.
Déjà fragilisé par une situation financière instable, l’INRAP le sera plus encore par le projet de délocalisation à Reims. Alors que Mme Pécresse et vous-même, monsieur le ministre, vous étiez prononcés pour reconsidérer ce projet, le Premier ministre a confirmé cette délocalisation le 19 octobre dernier. Je ne peux croire que, en fonction de visées strictement électoralistes liées à la prochaine échéance régionale, M. le Premier ministre ait accédé à la demande pressante de Mme Catherine Vautrin, au détriment de la capacité opérationnelle de l’INRAP et de sa mission de service public.
Pour toutes ces raisons, et bien d’autres encore que je n’ai pu énoncer faute de temps, nous ne pourrons approuver les crédits de la mission « Culture ».
Monsieur le président, monsieur le président de la commission de la culture, cher Jacques Legendre, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais en premier lieu remercier les orateurs de leurs interventions, de leurs questions, mais aussi du travail qu’ils ont accompli et, plus généralement, de l’intérêt et de l’attention qu’ils portent au budget de mon ministère, dans toutes ses dimensions, notamment le patrimoine, la création, l’enseignement, le cinéma, la numérisation.
Je tenais donc tout d’abord à vous exprimer ma gratitude et aussi à vous dire ma satisfaction. Ce sentiment repose sur la qualité tout à fait remarquable du budget du ministère de la culture et de la communication que j’ai l’honneur de soumettre à la représentation parlementaire, en particulier des crédits que mon ministère consacrera cette année au patrimoine, mais également à la création et à la transmission des savoirs, qui sont aussi une priorité affichée de l’État.
En effet, les crédits de la mission « Culture » atteindront, pour 2010, 2, 92 milliards d’euros, soit une augmentation de 3, 8 %, qui correspond à 107 millions d’euros en valeur absolue.
Comme l’a souligné M. le rapporteur spécial, ce projet de budget offre des moyens d’action en fort accroissement, conjuguant une hausse sans précédent des crédits consacrés aux monuments historiques – de 100 millions d’euros – et la consolidation de la dotation exceptionnelle de 15 millions d’euros alloués en 2009 au spectacle vivant, au-delà des crédits budgétaires.
Au total, si l’on met de côté les dépenses de personnel, les trois grands programmes de la mission « Culture » progresseront de la manière suivante.
Le programme « Patrimoines » atteindra 1, 93 milliard d’euros, soit une augmentation de 10, 7 %.
Le programme « Création » s’élèvera à 766 millions d’euros, soit une progression de 0, 4 %, qui constitue plutôt une consolidation. Il n’y aura donc pas, j’y insiste, de baisse du budget de la création et, plus spécifiquement, du spectacle vivant en 2010.
Le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » se montera à près de 465 millions d’euros, soit une augmentation de 1, 5 %.
Enfin, les dépenses de personnel du ministère, qui s’élèveront à près de 594 millions d’euros pour la mission « Culture », prennent en compte le non-renouvellement d’un départ à la retraite sur deux, conformément à la règle établie par le Président de la République.
Telles sont les quelques observations d’ordre général que je voulais formuler avant d’aborder les réponses à vos questions.
M. Gaillard me conseille – et il n’a pas tort ! – la plus grande vigilance en ce qui concerne la « soutenabilité » budgétaire des engagements pris par le ministère de la culture et de la communication.
Monsieur le rapporteur spécial, vous avez commencé par souligner les progrès. Oui, un « plan d’apurement des passifs » a été mis en place par mon prédécesseur, et je me suis attaché à en poursuivre l’exécution afin que les reste-à-payer – c’est-à-dire l’écart entre le total des autorisations d’engagement et le niveau annuel des crédits de paiement – diminuent et que, corrélativement, les charges à payer reviennent à leur niveau structurel, ou plutôt frictionnel.
Ainsi, aujourd’hui, si ces indicateurs continuent d’être suivis avec attention, ce sujet ne constitue plus une préoccupation majeure pour le ministère de la culture et de la communication.
Sur le programme « Patrimoines » en particulier, dont la situation était la plus tendue, on constate un retour à la normale qui permet d’affirmer que l’augmentation des engagements pour 2010 sera sans risque pour le ministère.
Je tiens à préciser que la diminution du niveau des reste-à-payer est notamment due à un véritable effort de maîtrise des engagements : en 2008, seuls 226 millions d’euros ont été engagés sur le périmètre de la restauration des monuments historiques, pour une moyenne de 305 millions d’euros d’autorisations d’engagement les années précédentes.
L’enjeu est désormais de ne plus réduire de façon trop forte le niveau des reste-à-payer, qu’il ne faut pas nécessairement considérer comme le passif du ministère. En effet, les reste-à-payer correspondent également à un niveau d’activité nécessaire et sont la condition pour maintenir l’activité des entreprises. Nous en avons fait la démonstration avec le volet « culture » du plan de relance.
La priorité budgétaire en faveur des monuments historiques pour le projet de loi de finances pour 2010 permet d’envisager de nouveaux engagements, conformément à la dynamique amorcée en 2009. Elle permet également d’honorer les engagements antérieurs au regard du niveau des crédits de paiement.
J’ajoute, pour répondre aux préoccupations légitimes exprimées par M. Nachbar, que cette priorité s’entend dans la durée, conformément à la volonté du Président de la République. L’enveloppe de 400 millions d’euros sera donc bien maintenue pendant tout le reste de la mandature et ces crédits seront exemptés de tout gel.
Au sein de cette enveloppe, les crédits d’entretien sont très fortement réévalués – de 80 % – afin d’assurer une vraie politique préventive. Ces crédits représenteront ainsi 15 % de l’ensemble, contre 11 % en 2009. De plus, les crédits en faveur de la restauration des monuments historiques qui n’appartiennent pas à l’État progresseront de 21 millions d’euros, soit de 17 %, pour atteindre près de 146 millions d’euros, représentant 45% de la dotation totale dédiée à la restauration. Enfin, les crédits déconcentrés s’élèveront à 250 millions d’euros, soit 65 % des dépenses nationales.
L’État assume l’ensemble de ses engagements et ouvre la voie pour qu’une ambitieuse politique nationale du patrimoine puisse être mise en œuvre.
M. le rapporteur spécial également rappelé que ce budget s’inscrivait dans le contexte de la réorganisation de l’administration centrale du ministère.
Nous sommes en effet dans la phase de mise en œuvre. Le décret du 11 novembre 2009 relatif aux missions et à l’organisation de l’administration centrale du ministère a été publié au Journal officiel du 15 novembre dernier. Il fixe la date d’entrée en vigueur de la nouvelle organisation au 13 janvier prochain.
Cette nouvelle organisation, qui repose sur quatre entités – trois grandes directions générales et un secrétariat général rénové – permet, grâce à cette équipe restreinte à mes côtés, de renforcer la lisibilité des politiques du ministère et ma capacité d’impulsion, d’efficacité et de pilotage politique.
En ce qui concerne la maquette budgétaire de la mission « Culture », je vous confirme que le ministère réfléchit bien, en liaison avec le ministère du budget, à une refonte. Il apparaît en effet indispensable de rechercher la mise en cohérence des contours des programmes budgétaires, créés lors de la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, et les champs d’intervention des politiques publiques conduites par le ministère.
Par ailleurs, sans renoncer à une présentation budgétaire prenant en compte les politiques transversales, notamment en ce qui concerne le volet « culture » de l’enseignement supérieur, l’objectif est que les trois directeurs généraux et le secrétaire général puissent assurer la fonction de responsable de programme sur un champ budgétaire correspondant largement au périmètre administratif de leur structure.
C’est pourquoi je proposerai, pour la présentation du projet de loi de finances pour 2011, une nouvelle architecture du budget du ministère de la culture et de la communication, dont la première caractéristique sera la fusion des missions « Culture » et « Médias », dans la mesure où la révolution numérique transcende désormais cette distinction. Il conviendra ensuite d’opérer les recompositions pertinentes au sein de ce nouvel ensemble.
Je pense également à la création d’un programme spécifique consacré aux fonctions de soutien. Il regrouperait la totalité des crédits de masse salariale ainsi que les moyens de fonctionnement du ministère.
Bien évidemment, le Parlement sera consulté afin que nous définissions ensemble l’architecture budgétaire la mieux à même de réaliser les politiques publiques du ministère, dans le respect de l’esprit de la LOLF.
M. le rapporteur spécial s’est également interrogé sur la gratuité dans les musées et les monuments pour les jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans et pour les enseignants.
À la fin du mois de septembre 2009, on comptait 1, 4 million de visites relevant des nouvelles mesures de gratuité depuis leur mise en place. Cependant, l’impact de ces nouvelles mesures sur la fréquentation totale est encore délicat à analyser. La contribution moyenne des jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans dans la fréquentation des collections permanentes des musées nationaux oscille autour de 7 % depuis l’entrée en vigueur de la mesure et s’établit à 6% pour les monuments nationaux. Entre le début d’avril et fin d’août, le nombre de visites gratuites de ces jeunes a été multiplié par quatre dans les musées nationaux situés en dehors de l’Île-de-France. À Paris – à partir de mai en Île-de-France – on note une bonne réactivité en avril, une nette diminution de l’effet en juin, puis une mobilisation en août.
Cependant, les situations varient selon les établissements, leur localisation géographique et d’un mois à l’autre. On ne peut donc pas, à ce stade, parler d’effet « lune de miel ».
J’ai donc demandé que des enquêtes et des études complémentaires soient lancées pour approfondir l’analyse et assurer la poursuite du succès que ces mesures rencontrent.
MM. Gaillard et Nachbar se sont également interrogés sur le financement de la politique de l’archéologie préventive et de son opérateur principal, l’INRAP.
La redevance d’archéologie préventive a en effet connu une montée en puissance chaotique, qu’il s’agisse de la « redevance loi de 2001 » ou de la « redevance loi de 2003 ». Ces difficultés initiales ont produit des déficits qui grèvent aujourd’hui la situation financière de l’établissement et que les subventions ponctuelles du ministère de la culture n’ont pas résorbés totalement. Au fil des années, le rendement de la redevance s’est toutefois amélioré, sans jamais atteindre, hélas ! les objectifs fixés en 2001.
L’année 2009 devrait se conclure sur un rendement total de l’ordre de 80 millions d’euros, mais ce niveau demeure en deçà des besoins résultant de l’activité économique et du volume d’aménagements réalisés dans notre pays.
La refonte de la fiscalité de l’urbanisme, prévue à l’horizon 2011, nous obligera à réformer la redevance d’archéologie préventive. J’ai souhaité anticiper cette échéance tout en donnant à l’INRAP les moyens de fonctionner en 2010.
Ainsi, je vous confirme que j’ai demandé, avec l’accord et le soutien du Premier ministre, qu’une mission de l’inspection générale des finances soit diligentée dans les prochaines semaines sur la refonte de la redevance d’archéologie préventive. Elle devra faire des propositions permettant de doter enfin l’INRAP, et plus généralement la politique de l’archéologie préventive, des ressources nécessaires. L’objectif est que ces ressources, pérennes et stables, puissent se substituer au dispositif actuel.
En attendant, pour 2010, le ministère de la culture a mis en place des moyens exceptionnels, à hauteur de 15 millions d’euros, qui permettront aussi bien de maintenir une capacité d’action de l’INRAP inchangée par rapport à 2009 que de renforcer les moyens du Fonds national pour l’archéologie préventive, le FNAP.
M. Gaillard a également évoqué le transfert de la maîtrise d’ouvrage au Centre des monuments nationaux.
La réforme de la maîtrise d’ouvrage a pour but de rendre au propriétaire son entière responsabilité quant à la conservation de son monument.
Pour ce qui concerne les monuments historiques qui relèvent de mon ministère, le choix qui a été fait est celui de la responsabilisation des différents acteurs et de la proximité. Ainsi, les établissements publics qui ont en charge la conservation d’un monument dont l’importance historique et les surfaces nécessitent des travaux constants disposent d’équipes permanentes et se sont vu confier la maîtrise d’ouvrage : tel est notamment le cas de Versailles et du Louvre.
De la même manière, le Centre des monuments nationaux, qui s’est vu remettre l’entière responsabilité de la conservation de soixante-quinze monuments, a atteint une taille critique permettant la mise en place d’une équipe de maîtrise d’ouvrage en son sein.
Les DRAC assurent, quant à elles, la maîtrise d’ouvrage des travaux des autres monuments historiques rattachés au ministère de la culture, en particulier les cathédrales.
Enfin, j’ai décidé récemment de réunir les équipes affectées précédemment au service national des travaux, le SNT, qui est un service à compétence nationale, et à l’établissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux culturels, l’EMOC, qui est un établissement public, au sein d’un nouvel opérateur dont le statut est en cours de rédaction et qui sera opérationnel au plus tard à la fin du premier semestre de 2010.
Ce nouvel établissement public aura la responsabilité de la conduite de grandes opérations afférentes à des projets culturels, portant aussi bien sur la construction de bâtiments neufs que sur la conservation de monuments historiques.
Je considère que ces réformes sont fondamentales dans la reconfiguration du paysage de la maîtrise d’ouvrage au sein du ministère.
J’en viens à la politique en faveur de la création, sur laquelle M. Lagauche et M. le rapporteur spécial se sont interrogés. Je commencerai par le spectacle vivant.
L’enjeu est de maîtriser les financements que l’État apportera au spectacle vivant dans les années à venir, tout en continuant d’aider la création, y compris la création émergente. Il s’agit bien de mieux produire et de mieux diffuser. Il faut bien comprendre que la politique du spectacle vivant est devenue partenariale et que nous ne pourrons faire évoluer ce secteur qu’en harmonie avec les collectivités territoriales, qui en sont les principaux financeurs.
Nous avons d’abord complètement réécrit les cahiers de charges des principaux réseaux soutenus par l’État, afin de dire clairement ce qui fonde son intervention et sur quelles bases il évalue les résultats.
Depuis la rentrée, des conférences du spectacle vivant, dans la lignée des entretiens de Valois, se tiennent dans chaque région, avec les collectivités et les représentants des professionnels. Elles doivent permettre d’établir des diagnostics partagés, de jeter les bases d’une observation commune de nos financements et de nos politiques, de déterminer les pistes de rapprochements et de mises en commun permettant des politiques de diffusion.
Sur ces bases, nous pourrons définir dans chaque région des « feuilles de route », permettant de redessiner, à court et à moyen terme, les interventions de l’État dans chaque région.
D’une manière plus générale, M. Lagauche s’est interrogé sur la « stagnation » des crédits du programme « Création » et le « risque de désengagement de l’État », mais également sur la concentration des financements sur les institutions parisiennes.
Je le redis, jamais le budget alloué au spectacle vivant n’a atteint un niveau aussi élevé. Un « désengagement de l’État » n’est donc pas à l’ordre du jour. Je note en revanche des difficultés de la part de certaines collectivités locales, départements et communes, et je ne peux que souhaiter que la politique culturelle ne constitue pas, comme trop souvent, une variable d’ajustement.
En ce qui concerne la concentration des moyens budgétaires sur les établissements parisiens, je nuancerai le propos de M. Lagauche. En effet, plus de la moitié des mesures nouvelles consacrées aux établissements publics est inéluctable, car il faut bien payer les pensions des retraités de l’Opéra et de la Comédie-Française. Le reste va à l’actualisation de la subvention de l’Opéra qui doit permettre de sécuriser son évolution financière.
Je souhaite ainsi surtout mettre l’accent sur la consolidation de la dotation exceptionnelle de 15 millions d’euros au bénéfice des dépenses d’intervention en DRAC : c’est le signe du soutien du Gouvernement aux interventions en région ; c’est aussi un élément qui nous permettra d’avancer dans les réformes avec sérénité.
Enfin, vous noterez comme moi, monsieur Lagauche, que les autorisations d’engagement consacrées aux travaux en région augmentent de 18 %. Quant à celles qui sont consacrées aux grands projets – Philharmonie, Palais de Tokyo –, elles sont maîtrisées car nous allons proposer au Parlement des solutions pour lisser dans le temps ces investissements structurants.
Je voudrais maintenant revenir sur les observations qui ont été faites par M. Lagauche sur le secteur du livre. Je voudrais d’abord rassurer votre Haute Assemblée sur les bibliothèques. En effet, eu égard au contexte économique, le budget en faveur des bibliothèques est maintenu en 2010.
Au moment où certains considèrent que les relations des Français avec le monde du livre se sont distendues, il m’apparaît nécessaire de rappeler que la baisse de la pratique de lecture doit être largement relativisée au regard de l’explosion de l’offre culturelle de ces dernières années, et notamment de la concurrence d’internet et des « nouveaux écrans ». Ainsi, la proportion de lecteurs, et même de gros lecteurs, reste tout de même très élevée chez les jeunes.
Et si l’on continue de vouloir parler de « désacralisation » du livre, il faut aussi accepter d’y voir la conséquence d’une démocratisation réussie.
C’est pourquoi j’ai souhaité que mes services renforcent les liens qu’ils entretiennent avec le milieu associatif, et que, par ailleurs, ils contribuent à favoriser et à soutenir des expériences pour développer un accès plus large à toutes les formes de lecture pour tous les publics.
Je citerai deux exemples : l’opération « Premières pages », organisée dès cette année avec la Caisse nationale d’assurance familiale, les Caisses départementales et trois départements, qui permettra d’offrir à chaque foyer accueillant un enfant par naissance ou adoption un livre pour celui-ci et un guide pour les parents ; le développement d’expérimentations en 2010 en faveur de l’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques, que vous avez d’ailleurs signalé, monsieur Lagauche.
Vous avez également évoqué la nécessité de renforcer les moyens du Centre national du livre. Je partage pleinement cette préoccupation.
En effet, le CNL doit pouvoir disposer des moyens suffisants pour renforcer son soutien à l’ensemble des acteurs de la chaîne du livre, développer la lecture et participer à une politique de numérisation ambitieuse.
Au-delà de la taxe sur les éditeurs, ses ressources reposent aujourd’hui sur une taxe sur les appareils de reproduction ou d’impression, dont le rendement doit être non seulement consolidé, mais également accru.
Au regard de l’évolution de la structure du marché de l’impression, j’ai ainsi proposé d’étendre le périmètre de la taxe aux consommables.
Cette extension sera également l’occasion de diminuer le taux de la taxe, qui pourrait ainsi passer de 2, 25 % à 1, 25 %, conformément aux préconisations du rapport Kancel, avec un rendement qui devrait atteindre environ 35 millions d’euros par an.
M. Lagauche est également intervenu sur le cinéma et le problème de la petite et moyenne exploitation cinématographique.
Notre pays dispose d’un parc de plus de 5 400 écrans. C’est un atout majeur pour le cinéma français. Si la fréquentation est globalement en progression cette année, on constate cependant que certaines salles ne profitent pas de cette embellie et traversent une passe très difficile, car elles perdent des entrées.
Cette situation est inquiétante, alors même que s’annonce un enjeu décisif : celui de réussir dans les années qui viennent l’équipement en numérique de toutes nos salles.
C’est pourquoi j’ai demandé au Centre national du cinéma et de l’image animée d’étudier avec les représentants des exploitants toutes les mesures propres à répondre aux difficultés de certaines salles.
Les subventions aux salles de cinéma sont d’ores et déjà une des priorités affichées du budget 2010 du ministère de la culture et de la communication, notamment les aides sélectives, ciblées sur les exploitants petits et moyens, qui augmentent de 13 % en 2010. C’est une voie nettement préférable à celle de la baisse des taux de location des films, qui affaiblirait et déséquilibrerait la filière de la distribution.
En ce qui concerne la numérisation des équipements, cela représente pour la plupart des salles un investissement important. Mais c’est aussi ce qui va leur ouvrir de nouveaux horizons, notamment en leur permettant de diversifier leur programmation vers le documentaire, les projections en relief et la retransmission de spectacles vivants.
Un plan de numérisation a récemment été élaboré par les pouvoirs publics et les professionnels afin de mobiliser les soutiens financiers qui vont permettre à l’État d’être l’un des moteurs de ce plan.
Il s’agit d’un « fonds de mutualisation », dont la gestion pourra être assurée par le CNC. Ce projet de fonds a été soumis à l’Autorité de la concurrence, qui devrait rendre son avis très prochainement, et notifié voilà quelques semaines à la Commission européenne. L’objectif est qu’il soit opérationnel en 2010 après avoir obtenu le feu vert des autorités de la concurrence.
Vous avez, enfin, évoqué la question des conventions collectives dans le domaine du cinéma et de l’audiovisuel. En la matière, je rappellerai que la convention collective de l’audiovisuel fait partie des premières signées.
Pour ce qui concerne celle de la production cinématographique, les progrès ont été lents : les sujets de la grille des salaires minimaux et du traitement spécifique à appliquer aux films dits « fragiles », qui sont effectivement d’une grande complexité – car il y va du maintien de la diversité de la production –, sont actuellement en discussion.
La très étroite coordination entre les administrations du ministère du travail et du ministère de la culture et de la communication devrait permettre de répondre aux demandes de garanties que les partenaires sociaux formulent, tant pour la sécurité juridique des tournages que pour les salaires et les conditions de travail.
Je voudrais aussi répondre à M. Nachbar, qui a souligné l’importance de l’enseignement de l’histoire des arts, sujet sur lequel je me suis entretenu récemment avec mon collègue Luc Chatel.
Ma préoccupation est que cet enseignement acquière le plus rapidement possible ses lettres de noblesse, c’est-à-dire qu’il ne soit pas compris comme quelque chose en plus, une fois qu’on a fait le reste, mais bien comme une matière à part entière, et évaluée comme telle. Je souhaite que cet enseignement soit sanctionné au baccalauréat, d’une façon ou d’une autre. Afin de ne pas alourdir les épreuves, un contrôle continu pourrait constituer une piste.
Enfin, je voudrais évoquer la question de l’article 52 du projet de loi de finances pour 2010. Je sais que nous y reviendrons au moment de l’examen des amendements.
La reprise du processus engagé par la loi de 2004 et son élargissement à tous les monuments de l’État et de ses établissements publics constitue un des éléments d’une politique nationale du patrimoine. Nationale, parce que le soutien en faveur du patrimoine est du ressort non plus uniquement de l’État, mais également des collectivités locales et des propriétaires privés, et que chacune, chacun joue un rôle essentiel.
Je suis attaché, on le sait, à une présence forte de l’État sur tout le territoire, et chacun des monuments appartenant à l’État symbolise cette présence en région.
Mais je suis également attaché à la valorisation de notre patrimoine. Dès lors, pourquoi l’État n’offrirait-il pas la possibilité aux collectivités locales qui le souhaitent et qui nourrissent des projets intéressants de se voir transférer des monuments appartenant à l’État ?
C’est le sens de l’article 52 proposé par le Gouvernement.
Contrairement au processus de 2004 qui ne concernait qu’une liste limitée de monuments affectés au ministère de la culture et de la communication, il n’y a pas eu de travail de sélection préalable des catégories de monuments qui pourraient faire l’objet d’un transfert. J’ajoute que depuis 2004 la situation a également changé, dans la mesure où les immeubles de l’État ne sont plus affectés aux ministères et établissements publics, mais relèvent tous du ministre en charge du Domaine, lequel représente l’État propriétaire, qui les met à disposition des administrations utilisatrices.
C’est pourquoi la loi précise que ce transfert de propriété n’est pas de droit, et indique les motifs pour lesquels il pourrait être refusé. Un amendement de l’Assemblée nationale a prévu en outre que l’avis du ministre de la culture et de la communication serait requis, précisément au titre de l’appréciation de l’importance du maintien du monument dans le patrimoine de l’État. M. Nachbar a insisté sur ce point et je l’en remercie.
M. Gaillard s’est également interrogé sur ce sujet, en rappelant les principes qui avaient guidé la commission Rémond dans ses travaux.
Il me paraît assez évident, par exemple, que les monuments d’envergure nationale, notamment les biens de la couronne et les biens nationalisés du clergé, ou les lieux de mémoire de notre histoire, entrés dans le patrimoine de l’État du fait de l’histoire nationale et qui appartiennent à la nation, au peuple tout entier, ne pourront pas être cédés, car ce serait méconnaître un des fondements de notre République. Mais je compte sur la clairvoyance des collectivités territoriales concernées pour ne pas demander le transfert d’un monument qui ne pourrait que leur être refusé et dont la revendication pourrait choquer l’opinion publique.
Je ne serai également pas favorable à des revendications de parties de monuments qui entraîneraient des découpages entre plusieurs propriétaires et des difficultés ultérieures sans fin de gestion et de conservation.
S’il serait contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales d’interdire pour l’éternité des temps la cession, je crois, comme vous, qu’un encadrement est nécessaire. Je sais qu’Éric Woerth partage cette préoccupation, et nous aurons certainement l’occasion d’en reparler lorsque nous examinerons vos amendements.
En ce qui concerne l’usage du monument transféré, je souhaiterais également préciser que, de mon point de vue, si le monument transféré n’est pas affecté à un usage culturel, il ne faut pas s’interdire d’envisager une utilisation à d’autres fins que culturelles.
C’est en intégrant les monuments dans la vie de la cité, en les ouvrant à des usagers qui y pénétreront pour des motifs parfois étrangers à leur caractère patrimonial que nous réussirons à familiariser le public avec la qualité patrimoniale.
C’est aussi l’enjeu du développement durable qui m’amène à faire devant vous cette observation : réutiliser intelligemment le patrimoine est au cœur de la démarche du ministère de la culture et de la communication, et représente un défi architectural et technique aussi intéressant que de construire du neuf.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures dix, est reprise à vingt-deux heures quinze.