Intervention de Éric Besson

Réunion du 27 novembre 2009 à 14h30
Loi de finances pour 2010 — Immigration asile et intégration

Éric Besson, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur spécial, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, tout en répondant aux questions qui m’ont été posées, je souhaite rappeler brièvement les axes prioritaires de mon action et les grandes lignes du projet de budget pour 2010.

Comme l’a relevé très justement M. Jean-René Lecerf, le Gouvernement conduit en matière d’immigration une politique à la fois équilibrée et ambitieuse – et je remercie les sénateurs de la majorité présidentielle de l’avoir soutenue.

Cette politique est équilibrée, parce qu’elle est soucieuse d’accueillir et d’intégrer les étrangers en situation régulière et généreuse à l’égard des demandeurs d’asile. En contrepartie, et pour permettre la meilleure intégration possible de celles et ceux qui viennent sur notre sol, notre devoir est de conduire une politique déterminée de lutte contre l’immigration clandestine et les filières mafieuses qui exploitent ces migrants.

Cette politique est également ambitieuse. La création de ce ministère, qui répondait à la nécessité de mieux coordonner des politiques conduites jusqu’alors par divers acteurs ministériels, en est l’illustration. Plusieurs intervenants ont souligné combien il avait trouvé sa place dans le paysage politique et administratif français. Je m’en réjouis, et je veux associer Brice Hortefeux au succès que M. Philippe Dominati vient, avec beaucoup de gentillesse, d’évoquer.

L’ambition de cette politique apparaît aussi dans ses objectifs et dans les moyens qu’elle se donne.

Le projet de budget pour 2010 qui vous est présenté aujourd’hui me semble être la marque d’un engagement fort du Gouvernement. Il avoisinera les 600 millions d’euros, ce qui représente une augmentation de plus de 60 millions d’euros par rapport à 2009, soit 11, 5 %.

J’en évoquerai les quatre axes forts : l’asile, dans la tradition de générosité de la France ; la lutte contre l’immigration irrégulière ; l’intégration ; et enfin, même s’il relève d’une autre mission budgétaire, le développement solidaire et nos liens avec certains pays d’émigration.

Premier axe, près de 320 millions d’euros, soit plus de la moitié des crédits, seront consacrés en 2010 à l’accueil des demandeurs d’asile. Ce chiffre, trop méconnu, donne la mesure de l’engagement de notre pays à l’égard des réfugiés. Je dis parfois que l’intitulé du ministère dont j’ai la responsabilité est déjà long : « immigration », « intégration », « identité nationale », « développement solidaire ». Pourtant, il y manque un mot : « asile ».

Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous devons faire face, depuis plus d’un an, à une forte reprise de la demande d’asile : après une progression de 19, 9 % en 2008, la tendance s’est prolongée en 2009 au-delà de ce que nous escomptions : plus 13, 9 % au cours des neuf premiers mois de l’année. Le projet de loi de finances pour 2010 prend en compte cette évolution.

Nous disposerons donc de 29 millions d’euros supplémentaires au titre de l’asile. Une partie sera consacrée à l’ouverture de 1 000 places supplémentaires en centres d’accueil pour les demandeurs d’asile, les CADA, l’autre à l’augmentation de l’enveloppe destinée à l’allocation temporaire d’attente, l’ATA.

Je veux rappeler, madame Assassi, que le nombre de places en CADA a été multiplié par quatre par rapport à 2001, ce qui témoigne de l’importance et de la continuité de l’effort de l’État dans ce domaine.

Plusieurs orateurs ont exprimé leur crainte que ces crédits ne soient insuffisants si la demande d’asile continuait à progresser en 2010. Je souhaite répondre dès à présent à cette inquiétude.

Nos prévisions budgétaires pour 2010 prennent en compte l’objectif de réduction des délais de traitement des demandes d’asile par l’OFPRA, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, et des recours par la CNDA, la Cour nationale du droit d’asile. Nous maintenons l’objectif global de passer d’un délai moyen d’un an et demi à un an.

Cet objectif, nous devons l’atteindre pour trois raisons. Sur le plan humain, tout d’abord, le demandeur d’asile a besoin d’une réponse rapide. Nous devons aussi décourager tout « détournement » de la procédure : plus le délai est long, plus il est tentant d’y recourir abusivement. Enfin, sur le plan budgétaire, il a été souligné que la réduction des délais permettait de réduire nos dépenses : des délais raccourcis d’un mois représentent une économie de l’ordre de 8 millions d’euros pour le budget de l’État.

Des progrès ont été réalisés depuis deux ans par l’OFPRA, même s’ils sont aujourd’hui contrariés par la forte augmentation du nombre de demandes. Nous réunirons prochainement le comité de pilotage du contrat d’objectifs et de moyens de l’Office pour voir ensemble comment aborder l’année 2010.

Dans son avis lu par M. Robert del Picchia, le rapporteur pour avis André Trillard a suggéré de renforcer les effectifs de l’OFPRA. Je comprends sa préoccupation, mais elle est à mes yeux prématurée. Un nouvel agent de protection ne peut pas être pleinement opérationnel dès son arrivée : le bénéfice que l’on peut en attendre est donc nécessairement différé. Aussi, je crois que nous devons d’abord agir auprès de la CNDA, tout simplement parce que le délai moyen y était en 2008 de 13, 7 mois, contre un peu plus de 3 mois pour l’OFPRA.

J’attends aussi beaucoup en 2010 de l’amélioration du fonctionnement de la CNDA liée à sa professionnalisation. L’arrivée cet automne de dix magistrats professionnels commencera à porter ses fruits l’an prochain. Il faudra peut-être aller plus loin et prévoir un plus grand nombre de magistrats professionnels, en remplacement notamment de magistrats vacataires.

Beaucoup de progrès sont également à attendre de la coopération européenne et de l’harmonisation de nos politiques en matière d’asile. Vous avez noté, mesdames, messieurs les sénateurs, que lors du dernier Conseil des chefs d’État et de gouvernement, à la demande du Président de la République, c’est une commande explicite qui a été passée en ce sens à la Commission.

Dernière observation, si les prévisions de dépenses étaient dépassées, le Premier ministre m’a garanti que les besoins nécessaires seraient couverts en gestion 2010. Cet engagement figure dans la lettre plafond du projet de loi de finances pour 2010.

Je conclurai sur ce point en rappelant que l’État, et vous le savez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, n’a jamais manqué à ses devoirs en matière d’asile.

J’en viens maintenant, c’est le deuxième axe, à la lutte contre l’immigration irrégulière, et je suis reconnaissant à beaucoup de sénateurs d’avoir bien voulu souligner qu’elle constituait un autre axe essentiel de l’action de ce ministère.

Je veux donner la priorité à la mise en œuvre des objectifs qui m’ont été clairement fixés dans la lettre de mission du Président de la République et du Premier ministre. Vous l’avez relevé, mesdames, messieurs les sénateurs, la loi républicaine doit s’appliquer avec humanité, mais aussi avec fermeté. Elle est le symbole de l’État de droit.

Le budget pour 2010 consacrera à la lutte contre l’immigration irrégulière 104, 4 millions d’euros en autorisations d’engagement et 94, 4 millions d’euros en crédits de paiement.

Il comporte une nouveauté, puisque les crédits relatifs à la rénovation et à la construction des centres de rétention administrative, les CRA, sont transférés au ministère de l’immigration ; c’est dans la logique de sa création. Des moyens importants seront consacrés à ces travaux. Nous avons déjà engagé la reconstruction du CRA de Vincennes, détruit en 2008, et celle des centres du Mesnil-Amelot. Ces opérations se poursuivront en 2010. J’ai aussi décidé la construction d’un nouveau centre à Mayotte, parce que les conditions de rétention n’y sont pas actuellement acceptables.

Je me réjouis aussi de la récente décision du Conseil d’État d’autoriser l’exécution de sept des huit marchés passés en matière d’assistance juridique pour les étrangers placés en rétention.

Enfin, je veux évoquer le cas des mineurs étrangers isolés, qui, je le sais, préoccupe à juste titre plusieurs d’entre vous.

Je le répète, la France se caractérise en Europe, et même dans le monde, par sa générosité à leur égard. Elle fait partie des très rares pays qui ne procèdent à aucune mesure d’éloignement contraint, elle est l’un des rares pays au monde à ne jamais reconduire à la frontière un mineur étranger isolé, alors même que le Haut Commissariat pour les réfugiés n’impose pas une telle exigence. Elle est également l’un des seuls pays à leur faire bénéficier des mêmes prestations que ses propres mineurs isolés.

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