Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite axer mon intervention sur le programme « Statistiques et études économiques », qui correspond pour l’essentiel au budget de l’INSEE, l’Institut national de la statistique et des études économiques. Même s’il y a des points positifs dans ce programme, je consacrerai davantage de temps aux sujets de préoccupation.
Parmi les points positifs, je mentionnerai la modernisation des outils statistiques. La mise en cause de la sincérité et de la pertinence de l’enquête « Emploi », qui avait marqué l’année 2007, a suscité une réaction salutaire.
Des améliorations méthodologiques ont été apportées à l’enquête, reposant principalement sur un élargissement de l’échantillon. Cet indicateur essentiel est redevenu, sinon incontestable, du moins raisonnablement fiable !
Pour les prochaines années, un axe d’évolution des indicateurs statistiques a été tracé par la commission pour la mesure des performances économiques et du progrès social, qui a remis son rapport le 14 septembre dernier.
Le « rapport Stiglitz », du nom du président de cette commission, que mon collègue a déjà citée, affirme qu’il est temps pour notre système statistique de mettre davantage l’accent sur la mesure du bien-être de la population que sur celle de la production économique. Il ajoute que ces mesures du bien-être doivent de surcroît s’inscrire dans une perspective de soutenabilité.
Les suites de ce rapport sont un défi stimulant pour l’INSEE, qui ne peut toutefois s’engager dans cette voie qu’en partenariat avec l’OCDE, Eurostat et l’ONU.
Je veux également saluer la mise en place de l’Autorité de la statistique publique, créée par la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie. Ses neufs membres ont été nommés au mois de mai dernier. Son président est M. Paul Champsaur, et le délégué désigné par le président du Sénat est notre ancien collègue Yves Fréville.
Il est encore trop tôt pour apprécier l’action de cette Autorité, qui travaille actuellement à définir son programme, mais sa création est de nature à garantir l’indépendance de l’INSEE.
Parmi les sujets de préoccupation, je mentionnerai d’abord le fait que l’INSEE connaît une fin d’année difficile, en raison de la régulation budgétaire. Sa dotation initiale pour 2009 s’élevait à 418, 7 millions d’euros en crédits de paiement. Plusieurs mouvements de crédits sont venus réduire cette dotation de plus de 15 millions d’euros, tandis que les fonds de concours rentrent difficilement dans les caisses.
Or, le budget pour 2010 s’annonce à son tour insuffisant. Il est présenté en très légère baisse de 0, 05 %, pour s’établir à 418, 5 millions d’euros en crédits de paiement.
L’évolution des emplois demeure orientée à la baisse comme les années précédentes, avec la suppression nette de 203 emplois, qui ramène le total à 5 487 emplois équivalents temps plein.
Mais le point le plus préoccupant, à mes yeux, est encore le projet de délocalisation d’une partie des services de l’INSEE à Metz. Décidée au plus haut niveau de l’État, cette délocalisation administrative concernera les statistiques sociales et locales, les produits de diffusion, une partie des ressources humaines et la production informatique.
Au total, 625 emplois seront ainsi délocalisés d’ici à 2013. Il ne devrait pas y avoir de départ contraint, puisque tout mouvement se fera, en principe, sur la base du volontariat.
Or, ce genre de délocalisation entraîne des coûts élevés, qu’il s’agisse des coûts de recrutement et de formation des nouveaux personnels, ou du coût qualitatif que représente la perte du savoir-faire des personnels d’origine.
Par ailleurs, les gains à attendre d’une telle opération pour le réseau statistique régional sont peu probants. En effet, 70 % des effectifs du service statistique public sont d’ores et déjà localisés en dehors de la région d’Île-de-France, ainsi qu’environ la moitié des personnels d’encadrement.
On va donc prélever aussi sur les directions régionales de l’INSEE pour constituer le centre statistique de Metz. Paradoxalement, le regroupement dans cette ville des personnels chargés des statistiques sociales et locales aura pour effet de les rendre moins proches du terrain qu’ils ne le sont actuellement en étant implantés dans les régions.
L’indépendance nécessaire du service public de la statistique ne peut pas reposer uniquement sur la conscience professionnelle des agents de l’INSEE ni sur l’action de l’Autorité de la statistique publique, dont l’efficacité reste encore à démontrer. Concrètement, l’indépendance de l’INSEE dépend aussi des moyens que le Gouvernement veut bien lui accorder.
Or, les effets de la stagnation des crédits et de la diminution des emplois seront aggravés pas une délocalisation administrative hâtivement décidée.
C’est pourquoi je voterai, pour ma part, contre l’adoption des crédits de la mission « Économie », la majorité de la commission ayant, quant à elle, émis un avis favorable.