Intervention de André Ferrand

Réunion du 27 novembre 2009 à 14h30
Loi de finances pour 2010 — « gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien »

Photo de André FerrandAndré Ferrand, rapporteur spécial de la commission des finances :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cette mission, récente, s’inscrira, cette année, sous le signe de la continuité.

En effet, la mission « Économie » créée par la loi de finances pour 2009, issue de la fusion de deux anciennes missions « Développement et régulation économiques » et « Pilotage de l’économie française », est reconduite sans changement en 2010.

Mon excellent collègue François Rebsamen et moi-même rapportons cette mission suivant la même répartition des tâches qu’en 2009. Aucun changement notable non plus n’est à noter sur le plan budgétaire, car les crédits proposés pour la mission s’élèvent à 1, 94 milliard d’euros, soit une évolution annuelle entre 2009 et 2010 de 0, 14 % seulement à périmètre constant.

J’évoquerai, pour ma part, les deux programmes dont j’ai la charge, le programme 134 « Développement des entreprises et de l’emploi » et le programme 223 « Tourisme », ainsi que le compte d’affectation spéciale « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien ».

La maquette budgétaire du programme « Développement des entreprises et de l’emploi » n’a pas été modifiée et, derrière un intitulé toujours ambitieux, ce programme ne regroupe au total que 1 115 millions de crédits de paiement pour 2010. Non pas que ce montant soit dérisoire, mais, en comparaison, les 74 dépenses fiscales rattachées au programme, qui constituent l’axe majeur de la politique du programme, représentent, quant à elles, 7, 8 milliards d’euros ; j’y reviendrai ultérieurement.

S’agissant du volet budgétaire, ce programme peut être qualifié de « multidirectionnel ». Il regroupe, en effet, un ensemble très divers de politiques publiques mises en œuvre par différents services de l’État : la nouvelle direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services, la DGCIS, qui regroupe depuis janvier 2009 la direction du commerce, de l’artisanat, des services et des professions libérales, la direction du tourisme et la direction générale des entreprises ; les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, les DIRECCTE, qui déclineront au niveau régional les services de la DGCIS, de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, et de la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle, la DGEFP.

Il faut noter que ce programme accueille les moyens de la DGEFP, dont le champ d’activité relève entièrement de la mission « Travail et emploi » rapportée par notre collègue Serge Dassault.

L’exercice 2010 sera marqué par l’achèvement de la dévolution de l’activité de service aux entreprises sur les marchés extérieurs à UBIFRANCE, pour laquelle une subvention de 91 millions d’euros est prévue.

Au total, le programme est composé de 12 actions aux finalités très diverses, allant du soutien au PME au développement des télécommunications, en passant par l’action en faveur des entreprises industrielles, les relations économiques avec l’extérieur ou encore la régulation des marchés et de la concurrence. Il couvre ainsi l’ensemble du champ de compétences des ministres et secrétaires d’État du ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

De ce fait, l’étendue et la diversité de tous ces dispositifs nous conduisent à nous montrer très modestes quant à notre capacité à exprimer un jugement approfondi sur leur efficacité et sur les résultats obtenus.

J’en reviens au chapitre des dépenses fiscales.

J’avais déjà regretté en 2009 que le rattachement des quelque 74 mesures du programme « Développement des entreprises et de l’emploi » – autant de niches fiscales – ait été le résultat d’une accumulation regrettable, au fil des années, de mesures supposées incitatives, dont la lecture est de plus en plus difficile pour les entreprises, appelant à un toilettage simplificateur.

Or, force est de constater que le millefeuille fiscal s’étoffe encore pour 2010 d’une nouvelle niche fiscale, et non des moindres, puisqu’il agit de l’abaissement de 19, 6 % à 5, 5 % de la TVA dans le secteur de la restauration.

Je ne relancerai pas aujourd’hui le débat sur les résultats de ce sacrifice fiscal accompli par la Nation... Le sujet a été, nous le savons, très récemment évoqué et traité dans cet hémicycle, en votre présence, monsieur le secrétaire d'État.

Le programme 223 « Tourisme » est beaucoup plus modeste, puisqu’il ne regroupe que 58 millions d’euros en autorisations d’engagement et 56, 7 millions d’euros en crédits de paiement, soit seulement 2, 9 % des crédits de la mission.

Les crédits de ce programme sont principalement axés autour de deux chantiers : d'une part, la création d’Atout France – par parenthèse, je me suis interrogé sur la pertinence d’une telle appellation, qui devra être prononcée dans diverses langues, pour un organisme à vocation internationale… –, issue de la fusion de Maison de la France avec ODIT France, qui recevra 34, 7 millions d’euros pour 2010 ; d'autre part, la construction du pavillon de la France pour l’exposition universelle de Shanghai 2010, qui mobilisera 7 millions d’euros de crédits. Le coût prévisionnel de ce projet, emblématique pour l’image de la France, s’élève, nous le savons, à quelque 50 millions d’euros.

Or, en particulier du fait de la crise, le cofinancement public-privé à 50-50 qui était envisagé se trouve largement remis en cause, les entreprises n’ayant apporté à ce jour que 5 millions d’euros... Sans faire preuve d’un excès de pessimisme, il est à craindre que l’effort de l’État ne doive être largement plus important. C’est un sujet qu’il nous faudra suivre avec attention en 2010.

S’agissant des dépenses fiscales – en l’occurrence, les taux réduits de TVA pour les séjours en hôtel ou en camping –, il faut noter que, avec 1, 86 milliard d’euros, elles représentent trente fois les crédits budgétaires et sont de très loin le premier levier d’action de l’État en matière de politique touristique.

Là encore, une évaluation de l’efficacité de ces dispositifs s’impose, en particulier dans le domaine de l’hôtellerie et des résidences de tourisme, ainsi que l’ont demandé le rapporteur général de la commission des finances et les membres de la commission de l’économie.

L’importance de l’industrie touristique pour notre pays n’est pas à démontrer. Représentant en moyenne annuelle quelque 900 000 emplois, elle apportait en 2007 à notre balance des paiements un solde excédentaire de 12, 8 milliards d’euros.

Toutefois, si nous nous enorgueillissons de demeurer la première destination touristique au monde, nous savons qu’un sérieux effort reste à accomplir en ce qui concerne la dépense moyenne par touriste étranger sur notre sol. C’est pourquoi il nous faut souhaiter le rétablissement d’un indicateur de performance qui permettrait de mesurer l’évolution du niveau de ces dépenses, car il s’agit bien là d’un objectif prioritaire.

Après l’étude de ces deux programmes, j’en viens à la présentation du compte d’affectation spéciale, le CAS, « Gestion et valorisation des ressources tirées de l’utilisation du spectre hertzien ».

Il s’agit également d’une création de la loi de finances pour 2009, et il est destiné à optimiser la gestion des bandes hertziennes et à procurer à l’État des recettes nouvelles issues de la vente de fréquences libérées aux différents professionnels de l’audiovisuel, des télécommunications et de la radio.

Si, en 2009, aucune fréquence civile ne devait être concernée, il avait été envisagé que le ministère de la défense libère des bandes hertziennes dans le cadre de la rationalisation de l’équipement futur du fantassin sur le « champ de bataille numérisé », grâce à la tenue de combat « Félin », et du système « Rubis » de communication de la gendarmerie. Les recettes correspondant au montant total attendu de ces cessions avaient été estimées à 600 millions d’euros.

Néanmoins, il faut rappeler que le CAS est demeuré inopérant en 2009, car aucune des procédures de mise sur le marché annoncées n’a encore abouti, en raison de délais de consultation plus longs que ceux qui avaient été initialement prévus.

Les opérations de cessions de fréquences ont donc été reconduites à l’identique pour 2010. Nous avions considéré que l’estimation de recettes de 600 millions d’euros pour 2009 était très approximative ; cette observation demeure évidemment valable pour 2010.

En effet, viendrait s’ajouter au produit des ventes potentielles des fréquences issues de « Félin » et de « Rubis » la cession future de tout ou partie des systèmes de communication militaire par satellite « Syracuse », dont la durée de vie est estimée à environ dix ans.

L’article 29 du projet de loi de finances pour 2010, qui relève de la première partie de ce texte, prévoit d’autoriser la cession de l’usufruit de tout ou partie des systèmes de communication militaires par satellite et, ainsi, d’élargir le périmètre du compte d’affectation spéciale, afin que celui-ci puisse accueillir ce nouveau type de recettes.

Pour le réseau satellitaire « Syracuse », le modèle économique est le suivant : la gestion du système serait confiée à un opérateur moyennant une soulte payée à l’État, dont le montant, de l’ordre de 400 millions d’euros, reste à préciser. L’État verserait ensuite une redevance annuelle, qui pourrait être comprise entre 40 millions d'euros et 70 millions d’euros, pour l’utilisation des services de l’opérateur, à charge pour ce dernier de commercialiser les capacités non utilisées, qui sont évaluées à 10 %, afin d’assurer la rentabilité économique de l’opération.

Mes chers collègues, la commission des finances ne voit aucune raison de s’opposer par principe à cette cession de l’usufruit de tout ou partie du système satellitaire de communications militaires à un opérateur, mais elle constate que le modèle économique sur lequel se fonde l’opération demeure une hypothèse qui reste à valider par l’expérimentation.

C'est pourquoi, dans la mesure où le ministère de la défense est susceptible aujourd'hui de libérer des fréquences, aucun crédit n’a été inscrit pour le désendettement de l’État en 2010, car, pour obtenir un tel résultat, il serait nécessaire que des ministères « civils » identifient et cèdent des bandes de fréquences hertziennes.

Mes chers collègues, au bénéfice de ces observations, je vous propose d’adopter les crédits du compte d’affectation spéciale, tout en souhaitant que, à l’avenir, un effort soit fourni pour libérer des fréquences civiles afin de participer au désendettement de l’État.

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