J’ai tenu à ce que les cent vingt mineurs qui vivaient dans des conditions détestables, insupportables, dans la « jungle » de Calais, comme la désignaient les migrants, soient accueillis dans des centres prévus à leur intention. L’expérimentation de ce que l’on a appelé un « dispositif-sas », transitoire, d’évaluation des mineurs étrangers isolés, conduite depuis la fin du mois de septembre à Vitry-sur-Orne, sera prolongée au-delà de 2009.
Enfin, le groupe de travail sur les mineurs étrangers isolés que j’avais constitué en mai dernier vient de me transmettre ses propositions. Certaines mesures seront mises en œuvre très rapidement : la séparation complète des mineurs et des majeurs dans les zones d’attente ; le renforcement du nombre et de la formation des administrateurs chargés d’accompagner les mineurs non admis à la frontière et la mise en place à Roissy d’une permanence des administrateurs, ceux que l’on appelle les administrateurs ad hoc ; le remplacement de l’actuel procédé de détermination de l’âge par examen osseux par une nouvelle méthode, qui devra être élaborée par consensus médical et reste donc encore à déterminer. D’autres mesures seront mises à l’étude. Nul ne peut contester qu’il s’agisse là d’ores et déjà d’une véritable avancée.
Le troisième axe concerne la politique d’intégration.
Nous disposerons, en 2010, de près de 80 millions d’euros, soit une progression sensible par rapport à l’année dernière. Cependant, les rapporteurs l’ont souligné, il faut bien sûr, pour avoir une vision complète, prendre en compte également une partie importante des ressources de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII – l’opérateur du ministère –, de l’ordre de 75 millions d’euros.
Le rapporteur pour avis de la commission des lois, François-Noël Buffet, et le rapporteur spécial, Pierre Bernard-Reymond, ont très judicieusement démontré que les crédits de l’État sont majoritairement dépensés pour des politiques d’accueil.
L’intégration, c’est le complément indispensable de notre politique de maîtrise des flux migratoires. Nous sommes un pays très accueillant : nous accordons chaque année 2 millions de visas de court séjour et 180 000 visas de long séjour, et je suis heureux, monsieur Yung, que la France reste une terre d’immigration et d’accueil. Toutefois, notre devoir est d’offrir aux étrangers venus légalement qui souhaitent s’installer durablement sur notre territoire les meilleures conditions d’intégration.
Je redirai tant que je serai à ce ministère combien je crois que la lutte contre l’immigration irrégulière et la politique d’intégration sont les deux faces d’une même médaille, et je ne connais pas d’exemple dans le monde ni dans l’histoire où une politique laxiste en matière d’accueil ait débouché sur autre chose que l’échec de l’intégration et la montée de la xénophobie. Si vous connaissez des exemples autres, mesdames, messieurs les sénateurs, je serai preneur !
Cette politique de lutte contre l’immigration irrégulière, malheureusement, est rarement mise en valeur, et je souscris tout à fait aux regrets exprimés par le rapporteur spécial Pierre Bernard-Reymond à cet égard.
Nous mettons pourtant en œuvre des actions innovantes et de grande qualité. N’ayant pas le temps de les détailler, j’en citerai trois : le dispositif « Ouvrir l’école aux parents », par lequel nous dispensons aux parents étrangers des cours d’éducation civique, d’éducation citoyenne, afin qu’ils comprennent les fondements de notre organisation administrative et politique et ce qui est enseigné à leurs enfants ; le « label diversité », destiné à promouvoir la diversité dans les entreprises ou les collectivités territoriales ; enfin, les « parcours de réussite professionnelle » relatifs à des bourses que nous avons accordées à de jeunes étudiants étrangers afin qu’ils puissent venir en France.
Je compte également présenter dans les prochaines semaines de nouvelles mesures en matière à la fois de formation linguistique, au titre du contrat d’accueil et d’intégration, et d’accès à l’emploi.
Dernier domaine d’action du ministère dont j’ai la charge, le développement solidaire – c’est le quatrième axe – bénéficie des crédits du programme 301.
L’objectif fixé par le Président de la République et le Premier ministre, cela a été rappelé, est de parvenir d’ici à 2012 à la signature d’une vingtaine d’accords, dont neuf ont déjà été conclus. Je disposerai, à cette fin, de moyens qui seront accrus de 13 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 9, 5 millions d’euros en crédits de paiement.
En 2010, mon objectif sera de parvenir à la conclusion d’au moins trois nouveaux accords. J’ai engagé des négociations dans trois directions : les pays de l’Afrique sub-saharienne, les grands pays émergents tels que le Brésil, la Chine ou le Vietnam, et la zone des Balkans occidentaux.
J’ai proposé cette semaine, dans le cadre du dialogue dit « 5 + 5 » – cinq pays de la rive nord, cinq pays de la rive sud de la Méditerranée –, un partenariat migratoire pour la prospérité de l’espace méditerranéen qui comporterait trois volets : coopération Nord-Sud renforcée contre l’immigration irrégulière ; possibilité de prendre en compte des demandes d’asile dans les pays de transit ; surtout, un projet pilote pour la mobilité des jeunes dans l’espace méditerranéen.
Je me rends la semaine prochaine dans les Balkans pour conclure trois accords sur la mobilité des jeunes – Macédoine, Monténégro, Serbie – et pour renforcer la coopération avec le Kosovo dans la lutte contre l’immigration irrégulière et la traite des êtres humains.
J’ai signé il y a quelques semaines, lors de la visite du Président de la République au Brésil, un arrangement administratif avec ce pays et, ce matin-même – c’est la raison pour laquelle je ne pouvais pas être en séance, monsieur le président –, j’ai participé au séminaire gouvernemental franco-russe, au cours duquel j’ai signé avec mon homologue russe un accord migratoire à vocation professionnelle.
Par ailleurs, des contacts ont été pris avec l’Inde pour envisager des négociations en 2010, ainsi qu’avec le Vietnam en vue de négocier un accord de réadmission et un accord sur la mobilité des jeunes.
J’ai également conclu il y a quelques semaines un accord avec la Banque africaine de développement portant sur la création d’un fonds fiduciaire. Nous en attendons beaucoup.
Vous pouvez donc constater que l’action internationale de ce ministère est importante, même s’il faut parfois faire preuve de patience.
Voilà les quelques traits marquants de ce budget. Nul ne pourra contester, me semble-t-il, de bonne foi, dans le contexte difficile que nous connaissons, qu’il s’agit d’un bon budget qui témoigne des ambitions du Gouvernement en matière d’immigration et d’intégration.
Permettez-moi, pour conclure, dans le prolongement des préoccupations de M. le rapporteur spécial, de me réjouir de l’adoption fin octobre par le Conseil européen de plusieurs propositions françaises pour renforcer la lutte contre les filières d’immigration irrégulière.
J’en retiendrai au moins trois : l’adoption de règles d’engagements claires pour les opérations maritimes ; une coopération opérationnelle accrue entre l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures, Frontex, et les pays d’origine et de transit tels que la Libye ou la Turquie ; l’affrètement de vols conjoints financés par Frontex.
Les flux migratoires sont un sujet mondial que nous ne pouvons plus traiter à l’échelle de notre seul pays. Il est important que la France continue de ce point de vue à jouer un rôle moteur au sein de l’Union européenne et je crois sincèrement qu’elle le joue.
J’aborderai maintenant les questions posées par les différents intervenants.
Monsieur le rapporteur spécial, vous avez à très juste titre évoqué le caractère transversal de cette politique et vous avez souhaité le renforcement des capacités d’analyse et de contrôle du ministère. C’est effectivement une question cruciale.
Le document de politique transversale établi depuis deux ans est, me semble-t-il, un progrès incontestable. Vous avez dit – je suis à votre écoute – qu’il fallait l’améliorer et nous pourrons évoquer ensemble un certain nombre de suggestions.
Il est important de compléter cette approche par des études transversales. Je vous rappelle à cet égard que, m’étant engagé devant votre commission des finances à commander une étude à l’inspection générale de l’administration sur le coût de la politique d’éloignement et des reconduites à la frontière, je vous l’ai fait parvenir dès que j’en ai pris connaissance.
M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois, m’a interrogé sur les prévisions en matière de demandes d’asile et sur les outils de connaissance de l’immigration irrégulière. Il sait mieux que quiconque que les facteurs à prendre en compte sont multiples : crise dans les pays d’origine, impact des communautés d’accueil, effet psychologique et réel de nouvelles dispositions législatives et réglementaires, modifications réglementaires chez nos voisins européens. Lorsqu’un État décide que tel pays est sûr et n’accueille plus de réfugiés politiques, il s’ensuit, bien évidemment, un effet de déplacement de la demande d’asile.
Je partage au demeurant votre souhait d’améliorer le dispositif actuel de prévision et je vais demander à mes services et à ceux de l’OFPRA de me faire des propositions en ce sens.
Par ailleurs, une harmonisation de l’information et des prévisions à l’échelon communautaire par le biais du bureau d’appui est nécessaire. La France se bat pour que ce bureau d’appui, prévu par le pacte signé sous présidence française, devienne opérationnel le plus rapidement possible car il nous sera indispensable.
Monsieur Buffet, vous avez évoqué également la question de l’immigration professionnelle. C’était l’un des objectifs fixés par le Président de la République et par le Premier ministre. Nous partions d’un peu plus de 10 %, l’objectif pour 2012 est ambitieux – peut-être trop eu égard à la crise –, puisqu’il s’agit d’atteindre 50 %.
Nous avons développé plusieurs mesures pour y parvenir, notamment la délivrance de cartes de séjour triennales, la fixation par arrêté de listes de métiers ouverts sans que puisse être opposée la situation de l’emploi.
Comme vous l’avez souligné, cette politique commence à porter ses fruits malgré la conjoncture difficile. La tendance est une croissance soutenue du flux d’immigration professionnelle salariée : plus 33 % en 2008.
J’en viens à l’intervention de Mme Éliane Assassi.
Je veux vous dire, madame, sobrement, sans hausser le ton, que je regrette la caricature à laquelle vous vous êtes prêtée : je vous avais trouvée plus nuancée lors d’autres débats.
Je regrette notamment ce que vous avez dit sur le lien entre l’identité nationale et l’immigration.
Ce débat sur l’identité nationale ne porte pas en priorité sur l’immigration. Il traite quantité d’autres sujets de cohésion sociale qui concernent tous les Français, tous les étrangers présents sur notre sol, mais aussi – je le constate avec plaisir – nombre de francophones et de francophiles qui s’intéressent à notre débat et qui se sentent héritiers de nos valeurs. Le débat est bien plus large que la question de l’immigration.
Mais, lorsque vous niez la possibilité de lier identité nationale et immigration, vous balayez allègrement toute l’histoire de France. En effet, la France n’a été historiquement qu’une terre d’invasions, avec cette particularité que les envahisseurs trouvant la terre de France fertile, tempérée et agréable, y sont restés. Il n’y a pas de peuple premier en France, madame, il n’y a pas de Français de souche. §
Je vous ai écoutée avec beaucoup d’attention, essayez de faire de même pour moi, quelques instants !