Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’année 2009 aurait pu, avec l’adoption de la loi de modernisation des services touristiques, être une année importante pour le tourisme. Mais il aurait fallu pour cela que le Gouvernement consente à y investir les moyens nécessaires plutôt que de faire de la baisse de la TVA sur la restauration et de l’ouverture dominicale l’axe de la politique touristique.
Pour 2010, le budget dévolu au tourisme est une fois de plus inconséquent : moins de 60 millions d’euros, soit une baisse sensible par rapport à l’an passé. Le phénomène est récurrent !
Au regard de l’importance de ce secteur dans notre économie et, puisqu’il s’agit d’un des rares postes de notre balance commerciale excédentaire, ce secteur mériterait de recevoir plus que 0, 02% du budget de l’État !
Le solde de la balance commerciale touristique a baissé de 30 % : c’est une alerte sérieuse !
Monsieur Ferrand, vous avez indiqué tout à l’heure que les dépenses fiscales représentaient trente fois le montant de ce budget. À cet égard, je ferai deux observations.
Premièrement, je ne comprends pas pourquoi le taux réduit de TVA au profit de la fourniture de logements dans les hôtels et l’hôtellerie de plein air, pour un montant de 1, 76 milliard d’euros, devrait être considéré comme un élément de compétitivité. Il s’agit d’une mesure communautaire, applicable dans l'ensemble des États membres, et non d’une mesure fiscale de nature à contribuer spécifiquement au développement de notre politique touristique.
Deuxièmement, on ne mène pas une politique de structuration d’un secteur avec des dépenses et des niches fiscales, dont l’efficacité est d’ailleurs très difficile à évaluer, exception faite de l’ANCV, l’Agence nationale pour les chèques-vacances, qui représente le cercle vertueux en la matière ; j’y reviendrai dans un instant.
Dans un contexte budgétaire tendu et alors que les consommateurs n’ont pas vu les résultats escomptés sur les prix pratiqués, la commission des finances du Sénat a souhaité rétablir la TVA à 19, 6 % dans la restauration. En l’absence de contrainte, je doute de l’efficacité d’un tel sermon. Lors des récents débats, les amendements du groupe socialiste visant à conditionner cette diminution fiscale à de réels engagements n’ont malheureusement pas été adoptés. C’est bien dommage, car nous n’en serions pas là aujourd'hui.
Le seul indicateur concluant de ces dépenses fiscales concerne l’exonération des cotisations sociales sur la part patronale des chèques-vacances. Ces derniers bénéficient à 7 millions de personnes, dont 2 millions, selon les estimations, ne partiraient pas sans cette aide. D’après la dernière enquête de l’ANCV, un foyer qui bénéficie de 312 euros de chèques-vacances en dépense 1 255. Cette mesure d’exonération, que j’ai longtemps appelée de mes vœux, aurait pu constituer un élément majeur du plan de relance, tant l’effet de levier est important en termes de consommation touristique.
Au regard du bleu budgétaire, force est de constater que la montée en charge du dispositif d’exonération est laborieuse, puisque le surcoût prévu pour 2010 s’élève à 10 millions d’euros. La conclusion provisoire que je peux en tirer est donc malheureusement négative : l’année prochaine, cette mesure n’aura qu’un effet marginal sur la relance. C’est vraiment dommage, car elle est la parfaite illustration des aspects positifs d’une politique de redistribution sociale en direction des classes moyennes et populaires : l’exonération fiscale consentie contribue à une meilleure justice sociale, bénéficie aux opérateurs touristiques en créant de l’activité et, par voie de conséquence, aux finances publiques par le biais tant de la TVA que de l’impôt sur les sociétés.
C’est exactement l’inverse du bouclier fiscal, qui ne sert qu’à gonfler l’épargne des plus riches, et de l’application de la TVA à taux réduit sans contrepartie à la restauration, qui ne profite qu’aux restaurateurs tout en lésant le budget de l’État de 3 milliards d’euros par an ; autrement dit, ce n’est rien d’autre qu’un hold-up fiscal.
La contraction budgétaire générale est d’autant plus douloureuse qu’elle s’accompagne de la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques. Si j’ai soutenu la création d’Atout France, dans la mesure où nous avions effectivement besoin d’un opérateur unique, la dissolution de la direction du tourisme et de ses services déconcentrés est préjudiciable à nos territoires. La RGPP se traduit déjà par un véritable gaspillage au sein du ministère, où plusieurs équipes travaillent sur les mêmes dossiers, et risque d’aboutir à la disparition des savoir-faire et à la dilution des responsabilités. Nos territoires n’auront plus d’interlocuteur dédié et expérimenté pour les accompagner dans leur projet de valorisation de leur patrimoine.
En effet, les emplois qui figuraient encore l’an passé sur le programme 223 « Tourisme » ont été transférés en 2009 vers le programme 134 « Développement des entreprises et de l’emploi ». Cela signifie clairement que le temps des fonctionnaires spécialisés et expérimentés en matière de tourisme, domaine économique où la dimension ingénierie et technique s’avère majeure, est désormais révolu.
Comment s’étonner, dès lors, que les collectivités locales créent les emplois que l’État supprime et s’organisent pour assumer les responsabilités que les services de ce dernier délaissent ?
Enfin, la très grande modestie des moyens d’Atout France, inférieurs à 43 millions d’euros, nuance sensiblement l’enthousiasme et l’ambition qui présidaient à sa création. À titre de comparaison, notons que son homologue espagnol bénéficie d’un budget de 225 millions d’euros.
Cette année, la France a conservé sa place de première destination touristique mondiale. Mais, au vu des budgets qui se succèdent, on peut se demander pour combien de temps encore, d’autant que, je le rappelle, la part du tourisme dans la balance commerciale chute, ce qui est préoccupant pour l'avenir. C’est la raison d’être des deux questions que je souhaite vous poser
Premièrement, en regard du véritable fiasco du contrat d’avenir prévu en contrepartie de la baisse de la TVA, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre ? M. Novelli étant connu, et reconnu, pour son pragmatisme, il devrait tout naturellement tirer les conséquences de ce dispositif qui ne convient pas !
Deuxièmement, quels moyens va-t-il mettre en œuvre pour promouvoir les chèques-vacances dans les entreprises de moins de 50 salariés ?